jeudi 18 septembre 2014

MYTHé S'EN VA-T-EN GUERRE : MAMAN, MON IDOLE




















 les mois se suivent, le pays est en guerre …

Les Allemands bombardent Calais, Boulogne et Dunkerque…Ils envahissent par les airs la Hollande et la Belgique…

Il paraît qu'à Notre-Dame de Paris il y avait foule à la messe où l'on a vu monsieur Paul Reynaud entouré de ministres radicaux et d'évêques implorant pour la France la protection de la Vierge….Au Sacré-Cœur on a joué la Marseillaise aux grandes orgues !

Les combats font rage dans les Ardennes le long de la ligne Maginot. C'est là le point faible de la défense française…
Les troupes françaises progressent en Belgique.
Le poste de TS.F. est devenu le centre du foyer familial : on veut entendre les nouvelles…
On rediffuse le communiqué du Quartier Général français :
« de Namur à Mézières, l'ennemi a réussi à établir deux petites têtes de pont, l'une à Houx, au nord de Dinant, l'autre à Monthermé. Une troisième, plus importante, a été réalisée dans le bois de Marfée, près de Sedan… »

Une armée de chars, des avions qui bombardent partout…
Personne n'oubliait ce qui s'était passé en Pologne quand la cavalerie a chargé les blindés allemands…massacrés, ils ont tous été massacrés…

Le 14 mai 1940 on apprend que la France a perdu la guerre ! Depuis l'offensive du 10 mai les français se trouvaient face aux troupes de Guderian. Malgré la censure des journaux et de la radio on apprenait que des milliers de soldats français se faisaient tuer pour rien sur les routes de la Meuse et de la Somme. Les informations les plus alarmantes circulaient, colportées par des hordes de fuyards : pillages de villes et de villages, , bombardements incessants, écrasement de la IXème armée commandée par Corap puis par Giraud qui tentait en vain d'en rassembler les débris, effondrements de la IIème armée commandée par le général Huntzinger, espions que l'on voit partout, enfants perdus, vieillards et malades abandonnés…

Un instant rassurés par le limogeage de Gamelin, et surtout par l'arrivée comme vice-président du conseil du maréchal Pétain, la panique avait été la plus forte.
On essayait de comprendre ce qui s'était passé depuis que les Allemands avaient envahi la Belgique et le Luxembourg…Parties pour faire leur devoir, les troupes devaient se replier…De soldats ils étaient devenus des fuyards ! Parmi les colonnes de réfugiés…Partout, des voitures bondées, des motos, des vélos, des valises, des sacs empilés…hommes, femmes en pleurs, enfants hurlant se traînant à pied le long des routes, errant dans une chaleur terrible…
« De jour en jour les bombardements ennemis se multiplient, les villages déserts sont mis à sac, il ne reste que les animaux : cochons, veaux errants, poulains affolés, vaches meuglantes attendant une improbable traite… »

Le moral est plutôt sombre : les bombardements de Hollande et de Belgique, l'occupation d'Amiens, d'Abbeville, de Boulogne, de Calais, les divisions alliées pratiquement encerclées dans les Flandres, le limogeage de Gamelin, son remplacement par le « jeune » Weygand…
Est-ce que l'espoir et l'honneur de la France seront sauvés par la nomination du maréchal Pétain à la vice-présidence du Conseil ?...

Le mois de juin débute
Un conseil doit se tenir à Paris avec Churchill et trois de ses plus proches collaborateurs…
-qu'est-ce que cela va donner ?
-pas grand-chose à mon avis : Reynaud souhaite obtenir de nouveaux avions de la RA.F. Et il ne les obtiendra pas ! De même qu'il n'obtiendra pas que les troupes françaises bloquées à Dunkerque soient évacuées en même temps que les troupes britanniques…
-alors ?pourquoi cette rencontre ?
-pour ne pas perdre le contact, pour essayer de connaître la position exacte de nos alliés, savoir quelle serait leur attitude en cas d'armistice séparé.
-armistice séparé ?!
-on en parle…

Bientôt il fallut se rendre à la mairie retirer des cartes d'alimentation…sans cette feuille de coupons de couleur jaune collée à l'intérieur de la carte : pas de sucre ! Déjà le lait, le café et le beurre se faisaient rares…

Les Allemands occupent Dieppe, Compiègne et Rouen, et même Forges-les-Eaux !
A la radio on vient d'annoncer le départ du maréchal Pétain et du gouvernement pour la Touraine…

- il paraît que des groupes lamentables se traînent sur les routes de campagne, poussant des voitures d'enfants, des charrettes à bras, des brouettes même, surchargées de pauvres trésors : pendule, machine à coudre, baromètre, bocal à poissons rouges, matelas roulé, portrait d'ancêtre, photo de mariage, cage à oiseau, poupée, tapis…beaucoup d'enfants au teint pâle, de femmes au visage fatigué, de vieillards exténués…un véritable flot humain !
Les rumeurs les plus fantastiques circulaient…
- les Boches sont à Enghien
- non ils sont à Anvers
- ils ont fait sauter les dépôts de pétrole autour de Paris
- on a bombardé Versailles !
- il n'y a plus de train…
- on a fermé les grilles des gares…

238 trains supplémentaires avaient été prévus gare d'Austerlitz et gare Montparnasse…un train quittait Paris toutes les cinq minutes !

C'était l'exode !...


        



17 juin 1940

A midi et demi le maréchal Pétain parle à la radio :

«  Français, Françaises, à l'appel de monsieur le Président de la République j'assume à partir d'aujourd'hui la direction du Gouvernement de la France. Sûr de l'affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, sûr que par sa magnifique résistance elle a rempli ses devoirs vis-à-vis de nos alliés, sûr de l'appui des anciens combattants que j'ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.
En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec moi, entre soldats, après la lutte et dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. Que tous les Français se groupent autour du Gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n'obéir qu'à leur foi dans le destin de leur patrie. »


Quand la voix chevrotante et cassée s'arrête, tous ont la tête baissée…sur beaucoup de visages les larmes coulent…
Larmes de honte pour la plupart
Cependant qu'un lâche soulagement peu à peu les envahit…

-  Il faut cesser le combat » ! Est-ce que cela veut dire que la guerre est finie ?
- Oui ! Mais qu'on l'a perdue ….

Ce n'est pas avec des prières qu'on gagne les guerres !
Mais avec des avions, des chars, des chefs !
-tu les as vu dans le ciel nos avions ? Et nos chars tu les as vus sur les routes ?!
Et nos chefs, tu les as vus à la tête de nos troupes ? Tous ceux qu'on a vus fuyaient ! Et nos soldats, tu les as vus nos beaux soldats, avec leurs uniformes dépareillés, leurs armes démodées, sales, les pieds en sang…
Cette guerre, personne ne l'a voulue…
Et on va accepter la fin de la guerre, comme ça !?



Pendant ce temps de réflexion les commentaires allaient bon train :
-…avec lui, on est sauvé…
- …tu te rends compte, il fait don de sa personne à la France...
- …c'est un vrai patriote...
-…avec le maréchal au Gouvernement on n'a rien à craindre...
-…il est temps que les affaires reprennent...
- je crains que les Allemands se montrent très durs avec nous
- pourquoi ?
- parce qu'ils sont vainqueurs partout et qu'ils n'ont certainement pas oublié les dures conditions du traité de paix de 1918 !
- c'était normal, ils avaient perdu la guerre !
- comme nous aujourd'hui !...
- n'empêche, quelle déculottée ! C'est une défaite quand même.



                                                                     * * *




18 juin 1940

A la radio de Londres on espère que les anglais sont peut-être mieux informés que nous…
« Ici Londres…le Général de Gaulle vous parle… »
-qui c'est celui-là ?
-tais-toi, écoute… 
« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant l défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.
Mais le dernier mot est-il dit, l'espérance doit-elle disparaitre ?la défaite est-elle définitive ? NON !
Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et qui vous dis que rien n'est perdu pour la France.
Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire. Car la France n'est pas seule ! Elle n »n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec (Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peur, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des Etats-Unis.
Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là. 
Moi, général de Gaule, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu'il arrive la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre, elle ne s'éteindra pas.
Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la radio de Londres. »

Tout le monde est pensif, songeur…
On éteint le poste, on se met à marcher de long en large…la mère et la grand-mère s'essuient les yeux avec le coin de leur tablier…
- tu pleures ?
- oui, de joie !
-de joie ?
-oui, ce de Gaulle, ce général, il a dit que la flamme de la résistance ne s'éteindrait pas…
-et alors, il est à Londres lui, pas en France : ce n'est pas en Angleterre que sont les allemands, mais chez nous, ici ! S'il veut continuer à se battre, il n'a qu'à revenir au lieu d'abandonner lâchement son poste !
-tu dis des bêtises ! Tu ne sais pas de quoi tu parles ! De Gaulle est un homme sincère et courageux, il était secrétaire d'Etat à la Défense nationale. Il a dû longuement réfléchir avant de lancer cet appel qui le met hors-la- loi, lui qui est par tradition militaire un homme d'obéissance !
- tu vas le rejoindre ?
-sans doute, et d'autres avec moi, avec nos bateaux, tout cela va dépendre de la suite des évènements…
-mais toi aussi tu seras alors hors la loi !
-je le sais, mais je suis déterminé à poursuivre le combat …



Le lendemain les jeux étaient faits : son père et ses oncles partaient rejoindre le général de Gaulle en Angleterre….


Tout le monde se rassemble de nouveau autour du poste de T.S.F. :
« A l'heure où nous sommes, tous les Français comprennent que les formes ordinaires du pouvoir oint disparu. Devant la confusion des âmes françaises, devant la liquéfaction du gouvernement tombé sous la servitude ennemie, devant la possibilité de faire jouer nos institutions, moi, général de Gaulle, soldat et chef français, j'ai conscience de parler au nom de la France.
Au nom de la France, je déclare formellement ce qui suit : tout Français qui porte encore les armes a le devoir absolu de continuer la résistance. Déposer les armes, évacuer une position militaire, accepter de soumettre n'importa quel morceau de terre française au contrôle de l ennemi, ce serait un crime contre la patrie.
A l'heure qu'il est, je parle avant tout pour l' l'Afrique du Nord française, pour l'Afrique du Nord intacte.
L'armistice italien n'est qu'un piège grossier. Dans l'Afrique de Clauzel, de Bugeaud, de Lyautey, de Noguès, tout ce qui a de l'honneur a le strict devoir de refuser l'exécution des conditions ennemies. Il ne serait pas tolérable que la panique de Bordeaux ait pu traverser la mer. Soldats de France, où que vous soyez, debout ! »









La signature de l'armistice, le soir du 24 juin 1940, jette un trouble…
La guerre est finie, certes, mais la peur, la honte, s'installent en elle…
Plus rein ne serait comme avant !
Le gouvernement était réfugié à Bordeaux avec le maréchal Pétain et le général Weygand !

Puis, un jour, la maison fut réquisitionnée ! Oui ! Des Allemands réquisitionnaient une chambre à l'étage ! Ils ont un ordre de réquisition !
- mais ce n'est pas possible ! Nous ne sommes que de faibles femmes avec trois enfants !
-nous avons des ordres, madame, c'est la guerre !
-nous n'avons pas de place, la famille occupe toute les pièces, y compris la grand-mère, qui a perdu son mari et son fils à la dernière guerre !
-Ja !grosse malheur la guerre ! Je suis désolé mais les ordres doivent être exécutés. Je suis le lieutenant Otto Kampfer et j'ai besoin d'une chambre pour moi et mon ordonnance, nous ferons en sorte de vous déranger le moins possible. Pouvons-nous visiter la maison ?

Une grande chambre de l'étage, à côté du cabinet de toilette, fut libérée : au cours de sa mise en place la grand-mère trouva dans l'armoire où elle faisait de la place, l'antique fusil de son défunt fils caché là entre des piles de drap ! Elle le prit religieusement et la transporta dans sa propre chambre sous le regard de l'Allemand ! Souvenir…grosse malheur la guerre comme vous avez dit !
-Ja Ja


Alors commence une difficile cohabitation…
Tôt le matin, l'Allemand descend à la cuisine où son ordonnance a préparé le petit déjeuner, plus copieux que celui de la petite famille… le soir, il s'arrangeait pour rentrer tard et on appréciait fort cette courtoisie…mais savoir un Allemand sous son toit la mettait dans des rages qui l'épuisaient !
Grâce à lui la famille avait quand même réussi à avoir les précieux « Ausweis », les fameux laissez-passer pour circuler, à bicyclette, sa bicyclette bleue…

Les files s'étiraient devant les magasins d'alimentation, chacun attendant, ses tickets de rationnement à la main, rouges pour le sucer, bruns pour la viande (mais depuis longtemps la viande avait déserté les étals et on n'en trouvait qu'une fois par semaine), verts pour le thé ou le café (et depuis longtemps la café avait été remplacé par de la chicorée ou de l'orge grillée). Des heures d'attente avant d'arriver au comptoir, pour obtenir juste de quoi vivre (ou survivre ?), mais les gens ne comptaient plus le temps qui passe, face à la porte de l'épicerie …
Les provisions s'épuisaient rapidement : plus d'huile, de savon, de café, peu de sucre et de confiture, quelques conserves… elle allait en vélo faire les courses au village, aux rues pratiquement désertes, aux cafés presque vides ou occupés par des soldats allemands qui buvaient de l bière avec un air de profond ennui… toutes les boutiques semblaient     avoir été pillées : pas la moindre marchandise chez les épiciers, rien dans les vitrines…les Allemands étaient passés par là, achetant pour eux-mêmes ou pour envoyer à leur famille en Allemagne…
-même le quincailler a fait des affaires en or, de même pour le libraire : plus un crayon, plus un livre ! Dame ! Le commerce a bien marché pendant deux jours, mais maintenant il n'y a plus rien ! C'est les restrictions pour tout le monde !
-vous ne pouvez rien me vendre ?
- pas grand-chose
De quoi avez-vous besoin ?
-de café, de savon, d'huile, de sucre…
-du café j'en ai plus ! Il me reste de la chicorée : avec du lait c'est très bon ! Ce matin j'ai reçu du beurre. Je peux vous donner deux litres d'huile et trois kilos de sucre. J'ai encore un peu de chocolat, des pâtes et des sardines…
-donnez tout e que vous pouvez
-ça ira. Vous avez vos tickets ?

De retour à la maison un conseil de familles est réuni dans la cuisine, unique pièce où l'on se sentait encore chez soi !
-il faut prendre des dispositions si on ne veut pas mourir de faim
- on m'a proposé un petit travail de comptabilité à l'épicerie
-très bien, tu iras
-j'ai vu des gens cracher devant chez nous en passant devant notre parte
-c'est parce que le père est avec de Gaulle, nous sommes hors la loi et d'ailleurs nous ne touchons plus sa solde ! On n'a plus d'argent !
Fallait-il en vouloir au déserteur de Londres ?
L'annonce, le 2 aout, de sa condamnation par contumace avait frappé les esprits…

Pendant ce temps elle ignorait que celui qui allait devenir son mari était dans un camp de prisonniers en Allemagne, d'abord à Nüremberg au XIII A puisau Stalag IV D (un baraquement) à Zeithain en Poméranie orientale…

Depuis le 21 juin l'armistice était signé, Bordeaux déclarée ville ouverte, le 25 il y avait eu une journée de deuil national décrétée par Pétain ; le 27 les Allemands entraient en musique à Bordeaux ; le 30 juin le gouvernement quittait la ville pour Vichy…
Des réseaux clandestins de mettaient en place afin d'organiser le passage en Espagne de certaines personnes voulant rejoindre de Gaulle ou l'Afrique du Nord.

Elle se rappelait Ronsard : « cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie… »Elle se posait beaucoup de questions : ne faut-il pas obéir aux directives du maréchal Pétain ?le père de tous les Français ?
Non, pour elle, le devoir était de lutter contre l'ennemi !
Beaucoup croyaient en la devise du maréchal : « travail, famille, patrie »…là se trouvait l'avenir ! bien que la vue des uniformes allemands était une véritable offense à leur vue…
Le découragement grandissait
Le paquet de tabac était passé de un franc à cent francs

Tout le monde avait été déçu à la lecture des clauses de la suspension des hostilités, surtout de ce paragraphe 20 qui disait que « tous les prisonniers de guerre français resteront dans les camps allemands jusqu'à la conclusion de la paix »…
De longues heures passaient à ressasser le temps « d'avant »

Au même moment celui qui allait devenir son mari imaginait avec ses compagnons de captivité, la faim au ventre, les pantagruéliques repas qu'ils feraient à leur libération…il y avait bien sûr des tentatives d'évasion qui se soldaient par l'envoi à la forteresse de Colditz qui dressait ses quarante mètres sur un promontoire escarpé dominant une petite ville de grès rose et de brique sur la rive droite de la Mulde…

Pourtant le gouvernement de Vichy mettait soi-disant tout en œuvre pour obtenir la libération des prisonniers…

Il s'agissait bien d'autre chose qu'une simple affaire politique : c'est de liberté qu'il s'agissait !

A titre anecdotique on s'amusait des noms de baptême donnés aux petits garçons : Charles ou Philippe ?...

La jeune fille réfléchissait dans sa belle chambre mansardée : il fallait agir, mais comment ? Partout ce n'était que veulerie, confusion, compromission, mouchardages ignobles, délations perverses, acceptation de la servitude… elle était désespérée…
Elle avait conscience que son premier devoir était de résister au désespoir et de se montrer d'une extrême prudence, mais elle voulait s'engager dans l'action. La confiance envers le maréchal allait disparaitre…elle était déjà considérablement émoussée depuis Mers-el-Kebir, mais beaucoup hésitaient encore à se mettre hors la loi bien que patriotes…a Londres, certains officiers étaient hostiles au général de Gaulle, beaucoup se méfiaient de l »Angleterre et le coup de mers el Kebir avait gravement compromis les bonnes relations entre les deux pays !
Patience…
Dès que ce sera possible, elle rentrera en rapport avec un service pour se mettre au service des réseaux de résistance qui se constituaient clandestinement : porter des messages, déposer des paquets, tout cela elle peut le faire avec sa bicyclette et son ausweis ! Cela comportait quelques risques mais elle ne pouvait pas rester come ça sans rien faire !

Car trois camps s'opposaient, mêle au sein des mêmes familles : ceux qui étaient des pétainistes convaincus et n'avaient pas de mots assez durs pour qualifier ceux qui lâchement trahissaient le maréchal, donc la France ; les gaullistes, ou tout au moins ceux qui n'acceptaient pas l'occupant ; et les « sans opinion »…
Les premiers prônaient la collaboration demandée par Pétain le 30 octobre 1940, seule façon, disaient-ils, de ramener l'ordre, la dignité et la religion dans ce pays corrompu par les Juifs et les communistes ; les deuxièmes disaient que la seule chance de la France de retrouver son honneur et sa liberté était de suivre le général de Gaulle
-un traitre !
-un héros !
Les troisièmes parlaient peu : par discrétion, par indifférence, on ne savait pas !
Et tous ces collabos qui suivaient les directives du gouvernement : que toute autre conduite serait contraire aux intérêts du pays, que par le choix qu'il avait fait, le maréchal Pétain avait préservé la France de désordre et de l anarchie communiste, sans compter les milliers de vies épargnées.

Elle aussi en avait marre d'entendre toujours parler de la guerre, de Pétain, d'Hitler, de de Gaulle des restrictions, des russes, de zone occupée, de zone libre, de l'Angleterre, de…de…elle en avait assez…
Elle commença à servir de facteur… des messages étaient cachés dans les poignées de son vélo, dans la pompe, dans la selle ou encore dans ses bottes…
Elle était heureuse de servir son pays, de faire comme son père…
Certains messages étaient d'une extrême importance mais personne ne se méfiant d'elle
-bonchour mademoizelle
-bonjour monsieur l'officier


 


Elle n'avait que dix-sept ans.

Sa bicyclette devint le symbole de tous ceux qui espéraient encore…elle ne manquait ni de courage ni de sang-froid, elle était agent de liaison !
"Das Mädchen mit dem blauen Fahrrad!"
Et le bleu était la couleur de l'espoir, n'est-ce pas? Avec ses magnifiques sacoches de faux cuir…
Sa vie d'agent de liaison n'était pas des plus faciles ! Elle se faisait passer pour une étudiante comme couverture mais il n'y avait pas de limite à son courage no à son imagination
Souvent, quand elle revenait avec un panier rempli de fruits sur son porte-bagages, dessous étaient cachés les lettres qu'elle venait de retirer de la poste restante…elle n'avait pas manqué d'offrir cerises, fraises, pêches ou abricots aux soldats de garde…
Pour plus de sûreté elle roulait les missives dans son guidon…
Un jour qu'elle s'était fait arrêter elle s'était écriée fièrement :
-me prenez vous pour Mata Hari, votre grande espionne, moi la bretonne ?
-was ? Was ist das ?
- oui Mata Hari, qui fut fusillée par un peloton d'exécution ! Allez, tirez sur moi, je suis prête !
-… ??
-Gut gut passez mademoizelle…

Une autre fois :
-ouvrez vos sacoches et votre sac, vous passez du courrier.
-si je voulais passer du courrier je le cacherais sous ma selle pas dans mon sac !
-ce serait en effet une bonne cachette lui avait dit l'homme en riant aussi et en lui rendant son vélo.
De toute façon les cachettes avaient déjà délivrée leurs secrets…tracts, fausses cartes d'alimentation, faux ausweis…

Mais ce n'était pas un jeu d'enfants ! Elle pourrait être fusillée !
Son père étant un résistant de la première heure, difficile de ne pas faire comme lui !


1942 était arrivé
La Gestapo faisait partie du paysage local…
Les miliciens aussi…
On parlait des mesures vexatoires infligées aux juifs et promulguées par le gouvernement de Vichy…le port de l'étoile jaune en particulier…on avait l'écho de l'existence de camps où on les internait.
Au mois de juillet 42 eut lieu la grande rafle du Vel d'Hiv
Dans la nuit du mercredi eu jeudi, entre trois et quatre heures du matin, =des policiers français ont frappé aux portes de milliers de familles juives étrangères, de toutes origines, et les ont arrêtés. Quelques-uns ont pu fuir grâce à la complicité de policiers compatissants ou vénaux, trop peu hélas…les autres, les femmes, les enfants, les vieillards, les hommes, les malades mêmes ont été emmenés avec le maigre bagage qu'on les a autorisés à emporter, en autobus pour les plus faibles, à pied pour les autres. Sur leur passage, les Parisiens détournaient la tête…ils ont été parqués au Vélodrome d'Hiver : 7000, dont 4051 enfants ! 6000 autres ont été conduits au camp de Drancy. La police française a arrêté 13.000 personnes, uniquement parce qu'elles étaient juives !... il paraît que les autorités allemandes sont déçues : elles en attendaient 32.000 !...pour échapper à cette rafle, plusieurs malheureux se sont suicidés…des femmes, se souvenant des pogroms de leur enfance en Russie ou en Pologne, se sont jetées par les fenêtres avec leurs enfants.
Le dimanche 21 juillet 1000 personnes, des hommes pour la plupart, ont été enfermés dans des wagons à bestiaux et conduits dans des camps en Allemagne…
-pourquoi les français se font-ils complices de ce qui restera à jamais une des hontes de l'humanité,
Tous les soirs on écoutait radio Londres
Quelquefois les Allemands les prenaient sur le fait mais ne disaient rien…
Des messages pittoresques délivraient des secrets…

Les partis s'opposaient :
- tu ne jures que par ton général de Gaulle et les terroristes qu'il envoie de Londres pour saboter les lignes téléphoniques, faire sauter les trains et assassiner des innocents !
- assassiner des innocents ! Comment oser qualifier d'innocent l'ennemi qui occupe notre pays, qui l'affame, qui le déporte, qui le tue ? Sans ces « innocents » beaucoup de nos connaissances seraient encore en vie et ne seraient pas obligées de se cacher…
- c'est eux qui ont tort, ce sont des rebelles !
- des rebelles ! Ceux qui se battent pour l'honneur de la France !?
- ce ne sont que de mots, de grands mots vides. L'honneur de la France, c'est le Maréchal qui l'incarne !- tais-toi, ton maréchal est le complice d'Hitler – ce n'est pas vrai ! Il a fait don de sa personne à la France !
- joli cadeau ! C'est d'une armée bien équipée dont elle a besoin, et d'un chef qui continue à se battre !
- tu insultes un vieillard !
- et alors ? s=est-ce une excuse d'être vieux si on se conduit comme un salaud ? Je trouve ça au contraire doublement grave ! Il s'est servi de son prestige de héros de la guerre de 14 pour faire accepter la honte de l'armistice.
- sans cet armistice, des centaines de milliers de gens seraient morts !

Elle sortit dehors dans le jardin
Celle qui s'appelait désormais Mythé pour son réseau leva les yeux vers le ciel : un petit vent souleva ses cheveux tandis que les premières étoiles s'allumaient…elle glissa à genoux contre le mur de la véranda et laissa couler ses premières larmes…

Certains de ses amis avaient été fusillés…
Mais elle et les autres étaient décidés à aller jusqu'au bout !
Elle ne sait pas si le « bout » en question existe vraiment, si elle se réveillera un jour e ce cauchemar, mais il est vrai aussi que certains matins elle avait peur en se levant…arpentant les rues et les campagnes pour glaner des informations, à chaque carrefour… elle avait peur qu'on la suive, qu'on lui tire dessus, qu'on l'arrête, que ses mais ne reviennent pas de l'action, qu'ils soient fusillés, qu'il leur arrive quelque chose, mais elle était décidée à vivre avec cette peur parce que au bout il y avait la liberté ! Et tant pis si cette liberté était dangereuse à reconquérir !

            

Nous avons fêté à notre façon la fin de la guerre de 14-18 avec une bonne brioche… sur un coin de la cuisinière se trouve toujours l'antique cafetière d'émail bleu. Le café n'a de café que le nom ! Heureusement le lait en masque le goût…
Quand verrait-on la fin de cette guerre ? Plus de deux ans qu'elle durait ! la France est toujours coupée en deux, de plus en plus de jeunes gens refusent d'aller travailler en Allemagne au S.T.O. et se réfugient dans les forêts, formant des bandes à la recherche d'un chef, vivant le plus souvent de la générosité de l'habitant et quelquefois du pillage… dans son maquis Yvon était chargé de regrouper ces réfractaires et de les incorporer aux réseaux de résistance qui s'étaient constitués.
A la T.S.F. on avait appris que les Boches avaient envahi la zone libre… l'indemnité journalière d'occupation avait été fixée à cinq cent millions…Les Allemands réclamaient, pour ce trimestre, 250.000 hommes, et ils en demandent autant pour le premier trimestre 43…
Derrière chaque acte de « terrorisme » elle voyait la main de Yvon…un pont sautait : c'était lui ! Une patrouille était attaquée : c'était encore lui ! Des prisonniers libérés : toujours lui…
Elle fredonna l'air à la mode :
« Du soir au matin
Voir les Fridolins
Moi j'en ai marre…
Entendr' leur radio
Lire leurs sal' journaux
Moi j'en ai marre… »
Elle savait qu'elle n'avait pas le droit de chanter cette chanson… elle risquait d'avoir des ennuis…
Elle alluma la T.S.F. et essaya de capter la B.B.C., essayant de trouver Londres…
Ça aussi c'était interdit…
-tout est interdit, maintenant, on étouffe dans ce pays !
« Aujourd'hui, 857ème jour de la résistance française à l'oppression. Honneur et Patrie. Les Français parlent aux français ».
857 jours que cela dure !...
Ce qui est épouvantable c'est que tout le monde s'installe dans d=cette durée. On arrive à s'habituer à avoir froid, à faire la queue pendant des heures pour un méchant morceau de pain, à ne se laver qu'une fois par semaine, à acheter le beurre et la viande au marché noir, à croiser des Allemands dans la rue, à accepter n'importe quoi pour une ration supplémentaire…

-chut, ils parlent…

« Les soviétiques continuent à gagner du terrain dans le secteur sud. La retraite de la VIIème armée italienne, nullement équipée pour faire face aux rigueurs de l'hiver russe, se transforme an débâcle. »

- voila une bonne nouvelle ! Pour moi les Allemands sont et restent des ennemis qui occupent notre pays et je rêve du moment où ils seront chassés de France et d'ailleurs ! Ça va mal en Russie pour eux ! Car en Russie les troupes allemandes perdaient de plus en plus de monde…
- les Allemands ont perdu 200.000 hommes à Stalingrad et on dit que 100.000 autres sont aux mains des Russes, parmi eux des milliers d'officiers et une bonne vingtaine de généraux ! Leurs armées sont en déroute sur les fronts de l'est, et qu'il arrive à l'ouest ou au sud, le débarquement des Alliés ne tardera pas ! Nous savons que Londres s'y prépare !
- quand la France sera libérée l'Histoire racontera que ce sont des français qui se sont battus pour elle !
- dans quelque temps le pays devra se relever de cette guerre, et il faudra bien qu'il ait la tête haute, que la population se réconcilie autour d'un seul chef, et ce sera de Gaulle, cette victoire sera aussi la nôtre !



31 décembre 1942
Début 1943
Les jours s'écoulaient…
Dans le petit salon où la famille prenait maintenant ses repas par souci d'économie de chauffage on écoutait les messages personnels venus de Londres :

« Le crabe va rencontrer les serpents.je répète : le crabe va rencontrer les serpents. »
« J'ai suivi d'un pas rêveur le sentier solitaire. Nous répétons : j'ai suivi d'un pas rêveur le sentier solitaire ».
« Maurice a passé un non Noël avec son ami et pense aux deux mimosas qui vont fleurir »…
« Un ange descendra du ciel ».

-c'est ça : quelqu'un va être parachuté d'Angleterre, c'est le code ! Elle sautait de joie !
Un peu de douceur dans ce monde de brutes, dans ce pays où Pétain, Laval et consorts recommandent la collaboration ! Certains collaborent vraiment, pas toujours de plein gré certes, mais ce sont souvent ceux-là les plus féroces…

Car son monde était maintenant rempli d'étranges phrases codées, empruntées pour la plupart à de célèbres poèmes.
Ainsi, à ce premier bout « sois sage Ô ma douleur et tiens-toi plus tranquille »… on devait répondre : « les morts, mes pauvres morts ont d'étranges douleurs »…
De la poésie, toujours de la poésie…
Ne plus entendre à la radio e Vichy la voix sirupeuse de Tino Rossi qui, du matin au soir, vocalise sur le Travail, la Famille, la Patrie, ne plus voir affichées la liste des otages fusillées, ne plus se sentir désemparée, si seule et solitaire…
Tous les Allemands s'éparpillaient à travers l'Europe et l'Afrique…
Ce sont des travailleurs étrangers réquisitionnés qui étaient aux champs ou dans leurs usines !
L'Allemagne espérait qu'avec le printemps l'armée de l'Est allait reprendre la direction des opérations et, qu'avant l'été, le drapeau allemand flotterait sur Moscou et sur toutes les grandes villes russes ! Les prisonniers russes étaient envoyés dans des camps de représailles, il en mourait des dizaines de milliers de faim et de maladie…

Pendant ce temps elle continue de servir de boîte aux lettres, à passer du courrier ou des tracts…

Certains jours il était impossible d'obtenir Londres, le brouillage était tel que la voix du speaker était inaudible et elle enrageait…
Bientôt un geste dérisoire mais très significatif apparut : le V de la victoire fait avec deux doigts de la main !
Des fois, n'en tenant plus de ne pas trouver le sommeil, elle descendait dans la cuisine, faisait chauffer de l'eau, prenait le moulin à café, y versait les précieux grains mis de côté pour les « grandes circonstances », le calait bien entre ses cuisses et entreprenait de le moudre…très vite la bonne odeur la remplissait de tristesse ….cela lui rappelait le bon vieux temps, elle sent alors un poids lui écraser la poitrine, une nausée monter dans sa gorge tandis que les larmes coulent sur son visage…courbée sur son moulin elle sanglote, se balançant d'avant en arrière comme le font les enfants lorsqu'ils ont du chagrin… un hoquet lui fait lâcher le moulin, il tombe sur le carrelage, avec un grand bruit qui résonne dans la maison silencieuses, tiroir et réservoir s'ouvrent, poudre et grains s'éparpillent sur le sol de la cuisine…

Son ami Yvon lui avait dit vouloir se noyer à tout prix dans l'action…
Beaucoup de ceux qui fuient le S.T.O. viennent rejoindre la résistance, ils sont de plus en plus efficaces, de plus en plus mobiles, mais chaque nouvelle recrue augmente aussi le risque d'infiltration…les opérations se multiplient…
- Tout cela est si fort et si intense que je me demande comment nous reprendrons un jour le cours de la vie ! Et pourtant chacun de nos gestes, chacune de nos actions sont destinés à ce que la vie reprenne, paisible, plus paisible encore qu'auparavant si cela est possible… »

Il ignorait que lui et sa sœur Simone finiraient dans les camps de déportation…dans un train qui avait pour terminus Dachau, Ravensbrück, Auschwitz, Birkenau…



* * *


Après quelques tâtonnements elle finit par trouver radio-Londres. Le brouillage, ce soir, ne couvre pas trop les voix.
Il est 21h25, ce 15 janvier 1943 :
« fils d'un ouvrier du Nord, assassiné par les Allemands en 1917, ancien combattant de la campagne de France, compagnon de captivité des 27 martyrs de châteaubriant, évadé en 1941 après 9 mois de torture dans les raisons allemandes, Fernand Grenier, député de Saint-Denis, vous parle… :
« Français, Françaises,
Après avoir connu les prisons de Fontevrault et de Clairvaux, après avoir vécu 9 mois avec Charles Michel ,Guy Môquet et nos martyrs de Châteaubriant, après avoir partagé, à Paris même, le quotidien danger des combattants de la résistance, après avoir connu les mêmes privations, les mêmes souffrances morales, les mêmes espoirs que notre peuple enchainé mais indompté, je viens d'arriver à Londres, délégué par le comité central du parti communiste français pour apporter au général de Gaulle et au Comité national français l'adhésion des dizaines de milliers des nôtres qui , malgré la terreur, dans les usines comme dans les rangs de francs-tireurs et partisans, dans les universités aussi bien que dans les oflags du Reich, de Nantes à Strasbourg, de Lille à Marseille, mènent chaque jour, au péril de leur vie, la lutte implacable contre l'envahisseur hitlérien détesté.
Je suis venu pour affirmer ici que, dans l'esprit du paysan comme de l'ouvrier, de l'industriel patriote comme du fonctionnaire, de l'instituteur laïque comme du prêtre, nulle équivoque n'existe : on est avec Vichy ou avec la France qui résiste et qui combat… »

Le brouillage qui s'était amplifié depuis quelques instants rendit les propos de l'orateur inaudibles…
- vous avez entendu !...le Général de Gaulle accepte les communistes !...cet homme est complètement fou ! Les communistes !
- la France a besoin de tous ceux qui veulent combattre, et pour l'instant ils ne sont pas si nombreux !...
-c n'est pas une raison pour prendre n'importe qui !
-taisez-vous, ça reprend... 
« …l'immense masse des Français , tous ceux qui luttent, tous ceux qui résistent, tous ceux qui espèrent – et ceux-là sont la France innombrable, la France tout court- sont avec le général de Gaulle, qui eut le mérite, désormais historique, de ne pas désespérer alors que tout croulait, et avec tous les hommes de la résistance qui se sont peu à peu groupés et qui continuent à se rassembler au sein de la France combattante en vue du combat sacré, pour la libération de la patrie… »
Une nouvelle fois le bouillage couvrit la vois de Fernand Grenier. Mythé reprit ses manipulations…
« …Amis de France, vos souffrances sont terribles, votre courage magnifique et grandes vos espérances. Vous saluez chaque victoire de l'Armée Rouge, chaque raid destructeur de la R.A.F., chaque tank ou canon qui sort de l'arsenal américain. Continuez de tenir bon ! Soyez solidaires les uns avec les autres et aidez-vous mutuellement ! Accentuez toujours votre action tenace et héroïque contre l'occupant ! Qu'un immense souffle de fraternité, qu'un permanent courage vous animent !... »

Le brouillage reprit, cette fois définitivement…

En attendant, c'était toujours la guerre…
Les ausweis périmés devaient être renouvelés !
Voir ainsi une partie de sa photo marquée de l'aigle hitlérienne, quelle horreur !
Du fait de l'occupation de la zone sud on n'en aurait même plus besoin bientôt…

Quand on pense qu'il existait même un livre de cuisine spécialement inventé pour cette période de restriction t qui s'intitulait justement Cuisine et Restrictions, par un dénommé Edouard de Pomiane ! N'importe quoi 

Résistance ! D'ailleurs qu'est-ce que cela voulait dire ? Dans le dictionnaire elle avait noté : « qualité par laquelle un corps résiste à l'action d'un autre » (… ?), « force qui s'oppose au mouvement », « défense contre un assaillant », « capacité de l'organisme à résister à la fatigue, à la maladie », « refus d'obéir, de céder », plus des considérations d'ordre scientifique assez obscure…Peut-être désignerait-on plus tard parce mot son action clandestine contre l'occupant nazi durant cette seconde guerre mondiale ?...

La résistance tissait sa toile et se déployait…
C'est partout en France que le combat pour la liberté prenait forme…
Chaque jour la tâche de l'ennemi se voyait contrariée, paralysée par le nombre de leurs actions !

Entretemps ils perdaient nombre de leurs agents, dénoncés pour la plupart, accusés de servir d'agents de liaison, d'être des « terroristes », recherchés par la police française aussi bien que part la Gestapo !
Encore des mots qui l'interpellent…
« Terroristes » ! Certes ils cherchaient à déstabiliser l'Etat vichyste et la collaboration…il ne fallait pas se retrouver en possession de papiers compromettant, cela était suffisant pour l'arrêter elle et ses camarades…était-elle soupçonnée d'appartenir à un réseau ? Elle n'était qu'un pion parmi tant d'autres, un maillon de la chaîne…elle ne faisait que passer des messages, ignorant même ce qu'ils contenaient ! Prenait-elle tant de risques ? Les choses devenaient graves…il ne fallait pas commettre d'imprudence…ils avaient tous des noms de code, souvent ils ignoraient leur véritable identité !

Des actions, toujours des actions ! Parfois ils attaquaient des mairies et des perceptions pour récupérer des cartes d'alimentation, indispensables à leur survie, des cachets officiels, des cartes d'identité vierges et de l'argent…
Elle, elle passait des billets, des petits messages…
Elle avait appris qu'un jeune homme de 17 ans, Guy Môquet, avait été fusillé parce qu'un attentat avait été commis à Paris, et 70 autres avec lui…s
Quand on participait à une action clandestine on ne va pas le crier sur les toits ! Mais il fallait bien continuer à combattre…c'était leur devoir…
Ils risquaient la dénonciation, l'arrestation, l'emprisonnement, la mort…
Sans compter ceux qui cachaient des aviateurs anglais, des juifs, déposaient des bombes, faisaient dérailler des trains, communiquaient avec Londres à l'aide d'émetteurs clandestins…malgré l'armistice la guerre continuait !
Mais quand la Gestapo interrogeait brutalement de supposés résistants elle laissait cette brutale besogne aux gestapistes français… quelle honte ! Des centaines d'agents français appointez renforçaient en effet les rangs de la gestapo et des troupes auxiliaires…leurs propres compatriotes ! Et encore ce n'était qu'ne partie de la triste réalité… il n'y avait pas beaucoup à forcer la main de certains préfets, maires, magistrats ou policiers français…. Ils obéissaient aux ordres de l'état français sans sourciller, sans états d'âme….c'est le maréchal Pétain qui l'avait demandé ! De « collaborer » ! Ils s'estimaient dans la légalité !
-l'honneur c'est de continuer la guerre !
-avec quoi ? La défaite française avait été consommée en quelques jours !...

La nouvelle était annoncée : Leningrad était libérée ! Ils avaient tenu seize mois…

- en France aussi des milliers de vies humaines ne pèsent pas lourd et des dizaines d'otages sont exécutés…
- c'est la triste conséquence d'actes de banditisme commis par des
-irresponsables à la solde de Moscou ou de Londres
- comment oses-tu dire ça !
- tu trouves que c'est être debout que de vivre écrasé par les bottes allemandes et de leur lécher la semelle ?- et toi tu ne trouves pas que les types de Londres vivent bien protégés dans leur île en appelant à la subversion tous les fainéants communisants de notre malheureux pays ?
- tu oublies les bombardements quotidiens en Angleterre !

Toutes ces conversations la fatiguaient
Elle resta longtemps songeuse, accoudée à la table, le menton entre ses mains, vaguement inquiète.


Depuis la fin du mois de février 1943 il n'y avait plus de ligne de démarcation entre les deux zones.
Avec les autres elle continue de passer des messages, quelquefois des armes, de cacher des aviateurs ou des petits enfants juifs.
Il y avait aussi des parachutages en pleine nuit.
Ceux qui ne voulaient pas partir au S.T.O. étaient venus les rejoindre. Maintenant ils étaient plusieurs dizaines ! Les taches étaient réparties : distribution de tracts et de journaux clandestins, sabotage de lignes à haute tension ou de voies ferrées, recherche de faux papiers…

Pâques tombait le dimanche 10 avril.

La règle numéro un dans la clandestinité était de déménager quand les membres d'un réseau étaient arrêtés…
Et quand il y en avait qui étaient arrêtés, tout le monde tremblait : sous la torture ils étaient capables de faiblir, de donner des tas d'informations sur le réseau, dont la mission était le parachutage, le stockage d'armes, les faux papiers, la centralisation des renseignements, l'organisation de l'hébergement des juifs et des réfractaires au S.T.O
La nuit ils avaient barbouillé les phares en bleu pour se faire moins remarquer !

La 17 mai ils avaient appris qu'il y avait eu 195 morts sous les bombardements alliés à Bordeaux ! Avec quel plaisir Hérold Paquis de Radio-Paris l'avait-il annoncé, dit et redit !
Les grands panneaux blancs aux lettres gothiques noires rappelaient toujours la présence allemande…
Elle n'était qu'une jeune fille, ni forte ni courageuse, jetées dans une tourmente, emportée loin de ses rêves, face à un monde nouveau qu'elle ne comprenait pas et où se libéraient des instincts si violents qu'ils balayaient toutes faiblesses…
Qu'elle était loin l'insouciance de ses quinze ans !

Le kilo de beurre au marché noir était passé à 350 francs et le café de 1000 à 2000 francs ! Les bas de soie n'étaient plus qu'un souvenir lointain : maintenant on se dessinait au crayon une ligne sombre sur l'arrière du mollet !
Après l'invasion de l'U.R.S.S par l'Allemagne, Philippe Henriot, l'ex-député de la droite libérale de Libourne, adversaire de tout temps du parti communiste, était devenu le porte-parole des défenseurs de la civilisation chrétienne face au bolchevisme.
La guerre avait exacerbé le besoin d'être informé de tout : du recul des troupes allemandes en Russie, du nombre des morts du dernier bombardement allié, de l'augmentation du prix du beurre, de la nomination par le Comité français de la résistance nationale du nouveau gouverneur général de l'A.O.F., de la démission de Mussolini, du prochaine débarquement…
Cependant Radio-Londres devenait de plus en plus fatigante à écouter à cause du brouillage ! De plus il avait été interdit de vendre des postes de T.S.F. !

Les avis des deux camps continuaient de s'opposer !
- il est révoltant de voir l'Allemagne prélever sur nos ressources ce qui lui est nécessaire !- et pourquoi l'Angleterre et l'Amérique s'emparent-elles de notre ravitaillement nord-africain,
- Churchill et Roosevelt ne refusent-ils pas de reconnaître la souveraineté française ?
« Radio-Paris ment, Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand ! »
Il est rai que l'on subissait la tyrannie de la radio, de ces voix qui venaient d'on ne sait où et susurraient tout à tour conseils culinaires, recommandations diverses, informations du monde entier ou bien qui grondaient, invectivaient, prophétisaient, flattaient, malaxant si bien les cerveaux, y imprimant aussi facilement la haine que l'espoir…
Elle n'échappait pas à cette intoxication par les ondes…
Et en plus on craignait les dénonciations des voisins ou des soldats à l'étage !
Mais elle ne pouvait s'empêcher d écouter presque tous les jours…

Elle appartenait à la classe des J3, c'est-à-dire les moins de 23 ans. Une ajiste quoi ! L'âge où l'on a envie de danser…et des bals, il y en avait, sur la place du village…mais les seuls cavalier étaient les soldats allemands, qui l'invitaient et auraient bien voulu la faire danser, mais ce n'était pas convenable, même pas imaginable…

En Afrique du Nord le colonel Leclerc entraînait ses troupes à Sabatrah.

Elle avait trouvé un petit travail de comptabilité à l'épicerie.

Elle avait recopié les paroles d'une chanson de Pierre Dac diffusée par Radio-Londres dans la soirée du 5 décembre, es avait prises en sténo, puis retranscrites et aimait à la fredonner, sur l'air de Lili Marlène :
A force d'entendre chanter cette chanson
J'ai eu le désir, dicté par la raison d'aller tout simplement un soir
Afin de voir
Et de savoir
Que dit Lili Marlène,
Que dit, Lili Marlène.

- Hé, dis-moi la belle, pourquoi cet air songeur ?
Pourquoi dans tes yeux cette trouble lueur ?
- Il n'est plus pour moi de bonheur
Et le malheur
Est dans mon cœur…
A dit Lili Marlène,
A dit Lili Marlène.

- Voyons, n'as-tu plus confiance en ton Führer ?
N'est-il pas pour toi plus grand que le Seigneur ?
-le triomphe qu'ilo nous a promis,
Je l'attends depuis
Trois ans et demi
A dit Lili Marlène,
A dit Lili Marlène.

-N'es-tu donc pas encore heureuse d'appartenir
A la grande Allemagne et fière de son avenir,
- Je sais que le Reich tout entier
Est bombardé
Par des Alliés
A dit Lili Marlène,
A dit Lili Marlène.

- Ignores-tu donc l'invincible rempart
Que votre Wehrmacht dresse de toutes parts ?
- Je sais que le sol de Russie
Est tout rougi
Du sang nazi
A dit Lili Marlène,
A dit Lili Marlène.

- Enfin la victoire couronnant vos drapeaux
Sur la croix gammée resplendira bientôt.
- je sais qu'en mon âme éperdue
L'espoir n'est plus
Nous somm's perdus,
A dit Lili Marlène,
A dit Lili Marlène.

Elle aurait pu battre Suzy Solidor sur son propre terrain !
Elle retourna à ses comptes…

Les nouvelles, quelles sont les nouvelles ?
- ça ne va pas fort pour les Allemands.
- Ciano, le gendre de Mussolini avait été exécuté.
- de Gaulle et Churchill se sont rencontrés à Marrakech…
- les Alliés ont débarqué à Anzio…
- Berlin a été bombardé plus de cent fois…
- Hourrah !
- des résistants français ont été exécutés à la hache à Cologne…
Un lourd silence suivit cette information.
Arrive Noël 1943…
Que c'était triste …
Et la nuit du 31 décembre…
Chacun et chacune se demandait avec angoisse si 1944 verrait enfin la guerre se terminer…
Le calendrier représentant des chatons paraissait anachronique avec ses couleurs criardes !

Elle reprit ses longues échappées à vélo, pédalant des kilomètres à travers la campagne, ne rentrant que pour s'éffondrera sur son lit. Des jours elle faisait entre trente à quarante kilomètres !
- si la guerre continue encore longtemps je vais avoir les mollets de Le Guevel ou de Van Vliet et courir le Grand Prix !

Depuis que les rumeurs d'une probable défaite allemande circulaient, les forces de l'ordre étaient parfois moins assurées, certains pensaient déjà à l'avenir et se posaient des questions…
Certains envisageaient même de changer de camp.

Elle essayait toujours de capter Radio-Londres sur le fameux poste de T.S.F. mais à cause du brouillage cela devenait de plus en plus difficile d'entendre distinctement ces voix devenues familières et chères qui parlaient de « Liberté » :
« Honneur et Patrie… »
Le grésillement couvrit la voix de l'orateur…
Plusieurs fois elle alluma et éteignit l'appareil.
Elle allait y renoncer quand la même voix reprit :
« …j'ai dit en votre nom au général de Gaulle la foi qui nous anime…tout ce qui constitue notre raison de vivre…de tous ces hommes dont l'honneur est d'avoir cru en l'avenir… »
Le brouillage reprit, ne laissant passer que quelques lambeaux de phrases puis cessa brusquement…Les messages personnels ! Les messages personnels !
« Tout s'enfle contre moi, tout m'assaut, tout me tente…Je répète : tout s'enfle contre moi, tout m'assaut, tout me tente…Les canards de Ginette sont bien arrivés…Je répète : Les canards de Ginette sont bien arrivés… »

La division formée par le général Leclerc en vue du débarquement avait quitté le Maroc pour l'Angleterre où elle était arrivée le 21 avril dans le port de Swansea au sud du pays de Galles. Le général lui –même était venu les accueillir.

On commençait d'entendre un rengaine ;
« …Ami, si tu tombes
Un ami sort de l'ombre
A ta place.

Demain du sang noir
Séchera au soleil
Sur les routes

Sifflez compagnons…
Dans la nuit, la liberté
Nous écouté ! »

C'était « le Chant des partisans », paroles de Maurice Druon et Joseph Kessel, musique d'Anna Marly, diffusé pour la première fois par la B.B.C. le 9 février 1944, lu par Jacques Duchesne sous le titre : »Chant de la Libération ». Ecrit à Londres, ce poème fut tout d'abord publié dans les Cahiers de la Libération, revue clandestine fondée en France occupée par Emmanuel d'Astier de la Vigerie en septembre 1943.
La présence des Allemands dans sa propre maison ne faisait que renforcer son désir de liberté…elle avait compris depuis le jour de leur arrivée ce que signifiait avoir perdu la guerre, être humilié, être occupée…
Et on les traitait de « terroristes » !
Des « hors-la-loi » !
Comme son père qui avait rejoint le général de Gaulle à Londres

Les autres ne se rendaient même pas compte qu'ils trahissaient leur propre pays en « collaborant » !
Certains étaient même des honnêtes gens ! Mais leur goût de l'ordre, des valeurs bourgeoises, leur métier, les conduisaient à respecter le pouvoir légal, pour eux seul Pétain était légitime…
Ce mot de « terroriste » avait été apporté par les allemands et désignait sur les affiches les résistants qu'ils avaient fusillés
- mais nous ne terrorisons qu'eux ainsi que les collabos fascistes et actifs !
Ils ne voyaient pas que tôt ou tard l'Allemagne perdrait la guerre et que les « terroristes «  d'aujourd'hui prendraient demain le pouvoir…
Ils se disaient que si les Américains débarquaient et que de Gaulle triomphait, la France tomberait aux mains des communistes et que les Russes feraient la loi chez nous…que seule l »Allemagne pouvait préserver l'Europe du fléau communiste !

Au début du mois de mars 1944 les rumeurs de l'imminence d'un débarquement allié se faisaient de plus en plus nombreuses et personne ne doutait que ce jour-là les exécutions cesseraient… Il fallait jouer contre la montre !

On sentait qu'il allait se passer quelque chose d'important…
Le débarquement était proche…
Depuis le mois d'avril elle écoutait à 19h les 1er, 2, 15, et 16 du mois le programme français de la B.B.C., des messages concernant le débarquement pouvant être transmis à ces dates…
Tout devait être en place pour cette éventualité et se préparer dans le calme et me secret…
Depuis le début de l'année de petits groupes ne se privaient pas de harceler l'occupant : sabotages, attaques de sentinelles, évasons de prisonniers, etc., mettant Allemands et Miliciens en état d'alerte permanent, rendant précaire la sécurité du réseau…
On était dans un climat d'attente et de tension.
Bientôt la Pentecôte : espérons que les lumières du Seigneur seraient favorables…

Plusieurs messages cryptés parvenaient dans les messages personnels, annonçant l'imminence du débarquement et l'ordre de mise en alerte des groupes de Résistance.
Un grand espoir commençait d'habiter les cœurs…
Un grand espoir et une grande impatience aussi…
Après quatre années d'Occupation, ces quelques jours d'attente allaient paraitre bien longs à ces poignées d'hommes et de femmes qui n'avaient pas voulu accepter la défaite…

C'est dans la soirée du 5 au 6 juin que l'on transmit le message « B » tant attendu, l'un des trois cents diffusé cette nuit-là par la section française du S.O.E. à ses officiers : « A l'oreille une rose », annonçait le débarquement allié en Normandie et la mobilisation de toute la Résistance française.

Cette nuit-là 5000 navires qui venaient d'Angleterre avaient traversé la Manche, « the Channel », et, au lever du jour, 18.000 parachutistes étaient descendus du ciel et des soldats américains, anglais et canadiens débarquaient par milliers sur les plages de France…3000 y laissèrent la vie aux premières heures du matin, la plupart reposant dans les cimetières de Normandie.

Aussitôt les opérations prévues se déclenchèrent : dès l'aube les rames patiemment stockées dans les granges, les séchoirs, les caves les grottes, furent rapidement distribuées ; des câbles souterrains stratégiques furent détruits.
Dans la soirée du 6 juin, on écouta, malgré le brouillage, la vois qui pendant quatre ans avait porté l'honneur de la France :
« La bataille suprême est engagée !
Après tant de combats, de fureurs, de douleurs, voici venu le choc décisif, le choc tant espéré. Bien entendu c'et la bataille de France et c'est la bataille de la France !
« …pour les fils de France, où qu'ils soient, quels qu'ils soient, le devoir simple et sacré est de combattre par tous les moyens dont ils disposent. Il s'agit de détruire l'ennemie qui écrase et souille la patrie, l'ennemi détesté, l'ennemi déshonoré.
L'ennemi va tout faire pour échapper à son destin.il va s acharner à détruire notre sol aussi longtemps que possible. Mais il y a beau temps qu'il n'est plus qu'un fauve qui recule…
…pour la nation qui se bat, les pieds et les mains liées, contre l'oppresseur armé jusqu'aux dents, le bon ordre dans la bataille exige plusieurs conditions… »

Les trois conditions ne purent être entendues des auditeurs, seule la fin du discours du général de Gaulle leur parvint :
« La bataille de France a commencé.il n'y a plus dans la nation, dans l'empire, dans les armées qu'une seule et même volonté, qu'une seule et même espérance. Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes voici que reparaît le soleil de notre grandeur. »

Quand retenti la Marseillaise, tout naturellement, ils se mirent debout. Certains pleuraient sans chercher à cacher leurs larmes…

Plus tard, après les recommandations d'u membre de l'état-major du commandement suprême des forces expéditionnaires interalliées, aux populations situées dans la zone du débarquent, Jacques Duchesne prit la parole dans l'émission « les Français parlent aux Français » :

« Ce n'est pas par accident, mes mais, que vous n'entendez pas ce soir « aujourd'hui, 277ème jour de l'invasion, etc. » ce n'est pas par oubli que vous n'entendez pas « 1444ème jour de la lutte du peuple français pour sa libération ».il a fallu 1444 jours pour que cette libération commence. Mais ces deux formules-là, vous ne les entendrez plus jamais. »

Tous applaudirent le plus jamais »…
Encore un peu de patience el plus jamais il n'aurait peur, ils n auraient à se cacher.
Encore quelques jours, quelques semaines les prisonniers reviendraient de camps
Cette nuit-là on fit de beaux rêves…

Mais rien ne laissait prévoir une attaque allemande…
Les casques vert-de-gris des soldats allemands étaient toujours là au village….des Miliciens, reconnaissables à leurs uniformes bleu marine et à leurs casques noirs, les accompagnaient…
Il y a des fusillades, il y a des morts…

On entend parler de ce que les allemands ont fait à Oradour-sur-Glane, le samedi 10 juin…
Les gens se pressaient pour la distribution du tabac. On va rassembler les écoliers pour la visite médicale. Des réfugiés étaient arrivés la veille, 200 environ…c'est après le repas de midi qu'ils ont débarqué dans des camions, en tenue de campagne, braquant leurs armes sur les maisons…le major, un certain Otto Dickmann, a fait venir le maire, puis le garde champêtre..Accompagné de deux SS, il a fait le tour du village en battant du tambour »Avisss à la population… » Vous connaissez ?...tous les gardes champêtres de France disent : Avisss….alors il délivre son message : « Avisss à la population les hommes, les femmes et les enfants doivent se rassembler immédiatement, munis de leurs papiers, sur le champ de foire, pour vérification d'identité. 
«  Ceux qui sont malades ou impotents, les SS les tirent de leur lit et à coups de crosse les poussent vers le champ de foire, comme ils poussent les paysans ramassés dabs les champs alentour, les familles de s hameaux voisins, les pêcheurs à la ligne, les petits enfants qui n'avancent pas assez vite…bientôt tous les habitants sont assemblés. Quelques coups de feu à l'autre bout du village font sursauter la masse hébétée…des mitrailleurs prennent position un peu partout.des femmes et des enfants sanglotent. On sépare les hommes des femmes. Elles serrant leurs petits contre leur poitrine, cramponnent les landaus de leurs bébés….encadrées par dix SS on les conduits avec les enfants des écoles dais l'église. Le curé n'a jamais vu autant de monde.les hommes sont alignés sur trois rangs. Dans le silence on entend la cloche du tramway de limoges qui s'apprête à passer le pont…un coup de feu. Un soldat hurle dans un excellent français que des terroristes ont caché dans un village un important stock d'armes et de munitions et que, sous peine de représailles, ils doivent indiquer où sont les cachettes…un vieux paysan dit qu'il a un vieux fusil de chasse… »Ça ne nous intéresse pas », répond le soldat. On sépare les hommes en quatre groupes de 40 à 50…deux sont dirigés vers le haut du village, deux vers le bas…on les entasse dans sept granges. Les Allemands, mitraillettes et mitrailleuses braquées sur eux, bavardent en riant…soudain, avec un grand cri, ils ouvrent le feu.les corps tombent les uns sur les autres, les balles ricochent contre les murs, les blessés hurlent…la mitrailleuse cesse.au pistolet on achève tout ce qui bouge encore.des soldats apportent de la paille, du foin, des fagots, une brouette, une échelle.ils enflamment des bouchons de paille qu'ils jettent sur le tas des mourants. Agité de derniers soubresauts, et referment les portes. Dans les sept granges la même scène se reproduit…dans l'église400 femmes et enfants, 500 peut-être, regardent avec épouvante un groupe de soldats trainant une lourde caisse d'où dépassent des cordons…ils les allument et sortent…une explosion…une épaisse fumée noire envahit la nef. Hurlant de frayeur, a demi asphyxiés les femmes et les enfants courent en tous snes.par le portail ouvert, les mitraillettes crépitent… les grenades explosent… les cheveux s'enflamment…disparue l'odeur de poussière et d'encens…celle du sang, de la merde, des chairs brulées la remplace…des gars de vingt ans jettent dans ce groupement humain des fagots, de la paille…un lance-flammes crache son feu…une femme, sa fille tuée auprès d'elle, se traine…deux petits, réfugiés, réfugiés dans le confessionnal, sont abattus…mère set enfants brûlant vifs enlacés…entendez-vous ces cris ?...dites, les entendez-vous ?voyez-vous les lies murs du lieu saint maculés du sang des victimes ?...les traces des pauvres doigts glissant le long des pierres ?ces visages éclatés ?ces embles brisés, ce bébé qui hurle dans sa poussette avant de n'être qu'une torche ?.Dites ? Les voyez-vous ?...

Un gout nauséeux dans la bouche, ils s'étaient levés, abasourdis…

Dans la soirée du 15 juillet, tous volets et fenêtres fermés malgré la chaleur accablante, on écoute la radio de Londres qui parle de l'assassinat de Georges Mandel par la milice…
-avec Philippe Henriot c'est le deuxième député de la Gironde à être assassiné en quelques jours !

Côté politique il y avait du changement : le général Koenig est le commandant en chef des Forces françaises de l'intérieur, le général Chaban-Delmas à succédé à Bourgès-Maunoury, les gaullistes se méfient des communistes

On se battait en Bretagne, en Normandie, en Russie et même dans le Pacifique…

Le 11 août la radio annonça la mort de Saint-Exupéry abattu dans le midi au cours d'un vol de nuit…

Les alliés débarquaient à Sainte-Mère-Eglise en compagnie du général Leclerc qui piquait de sa canne le sable autour de lui avec un air incrédule…
Du 10 au 12 août, la 2° D.B.avait tué 800 Allemands, fait plus de 100 prisonniers et détruit quinze panzer. Par milliers les soldats ennemis se rendaient….

A Paris des affiches jaune et noir signées du nouveau gouverneur militaire de paris, le général Von Choltitz, appelaient la population parisienne au calme et lui annonçait des mesures de répression « les plus sévères et les pus brutales » à son encontre en cas de désordres, de sabotages ou d'attentats…
Mais la plupart des lecteurs souriaient : n'avait-on pas annoncé à la radio à midi le débarquent allié en Provence ? Certains affirmaient que les américains étaient aux portes de Paris ! Qu'on entendait le canon…d'autres revenaient de Notre-Dame où ils avaient assisté à la cérémonie commémorative du vœu de Louis XIII malgré l'interdiction faite pas le maréchal Von Choltitz…

Enfin, manœuvrant les boutons du poste de T.S.F. on entendit :
« Parisiens, réjouissez-vous ! Nous sommes venus vous donner la nouvelle de la délivrance...la division Leclerc entre dans Paris ! Elle va être dans quelques minutes à l'Hôtel de ville ! Ne quittez-pas l'écoute ! Vous allez entendre la grande voix que vous attendez. Nous sommes fous de bonheurs !...notre émission n'est pas réglée ; nous parlons dans de mauvaises conditions ; nous n'avons pas mangé depuis trois jours…il y a des camarades qui ont fait le coup de feu et qui n'ont pas mangé depuis trois jours et qui reviennent au micro Nous sommes saouls peut-être, mais de joie, de bonheur… »
« …à l'instant, devançant les troupes du général Leclerc, deux voitures blindées sont arrivées à l'Hôtel e ville…dans l'une d'elle serait le général u !...ce qui est certain, c'est qu'à la préfecture de police et à l'hôtel de , les Alliés sont arrivés et il est probable que le général de Gaulle y est…faites sonner immédiatement les cloches à toute volée pour annoncer l'entrée des Alliés dans Paris… »

Le colonel Rol, commandant des F.F.I. de l'Ile-de-France a signé la convention de reddition avec le général Leclerc et le général Von Choltitz.

Puis c'est la retransmission du discours du général de Gaulle à l'Hôtel de Ville :
« Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France toute entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle… »

La voix de celui qui, durant quatre ans, avait été l'espoir de la France, « gouvernait la France » ce soir, au ministère de la Guerre, que les Allemands avaient quitté quelques heures plus tôt…

Dans les jours qui suivirent les Forces françaises libres et de l'intérieur passent à l'offensive, les nazis sont en déroute, leur retraite commence…les voies ferrées, comme la nationale 7, font l'objet de violents combats. Les armées américaines, la division blindée du général de Lattre de Tassigny, débarquées en Provence, progressent vers le nord…la vallée du Rhône est une impasse pour Schuster. Mais les Forces françaises se replient pour venir en soutien aux américains qui visent Grenoble ; ils sont à Sisteron.

Un immense drapeau tricolore flottait sous l'Arc de Triomphe.
Il faisait un temps magnifique, pas un nuage
Une foule de plus d'un million de parisiens s'était rassemblée sur le parcours que devaient emprunter le général de Gaulle, les généraux Leclerc, Juin et Koenig, les chefs de la résistance et les F.F.I. ; de l'Etoile à Notre-Dame en passant pas la Concorde, les rues et les trottoirs sont noir de monde…
Soudain on aperçoit l'immense fleuve piqueté de drapeaux, de banderoles, conduit par un home grand et seul : le général e Gaulle, précédé de quatre chars français…
'Vive de Gaulle ! Vive de Gaulle !
Le général salue la foule des deux mains puis monte dans la grosse Renault noire décapotable qui avait servi au maréchal Pétain lors de sa précédente visite…
Sur le parvis de la cathédrale le voici qui descend de voiture et embrasse deux petites filles habillées en Alsaciennes qui lui tendent un bouquet tricolore…
Le général s'avance vers le portail du Jugement dernier quand éclate une fusillade : on tire des tours de Notre-Dame ! de gaule, debout, fume tranquillement une Craven en regardant la scène avec un air amusé… aussitôt les Leclerc et les Fifis tirent en direction de la cathédrale, mutilant les gargouilles dont les éclats volent ; le général de Gaule, agacé, époussette sa vareuse et pénètre dans le lieu saint, remontant, impassible, les soixante mètres de la nef entre les rangées de chaises renversées de fidèles accroupis tête en bas… arrivé près du chœur il se dirige vers un fauteuil installé à gauche de la croix de transept tandis que les balles continuent à siffler…
Alors le Magnificat retentit sous les voutes, le général chantant à pleine voix, entrainant les autres…
Dehors la foule l'accueille avec de formidables vivats…
L'homme du jour salue des deux mains et 'installe tranquillement dan s sa voiture qui repart sous les ovations.

Puis va commencer ce qu'on appelle l'épuration : on épure, c'est-à-dire on arrête, on interroge, on juge, on condamne tous ceux et celles qui ont eu de près ou de loin des relations avec les Allemands. Ça va de l'homme d'affaires au député, à l'écrivain, à l'actrice, au directeur de journaux, au patron d'hôtel, à la prostituée, à la dactylo, bref, à tout monde…
On le relâche ou o les emprisonne, en attendant d'en fusiller certains !
Parmi eu x des gens comme Pierre Fresnay, Mary marquet, Arletty, Ginette Leclerc, Sacha Guitry, Brasillach…
D'autres sont recherchés comme Céline, Rebatet, Drieu le Rochelle
Des femmes étaient tondues en place publique.on les promène en public dans les rues en leur crachant dessus, on pend aux arbres, on torture, on tue.

En septembre on apprit que Leclerc était reparti avec la 2ème D.B. vers l'Est.

Un monde nouveau était en train d naître, qui aurait d'autres qualités, et aussi d'autres défauts que l'autre…
Les gras de la Résistance se méfiaient des recrues de la dernière heure…beaucoup de collabos retournaient maintenant leur veste…

Pendant ce temps, celui qui allait être son mari, était toujours prisonnier en Allemagne du côté de la Prusse, se demandant avec ses camarades quand viendrait l'heure de leur libération ?...


Puis vient le premier Noël de la France libérée. Tandis que la guere continuait.

Arrive enfin 1945 !
Le 12 janvier trois millions de soldats russes formidablement armés, soutenus par les chars d'aviation, se mettent en marche de la baltique à la Tchécoslovaquie pour écraser définitivement ce qui reste de l'orgueilleuse armée du Reich.
En février  sont signés les accords de Yalta.
Le 17, les Waffen SS de la Charlemagne, devenue division, partent pour le front où il s arrivent le 22 à Hammrstein, gros bourg de Poméranie.
Le 20 avril tombait l'anniversaire d'Hitler.
Dans la nuit du 23 au 24 avril 1945 ordre fut donné de rejoindre Berlin !

C'est à cette date que son futur mari était libéré par des russes montés sur de petits chevaux, le jour de la saint Georges, jour qui resterait à jamais gravé dan sa mémoire…

A la suite du pacte franco-soviétique, le gouvernement russe avait donné son accord à la présence, lors de l'entrée en Allemagne des troupes soviétiques, d'un certain nombre d'observateurs chargés de repérer ce qui avait été pris dans les arsenaux français afin de les répertorier.
La haine animait les combattants russes de Stalingrad, de Smolensk de Leningrad et de Moscou qui avaient traversé la Russie pour atteindre l'Oder. Leur tribut payé à la guerre était le plus lourd d'Europe. Pour se venger de ce qu'avaient subi leurs mères, meurs femmes et meurs filles la loi du talion fut instituée dans toute l'armée rouge, la vengeance fut complète !...

Le 25 avril, sur l'Elbe, au sud de Berlin, les soldats de la Vème Armée du Ier Front d'Ukraine du maréchal Koniev firent leur jonction avec les Américains de la 1ère armée près de Torgau.
Le 30 avril Hitler s'était suicidé avec Eva Braun qu'il venait d'épouser…
Dans la soirée les Russes investirent le Reichstag après de très violents combats. Le drapeau soviétique fut hissé au sommet du monument !
C'était la capitulation de Berlin !
Dans la nuit du 7 au 8 mai le général de Lattre de Tassigny arriva à Berlin, désigné par le général e Gaulle, pour participer à la signature de l'acte de capitulation de l'Allemagne.

Bientôt, le jour de la Fête-Dieu, elle allait rencontrer Louis, son futur mari, l'homme de sa vie…


En Septembre, le 18, ils se marieraient…
Une nouvelle vie commencerait pour celle qui était redevenue Marie-Thérèse…


 














mercredi 17 septembre 2014

L'ARCHIPEL DES ROQUES


la carte postale du mois

ARCHIPEL DES ROQUES VENEZUELA
Nous avons quitté le mouillage de Caya de Agua, à l'extrémité du fantastique archipel des Roques (Vénézuela)
Nous prenons l'option de tirer des bords de largue pour utiliser tout le potentiel de notre Eolis et, de nouveau, la navigation se montre particulièrement rapide et agréable.

L'archipel des Aves de Barlotenvo est encore plus isolé que les Roques; le snorkeling y est extraordinaire, le poisson et autres langoustes assez abondants.
Notre régime est rythmé par les pêches sous-marines quotidiennes: thazards, rougets, carangues et de temps en temps, langoustes royales ou brésiliennes.

Le Venezuela- Los Roques
Rien que pour les yeux ... 









Boque de Sebastopol



L'archipel de Los Roques fait rêver... et voilà que nous voguons
cette nuit vers le rêve, que nous atteindrons au petit matin.
Les Roques, c'est un vaste archipel d'environ 50 kilomètres sur 25, protégé sur une bonne partie par une longue barrière de corail, et parsemé d'une multitude d'îlots inhabités pour la plupart. C'est aussi une réserve naturelle dans laquelle il est interdit de chasser sous l'eau, seule la pêche à la traîne ou à la ligne est autorisée. Après la Blanquilla et la Tortuga, ça va être difficile, mais on arrive avec de bonne résolutions :  ici, c'est rien que pour les yeux!...?
LES ROQUES VENEZUELA
Magnifiques couleurs des Roques
Au petit jour on voit l'île militaire d'Orchilla par le travers
tribord (c'est l'île du président, Hugo Chavez y a été assigné
à résidence quelque temps dans le temps). On franchit à 10 heures
la passe dite de Sébastopol (heureusement plus déserte que le
port éponyme sur la mer Noire...) et nous sommes sous la
protection de la barrière de corail. On mouille devant l'îlot
de Buchiyaco, un minuscule bout de sable mangé par la mangrove.

Les fonds jusqu'à la barrière sont inintéressants: quelques conches,
du sable, des algues, peu de poissons. Pourtant des touristes
sont amenés dans une barque à moteur pour une séance
de "bonefishing", mais ils repartent apparemment bredouilles : et
oui, ici il y a des touristes, heureusement pas très nombreux et
tous logés sur l'île principale de Gran Roque, mais ils font
quelques incursions dans nos mouillages isolés.

On change de mouillage.
Nous ancrons sur un tombant de sable et de corail, proche de la
Boca del radio.
On pose l'ancre sur un tombant de sable et de corail, la barrière est
à 100m devant nous. Nous l'explorons l'après-midi  : les fonds
sont pas mal : les patates de corail sont entourées d'un désordre
de cornes d'élan cassées, empilées et enchevêtrées. Pour compléter
le tableau, l'épave d'un gros cargo, coupée en deux, est vautrée sur
la barrière et l'on trouve ça et là des plaques de tôle rouillée,
des câbles, des amarres que le corail ne s'est pas encore approprié...
Mais la faune est abondante et de taille plus importante  : les pagres jaunes sont nombreux et pas sauvages du tout. Savent-ils que nous n'avons pas de fusil? On aperçoit successivement deux requins: d'abord un requin citron, puis un requin gris des Caraïbes. Les deux squales mesurent entre 1m et 1m50. Il y a aussi nos amies les langoustes, mais on ne les touche pas! L' eau est très chaude, probablement supérieure à 30 degrés.

Heureusement, c'est plus joli en dessous !



Soyoqui et Gran Roque
On a la bougeotte : on quitte notre mouillage pour se faufiler entre
les bancs de sable et de corail vers un autre îlot minuscule :
Soyoqui, couvert de mangrove. On s'amuse à couper à travers
les zones non cartographiées, c'est facile quand il fait beau, on
voit bien les fonds à travers l'eau cristalline. On mouille sous le
vent de l'îlot vers 11 heures. Une rapide exploration des fonds et
de l'îlot et le verdict tombe: c'est nul, sale, apparemment
fréquenté par des pêcheurs qui y laissent leurs détritus. Mais qu'est
ce que c'est que cette réserve naturelle?

Nous quittons le mouillage  pour Gran Roque : 
c'est une zone facile, et l'on arrive avant la nuit.
Le mouillage est agité d'un méchant clapot soulevé par le vent et
le passage des nombreux bateaux à moteur. Nous visitons le
village, admirons le coucher du soleil...

Gran Roque, une rue de sable

Maison colorée



Gran Roque - Nordisqui, Isla Vapor
Après le déjeuner, on part pour un mouillage plus tranquille, désert
à l'exception de quelques kite-surfeurs de passage,
à Nordisqui, devant l'îlot minuscule de Isla Vapor.
Après une baignade autour du bateau nous partons plonger  sur
la barrière de corail, nous faufilant entre les patates par moins
d'un demi mètre de fond jusqu'à trouver un passage vers le
tombant au dessus du grand bleu. Les fonds et la faune
sont exceptionnels, l'eau très claire. Outre les grosses langoustes,
il y a des bancs de dizaines de pagres, et beaucoup de gros
spécimens de plusieurs espèces en grand nombre. Deux
raies pastenagues de plus d'un mètre me frôlent nonchalamment
et poursuivent leur chemin. 
Quel fabuleux spectacle.
Jean est tombé nez à nez avec un requin nourrice tapis dans
une grotte à 50 cm sous la surface.

Nordisqui - Francisqui
Grosse navigation ce matin ! on doit bien faire environ un mille
pour rejoindre Francisqui, un autre îlot en forme de fer à cheval,
à l'intérieur duquel on pose l'ancre, à quelques mètres d'un banc
de sable affleurant.  Nous nous baignons et profitons de la plage :
on se régale sur le banc de sable, dans l'eau très chaude. Le soir,
les touristes laissent l'endroit désert vers 17 heures, alors on
reprend possession des lieux...

Mouillage à Francisqui



"notre" île...

Francisqui
L'exploration d'un mini-lagon, sorte de piscine naturelle d'un
centaine de mètres de diamètre, est notre objectif de ce
matin. Comme d'habitude, il y a de jolis poissons,
quelques langoustes, et un un énorme barracuda, qui ne doit pas
se fatiguer beaucoup pour se nourrir dans
cet environnement! 
Attention aux  coraux de feu! 
L'après-midi s'étire en baignades et farniente sur la plage.
La vie est dure!


Francisqui - Gran Roque - Sarqui
Nous retrouvons le mouillage animé de Gran Roque où nous
passons faire un rapide approvisionnement de fruits, légumes
et oeufs. Il est possible d'obtenir aussi un peu de carburant sur
une lancha de pêcheurs. Pendant ce temps, des pélicans 
déposent généreusement leur guano sur l'annexe qui dégouline
sans pitié sur les côtés ...



Nous partons après le déjeuner pour l'îlot Sarqui, à 8 milles à
l'ouest de Gran Roque, un peu plus à l'écart des touristes.
C'est une courte et paisible navigation, avant de poser l'ancre
vers 16h dans deux mètre d'eau, devant une jolie plage.
Sans tarder nous allons visiter les lieux en plongée , sur la
barrière toute proche, puis nous rejoignons la plage.
Un vol de flamands roses, aux ailes ourlées de noir annonce la fin
d'une belle  journée...



Sarqui (la skippette aime bien dire "Starsky" )
Pas facile de résister quand les bonites et les carangues chassent bruyamment autour du bateau en se cognant sur la coque!


L'après-midi nous plongeons au milieu de gros barracudas,
de centaines de carangues, de raies pastenagues, de langoustes... L'eau à la bouche, nous faisons un essai de pêche à la traîne en fin de journée depuis l'annexe: Jean conduit et Barbara tient la canne, pleine d'espoir. Nous rentrons bredouilles...

Toujours motivés, le lendemain nous allons pêcher à la ligne sur la plage, en tentant d'attirer les pagres qui se cachent sous les plaques rocheuses au bord de l'eau. On n'attrape que deux petites girelles. Déception! Nous continuons l'exploration sous-marine de la pointe ouest du mouillage, très jolie, et faisons quelques tentatives de photo avec un appareil garanti étanche à 3 mètres ( à 3 m de la plage?)
Le safari photo sous-marin remplace agréablement la chasse, mais il ne nourrit pas l'équipage!. Il y a en particulier un gros diodon repéré la veille, qui se cache toujours au fond de son trou.

L'observation de la faune se passe aussi à terre: en fin d'après-midi, lorsque le soleil décline et que le ciel se teinte d'oranges et de mauves, nous lançons une expédition ornithologique :  après nous être aspergés de répulsif à insectes, particulièrement agressifs à la tombée du jour, nous parcourons l'îlot à la recherche d'oiseaux divers, et nous nous postons au bord d'une lagune dans l'attente de l'arrivée des flamants roses.


Barbara rêve  aussi de voir venir des tortues pondeuses...
Sans tarder, un premier groupe d'oiseaux, une trentaine,  vient se poser sous nos yeux, bientôt suivis par quelques retardataires. Nous retenons notre souffle et parlons à voix basse pour ne pas troubler ce moment magique.
Les flamants sont de deux sortes: les roses, parfois presque rouges (les flamants du continent américain se distinguent de leurs cousins du reste du monde par leur couleur rouge vif), aux ailes ourlées de noir, et les gris et noirs, peut-être des jeunes.. Nous nous  gavons du spectacle, en tous cas les flamants roses sont plus rouges ici!

Vol de flamants roses sur Sarqui

Couleurs de Carenero


Carenero
Oui ici il y a ausi un "carenero" mais c'est une île.
Trente minutes de navigation nous mènent au mouillage de Carenero, deux îlots plus à l'ouest. Il ne fait pas très beau, des vents de plus de vingt noeuds, des grains avec un peu de pluie. Nous ne craignons rien ici, ce pourrait être un bon trou à cyclone en cas de besoin, bien protégé entre deux îles à la végétation dense et assez haute. Comme partout aux Roques, nous baignons dans une symphonie de bleus, de verts, de transparences et de reflets, c'est magnifique. Seule tache dans le paysage, une décharge sauvage d'ordures sur la plage, juste au pied d'un grand panneau demandant d'aider à garder le parc national propre ...
L'eau est très chaude dans ce petit lagon presque entièrement fermé. Dès le matin nous retrouvons nos paysages sous-marins préférés et leurs habitants familiers : langoustes, barracudas, ainsi que quelques "bonefish", que deux pêcheurs tentent de capturer à la ligne (c'est un poisson sans intérêt culinaire mais pour lequel les amateurs de pêche sportive n'hésitent pas à voyager au bout du monde).
Nous parons pour une longue promenade avec palmes de plus de deux heures, qui nous fait contourner la barrière de corail autour de l'îlot Felipe.

Dos Mosquises
Encore un saut de puce aujourd'hui, pour rejoindre les îlots de Dos Mosquises, une navigation de 6 milles en contournant des bancs de sable et de corail, avec un méchant clapot de travers. Vers midi nous sommes au mouillage, devant les quelques baraques de pêcheurs et celle des biologistes d'une station d'étude et de sauvegarde de tortues marines. C'est un très bel îlot de carte postale, avec plage de sable blanc et cocotiers. Je nage dans l'eau claire pour aller vérifier l'ancre : le fond est parsemé de lambis, que nous ne ramasserons pas non plus, pour respecter le règlement...

Dos Mosquises, îlot sud
Nous visitons le centre d'élevage des tortues marines. Des biologistes résident ici pour étudier, soigner, et protéger les populations de tortues. Ils surveillent les pontes, protègent les oeufs de leurs prédateurs, et les ramènent parfois à la station lorsqu'ils sont directement menacés. Ils élèvent alors les tortues qui naissent en captivité jusqu'à ce qu'elles puissent être relâchées huit ou neuf mois plus tard. Ils nous expliquent que le taux de survie d'une tortue jusqu'à l'âge adulte où elle peut se reproduire est de 0,2%, soit deux tortues sur 1000 seulement. Il faut dire que la maturité sexuelle n'est atteinte que vers 35 ans (pour les tortues à écaille). Les tortues reviennent alors pondre sur la plage où elle sont nées. Le responsable de la base, Pedro, qui travaille depuis 26 ans ici, n'a pas encore vu revenir pondre les premières tortues qu'il a relâchées! Il faut être patient dans ce métier ... Deux autres biologistes, Angela et Favel, sont occupés à inspecter les animaux pour compter et extirper à la pince à épiler des champignons parasites...

Nous observons les tortues dans leurs bacs, ce sont des tortues à écailles, également appelées tortues imbriquées ou tortues de Caret. Elles sont en voie de disparition à cause de l'homme, alors qu'elles ont survécu à ce stade de leur évolution depuis une centaine de millions d'années, Les pêcheurs les ramassent par centaines, elles sont appréciées non seulement pour leur chair, mais aussi pour leurs écailles avec lesquelles on fait des bijoux. Comble de la stupidité, certaines de ces tortues ne sont tuées que parce qu'on utilise les écailles épaisses et affûtées du bord de leur carapace comme ergots artificiels dans les combats de coqs!

Bien que strictement protégées par la loi vénézuelienne, ces animaux continuent d'être massacrées impunément, faute de moyens pour appliquer le règlement. Même les garde-côtes mangent les tortues, ici! Le travail des biologistes est donc vital pour l'espèce, et ils comptent beaucoup sur l'éducation des enfants pour que cesse le carnage à la prochaine génération, en espérant qu'il ne sera pas trop tard... Nous sommes conviés à assister à une remise en liberté de tortues le lendemain, une chance car cela n'arrive qu'une fois par mois. Nous visitons également un musée ethnologique racontant l'histoire de ces deux îlots, initialement choisis par les amérindiens pour s'y établir et pêcher les lambis il y a mille ans.

Le repas des jeunes tortues

c'est où la mer ?

Le lendemain, nous sommes ponctuels au rendez-vous des biologistes pour assister au petit déjeuner des tortues. Elles sont nourries avec de petits poissons fraîchement pêchés, et des algues. Pedro mesure et pèse les tortues qui vont être relâchées. En attendant ce grand moment, nous allons faire le tour du deuxième îlot de Dos Mosquises pour essayer de voir des traces de ponte, mais nous ne trouvons rien. Par contre, il y a par endroit des amoncellements impressionnants de coquilles de lambis, certaines érodées et friables comme le sable datent peut-être de l'époque amérindienne!
L'après-midi, c'est le moment de relâcher les tortues. Pedro les porte dans des bassines de la station jusqu'à la plage. Le moment est solennel. Il demande notre attention : et nous fait un discours simple, rappelant les faibles chances de survie des animaux qu'ils a entre ses mains, et nous demande de faire un voeu pour chacune des petites tortues qui vont partir aujourd'hui. Ça y est, on pose délicatement les tortues sur le sable, il faut même en aider quelques unes à prendre la bonne direction, on dirait qu'elles étaient trop bien dans le centre de recherche! Mais finalement, elles finissent toutes par gagner le bord de l'eau et plonger, assez timidement, dans leur nouvel univers. Nous les suivons sous l'eau, avec palmes masque et tuba, elles ne semblent pas très pressées de se disperser, et ne sont vraiment pas effarouchées par notre présence. Il faudra qu'elles se méfient un peu plus à l'avenir! Nous remercions les scientifiques pour cette émouvante cérémonieIl nous parle de son travail de biologiste marin (Pedro a été invité sur la Calypso de Cousteau, qu'il vénère), sur la faune, le Venezuela et la Colombie dont deux d'entre eux sont originaires.

Les enfants relâchent les tortues,

qui voient la mer pour la première fois ...
Pedro nous parle également de la réglementation de la pêche à la langouste et de son application, qui concerne surtout les professionnels et l'interdiction de la vente, mais qui laissent une certaine marge de manoeuvre pour se nourrir ... La langouste brésilienne, plus petite et toute aussi abondante, n'est pas commercialisée et ne fait donc pas l'objet d'une protection particulière. Le fusil est interdit, mais on peut toujours pêcher à la main, comme les locaux. C'est ce que nous nous autoriserons le lendemain, sur la pointe ouest de l'îlot nord, qui ressemble à un bon coin à langoustes. Effectivement, on ne tarde pas à en trouver une dizaine, et Jean en déloge une du fond de son trou après une lutte acharnée qui lui vaudra quelques cicatrices, et c'est un beau spécimen de 2 kg et 92 cm! On se régale d'avance ...
La fin de l'après-midi est marquée par un épisode aussi cocasse qu'étonnant. Un yacht à moteur arrive du large en suivant une trajectoire très bizarre, en dehors de la passe, pour arriver jusqu'au mouillage derrière nous. Il semble régner une grande confusion à bord. La manoeuvre d'ancrage est assez surprenante: un équipier saute tout habillé du bateau avec une ancre à la main (!), et coule. Pourtant il ne s'agit pas d'un suicide, mais bel et bien d'une tentative pour aller planter une deuxième ancre à l'arrière, d'ailleurs complètement inutile vu la configuration des lieux et le vent. Puis, pendant que ses camarades s'affairent à préparer l'annexe, il abandonne son projet et nage en appelant à l'aide avec ses bras. Je saute dans l'annexe pour aller à sa rencontre. "Où sommes-nous ici?" me crie-t-il, dans un anglais fortement accentué d'Amérique du sud, avant même que je l'ai rejoint. Épuisé et ahuri, il se hisse difficilement dans l'annexe pendant que je lui réponds, ne semble rien comprendre, et me demande d'aller le débarquer sur la plage. Il m'explique brièvement que le capitaine de son yacht est complètement saoul et qu'ils doivent absolument se rendre à Gran Roque tout de suite, mais qu'ils ne savent pas où c'est. Je lui dis que c'est à 18 milles d'ici, que la nuit tombe, et que ce serait dangereux de nuit, sans cartes, avec ce vent et cette mer agitée. Ses copains, des gros blacks balaises, genre gardes du corps avec lunettes noires, nous rejoignent dans leur annexe et insistent lourdement, et promettent de me payer très cher si je pilote leur yacht jusqu'à Gran Roque. Ça sent la belle embrouille... Comme je ne tiens pas à finir en nourriture à poisson, je refuse fermement, arguant que je ne connais pas la route. Énervés, ils vont discuter avec des pêcheurs mais reçoivent le même refus car ils passeront finalement la nuit au mouillage et ne repartiront que le lendemain matin au lever du jour. En ramenant le gars au bateau, je constate effectivement que le capitaine est en piteux état... Je ne cherche surtout pas à poser plus de questions, leur souhaite bonne chance, et rentre au bateau déguster notre belle langouste.
Nous consacrons encore une journée à plonger et à admirer les fonds. Sur un tombant que nous longeons, une raie pastenague en pleine eau. Plus loin, de nombreuses langoustes bien retranchées dans leur abri nous narguent de leurs antennes sans que l'on puisse les attraper à la main. Tant pis pour cette fois.

Cayo de Agua, derniers jours aux Roques
Nous quittons à regret ce petit paradis à 9h30, mais nous savons que nous voguons certainement vers un autre, Cayo de Agua. Il n'y a que quelques milles en ligne droite, mais notre route est sinueuse, à l'aplomb du tombant d'une barrière de corail sur des fonds de 10 à 30 mètres.
 

Nous découvrons l'île l'après-midi, à la recherche de sites de ponte de tortues marines. Toujours aucune trace, par contre on observe de nombreux volatiles, dont des fous bruns qui nichent dans les pierres entre les lagunes roses et la mer. On aperçoit des oeufs sous les oiseaux.

Le lendemain matin, des tortues pointent le bout de leur nez de temps en temps autour du bateau, c'est un appel de plus à la baignade, mais il sera difficile de les retrouver dans leur élément. Le vent est toujours assez fort, supérieur à 20 noeuds. Nous passons le temps agréablement entre les plongées et les excursions dans l'île. Nous allons plusieurs fois à la "plage aux rouleaux", sur West Cay après l'isthme qui le sépare de Cayo de Agua. Il faut bien une demi-heure de marche mais la récompense, c'est la baignade dans les rouleaux. Quatre gros chalutiers mouillent dans cette baie, et y resteront plusieurs jours sans pêcher, sans doute pour s'abriter du mauvais temps. Dans le centre de l'île, un bouquet de palmiers isolé semble sortir tout droit d'une oasis saharienne, et nous offre chaque soir un coucher de soleil de carte postale.

L'oasis de Cayo de Agua

Une femelle couve ses oeufs

Nous n'avons pas été déçu pas les Roques: le rêve s'est matérialisé, c'était un plaisir permanent pour les yeux, un enchantement sous-marin.



Los Roques est un archipel situé à 170km des côtes centrales à 35 minutes en avion de Caracas.
Petit paradis du Vénézuéla de 221.000 ha, c'est l'une des plus vastes barrières de corail du monde délimitée par une lagune centrale et de nombreuses baies dans lesquelles il fait bon plonger et observer les poissons,tortues, coraux, ...
Gran Roque est la seule ville de l'île. De nombreuses posadas (chambres d'hôtes) et restaurants se fondent au milieu des habitations locales.







On relâche les tortues: le film (attention, fichier mpeg de 5 Mo, ça peut prendre du temps à charger ...)


également mon autre blog
http://barbarajo.blog2b.net