Le navire « Marie Cordelière » est un navire de la flotte bretonne construit en 1498 sur ordre de la duchesse Anne de Bretagne, c’était le fleuron de la flotte bretonne et un des navires de guerre les plus puissants et impressionants de l’époque. Ce bâteau est célèbre pour le dernier combat qu’il a mené le 10 août 1512 et qui porte son nom « Le combat de la Cordelière ».
Découvrons ce navire pour commencer, puis nous aborderons son célèbre combat qui lui a coûté la vie et à tout son équipage. Nous terminerons par la légende ce combat, car ce combat, bien qu’historique, a donné lieu à de multiples variantes et interprétations plus proche du mythe que de la réalité historique...
Le navire « Marie Cordelière »
D'abord le nom du navire :
c'est une combinaison de « Marie » et de « Cordelière ».
La première partie, « Marie », a été donnée par Anne de Bretagne pour sa dévotion à la sainte Vierge.
La seconde partie, « Cordelière », est en hommage à l’ordre de Chevalerie du même nom. L’ordre de La Cordelière, crée en 1498, était l’ordre personnel de la duchesse Anne, c’est avec l’Ordre de l’Hermine un des deux ordres bretons les plus réputés. Le navire n’a pas toujours porté ce nom, pendant sa construction on lui a aussi attribué successivement les noms de « La Nef de Morlaix », « La Mareschalle », « La Nef de la Royne », mais la Duchesse Anne débaptisa le navire pour lui donner son nom final, « Marie La Cordelière ».
Le navire en lui même était le fleuron de la flotte bretonne. C’est une nef de 700 tonnes construite en rade de Morlaix par le célèbre Nicolas Coëtanlem. Tout est réuni pour faire de cette nef un des plus beaux navires de l’Océan : harmonie des formes, luxe d’architecture et puissance d’armement. Le navire fait une quarantaine de mètres de longueur, il est large de 10 à 12 mètres et équipé sur ses flancs de modernes sabords pour l’artillerie embarquée (200 pièces d’artillerie, 16 canons de gros calibre, 14 bombardes à roue, et autres pièces d’artillerie plus légères). En temps normal le navire accueillait environ 1000 hommes d’équipage, dont 800 matelots et 200 canoniers et arquebusiers.
L’illustration à droite est un dessin d’Hervé Le Gall représentant Hervé de Portzmoguer
Le Commanen du navire : en 1508, la Duchesse Anne confère le commandement de ce navire de guerre breton à l’un des plus loyaux et valeureux serviteurs de son pays : le capitaine de Hervé de Portzmoguer (Porzhmoger en breton), et le nomme « maître après dieu » de ce vaisseau breton. Hervé de Portzmoguer était issu d’une noble famille du Bas-Léon. Sa seigneurie voisine le village actuel de Plouarzel, non loin de la pointe de Corsen. C’était un corsaire redoutable, craint des Anglais, qui avait déjà prouvé son talent au combat sur terre et sur mer. Sa devise était à juste titre « VAR VOR HA VAR ZOUAR » (Sur terre et sur mer).
Les succès militaires du navire breton : en plus de la protection constante des côtes bretonnes, la Duchesse Anne prêta par deux fois la flotte bretonne au roi de France pour des campagnes militaires de grande envergure. La première fois dès la fin de la construction du navire, la flotte bretonne (Marie Cordelière en tête) fit merveilles en Méditerranée lors de « La grande aventure du recouvrement des deux Siciles ». La seconde fois, 14 nefs bretonnes conduites par La Marie Cordelière livrèrent une bataille terrible aux Turcs de Mytilène sous les murs de Métélin.
Le combat de « La Cordelière »
Ce combat s’est déroulé au large de la pointe Saint-Mathieu, le 10 août 1512 en pleine guerre d’indépendance bretonne (1465-1532). La France et la Bretagne étaient en train de préparer depuis plusieurs mois une flotte commune pour frapper un grand coup contre L’Angleterre. Le roi anglais Henri VIII, mis au courant par son service d’espionnage de ce projet, envoi une flotte de guerre pour attaquer la flotte pendant qu’elle est au mouillage. Le combat opposa donc ces forces anglaises d’Henri VIII, aux forces bretonnes de la duchesse Anne alliées aux forces françaises du Roi Louis XII. La flotte anglaise étant en surnombre, le navire breton Marie La Cordelière (qui n’était pas le navire amiral du côté de l’alliance britto-française) se retrouva seul face aux anglais pour couvrir la retraite du reste de la flotte.
Le 10 août 1512, la flotte britto-française composée de 22 vaisseaux est au mouillage en rade de Brest. Le navire Marie Cordelière est plus avancé à quelques encablûres. La flotte anglaise composée de 25 navires de guerre arrive par surprise. En plus des 25 navires de guerre, la flotte anglais compte également 26 navires marchands flamands capturés par les anglais remplit de troupes et de munitions, ces navires sont sans aucune valeur militaire, mais de loin c’est une flotte de plus de 50 navires qui arrive dans la surprise la plus générale pour attaquer la flotte britto-française.
Devant son infériorité, la flotte franco-bretonne n’a pas d’autre choix que de fuir pour trouver abri à Brest. Instantanément, de Portzmoguer choisit d’engager le combat pour couvrir la fuite du reste de la flotte afin d’en sauver le plus possible. La Cordelière est rejoint par le vaisseau amiral de la flotte française, La Louise, ainsi qu’un intrépide bâtiment, la nef de Dieppe, dont le capitaine refuse de laisser les deux chefs se battrent seuls.
A bord de La Cordelière, de Portzmoguer a toujours 300 invités, les femmes et les enfants vont se mettre en sécurité dans les quartiers des officiers, pendant que les hommes se voient confier des sabres de marine en vue du combat. Les deux plus gros navires anglais, Le Regent et le Sovereign, se jettent sur La Cordelière, accompagnés d’une nef imposante le Mary James. Pendant ce temps là, le navire amiral français La Louise est attaqué par le navire amiral anglais, le Mary Rose, qui décapite dès les premiers coups de canons le mât du navire français, l’obligeant à fuir et à laisser le navire breton La Cordelière seul avec la petite Nef de Dieppe face à l’armada anglaise.
Assailli par plusieurs navires, le vaisseau breton leur tient longtemps tête grâce à sa puissante artillerie. La Nef de Dieppe attaque intrépidement les navires anglais deux fois plus gros qu’elle, et leur fait de cruelles avaries en cherchant à soulager quelque peu La Cordelière. De Portzmoguer réussit à faucher toute la mâture du Mary James en une seule attaque et à le couler, c’est ensuite le tour du deuxième plus gros vaisseau anglais de se faire trancher et couler par les canons bretons de La Cordelière. Mais il reste Le Regent, et le Marie Cordelière a déjà subit des dégâts considérables face à l’armada anglaise.
Pendant que le combat continue, les anglais hésitent, et c’est de Portzmoguer qui va ordonner l’abordage du Regent, les deux navires sont maintenant liés et le resteront jusqu’à la fin. Les Bretons se battent contre les anglais, mais malgré le renfort des 300 invités, les Anglais sont supérieurs en nombres. Les Anglais rassemblent les pelotons envoyés des autres navires, et c’est en colonne de 400 combattants tout frais qu’ils se lancent à l’assault du Cordelière. Le Marie Cordelière, comme le Regent, sont en loque et ne sont plus qu’un charnier de morts, de mourants, et de blessés.
Et c’est là qu’arrive l’explosion, alors que les Anglais continuent d’aborder le Marie Cordelière, une formidable explosion fait jaillir en milliers de débris le navire breton et le navire anglais qui lui été attaché, tuant ainsi la quasi totalité des Bretons qui n’étaient pas encore morts au combat parmi les 1250 Bretons à bord du vaisseau, ainsi que plusieurs centaines d’Anglais dont le chiffre exact n’est pas connu (700 hommes d’équipage sur le Regent plus les centaines de soldats venant des autres navires pour aborder La Cordelière).
La légende veut que, voyant la partie perdue, Portzmoguer fit mettre le feu à la Sainte-Barbe de son vaisseau. La Cordelière explose, entraînant le Regent dans son naufrage
La Légende de La Cordelière
Ce combat et son capitaine sont devenus un véritable mythe en Bretagne, l’événement ayant à l’époque touché toute l’Europe, et les conteurs se sont emparés de l’événement et l’ont peu à peu mystifié au fil des siècles. Il s’agit pourtant d’une bataille où beaucoup de traces écrites existent, que ce soit dans les archives bretonnes de l’époque, ou encore les archives anglaises et françaises.
Certaines versions parlent uniquement d’une attaque anglaise pour ravager les côtes bretonnes, mais elles omettent la vraie raison de l’attaque. Le roi anglais, renseigné par son service d’espionnage, avait eu vent de l’entraînement depuis plusieurs mois d’une alliance entre les flottes bretonnes et françaises en vue de porter un grand coup à l’Angleterre. Il décida donc d’attaquer le premier cette flotte pendant qu’elle était au mouillage afin d’avoir l’avantage militaire et la surprise.
Le nombre des invités à bord varie selon les versions, certaines versions parlent de plus de 1500 Bretons à bord du navire, certaines versions disent que la famille du capitaine Hervé de Portzmoguer n’était pas à bord… Il y avait en réalité 950 hommes d’équipage ce jour là, et 300 invités à bord du Marie Cordelière le jour de l’attaque, soit un total de 1250 Bretons environs. Parmi ces 300 invités, toute la famille du capitaine Hervé de Portzmoguer était présente, ainsi que beaucoup de seigneurs bretons du Léon. L’attaque anglaise ayant été une surprise totale, le capitaine Hervé de Portzmoguer n’eu pas le temps de débarquer ses invités et dû aller au combat immédiatement pour sauver le maximum de la flotte britto-française.
Primauguet est le nom francisé du capitaine Hervé de Portzmoguer, cette étrange francisation a été faite par la République française, ce nom fut ensuite donné à plusieurs unités de la marine française.
La flotte britto-française : Certains textes parlent uniquement d’une flotte français avec quelques vaisseaux bretons. A cette époque, la Bretagne était encore indépendante, et la flotte bretonne n’obéissait qu’à la seule Duchesse Anne. Cette flotte devait être la première flotte commune entre la Bretagne et la France, c’était une volonté de la Duchesse Anne de Bretagne, et du roi de France Louis XII. Cette flotte franco-bretonne ou britto-française était composée d’une vingtaine de navires bretons et français. Les Bretons sous les ordres du capitaine Hervé de Portzmoguer, les français sous les ordres de René de Clermont, et les deux hommes Portzmoguer et Clermont essayant avec le plus grand mal pendant des mois de faire fonctionner cette flotte qui n’était pas composée de vaisseaux combattant habituellement côte à côte.
La fin tragique : C’est probablement la partie où la vérité historique ne sera jamais connue. Le capitaine Hervé de Portzmoguer a t’il délibérément choisi de faire exploser son navire pour couler le navire anglais avec lui, on ne le sait pas et on ne le saura jamais. Ce qui est sûr, c’est qu’une formidable explosion jaillit du Marie Cordelière, et fit exploser en milliers de débris le navire breton et le navire anglais qui lui était accroché. L’Anglais Wolsey a écrit « Un qui aima mieux sauter que de se rendre… », et des témoignages des survivants bretons de l’époques auraient rapporté les dernières paroles de Portzmoguer « Nous allons fêter saint Laurent qui périt par le feu ! ».
Sources et matière :
Les circonstances du combat, par le Groupe de Recherche en Archéologie Navale, http://www.archeonavale.org/pdf/cordeliere/circonstances.pdf
Le combat de la Cordelière, par l’Institut Culturel de Bretagne, http://www.skoluhelarvro.org/culture-bretagne/batailles/detail.php?id=44
Chanson Marie Cordelière, par Duo stetrice, album « Naoned e Breizh », http://www.stetrice.com/crbst_1.html
Marie La Cordelière, étude pour une histoire de la marine française,
http://www.culture-bretagne.net/wp-content/uploads/2012/04/Marie_la_Cordelière_XVIe_siècle.pdf (numérisé par Google books)
-> Attention, ce livre date du XIXème siècle, il est intéréssant pour les détails du combat qu’il apporte, mais il est beaucoup plus « léger » sur le contexte historique, à cette époque la Bretagne n’était pas rattachée à la France, l’auteur par méconaissance historique ou par volonté manifeste considère la Bretagne et la flotte bretonne comme française à cette époque sans plus de précisions.
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