« À un moment, je me suis dit : oh, mon Dieu, cest fini… » Chip Fletcher, climatologue de l’Université d’Hawaï, interrogé par le site Honolulu Civil Beat, est encore sous le choc. Début octobre, l’ouragan Walaka, classé en catégorie 5, a ravagé l’archipel d’Hawaï et englouti une de ses îles, East Island.
Située à 885 km au nord d’Honolulu, l’île était déjà identifiée par les chercheurs comme « à risque ». Chip Fletcher, qui avait fait des recherches en juillet, savait que ce banc de sable de 4,45 hectares se retrouverait un jour sous l’eau. Mais il pensait que ça prendrait une vingtaine d’années…
L’île n’est plus habitée depuis 1952, date de fermeture d’une station radar des garde-côtes américains. Mais sa disparition a tout de même des conséquences dramatiques. East Island faisait partie du Monument national marin de Papahanaumokuakea – une aire marine inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco – était un haut lieu de reproduction d’espèces en voie de disparition.
« Une faille de plus dans la diversité des écosystèmes »
« C’est une faille de plus dans la diversité des écosystèmes de cette planète qui est en train dêtre démantelé », assure Chip Fletcher. Environ la moitié des tortues marines vertes hawaïennes pondait sur l’île. Et un septième des phoques moines hawaïens en danger critique d’extinction y sont nés, selon Charles Littnan, biologiste de la conservation à l’Administration nationale océanique et atmosphérique (NOAA), interrogé par Honolulu Civil Beat. Soit 113 tortues et 220 phoques cette année selon des chercheurs.
« Heureusement les phoques et les tortues qui dépendent des bancs de sable de la Frégate française [nom du haut-fond hawaïen de cette zone, appelé ainsi en mémoire de La Pérouse et de ses navires, NdlR] vont très bien – pour l’instant – car la plupart étaient déjà partis pour la saison avant que la tempête ne frappe. Les espèces sont résilientes jusqu’à un certain point, rassure le biologiste. Mais il pourrait y avoir un moment où ce ne sera plus suffisant. »

East Island en mai puis en octobre 2018, avant et après le passage de l’ouragan Walaka. (Photo : Nathan Eagle / Twitter)

La faute au réchauffement climatique ? « La trajectoire de louragan n’a pas été déterminée par le changement climatiquereconnaît le climatologue. Mais sa force résultait du réchauffement de locéan et de la hausse des températures mondiales, qui rendent les tempêtes plus intenses. »
Du jour au lendemain
Cette île n’est pas la première de la zone à disparaître. L’île Whale Skate s’était lentement érodée jusqu’à sa submersion à la fin des années 1990. Ce qui frappe avec East Island, c’est la soudaineté de la disparition : du jour au lendemain !
Les autorités disent ne pas pouvoir estimer le coût et les conséquences de cette disparition avant de s’être rendues sur place, afin d’évaluer les dommages. Une équipe de recherche travaillant sur les débris marins a néanmoins survolé les lieux cette semaine et déjà pu fournir quelques observations préliminaires : ils craignent que plusieurs tonnes de sédiments n’aient recouvert le récif corallien alentour.
Même si East Island réapparaît, il faudra du temps pour qu’elle se régénère et redevienne stable. Et il faudra des années pour que les coraux environnants récupèrent. Randy Kosaki, chargé de la recherche et des opérations sur le terrain pour la NOAA, veut faire de l’île un symbole pour éveiller les consciences et alerter les populations : « Le message à retenir est que le changement climatique est réel et quil est en train de se produire maintenant. »