Le secret aura tenu 500 ans. Le roi d’Espagne Ferdinand II écrivait des lettres cryptées à ses militaires, à l’époque des conquistadors, qui au XVe et XVIe siècle ont conquis les territoires du Nouveau Monde, en Amérique. Ferdinand II était notamment considéré comme le parrain du célèbre navigateur, Christophe Colomb, en 1492, dont les voyages auront lancé la colonisation de l’Amérique par les Européens et notamment les Espagnols.
Les services de renseignement espagnols viennent de réussir à décrypter les lettres échangées entre Ferdinand II et l’un de ses plus fervents commandants, Gonzalo Fernández de Córdoba.
Depuis des siècles, personne n’avait été capable de déchiffrer leur correspondance. Le système de codage contenait plus de 200 caractères et la table de substitution utilisée par le roi pour créer le code n’avaient pas été conservés.
Des « lettres combinées »
Ces lettres avaient été récupérées par le musée de l’Armée à Tolède. En 2015, des experts du Centre national de renseignement espagnol (CNI) ont été sollicités pour tenter de les décrypter. Et ils y sont parvenus.
Le musée avait fourni au CNI deux lettres écrites en 1502 et 1506. Au pied d’une lettre de Cordoue, signée du grand Capitaine, les experts ont d’abord réussi à déchiffrer quelques phrases. Au total, 88 symboles différents et 237 « lettres combinées » ont été utilisés pour créer le « code du grand capitaine », révèle le quotidien national espagnol, ABC. Les lettres cryptées étaient un système courant à l’époque, mais les experts qui ont percé à jour le code l’ont qualifié de « très bien pensé ».
Dans ces lettres, les spécialistes du renseignement espagnol ont trouvé des ordres, des menaces et des instructions pour les engagements militaires. La découverte a été décrite, par le journalABC, comme la « résolution d’un des plus grands mystères de lhistoire de lEspagne ».
Le code développé par le roi est même considéré comme précurseur du « chiffre de Vigenère », un système de chiffrement polyalphabétique, tiré du nom du diplomate Blaise de Vigenère, qui le décrit dans son traité des chiffres paru en 1586. C’est un chiffrement par substitution : une même lettre du message peut, suivant sa position, être remplacée par des lettres différentes. Cette méthode aurait même pu résister à l’analyse de fréquences. Ce qui lui offrait une incroyable garantie de sécurité pour l’époque.
Ce décryptage devrait désormais permettre aux historiens d’éplucher d’autres lettres de l’époque et ainsi découvrir tout un pan de l’histoire de l’Espagne.