Ce pourrait être un empilement de charpentes, canons, mille et un objets de toutes sortes et, certainement, squelettes humains… Le tout enfoui sous plusieurs mètres de sédiments, par quarante mètres de fond. Voilà comment Michel L’Hour, l’œil pétillant, décrit ce à quoi devraient ressembler les épaves de La Cordelière et du Regent.
Les deux bâtiments, rappelle le directeur du Département de recherches archéologiques sous-marines du ministère de la Culture (Drassm), gisent, depuis cinq siècles, quelque part entre le goulet de Brest et la pointe Saint-Mathieu. « On a sous l’eau les deux plus grands musées de l’histoire du XVIsiècle », résume l’archéologue.

L’archéologue Michel L’Hour, et Anne Gallo, vice-présidente du Conseil Régional.

Au terme d’un affrontement dramatique, le 10 août 1512, les deux navires ennemis ont explosé et sombré. La Cordelière, nef de 40 mètres et 600 tonneaux, avait été construite au Dourduff, sur la rivière de Morlaix, sur ordre d’Anne de Bretagne, devenue Reine de France. Le Regent était, quant à lui, rien moins que le navire amiral de la flotte anglaise.
De nouvelles recherches
Henri VIII avait envoyé sa marine attaquer, par surprise, la flotte française qui mouillait dans la rade de Brest. Pour couvrir la retraite des autres navires, le capitaine de La Cordelière, Hervé de Portzmoguer, avait affronté les Anglais, seul avec son équipage. On estime qu’environ 1 500 hommes ont péri dans ce naufrage.
Plusieurs tentatives, dans les années 1990 et 2000, n’ont pas réussi à localiser les deux épaves. Décidée à valoriser son patrimoine maritime, la Région Bretagne, associée au Drassm, s’apprête à lancer une nouvelle campagne de recherches.


Du 20 juin au 14 juillet, l’André Malraux, navire d’exploration archéologique du ministère de la Culture, va sillonner un rectangle de 25 kilomètres carrés, situé près de l’entrée du goulet de la rade. Ses sonars vont balayer les fonds et dresser un profil détaillé des fonds marins, tandis que les magnétomètres détecteront la présence de métal. « Toute la difficulté, explique Michel L’Hour, sera d’interpréter les données. Le risque est de ne pas voir ce qu’on a sous les yeux ou de surinterpréter les données et de déclencher des opérations de recherche coûteuses… »
« Un jour quelqu’un trouvera… »
Cette fois, les moyens engagés sont « exceptionnels », souligne Anne Gallo, vice-présidente du Conseil Régional. Des historiens de l’Université de Bretagne Sud et GIS d’histoire maritime mènent, parallèlement, des recherches dans les archives, françaises et britanniques. Des étudiants et chercheurs de l’Ensta de Brest mettent au point des robots spécialisés. L’Ifremer et le Shom (service hydrographique de la Marine) apportent leur concours. Deux autres campagnes de recherches sous-marines sont déjà envisagées dans les années à venir.
S’il ne cache pas son enthousiasme et jure « qu’un jour quelqu’un les trouvera », Michel L’Hour veut rester prudent, sachant combien l’entreprise est incertaine. Néanmoins, affirme l’archéologue, « même si on ne trouve pas, on aura satisfait à nos obligations, tant La Cordelière a motivé de nombreuses recherches scientifiques ».