mercredi 1 octobre 2014

JOURNAL DE BORD été 2014







 

JUSQU’AU BOUT DE NOS RêVES à LA VOILE

Notre été 2014 dans la lumière de la Caraïbe et ses joyaux insulaires en bleu et blanc, que sont la Blanquilla, l’archipel des Roques et des Aves.

Certains voyagent pour vérifier leurs rêves…

Qui n’a pas rêvé un jour de se balancer au  gré des vagues ? Qu’on le veuille ou non la mer porte en elle toutes nos espérances informes, tous nos désirs inconscients et nos nostalgies aussi…venus peut-être d’une autre vie ? Souvent le soir avant de m’endormir je m’imagine  m’affranchissant de l’espace et du temps …En songes je colportais d’une manière itinérante mes rêveries pleines d’un charme inexplicable avec la sensation grisante, presque irrationnelle, que la liberté était un trésor irremplaçable…mon âme frisonne et s’attendrissait tout à la fois à la perspective de me retrouver seule face à cet élément liquide naturel mais complexe…j’éprouvais de frénétiques démangeaisons de « m’expliquer » avec le vieil océan…sans m bercer d’illusion candides pour autant !  Marcher sur les flots était une exclusivité divine que je voulais partager…




Nous avons enfin eu nos papiers le 30 juillet (sur une seule feuille A4  (comme Grain Janus et tous les bateaux récents) : aussitôt Jean a téléphoné à la Matmut de Lannion (qu’il avait rencontré en février) pour faire passer Afrodite en tous risques (ça nous fait deux bateaux en tous risques maintenant...)- puis avons attendu les avenants pour les retourner avec AR et que tout soit réglé impec'

Départ le 7 aout (il y avait déjà eu le passage d'Arthur et de la grosse Bertha !)après approvisionnements et belle traversée inaugurale sur notre "Afrodite" = tout s'est vraiment bien passé avec une bonne moyenne de 6 a 7 nœuds à 120 degrés du vent, un alizé de 15 a 20 nœuds avec quelques   renforcements sous orages au début du parcours à trente nœuds où il a fallu prendre un ris !


Sommes en mer - TVB - La Blanquilla à 180 milles au 232, vitesse entre 6 et 7 nœud  -> Hier soir à l'ouest, les derniers rayons du jour s'accrochaient encre...Un crépuscule flamboyant se prenait pour un tableau de maître...Quelques bancs de stratus persistaient à dessiner diverse formes dans le ciel ...Que du bonheur !



Belle traversée inaugurale sur notre "Afrodite" tout s'est vraiment bien passé avec une bonne moyenne de 6 a 7 nœuds à 120 degrés du vent, un alizé de 15 a 20 nœuds avec quelques   renforcements sous orages au début du parcours à trente nœuds où il a fallu prendre un ris ! Ça change de la grand voile à enrouleur d'Eolis !

Une lune énorme s’est levée à l’est, avec ses vapeurs, ses rayons et ses ombres… Une lune énorme qui distribue une palpitante clarté au ras des flots…
Le lendemain matin dans une  aube mauve un doux zéphir favorable soufflant à doses homéopathiques nous donnait la oie de respirer l’air pur du grand large…

Nous voici donc bien arrivés au Venezuela !

BIEN Arrivés à la Blanquilla en 50 heures TVB

Pour parfaire cette merveilleuse arrivée, quelques dauphins comme comité d'accueil et la lumière de la Caraïbe …

Le bleu profond de la mer, éclaboussé de lumière, génère une réverbération intense qui brûle sans répit nos rétines malgré la protection de nos lunettes teintées. N’oublions pas que « la Blanquilla » signifie « la blanche » !

Une autre bizarrerie : ici le décalage horaire du pays n'est pas - 4 H par rapport à UTC, comme il se devrait, mais ½ heure en moins soit 4h30 de moins au lieu de 4,  histoire d'être un peu plus décalé, de toute façon, personne n'est jamais à l'heure dans ce pays, le retard est une véritable institution…
« Maniana, maniana »

 Hier soir à l'ouest, les derniers rayons du jour s'accrochaient encore...Un crépuscule flamboyant se prenait pour un tableau de maître...Quelques bancs de stratus persistaient à dessiner diverses formes dans le ciel -> que du bonheur !


" BIENVENIDOS A VENEZUELA"

13 AOUT

Escale à Gran Roque l'ile-capitale de l'archipel des Roqués – prononcer « roquesses » - TVB et nous sommes très heureux d'avoir retrouvé nos chères iles paradisiaques au nord du Venezuela et qui nous avaient tant manqué l'été dernier ...nous pensons rester deux mois,"peut-être"...selon la météo


Nous avons donc fait nos formalités d'entrée à Gran Roque aux bureaux situés vers l'entrée de l'aéroport : d'abord l'Immigration  pour nos visas (1016 Bs= avec reçu bancaire, nous leur avons fait comprendre que nous partions aux Avès, ils ont donc accepté que nous ne payons pas le Parc maintenant mais à notre retour car il est valable 14 jours dès la paiement et non morcelable - ensuite nous avons été voir le bureau d'à côté pour avoir les papiers   des Costa gardia - ensuite à la "farmacia", sur la place du centre, juste à gauche de la posada Nueva Cadiz : le taux a de nouveau changé depuis votre passage vu l'inflation galopante gigantesque de ce pays --> pour 1 euro = 82 Bs (65 en juin! pour 1 $) - on a juste changé 100 euros - le premier supermercado était fermé mais l'autre était bien achalandé et nous y avons dépensé la moitié de nos sous...il vendait également des cartes téléphoniques et comme j'avais rechargé mon téléphone venezuelien (qui date de 2006 !) j'ai acheté des cartes et pu parler à maman pendant 11 minutes pour...50 Bs....ensuite on sera de nouveau hors réseau- heureusement que j'ai SailMail pour avoir et recevoir des nouvelles, c'est vraiment super!

Nous avons ensuite levé l'ancre pour traverser tout l'archipel cap à l'ouest sous génois seul à ...5  nœuds (20 nœuds de vent d'est) pour aller jeter l'ancre à Bequevé, en face de Cayo de Agua et où il n'y avait personne et en suivant la trace sur le vieil ordi de Jean que nous avions débarqué de Eolis- Beaucoup de vent donc très rouleur, mais Gran Roque était rouleur encore plus, infernal, avec des pélicans partout sur le pont à « meuter »...C’est curieux comme tous ces goélands envoient sans cesse des cris de reproche au monde des humains…

Le 14 en cinq heures cap sur Barlovento où il y avait déjà trois voiliers sur le reef, nous sommes dans le premier lagon bien tranquilles et Jean est en train de fourbir ses fusils de chasse sous-marine : attention les langoustes

Très bonnes pêches : hier un pagre (pargo)  de 3 kilos - bêtes à cornes = 4+4+5 = 13 prises

15 AOUT = BILAN DE LA PECHE DU JOUR = 4 + un gros rouget et une carangue

Samedi 16 Aout : 5 belles et magnifique calme plat dans "notre" mare --> heureusement qu'il y a un bon frigo et un congèl', sinon il va falloir bientôt que je fasse des "bocaux"!

Nous voici donc maintenant aux Avès, archipel couvert d'oiseaux comme son nom l'indique, avec de belles pêches journalières = déjà 16 bêtes à cornes ! Toutes ces iles valent vraiment le coup d'œil et le site est magnifique, la mer est d'un bleu translucide, c'est aussi le refuge des pélicans, installés sur le  dôme d'une pépite rocailleuse et scrutant l'horizon.


Dans la journée l'archipel est écrasé par un soleil de plomb, mais la nuit, les alizés rafraîchissent l'atmosphère et tiennent les moustiques à distance, enfin ça dépend des soirs…
La plupart des " cayos "  affleurent la surface de l'océan. Leur sable d'un blanc très pur se détache sur les eaux turquoise ou émeraude…Quelques-uns émergent en pointes rocheuses. Des bouquets de mangroves, de cactus et de plantes sauvages ajoutent une note de vert à ces îlots arides où les iguanes et les lézards ont élu domicile. Parfois des tortues de mer avancent à pas lourds sur le rivage afin d'y déposer leurs œufs.
Frégates, fous (" red-foot bobbies "), ibis rouges et hérons y abondent...

J'ai enfin trouvé LA bonne manœuvre pour envoyer et recevoir mes mails : j ai trouvé LA  bonne station émettrice-réceptrice (Trinidad), LA bonne fréquence et surtout LE bon créneau horaire, càd à partir de 18h30 heure locale et pendant une trentaine de minutes --> il s'agit donc de ne pas rater cet horaire ! Aujourd’hui encore bonne pêche = 6 moins une qui s'est barrée...Les queues en tranches à l'américaine avec du riz, les têtes au court-bouillon = Miam

VENDREDI 22 AOUT

Ici c'est comme un sanctuaire naturel.
Dans la journée l'archipel est écrasé par un soleil de plomb, mais la nuit, les alizés rafraîchissent l'atmosphère et tiennent les moustiques à distance, enfin ça dépend des soirs…Jeudi soir on a été bouffés pas possible, j'ai du mettre un pantalon long, des chaussettes et une chemise à manches longues et me mettre sur le trampoline à l'avant avec un coussin pour passer une partie de la nuit !...Evidemment  impossible de mettre la main sur les moustiquaires, les bommes de OFF et autres " repellent "… tout est rangé quelque part mais où ? Et on ne va pas allumer la lumière pour aller les chercher avec tous ces mosquitos autour et partout…sales bestioles !

Donc aujourd'hui départ pour Cayo del Oeste, l'ile à l'ouest, superbe par très beau temps calme comme en ce moment. Du coup belle traversée d'une heure sous génnacker bien gonflé. Il y avant quand même une tente sur la plage, les gens du très beau voilier mouillé au large que des larbins viennent ravitailler vers midi avec des glacières…les avons-nous déranger : vers 16 heures branle bas de combat ! Deux grosses annexes viennent tout démonter et le soir il n'y a plus personne…

La pêche s'est résumée à du snorkeling pur et simple ! Pas de prise, ou plutôt rien qui vaille la peine, que des perroquets et des anges, rien de mangeable …

La plupart des " cayos "  affleurent la surface de l'océan. Leur sable d'un blanc très pur se détache sur les eaux turquoise ou émeraude…Quelques-uns émergent en pointes rocheuses. Des bouquets de mangroves, de cactus et de plantes sauvages ajoutent une note de vert à ces îlots arides où les iguanes et les lézards ont élu domicile. Parfois des tortues de mer avancent à pas lourds sur le rivage afin d'y déposer leurs œufs. Mais il faudrait attendre 90 jours pour attendre l’éclosion !


SAMEDI 23 AOUT

Cette nuit il a plu dru ! Je n'avais même pas mis en place mes récupérateurs d'eau, c'est tellement inhabituel ! du coup il a fallu enlever les moustiquaires que nous avions placées sur les capots restés ouverts au dessus de notre lit pour avoir de l'air vu le calme plat et l'absence de vent, il y a bien des petits ventilateurs à chaque tête de lit mais cela fait quand même un bruit de fond…L'averse est vite passée et nous nous sommes vite rendormis -
Ce matin j'ai mis en route les " Weather fax " sur SailMail   pour voir s'il n'y avait pas de formation inquiétante à redouter sur l'Atlantique, d'autant qu'hier soir lors de mon fameux créneau horaire de d'habitude, ça ne donnait pas bien et je n'ai pas pu recevoir mes messages, dont le fichier Grib pour la zone d'ici auquel je me suis abonnée sur SailMail : les cartes sont bonnes, et en qualité graphique et en prévision donc TVB, et surtout pour ces fax je ne suis pas limitée à 10 minutes par jour comme pour les mails - j'ai même eu la photo satellite du jour : il semble qu'il y ai une formation cyclonique actuellement au nord de Cuba, c'est sans doute cela dont nous avons eu la traîne ces deux derniers jours

Frégates, fous (" red-foot bobbies "), ibis rouges et hérons  abondent ici : La plus grande population ailée réside dans l'ouest de l'archipel et une multitude de goélands nichent quant à eux au nord.
Les bancs de poissons perroquets couleur arc-en-ciel, les anges de mer bleu roi, les hérissons de mer à l'apparence bouffie et les sveltes poissons trompette font la joie des amateurs de plongée. Sans compter les nombreux mollusques, éponges, oursins et toutes sortes de coraux, dont la gorgone. A l'occasion on peut apercevoir un barracuda ou une murène…


Ces paysages silencieux sont des oasis de paix.   Parfois, on peut voir quelques voiliers passer au large, lentement, suivant le rythme des vents doux de ces derniers jours.  Un après-midi nous décidons de faire une promenade sur la plage.  Nous sommes attirés par le sable blond près de la rive sur lequel se prélassent des étoiles de mer.  Elles sont nombreuses car le milieu est propice à leur présence avec ces herbages  au fond de la mer à quelques dizaines de mètres du rivage et ce sable qui les attirent en promenade.   C'est toujours avec grand plaisir que nous prenons le temps de les admirer…
Mon plaisir est décuplé avec la découverte de " Sand dollars " sur le bord de la plage et dont j'aime faire cueillette abondamment pour ma collection.  Ces  fragiles " Sand dollars ", véritable beauté de la nature,  sont sans vie lors de la découverte et feront de jolis ornements de décoration selon ma fantaisie...  

Je n'ai pu résister à l'envie d'y ajouter ma découverte  sur la plage de trois " crown conchs " ces coquillages si élégants…


La plupart du temps, nous sommes tout seuls à admirer tant de splendeurs. Seuls ? Non, bien sûr, ici nous sommes dans le domaine réservé des dauphins. Ils sont des centaines, et de temps en temps, ils vous font les honneurs de votre étrave…Souvent ils nous accompagnent. Ils nagent sous la coque, d'autres restent à côté. Ils sautent par-dessus le sommet des vagues, puis replongent dans le creux de la vague suivante. Quand ils sortent la tête de l'eau, ils me regardent avec l'air de dire : " salut ma poule ! Ça fait longtemps qu'on n'a vu personne par ici ! ". Depuis l'arrière du bateau je vois leurs corps métalliques briller dans la lumière blanche du soleil…

Samedi 23 Aout

Le temps passe vite à passer nos journées en compagnie de la faune des Aves. En  me baladant sur la grande plage de Caya del Oeste j'ai découvert quatre traces de tortues venues pondre pendant la nuit. Mais il faudrait rester 90 jours de plus afin de voir les bébés tortues sortir du sable…l'année prochaine peut-être ?

dimanche 24

Ce soir le coucher de soleil est une fois de plus époustouflant…orange vif, masqué par un horizon très nuageux, les nuages prenant presque la forme de silhouettes…
P.S. on a vu qu'une tempête tropicale FOUR  (4) était au dessus du Cuba et Haïti : nous en avons eu  la "queue" par les grands calmes du milieu de semaine et maintenant du vent car nous sommes sur sa même longitude...TVB

Aux Avès, archipel couvert d'oiseaux comme son nom l'indique, les pêches journalières sont belles = déjà 16 bêtes à cornes ! Heureusement j'ai un bon frigo, et quand le congèl sera plein on fera des bocaux…Toutes ces iles valent vraiment le coup d'œil et le site est magnifique, la mer est d'un bleu translucide, c'est aussi le refuge des pélicans, installés sur le  dôme d'une pépite rocailleuse et scrutant l'horizon. Chaque jour nous nous rendons dans la mangrove en annexe à la rame. Ils sont tolérants et nous laissent les observer tranquillement. Nous découvrons que les bébés naissent gris terne et presque nus. Puis très vite ils deviennent blancs, leurs plumes duveteuses les font ressembler à une peluche adorable. Pendant leur adolescence et jusqu'à l'âge de trois ans, ils sont bruns au bec noir et leurs pattes sont couleur crème. Les adultes ont deux robes totalement différentes selon la phase de mue dans laquelle ils se trouvent. Les jeunes adultes ont le dos brun, le coup est couleur café au lait, le dessous de queue est blanc, le bec bleu avec des fossettes roses et les pieds rouges. Les adultes accomplis sont tout blanc, ils ont le bout des ailes noir, le bec et les pattes sont identiques aux jeunes adultes précités, le dessus de la tête a une teinte légèrement crème (ils ont des airs de ressemblance avec les fous du Cap.

Sur, l'île toute proche d'Isla Oeste, les pélicans, sans doute encouragés par la frénésie reproductive de leurs cousins fous se sont mis à nicher eux aussi. Leurs bébés naissent également tout blanc. Ces enfants là, n'ont rien de la peluche toute ronde et douillette des fous. Ils sont tout dégingandés, comme gênés de leur long bec qui dépasse du nid. Et puis, si les parents pélicans sont d'une grande discrétion et n'émettent jamais aucun son, c'est que dans leur prime jeunesse ils se sont exprimés pour tout le restant de leur vie! Bon Dieu que c'est bruyant que ces bébés-là ! Ils piaillent sans arrêt. Nuit et jour... Mais les parents, stoïques, veillent leur chère progéniture. Dès qu'elle s'envole du nid, elle redevient sage. Et là, ils nous donnent l'occasion d'assister à une leçon de pêche. Non loin de nous, à quelques mètres, ils sont trois, un jeune et deux adultes. Ils se lancent dans un ballet étrange et répétitif. Ils s'envolent ensemble et montent à 6 ou 10 mètres. Puis, ils s'abattent sur l'eau au même moment. Les deux adultes ceinturent le jeune. Ils décollent à nouveau et refondent sur l'eau...Ces figures de style maintes fois répétées assurent une synchronie parfaite. Un spectacle inouï sans entracte ! Papa et Maman Pélican apprennent à leur cher enfant à se débrouiller seul. Des parents extraordinaires ! Tout se fait par mimétisme ! Pas un bruit, pas un éclat de voix, un apprentissage en douceur, une leçon de la vie répétée chaque jour et jusqu'à ce que le juvénile se brouille seul.



MARDI 26

Les infos météo m'ont montré ce matin que la tempête tropicale n°4 s'était renforcée pour devenir le cyclone "Cristobal" au-dessus de Cuba et à l'est de  la Floride, donc loin--> donc c'est le "frère" de notre grosse "Bertha" de début Aout = on a bien fait de descendre ici...les effets se sont fait sentir par des vents de 20 à 25 nœuds qui nous ont conduit à changer de mouillage pour aller dans le lagon d'un autre atoll mieux abrité. Donc TVB - j'apprécie d'avoir ce nouvel outil SailMail qui outre les fichiers Grib me donnent aussi les Weather fax = génial -

Ce matin le ciel ressemble à une carte postale - des nuages de teinte pastel foncé sur un fond de ciel qui éclaircit dans les bleus - le ciel était dégagé comme jamais, tendu d'un dais délicat d'étoiles scintillantes…Ce matin au lever du soleil  le ciel a viré au rose à l'ouest, et, vers l'est, une lueur orange saisissante donnait l'impression d'un million de trésors surgissant de nuages épars…ces nuages étaient eux-mêmes en suspens, comme disposés dans le ciel tout exprès…ils s'étageaient en plusieurs couches et je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer des villes et des villages dissimulés dedans…c'est vraiment tellement beau… j'ai contemplé ça, émerveillée…j'avais les larmes aux yeux devant le spectacle de cette beauté si intense et qui me laissait interdite, un spectacle qui à cette seconde n'avait pour seuls spectateurs que le soleil qui se levait et moi…       Ce magnifique paysage marin orange du lever du soleil rien que pour moi, et avec la texture des vagues, la surface de l'eau était si délicatement ciselée…complètement époustouflant… Pourtant hier soir deux heures après le début du coucher du soleil les nuages se sont amoncelés et subitement nous avons été entourés par un groupe de ces nuages à l'air particulièrement hideux : plus ces nuages se rapprochaient et plus le vent forcissait !d'un nuage à l'autre il tournait de 90° ! Chaque nuage avait son vent propre ! Qu’est-ce que ça annonce ?

MERCREDI 27

Aujourd'hui est un jour pluvieux. Les grains se succèdent et c'est tant mieux : on en avait  bien besoin. ! Ces couleurs (ou plutôt ce manque de couleur, devrais je dire) font que j'ai l'impression d'être sur une autre planète… Nous passons la journée tranquilles : sieste, baignades, lecture, films… ... Et pour couronner le tout, le ciel est complètement voilé par des nuages gris. Le soleil a eu beaucoup de mal à faire son apparition. Du coup journée cuisine : un gros pain aux raisins, une quiche et un gâteau de semoule au caramel! Que d'eau que d'eau = au passage d'une onde tropicale très active à notre verticale de violents orages ont éclaté ! Éclairs, bourrasques, vents tourbillonnants, la totale ! Ensuite de la pluie toute la journée, ce qui a rempli mes réservoirs de récupération - d'après les fichiers météo de nouvelles ondes approchent à raison d'une tous les trois jours = nous restons dans notre joli lagon, bien protégés de tout = " all around shelter " disant les Anglais.
Les Aves sont très sauvages et désertiques, beaucoup plus que les Roques : les seuls habitants de l’archipel sont ici des milliers d’oiseaux et parfois quelques pêcheurs locaux qui viennent chercher refuge dans  une crique entre deux campagnes de pêche au large. Ils nous approchent avec sourires et signes de mains  amicaux et n’ont qu’un mot à la bouche : « cigarillo, cigarillo », ils nous demandent des cigarettes. Hélas hélas nous ne fumons pas, mais nous parvenons à leur échanger des piles ou de vieilles palmes contre crevettes et crustacés.
La navigation au long cours nous ramène vers une vie plus primitive où le troc garde une place importante. Les dollars et les euros peuvent marcher sans doute dans bien  des occasions mais ils ne sont pas toujours nécessaires ou adéquats ! ici il n’y a pas une boutique où les dépenser ! Alors quelques bouteilles d’alcool (bon marché en plus) quelques paquets de cigarettes peuvent être  une précieuse monnaie d’échange. Les causes de tous les vices sont les meilleures monnaies d’ échange !...mais attention : il ne faut pas que cela tourne à une relation « tiers-mondiste »…du style « le pauvre noir qui mendie et le riche blanc qui donne »…Non Non. On peut aussi donner du lait, du riz ou des vêtements par exemple.

Jeudi 28 août 2014

Le soleil s'est à nouveau montré et l'eau bleue miroite, dans un contraste saisissant avec la crête des vagues qui se brisent dans un bouillonnement blanc là-bas sur la barrière corallienne…Au programme : pêche sous-marine et photos des oiseaux.

Jean va bientôt tout avoir  piqué toutes les bêtes cornes présentes sur le site d'ici peu...

L’archipel des Avès ressemble un peu aux Roques mais plus sauvage, un peu plus de végétation et d'oiseaux, pélicans, sternes et fous de Bassan. Ile au vent (Barlovento) peu accueillante avec de nombreuses épaves et un rivage de débris de corail mort jonché de détritus plastique.


Vendredi 29 Aout

Le soleil s'est montré aujourd'hui et l'eau bleue miroite sur notre lagon perso, dans un contraste saisissant avec la crête des vagues qui se brisent dans un bouillonnement blanc là-bas sur la barrière corallienne…Au programme : pêche sous-marine et photos des oiseaux. Nous sommes dans un mouillage très populeux… Imaginez l'enfer !

Dès l'aurore, les pélicans bruns plongent si près de nous que nous craignons parfois qu'ils se heurtent à la coque. Ils se servent dans le garde-manger que constitue l'environnement proche du bateau. Sous Afrodite des centaines de petits poissons viennent trouver abri. Les cormorans passent sous le bateau en apnée et se servent au passage. Certains matins, ce petit peuple est accompagné de dauphins qui poussent les bancs de poissons devant eux, ils n'hésitent pas à tourner, eux aussi, autour de notre Afrodite. Très haut, au-dessus du mât, des balbuzards pêcheurs et des samuros rodent en quête de leur nourriture. Sur le pont, plusieurs variétés d'hirondelles s'habituent à notre présence et au bout de quelques jours auscultent le gréement à la recherche de l'endroit propice pour y établir leur nid… Que vous dire ? Cette petite faune a peut-être confondu notre Afrodite avec l'arche de Noé ? Bonne pêche : 6 (ce qui fait un total de 38 à ce jour…)
L'archipel est bordé d'une mangrove épaisse. Nous sommes hypnotisés par des paysages immenses, où la main de l'homme n'a rien dégradé. Tout est intact, comme au premier jour. Ces atolls constituent d'admirables abris naturels contre les éléments. Lorsque nous pénétrons dans la mangrove, nous ne nous trouvons plus tout à fait dans le domaine maritime et pas encore dans celui de la terre ferme.

MOUILLAGE BARLOVENTO LAT.11°56.751N LONG. 067°26.277W.

Beau temps et eaux transparentes.

SAMEDI 30 AOUT

Jour de fête…Aujourd'hui est jour de fête à bord de l'Afrodite ! C’est l'anniversaire du Cap' ! Pains de poisson, langoustes, deux gâteaux…Il fait un temps superbe, avec un grand ciel bleu, quelques nuages typiques des Antilles, une brise légère. Parfait... tout est parfait… Nous avons choisi un beau carré de sable pour planter l'ancre, et nous voici, dans une belle piscine aux eaux claires! NOTRE piscine…nous avons jeté  l’ancre sous l’œil indifférent d’un vieux pélican placide…
Des cormorans, les ailes déployées au soleil pour les faire sécher, nous regardaient avec une stupidité déconcertante…

Entente à bord = cette séquence a été inspirée par la patronne de l'Internet Café de Bequia qui nous posait la question suivante : " After one year on the boat, you still talk to each other ? " Hé oui, on se cause toujours… Et vu le débit de la skippette face au thésard taiseux, nous avons encore de beaux jours devant nous ! Aïe, Aïe, Aïe !!! Plus sérieusement : un couple à bord d'un bateau devient un équipage, c'est-à-dire qu'une interdépendance se crée : une vie en commun autour d'une passion commune…

DIMANCHE 31

Nous sommes là où le temps qu'il fait et le temps qui passe s'égalisent. Il n'y a que le doux mouvement de l'air pour faire miroiter la surface de l'eau. C'est dans l'île tropicale que l'eau chaude prend sa valeur miraculeuse. Depuis notre couchette, j'entends la mer clapoter de l'autre côté de la coque. Je sais qu'elle est là et son chant, seul, parvient à me faire quitter le livre ou le sommeil où je tentais de m'absorber. Magie des eaux chaudes qui invitent à nager libre, ondoyant comme une algue, elles permettent un instant de croire le corps soluble. C'est là que je préfère mouiller pour découvrir, paupières mi- closes, main en visière au dessus des yeux, la frange de cocotiers qui se balancent dans le lointain….
Sommes partis à la pêche sur le reef ce matin mais c'était décevant (seulement une blanche !...) puis allés prendre le café sur SALACIA, un Lévrier des Mers de 15 mètres avec Olivier (de Concarneau) et Viviana (du Panama), ils sont arrivés vendredi matin au moment du gros grain et nous avons fait connaissance rapidement.

Aujourd’hui encore bonne pêche = +5 = 43 depuis trois semaines - Beaucoup de vent, des ondes tous  les trois jours avec pluies et grains, sinon TVB et on se régale- je surveille  bien la météo grâce à SailMail


LUNDI 1er SEPTEMBRE
Déjà Septembre…Aux Antilles où le marin flirte avec les îles comme le papillon virevolte de fleur en fleur. Chaque escale remplit l'âme de souvenirs en 3D. Des kilomètres d'images se déroulent dans la mémoire comme un gigantesque diaporama. Rien que pour cela, le voyage vaut la peine d'être vécu…
L'alizé est un vent gentil et plus ou moins régulier, de dominance Est, agrémenté de nord soutenu ou de sud farouche. Il dépasse rarement 35 nœuds sous grain. Exceptionnellement des vents autour de 40 nœuds, mais ce sont des passades, très vite réprimées par la régularité légendaire des alizés. En moyenne, on trouve plutôt des forces Beaufort comprises entre 3 et 5 (6 pour les rafales).

Mardi 2 septembre

La plupart de nos plongées sont vraiment féériques, tant par la densité de la faune rencontrée que par l'atmosphère de cette mer inondée par les rayons du soleil au zénith…
Fondus, intégrés dans ce monde, acceptés par les poissons - qui n'ont jamais vu un fusil de chasse sous-marine de leur vie - et qui se laissent approcher à une distance de bras, nous craignons presque de troubler la quiétude et l'harmonie qui se dégagent  ici…entourés de poisson-chirurgiens (attention à leur fameux scalpel dorsal) et d'un nuage de bébés chromis, trois raies mantas et des barracudas nagent au-dessus des coraux en forme de cerveaux ou de cornes d'élan…
Des mérous et des perroquets déambulent aussi tranquillement, tandis que des petits poissons " papillon ", plats et merveilleusement colorés, créent une note d'enjouement et de gaieté.
Tout au fond, bien dissimulés sous des rochers, des langoustes - des bêtes à cornes - alignées comme à la parade, ne savant pas encore qu'elles vont finir à la casserole !...

Mercredi 3
Jamais archipel ne portera mieux son nom. Nous sommes au cœur de l'asile des fous à pattes rouges, les fameux « red-foot bobbies ». Une famille de plus d'un millier d'individus règne sur la mangrove. Si les fous à pattes rouges sont innombrables, on trouve aux Aves d'autres espèces d'oiseaux. Outre les hirondelles et les pélicans on peut observer de nombreuses espèces de sternes ainsi qu'une panoplie presque illimitée d'échassiers de rivages de toutes tailles : hérons Goliath, hérons verts et grands hérons ainsi que des bécasseaux dont les chevaliers gambettes, les chevaliers criards et autres pluviers... Dans cette nature simple et généreuse, loin du monde des hommes, nous avons la chance d'être admis au jardin des dauphins. Ils nous acceptent parmi eux pour une baignade inoubliable. Vous l'avez compris, nous passons un séjour au cœur d'îles et d'îlots inhabités protégés de barrières de corail où il fait bon vivre, où personne ne vient jamais, sauf quelques navigateurs amoureux de grands espaces et de nature à l'état sauvage.
Comment vous dire? Les scientifiques se sont penchés récemment sur la localisation du paradis terrestre. Ont-ils cherché du côté des Aves?

Mouillage à l'Ile à l'Ouest
Cette île-ci est toute plate, moins colonisée par les oiseaux, et donc plus calme…
Elle est recouverte d'herbes rases.
De vagues monticules forment de petits tertres et on ne sait si ce sont des tombes ou des oratoires, en tout cas ils sont surmontés d'une croix…ou bien s’agit-il d’amers pour les pêcheurs ?
L'île d'à-côté se perd dans l'immensité vert jade qui la prolonge…
C'est  désert, oublié, âpre, presque nu,
C'est très beau
La barrière corallienne, à cet endroit, est faite de grandes pierres tabulaires entrecoupées de trous et de tranchées, véritables canyons, dans lesquels on se glisse avec nos palmes et nos masques, absorbés par l e fluide turquoise, à la découverte de failles et de niches dont les occupants ouvrent de grands yeux ronds - surtout les diodons au regard si doux - en nous voyant défiler à leur porte au gré du courant… ils n'ont pas à se méfier de nous eux, par contre, si nous voyons dépasser des antennes, leur propriétaire a du souci à se faire !...

Mon premier pain de Septembre
Je vais maintenant pétrir mon pain. Le pain! Ah! Le Pain... Ce noble aliment que beaucoup décrient et qui est pourtant, depuis que l'homme est homme, la nourriture de base par excellence. Tant de symboles y sont rattachés que nous parlons de gagner notre pain, d'avoir du pain sur la planche, de manger notre pain blanc... ou notre pain noir, d'acquérir ceci ou cela pour une bouchée de pain, d'être triste comme un jour sans pain, mais que nous oublions le Pain. Nous perdons la mémoire du vrai Pain, de sa valeur et de toute sa saveur.

Au bulletin de ce matin "there is no cyclone activity in the atlantic basin"! ouf...




----------------------------------------------------------------



VENDREDI 5 SEPTEMBRE
Je n’arrête pas de vous parler de cocotiers, d’îles paradisiaques et de couleurs d’eau de lagon, bercée par mes nombreuses lectures, je ne suis pas déçue…
Nous sommes entre deux mondes, au royaume des pélicans, des perroquets et des « brrrrr-plouf » - Le « brrrrr-plouf » est un animal qui possède certains talents dramatiques… En effet, l’on raconte beaucoup de choses au sujet du Venezuela. Entre autre, un guide mentionne un danger bien précis, celui causé par les morsures de chauve-souris vampires… enragées ! Ne riez pas ! C’est véridique ! Ce n’est pas un sketch de Jean-Marie Bigard !! Notre  guide de navigation décrit même les attaques de plaisanciers par ces adorables bestioles qui opèrent de nuit, en se faufilant par les hublots. Leur salive contient un anesthésiant, elle est peu coagulante, les victimes de ces agressions nocturnes se retrouvent, ainsi, pleine de sang au petit matin, avec, en prime, la peur d’avoir contracté la rage ! La tête farcie d’histoires hallucinantes, je me retrouve, une nuit, moi, pauvre chose apeurée au milieu de l’eau sombre par lune noire à entendre des bruits tout autour du bateau. Les bruits sourds et inquiétants d’animaux qui volent au ras de l’eau et qui s’y cassent la figure. Cela fait brrrrr-plouf ! Le capitaine, effaré par mes bêtises, lève les yeux au ciel, puis il tente de me raisonner… Rien n’y fait, tout est comme écrit dans le guide ! Finalement de guerre lasse, il s’arme d’une lampe et éclaire de pauvres poissons ailés qui tentent de fuir leurs prédateurs par les airs. Au bout de quelques mètres la pauvre bête retombe, exténuée, dans l’eau… Peu fière, j’observe quelques spécimens, en me promettant de ne plus me fier aux rumeurs !...


SAMEDI 6 septembre
OK, tout n’est pas rose au pays de Neptune, et lorsque je vois le Cap partir à fond de cale et revenir muni de sa caisse à outils, c’est qu’il se prépare quelques « merditas » (pardonnez cette expression quelque peu triviale, mais à l’approche du continent Sud Américain, il nous faut nous mettre au diapason)… Hé oui, la caisse à outils est la digne et fidèle amie des capitaines qui filent au vent. Quel que soit le bateau, neuf ou d’un âge certain, l’air salin, les conditions générales qu’engendrent la mer occasionnent une multitude de petites pannes. Elles ne sont pas dramatiques en elles-mêmes, mais parviennent à user les nerfs les moins aguerris… Il y a des saisons de pannes… Toutes sont différentes selon les bateaux… Ce sont, en quelque sorte, des séries qui se déclarent à bord de chaque bateau en leur temps. Puis, qui petit à petit trouvent solution. Pour laisser l’équipage satisfait et libre de trouver du temps à ne rien faire, avant… la prochaine panne…
Toujours côté technique, nous avons choisi l’énergie solaire. Non polluante, absolument insonore (en comparaison avec les générateurs ou les éoliennes), cette énergie est idéale. Il ne faut pas hésiter à abuser des panneaux solaires. Ils trouvent toujours leur place sur un bateau : sur le pont, sur le toit du cockpit, sur le portique arrière. Toujours dans le catalogue des options, nous sommes très contents de notre désalinisateur, même si aux Antilles il est toujours possible de faire le plein grâce au ciel particulièrement généreux en ce qui concerne l’approvisionnement en eau potable.


DIMANCHE 7
Et si parfois je m’interroge sur le bien-fondé d’un tel voyage ou mode de vie, en voyant le réel bonheur du Capitaine, toute son attitude si rassurante, sont une confirmation ce c’est le bon choix…Tous les deux, sur notre bateau-maison, tous les deux sur notre voilier, notre foyer pour longtemps et où nous vivons dans une solitude et une intimité jamais égalées.
J'aime la mer...et dans ma tête, il y a toujours eu le bruit des vagues, le grondement des tempêtes ou la chanson du vent. Et la magie du rêve, vers des horizons lointains, des îles désertes, des rivages inconnus où l’écume brillante joue sur le sable.
Rêve... rêve... rêve...
Et le rêve est devenu réalité?
Ah! Je voudrais vous dire comme il est extraordinaire de pouvoir jeter un regard circulaire autour de soi et de ne voir que... l'horizon. On se croirait au centre d'un immense plateau, au centre d'un rond parfait. Rien n'accroche l'œil, rien ne heurte, on a l'impression d'être dans un autre monde, proche, très proche de la perfection.
Cet apaisement indéfinissable que procure le grand large.
Le bateau : c'est le cocon retrouvé, une forme de vie très casanière en fait, bien que l'on coure les océans : un petit univers clos où les préoccupations sont différentes, où, surtout, la notion de « temps » prend toute sa valeur. Ici, pas d'impératif d'horaire. Peut-être est-ce cela, la liberté?
LUNDI 8 SEPTEMBRE
METEO DE CE LUNDI : BEAUCOUP DE VENT = 30 NŒUDS !
En préparation : cyclone « EDOUARD » au Cap Vert = à surveiller d’ici les prochaines 72 heures mais nous ne sommes pas inquiets


--------------------------------------------------

MARDI 9

Aux Avès de Barlovento c’est tous les jours une leçon d’ornithologie et de sciences naturelles !
Il faut aller dans les sinuosités de la mangrove en annexe, mais à la rame, en silence, pour découvrir le royaume des oiseaux…Des volatiles partout sur les branches ! Arrivés à la hauteur des premiers arbres on découvre, avec délectation, que la mangrove est sillonnée de bras et de recoins que l’on peut parcourir, moteur coupé, en silence, religieusement…L’annexe glisse entre les troncs morts pour parvenir dans une sorte de petit étang cerné d’arbres. On y voit des oiseaux de la même famille à différents stades d’évolution ; Ce sont des fous à pieds rouges, les « red-foot bobbies », qui nichent là, contrairement à leurs cousins les fous bruns qui eux nichent au sol ; Adultes, ils sont soit blancs avec le bord des ailes noir (bec bleu et dessous des ailes bleu clair), soit marron avec le ventre clair. Beaucoup de nids, faits d’un ramassis de branchages et d’algues, dans lesquels sont couvés des petits recouverts d’un duvet blanc, petites boules de peluche…c’est joli comme tout…A trois mois ils seront en âge de voler mais ce sont de gros paresseux qui restent longtemps au nid, leur plumage devenant  progressivement brun.
Nous amarrons le canot à une grosse branche et restons observer sans mot dire…
Tous ces volatiles, de la même famille, peuvent être de toutes les couleurs ! Mais, attention : ils n’apprécient pas notre intrusion, mais alors pas du tout du tout ! Et ils ont tendance à faire des vols planés au-dessus de nous, piquant sur nos cranes en piaulant comme des déments ! A l’aide de la rame il faut tenir à distance les plus vindicatifs, outrés du sans-gêne des nouveaux arrivants !
Mais que de belles photos ! Hallucinant !
C‘est ici que Alfred aurait dû tourner son film !



MERCREDI 10 SEPTEMBRE
Le vent souffle à plus de  30 nœuds depuis deux jours, ce qui  est tout à fait inhabituel à cette saison ici, c’est tout juste si l’on peut se baigner ! et pas question d’aller à la pêche ! ni d’aller louvoyer entre les pâtés de corail. A vrai dire ils sont espacés et bien visibles, car presque tous affleurent mais il y a vraiment trop de vent !
Je reste très attentive à la météo : Weather Fax et fichiers Grib.
J’ai nommée notre baie « Baie des mangroves » car calme, avec son petit bassin de lagon, bien protégé par un petit îlot soudé à la terre. Nous sommes seuls, l’endroit semble rêvé... Devant nous, un rocher aux apparences bien ordinaires qui cache précieusement une bordure de corail habitée par de jolis poissons tropicaux

JEUDI 11 SEPTEMBRE 2014 = HEUREUX ANNIVERSAIRE BARBARA, LA SEXY SEXA !
MOUILLAGE BARLOVENTO LAT.11°56.751N LONG. 067°26.277W.
Nous allons faire un tour à l'intérieur de l'île, presque impénétrable à cause des buissons et de petites bêtes piquantes, et nous marchons jusqu'à la pointe sud (environ 300 m) en admirant les couleurs du lagon, les lézards noirs et quelques crabes des sables couleur sable.
Mouillage des monuments de bateaux ou « mausolée »
Position GPS approximative : 11° 56. N 67°25.6W
En venant du mouillage sous le phare, il faut se faufiler dans un couloir bordé de 2 récifs. À tribord on a le récif qui fait la pointe de la mangrove du premier mouillage, à bâbord, le récif d'entrée du second mouillage. Nous logeons dans une vaste zone comprise entre des récifs à bâbord et de grands palétuviers sur tribord. Attention au centre du mouillage il y a une remontée de fond de sable. Par temps clair et aux bonnes heures, il est facile de s'y retrouver.
Il n'y a pas de plage où se balader. Par contre, à l'extrême Sud-est du mouillage, lorsqu'on longe la mangrove en annexe, on découvre un minuscule tunnel sous les palétuviers. Il se repère au courant d'eau qui s'inverse à cet endroit là. Au fond du tunnel, une plage microscopique accueille notre annexe. En mettant pied à terre et en se dirigeant plein Sud on trouve ce que nous appelons "le monument des noms de bateaux" ou « mausolée » à chaque équipage de passage dans les Aves peut laisser un bout de bois gravé, une pierre peinte... avec le nom de son bateau et les initiales de l'équipage. Libre cours à l'imagination de chacun, pour laisser une trace de son passage...Je retrouve ma « marque » d’Eolis (celle qui date de 2008, pas les autres, effacées sans doute) et place la nouvelle, gravée sur un morceau de bois flotté et portant le nom d’AFRODITE 2014. Cela me rappelle les fresques peintes sur les quais du port de Horta aux Açores ?
Le coucher de soleil ce soir est encore somptueux: le ciel est rouge et noir, la mer mauve …Le soleil couchant se noie dans les flots, jetant des ombres vermeilles dans le lagon qui en scintille de bonheur, et nous avec…
La sexy sexa va faire de beaux rêves….


-----------------------------
Les pélicans (qui ne sont pas des poètes) plongent quant à eux sans relâche dans la mer, pendant qu'à l'inverse beaucoup de poissons essaient de voler ! En faisant des « brrrrr-plouf » ! Ils s'élèvent au dessus de l'eau et plongent de très haut, aussitôt assaillis par les mouettes qui essaient de leur arracher le poisson du bec !

VENDREDI 12 SEPTEMBRE
Le temps passe vite à passer nos journées en compagnie de la faune des Aves. En me baladant sur la grande plage de Caya del Oeste j’ai découvert quatre traces de tortues venues pondre pendant la nuit. Mis il faudrait rester 90 jours de plus afin de voir les bébés tortues sortir du sable…l’année prochaine peut-être ? Ce soir à l’ouest l’azur du ciel a évolué peu à peu vers une palette de délicates couleurs pastel…l’eau était lisse comme du verre…

Et ce matin, dans le magnifique lever de soleil, de petits nuages faisaient des dessins  sur le ciel orangé et la mer était d’huile…l’un avait même une forme qui n’aurait pas déplu à Walt Disney ! Le soleil illumine encore le ciel bleu pâle…La vie renferme beaucoup de trésors, ne l’oublions pas…Prenons le temps de regarder, le temps de s’imprégner de tout, le temps de graver chaque scène dans sa mémoire, parce qu’aucune caméra ne rendra justice à toutes ces visions… 


SAMEDI 13

Il existe un petit passage bien caché dans un creux de la mangrove qui permet de débarquer en annexe sur l’Isla Sur, et, par un petit chemin, on parvient à un drôle de tas de cailloux et de galets, arrangés avec soin par les plaisanciers de passage, qui pour la plupart y ont inscrit le nom de leur bateau et la date de leur escale afin de laisser une trace de leur visite ici - comme à Horta aux Açores, c’est une tradition…
D’autres figures « artistiques » se dressent à côté, moins significatives : ce sont des enfants qui ont récolté des tas de tongs échouées sur la grève ou de sandales qui traînaient par là, mis des galets dedans et inventer des œuvres d’art tout à fait « primitives »…
C’est sympa comme tout et très rigolo ! cela fait penser à une sorte de sanctuaire…comme des ex-voto… les « artistes » de passage ont laissé libre cours à leur imagination pour créer des sculptures en utilisant la forme des galets trouvés sur place et, de loin, cela ressemble vraiment à un village entier en miniature avec des personnages tout droit sortis de contes de fée… Puis, examiné un par un, on peut imaginer ce à quoi la personne pensait lors de sa création… chacune d’entre elles raconte une histoire…Ici des sorciers par exemple, avec un chapeau de Merlin sur la tête ! Assis sur un rocher  plat face à la mer…Là, une table dressée, avec des assiettes, et même un poisson desséché au milieu en guise de plat principal…Plus loin on dirait une mère et son bébé…
Il faut le voir pour le croire !
La balade  vaut le coup et on est bien sûr tenté d’en faire autant, de rajouter « sa » pierre à cet édifice…de marquer son passage ! Aussi n’avons-nous pas manqué d’y laisser « notre caillou », un symbole pour se souvenir que nous aussi, un jour, en ce lieu, nous avons été envoûtés par cette île enchantée…


Dimanche 14 SEPTEMBRE
ISLA SUR A BARLOVENTO 11°56. N   67° 27 W
L’échafaudage métallique rouge et blanc du phare (F.8.5 S. 12 milles) bien distinct, se dresse au début d’une lagune de terre qui se présente comme une longue jetée naturelle prolongeant l’île. Des mangroves géantes sont groupées, bouquets énormes qui montent à 20 mètres et dont les branches forment des pentes évasées jusqu’à l’eau.
Des îles de verdure qui semblent flotter en enfermant comme un lac intérieur. …
Une plage de sable sur notre droite dont émergent des grands troncs aux branches mortes.
L’ensemble forme une baie bien abritée avec une profondeur largement suffisante pour être proche du bord. Nous mouillons par 6 mètres de fond, nous mouillons long, non pour la sécurité mais pour qu’elle se nettoie en raguant sur le fond de sable !
Le matin au lever du soleil, les arbres sont plein de vie. Des milliers de fous qui nichent dans leur feuillage s’envolent, virent et rasent l’eau, jacassant bruyamment, et commencent à pêcher : n’oublions pas que « los Aves » signifie « les Oiseaux » !

Ce qui frappe en arrivant sur l’Isla Sur de Barlovento (« au vent »), mis à part le derrick cassé de l’ancien phare qui gît au pied du nouveau phare, c’est la mangrove, une gigantesque mangrove, vraiment énorme, qui enserre dans son écrin le mouillage le plus fréquenté du petit archipel, le premier lorsqu’on arrive. Ce mouillage est entouré de grands arbres enchevêtrés les uns dans les autres, et l’on peut parcourir cette mangrove en annexe, le moteur arrêté pour ne pas faire peur aux oiseaux nichés dans les branches…Les arbres sont immenses, hauts d’une vingtaine de mètres parfois, avec des troncs de 30cm de diamètre ! Sans doute l’une des plus grandes mangroves de la Caraïbe.
Il n’y a pas d’habitation ici, ni d’habitants donc, à part les oiseaux…
Seulement les ruines de quelques bâtiments très rudimentaires du côté du phare ainsi qu’une chapelle miniature comme on en trouve sur les îles de la mer Egée, avec des images pieuses et des bougies.
La pointe ouest est un véritable sanctuaire à oiseaux : des hérons, des fous blancs à pattes palmées rouges, bec bleu, dessous des ailes bleu clair aussi, des pélicans, des frégates…tout ce petit monde est joyeux comme tout, bâtit ses nids dans les grosses branches de la mangrove en récupérant tout ce qui flotte – algues, brindilles, lichens -  et donne un concert perpétuel !

La mangrove s’étale de tous les côtés, totalement infranchissable…
La mangrove, c’est l’enfer liquide des îles, ni mer, ni terre, jungle envasée faite de boue limoneuse, d’eau épaisse et de racines inextricablement enchevêtrées…
Un monde de moisissure lourde, glauque, coupé du ciel par des palétuviers géants. Côté mer, l’accès est irrémédiablement barré par un bouleversement déchiqueté de coraux à fleur d’eau, les fameuses « patates » de corail. Quelques mares ça et là, entièrement encerclées par l’écrin d’arbres serrés et de buissons impénétrables… Agrippés aux troncs des arbres, des guirlandes de fleurs à l’infini éclatent en milliers de couleurs…

La barrière de corail

À l’Est de Barlovento des îlots émergent et l’on peut y jeter l’ancre par beau temps : c’est vraiment magnifique, une vraie Robinsonnade ! Des piscines naturelles entourées de murs de corail et chaudes comme des jacuzzis !
Les  plongées sur les cayes sont très belles, on y voit de magnifiques coraux et des poissons de toutes les couleurs au milieu des patates de corail : des « cerveaux » et « cervelets », des cornes de cerf et d’élan, des éponges en trompes d’éléphant, de belles gorgones aussi…


Bilan : beaucoup de bonheur!

Naviguer au quotidien c’est rêver sa vie en reliefs et en couleurs…cela empêche la lassitude et l’habitude…deux mots qui n’existent plus pour le marin.
Nous sommes dans un autre monde…les couleurs avaient banni le noir et le gris…seules demeuraient les teintes éclatantes, chaque jour était un festival qui illuminait l’existence…
La mer n’est pas qu’une tache bleue uniforme, elle use de sa palette avec virtuosité, c’est une œuvre magistrale, éphémère, et sans cesse régénérée, qui s’offre sans compter à qui sait l’observer et la respecter. C’est une aventure qui  chaque jour se finit en apothéose crépusculaire…les couchers de soleil sous les tropiques sont vraiment absolument magnifiques…
« N’est-ce pas la vraie vie? »
Vous allez dire : « bof, on finit par s’en lasser! » « Non, jamais! »
Chaque coucher de soleil apporte sa magie, sa différence, c’est un moment privilégié à bord. De plus, imaginez-vous la vue, à 360°! Les pieds dans l’eau
Les sens grisés d’éclats d’écume, nous avons largué les amarres, ça valait vraiment le coup !
C’est consentir à vivre en parfaite harmonie avec son compagnon de voyage : tant que le plaisir est au bout de l’étrave, tant que la magie est au rendez-vous, on avance ! car les détails de la vie sur l’eau, le quotidien parfois fastidieux, les doutes, s’effacent devant les états de grâce…
AFRODITE est devenue notre « chez nous », entouré de la plus belle piscine du monde…  même si ce temple des pénates ressemble parfois plus à un loft à bascule qu’à une villa les pieds dans l’eau,  nous réalisons  un voyage avec le plus extraordinaire véhicule de liberté. De mouillages rouleurs en coups de vent, de pannes en obstacles divers, l’échelle des valeurs s’ajuste…

13, 14, 15, 16 SEPTEMBRE
Isla Oeste

Il y a un bon mouillage à la pointe est  de cette île en passant au sud puis à l’ouest de tous les îlots qui la débordent ; une très jolie plage ourle la pointe est de l’île ; il n’y a pas beaucoup de place, seulement pour deux ou trois bateaux, il vaut donc mieux y arriver le premier ! C’est bien protégé, sauf du sud.
La pêche y est excellente et on peut laisser les boîtes de corned-beef à fond de cale !...

Le nord de l’île offre également un beau mouillage avec une magnifique plage de sable blanc tout du long, c’est vraiment superbe ! Toutefois la houle y pénètre et peut rendre le mouillage inconfortable, surtout qu’il y a pas mal de patates de corail. Mais l’endroit est vraiment superbe, avec de beaux « snorkeling » et une pêche excellente
Le temps se réduit comme peau de chagrin et il ne nous reste que quelques heures avant de laisser derrière nous les Aves. J'avoue que mon cœur se serre et que le retour à "la civilisation" se fait un peu à reculons. Depuis  notre départ, nous avons jeté l'ancre dans beaucoup d'endroits que l'on qualifie de paradisiaques. Je ne renie pas mon attachement à nos premières découvertes, ni aux îles des Antilles que j'aime profondément. Mais je dois avouer qu’avec les Roques et surtout les Aves, nous avons découvert la tranquillité vraie, une vie simple, sans rien de plus que la nature et les éléments...
On ne peut rester toujours dans de tels endroits, nous avons déjà eu beaucoup de chance de pouvoir cumuler tant de jours entre Roques et Aves.
Ainsi, le compte à rebours a enclenché son implacable comptage, et il va bientôt falloir partir. Pour profiter de ces derniers moments, où seul le bruissement de l'écume sur la plage d'à côté vient souligner la paix environnante, Jean part à une dernière pêche, il me promet du poisson pour midi…

Nous avons bien profité de tous les mouillages de l’archipel, en voici un résumé :

Les mouillages des Aves
Mouillages des Aves de Barlovento
Navigation jusqu'au mouillage sous le phare :
Position GPS : 11°56.757 N 67°26.320W
Pour arriver sur Barlovento, mieux vaut choisir une journée sans grain et arriver aux heures où le soleil est au zénith. Ceux qui viennent des Roques, partent en général de Cayo de Agua. Il faut prendre garde a bien avoir repéré le tracé de sortie du mouillage de Cayo de Agua. Il est délicat. Prendre garde également à ne hisser les voiles qu'une fois sorti de la passe. Un ami s'est laissé piégé en hissant sa grand-voile au mouillage il a été très rapidement déporté sur le récif qui ceinture ce mouillage.
La navigation d'une trentaine de milles se fait rapidement, poussée par les vents et les courants. Bien souvent seul le génois ou le spi est nécessaire sur ce parcours.
A l'arrivée sur Barlovento, il faut prendre garde à bien arrondir la pointe du phare, celle-ci est débordée de hauts-fonds de sable. Pour les dériveurs intégraux il est possible de coupé au travers des hauts fonds qui parsèment le parcours entre la pointe et le mouillage. Nous préférons jouer la sécurité.
Lorsque la pointe du phare est débordée, nous visons l'ilot de sable qui est cerné de récifs. Il est remarquable par une cabane de pêcheurs abandonnée dans la partie Est de l'îlot. Nous cheminons dans les parties bleu sombre. Lorsque nous atteignons la hauteur de l'îlot en prenant garde de laisser les récifs à bâbord, nous piquons vers le sud, droit vers la mangrove.
Le mouillage disposé en arc de cercle s'appuie sur la mangrove. On peut mouiller l'ancre dans 3 à 4 mètres en approchant de la bande d'eau vert clair. Attention cependant, les fonds remontent rapidement afin d'éviter tout problème, il faut laisser une large bande d'eau entre la mangrove et le mouillage. On peut mouiller tout au long de l'arc de cercle. Le meilleur abri se trouve en face de la petite plage ceinturée d'arbres et sous le phare. Mouiller à bonne distance de la plage (pâtés de coraux visibles) dans 3 à 4 mètres d'eau sur fond de sable. À cet endroit-là, lorsque le vent souffle fort dehors vous serez bien abrité des rafales et de la houle. Par contre vous ne serez pas à l'abri de l'odeur forte de guano laissée par la colonie de fous.
Visite de la mangrove : Entrée par la passe est qui laisse assez de fond pour les dinghys. Nombreux méandres. Pour des informations précises sur la colonie de fous à pattes rouges référez-vous à l'article qui leur est consacré dans le site.
Balade possible : Dans la partie sud-ouest de la petite plage, un chemin traverse les arbres, il conduit à la rive au vent de Isla Sur. Possibilité de marcher sur tapis de pourpier maritime jusqu'au phare, puis jusqu'à la pointe ouest. Par temps calme, snorkeling sur la côte au vent.


Mouillage des monuments de bateaux ou dit « mausolée »
Position GPS approximative : 11° 56. N 67°25.6W
En venant du mouillage sous le phare, il faut se faufiler dans un couloir bordé de 2 récifs. À tribord vous aurez le récif qui fait la pointe de la mangrove du premier mouillage, à bâbord, le récif d'entrée du second mouillage. Vous logerez dans une vaste zone comprise entre des récifs à bâbord et de grands palétuviers sur tribord. Attention au centre du mouillage il y a une remontée de fond de sable. Par temps clair et aux bonnes heures, il est facile de s'y retrouver.
Il n'y a pas de plage où se balader. Par contre, à l'extrême Sud-est du mouillage, lorsqu'on longe la mangrove en annexe, on découvre un minuscule tunnel sous les palétuviers. Vous le repèrerez au courant d'eau qui s'inverse à cet endroit là. Au fond du tunnel, une plage microscopique accueille votre annexe. En mettant pied à terre et en vous dirigeant plein Sud vous trouverez ce que nous appelons "le monument des noms de bateaux". Chaque équipage de passage dans les Aves peut laisser un bout de bois gravé, une pierre peinte... avec le nom de son bateau et les initiales de l'équipage. Libre cours à l'imagination de chacun, pour laisser une trace de son passage...


Mouillage Intermédiaire entre la barrière et le deuxième mouillage
Position GPS du mouillage : 11°56.80 N 67°25.40W
Pour pénétrer dans ce troisième mouillage, il vous faudra ressortir par où vous êtes entrés. Ou par une passe dans le Nord Est du mouillage. Le mieux est d'aller repérer en annexe avant.
Le plus simple est de passer au nord de l'ilot où se trouve la cabane de pêcheurs. Mis à part deux récifs à l'Est de la cabane, qu'il faut laisser sur tribord, la voie est libre. Se diriger dans l'Est-Sud-est vers la barrière de corail. (Cap 115 à 125). Le point d'entrée du couloir qui mène au troisième mouillage est au point GPS 11° 57 229 N 67°25.293W. A ce point, il faut quasiment virer à angle droit, et prendre un cap 240. Vous aurez à bâbord et à tribord du récif, il suffit de rester dans l'eau bleu sombre. A la sortie du chenal vous serez au point 11°56.989N 67°25.426W.
A partir de ce point vous pouvez vous diriger vers le Sud et trouver votre aire de mouillage face à la barrière de corail et le long de la mangrove. Ce mouillage est abrité de la houle, mais n'est pas à l'abri d'un fort clapot lorsque les alizés sont soutenus. Mouillage de bonne tenue.
Mouillage au bord de la barrière principale.
Position GPS du mouillage : 11°56.866N 67°25.039W
Pour accéder à ce mouillage où l'eau est couleur piscine et si difficile d'accès que vous vous y retrouverez seuls le plus souvent, il faut suivre les points GPS que je vous donne. Un tour de reconnaissance en annexe vous évitera de tomber dans l'écueil.
L'entrée du premier chenal est au 11°56.950N 67°25.394W. Le chenal n'est pas épais et on a la sensation d'être dans un labyrinthe, mais il y a assez d'eau (de 4 à 5 mètres) à tous les points GPS que je vous communique.

Il suffit de les suivre en négociant un premier coude sur tribord, au point :
11° 56.975N 67°25.250W.

En piquant plein Sud vous vous trouverez un chenal d'une vingtaine de mètres dans lequel vous trouverez 5 mètres d'eau.
Au bout du chenal, au point GPS 11°56.923N 67°25.039W vous êtes arrivés dans la piscine, il ne vous reste plus qu'à choisir votre place... Mouillage de bonne tenue.

Autre mouillage au Nord de la barrière de corail
position GPS : 11°57.019N 67°25.077W
Mouillages des Aves de Sotavento
Des AVES BARLOVENTO vers les AVES SOTAVENTO : 15 milles
MOUILLAGE AVES SOTAVENTO : LAT. 11° 58. 794 N LONG. 067° 39.457 W.

Nous avalons notre chaîne et levons l'ancre, nous partons vers les AVES de SOTAVENTO (= »sous le vent ») à 15 milles à courir toujours vers l’Ouest donc toujours vent dans le dos. Les alizés n’étant pas encore établis, nous avons, tout de même, un petit vent mais très régulier. Le moteur est sollicité : un peu au départ, un peu plus à l’arrivée.
4 heures de navigation facile par mer belle et temps superbe. Nous longeons la partie ouest au Sud des AVES. Partie extrême Ouest du territoire maritime vénézuélien. Sans doute pour cette raison un poste de coastguards est installé là sur une langue désertique de sable et de coraux compactés.
Nous doublons cette pointe après laquelle commence une vaste plage en croissant qui se prolonge par des terres occupées par de la mangrove basse qui n’a rien à voir avec celle vu hier.
D’ailleurs presque plus d’oiseaux, apparemment peu de vie ou d’animation dans ces feuillages rabougris. Par contre une ceinture longue de corail qui forme un grand cercle, s’avançant loin sous nos yeux.

Il faut être très attentif aux roches, aux bancs de sable, et approcher les îles le soleil dans le dos.

La couleur de l'eau est toujours aussi belle. Quelques bateaux et cabanes de pêcheurs. Iles sous le vent (Sotavento) à 10 milles, mouillage derrière l'îlot de Curricai ornée d'un unique cocotier, quelques pancartes de bois, et de 2 cabanes de pêcheurs, plage et eau claire, comme toujours ...


Le lendemain au lever du soleil, les arbres sont plein de vie. Des milliers de fous qui nichent dans leur feuillage s’envolent, virent et rasent l’eau, jacassant bruyamment, et commencent à pêcher : n’oublions pas que « los Aves » signifie « les Oiseaux » ! Dans le ciel ce sont des dizaines et des dizaines qui virevoltent en un carrousel géant et dans un indescriptible tintamarre…Une odeur âcre et forte de fientes réchauffées flotte dans l’air…
Hallucinant !
C‘est ici que Alfred aurait dû tourner son film !

Il n’y a pas d’aube ici, seulement un passage rapide et prolongé de l’obscurité à des teintes de gris…puis la sortie majestueuse du gros orbe solaire…
Les mouillages de cet archipel sont plutôt rouleurs et ne présentent aucun abri contre le mauvais temps. Assurez votre ancrage en cas d'alizés soutenus ou de survenue d'orages.
Mouillage sous le phare au Nord de l'archipel
Position GPS : 12°03.573 N 67°41.288W
Les récifs qui bordent les deux îlots qui n'offrent qu'une protection précaire contre la houle par vent soutenu, empêchent de s'approcher de la plage. Il faut donc mouiller à bonne distance des îlots. Deux îlots de sable, belle plage en croissant de lune, monter au phare pour faire la photo de votre bateau sur tapis couleur lagon, pélicans, et cocotiers.
Mouillage sous Long Island
Position GPS : 12°02.538N 67°40.702W
Immense plage de sable fin, sous le seul cocotier de l'île un catamaran s'est échoué lors du passage de Dean plus au Nord. Cabanes de pêcheurs. Lorsqu'ils sont là, ils échangent le produit de leur pêche contre des produits de leur nécessité.
Mouillage Isla rond
Position GPS : 12°01.446N 67°40.765W

Mouillage entre un îlot à l'Est qui abrite une cabane de pêcheurs et des montagnes de coquilles de lambis et un îlot à l'ouest avec une touffe de cocotiers. S'avancer le plus possible dans l'enclave, mais prendre garde des récifs à bâbord et à tribord. Il est impossible de poursuivre la route entre les deux îlots, ils sont reliés par une barrière de corail.

Carte d'identité
  • Distance : 29 milles entre Cayo de Agua aux Roques et le phare de Barlovento, 33 milles d’Ave de Sotavento de Bonaire, 100 milles de Puerto Cabello, 15 milles entre Barlovento et Sotavento
  • Dépendance : du Venezuela
  • Superficie : Sotavento et Barlovento totalisent 100 km carrés d'eau encerclée de récifs et ponctuée de petits îlots coralliens couverts de mangrove pour certains et de sable avec quelques cocotiers pour d'autres.
  • Point culminant : la flore est composée de certaines espèces de palétuviers de grande taille. Une vingtaine de mètres pour certains
  • Faune : Principalement des oiseaux. Une colonie de plus d'un millier de fous, des hirondelles une famille de pélicans, ainsi qu'une panoplie presque illimitée d'échassiers de rivages de toutes tailles : hérons goliath, hérons verts et grands hérons ainsi que des bécasseaux dont les chevaliers gambettes, les chevaliers criards et autres pluviers...
  • Population :
    Barlovento : aucune présence humaine permanente. Des pêcheurs ont établi des campements sur un îlot de sable non loin du phare ainsi que sur Isla Oeste. Ils viennent régulièrement en lancha.
    Sotavento : présence d'un détachement de la guardia Costa. Onze militaires se relayent tous les 50 à 70 jours.
  • Langues : Espagnol
  • Monnaie : Troc avec les pêcheurs, piles, cigarettes, bières, alcool... sont échangés contre langoustes, cigales et poissons frais
  • En juin 2014 1 $ = 65 Bs
  • En aout 2014 1€ = 82 Bs
  • Approvisionnement : Totalement impossible. Il n'y a aucun commerce, pas le moindre témoignage de civilisation. Pêche possible au fusil harpon, à la ligne, à la palangrotte ou à la traîne. Ramassage des coquillages permis. Cela dit, comme tout est permis, il reste peu ou pas de lambis, quasiment plus de langouste, quant-aux poissons ils sont encore là, mais il est de la responsabilité de chacun de veiller à la taille de ce que l'on pêche...
  • Formalités :
    Barlovento : aucune autorité ne vient jamais sur cet archipel. C'est peut-être l'endroit rêvé pour un exil volontaire
  • Un seul conseil, lorsque vous accueillez les autorités à bord, adaptez-vous à l'humeur du moment avec sourire et bienveillance. Ils en feront autant à votre égard. Même si votre espagnol est aussi pauvre que le nôtre vous parviendrez toujours à vous faire comprendre Ensuite armez vous d’un balai éponge et d’une lavette car ils ont des godillots qui laissent de très grosses traces…
  • Saison :
    L'hiver les alizés sont souvent costauds dans la région. Ceux-ci ne facilitent pas les navigations de retour vers l'Est pour ceux qui ne poursuivraient pas sur les ABC.
    L'été, il faut garder un œil sur les cartes météo. Les phénomènes cycloniques qui passent très au sud dans la mer des Caraïbes peuvent affecter le bien-être des navigateurs qui séjournent dans l'archipel. Le cas s'est présenté avec Charley et Earl en 2004, il s'est renouvelé en 2007 avec Félix. Des amis ont subi les affres de Félix dans le deuxième mouillage d’lsla Sur, ils n'ont pas eu à se plaindre du passage de l'ouragan au nord de leur position. Restez vigilants et si vous vous laissez prendre, assurez du mieux votre bateau en attendant que ça passe.
Particularité : Toutes les cartes papier ou électronique sont faussées. Prenez garde à ne naviguer que par temps clair.

"La longue histoire de l'humanité a été de réduire le globe terrestre à une pépite cernée par la connaissance."
Olivier de Kersauson







Voilà, tout est là
Et nous allons partir cap à l’est !
Mais à moins de s’appeler Jean Luc Van Den Heede la navigation contre le vent  est donc systématiquement évitée par les navigateurs de plaisance !...deux techniques ont à la disposition du marin « bout au vent ».
La première méthode consiste à tirer des bords en alliant l’utile à  l’agréable, c'est-à-dire au lieu de partir bille en tête pour tracer des zigzags sur l’eau, le navigateur établit un parcours sur le principe d’un grand louvoyage de plusieurs  jours = chaque journée de navigation est un grand bord au près (ou au bon plein si on a de la chance…). Cela revient par exemple que nous pourrions viser le continent sud-américain (et oui)  en prenant un cap vers es sud-est ! le bord suivant nous ramènerait (peut-être ?...) vers  les iles suivantes c'est-à-dire les Roques… avec un cap nord-est, puis de nouveau vers le continent et ainsi de suite …La méthode de ces grands sauts de puce impose que le site s’y prête dans sa disposition géographique, d’avoir du temps et de ne pas craindre de « bouffer des milles » ( le près c’est deux fois la distance et trois fois le temps)…
La seconde méthode est dite « la fenêtre météo » : dans les zones tropicales, les vents dominants sont orientés à l’est, mais leur arrivent de changer complètement de direction ! Il suffit donc d’attendre les conditions climatiques qui donneront une brise dans la direction attendue. Mais faut pas rêver non plus !
Ces conditions climatiques durent en général quelques jours et constituent la « fenêtre météo » bien connue des marins. L’inconvénient de la méthode est que la dite fenêtre météo peut se faire attendre longtemps, en particulier en période d’alizés bien établis…

En ce nous concerne nous allons opter pour la méthode des grands bords.





Nous quittons donc l’archipel des Avès dont les descriptions enchanteresses ne nous ont jamais déçus et en avaient fait même une destination de rêve, un peu comme « l’Amérique » de Joe Dassin….

Bien sûr nous savions aussi  que ces archipels des Roques et des Aves sont très à l’ouest des Antilles : le vent dominant soufflant d’Est dans la région, chaque mille à l’ouest est un mille de plus qui peut être difficile pour le retour…mais nous  nous sommes laissé guider par nos envies de grand sud et de l’abri des cyclones.

Nous vivons aujourd’hui notre dernière journée aus Aves : nous avons trouvé notre « Amérique « … ,  « l’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai…»… Du haut du paradis des chanteurs Joe Dassin doit nous  lancer ce regard bienveillant dont il avait le secret.

LOS ROQUES

Parc national, l'archipel de Los Roques est situé à 85 miles au nord de Caracas et 180 miles à l'ouest de l'île de Margarita. Ce parc a plus de 50 îles formées de récifs d'origine corallienne. Le sable blanc, des eaux aux milles reflets. Los Roques est un lieu de navigation privilégié, avec une brise régulière soufflant toute l'année, et les sites pour s'ancrer sont innombrables... L'eau est toujours chaude avec une vie sous-marine riche et diversifiée.



Cet archipel constitué par une barrière de récifs forme en son centre une lagune où les eaux sont toujours calmes quelque soit le vent. L'île principale, le Gran Roque avec sa piste d'atterrissage est l'unique village de l'archipel: petits hôtels appelés "posadas" et maisons de pêcheurs. L'archipel de Los Roques a été déclaré parc national en 1972 pour protéger la faune et la flore dans ses zones terrestres et maritimes: ses nombreuses espèces d'oiseaux tel le pélican, la frégate, l'aigrette et autres, les poissons comme le pagre, le mérou, les coquillages tel le botuto; la pêche de langouste a aussi été réglementée. Le sud de Gran Roque est appelé Rasqui, le nord-est Franciskey, ces deux îlots se rejoignent par une bande de sable; plus au sud Crasqui.
  
La partie orientale de la  barrière de corail s'appelle Buchiyaco, c'est une grande zone où abondent palétuviers, arbre typique des récifs coralliens, ses racines progressant sur les fonds sous-marins des eaux calmes de l'intérieur de l'archipel.
D'autres sites intéressant, au sud-ouest, l'île de Dos Mosquises où une base scientifique contrôlée par les autorités de Los Roques élève des tortues, principalement les espèces en voie de disparition. 
Une autre île, Isla Carenero a probablement l'ancrage le plus beau de toute les Caraïbes. 
On ne peut rester toujours dans de tels endroits, nous avons déjà eu beaucoup de chance de pouvoir cumuler tant de jours entre Roques et Aves.

Anecdote historique :

Certains prétendent que sur la côte au vent des Avès de Barlovento gît une grande partie de la flotte du comte d’Estrées qui captura le navire hollandais Binkes au large de l’île de Tobago puis fit voile vers la France pour réparer ses bateaux à Brest. Il revint aux Indes Occidentales (les « West Indies ») le 7 octobre 1796 pour une nouvelle tentative de mettre la main sur les îles ; il semblerait que d’Estrées fit route sur Curaçao, mais, dans la nuit du 4 mai 1697, son navire porte-drapeau mit la voile vers une des Avès : avant que quoi que ce soit fut entrepris, les navires le suivant s’entassèrent derrière lui ! Au lever du jour, sept bateaux du convoi, trois transporteurs et trois frégates étaient en morceaux sur le récif corallien et perdus corps et biens… le septième navire, le « Jamaïca »,  fut sauvé in extremis « grâce » à une erreur de navigation !

Le seul problème à ce jour est que personne ne peut affirmer sur laquelle des Avès se trouvent les épaves de la flotte de d’Estrées… Daniel Camejo soutient que c’est aux Avès de Barlovento que la flotte a coulé…il prétend aussi que les navires faisaient route de Tobago vers Curaçao qu’ils comptaient investir…

Dudly Pope, de son côté, dit que l’endroit exact est l’île d’Avès, au milieu de la mer Caraïbe, au large de la Martinique !

La solution à ce mystère réside dans la réponse aux questions suivantes :
- quel était le dernier mouillage de la flotte de d’Estrées ?
-où cette flotte a-t-elle été vue pour la dernière fois ?
Autrement dit : où était la flotte entre le 7 octobre 1796 et le 4 mai 1797 ?
Toujours est-il que quelque part pourrait se trouver un fabuleux trésor de canons, de joyaux, objets divers et variés de cette époque ainsi que des restes archéologiques !
Mais, avant d’entreprendre une plongée, il faudrait pouvoir répondre aux questions ci-dessus !


LE RETOUR…

Los Roques, paradis terrestre, a plus d'une merveille à  dévoiler… Une rencontre inoubliable avec une nature magique et généreuse!!!

Des eaux cristallines, un sable blanc soyeux, « le paradis sur terre », c’est ainsi que Christophe Colomb aurait décrit l’Archipelago de los Roques, situé au nord du Venezuela.
Lorsque les petites caravelles jetèrent l’ancre pour la première fois près du delta del’Orénoque, l’amiral déclara que « les eaux de ce puissant fleuve ne pouvaient avoir leur source qu’au paradis ». Le navigateur était émerveillé par la beauté et la luxuriance de cette contrée et par la gentillesse de ses habitants. Les Indiens montèrent dans des pirogues pour souhaiter la bienvenue aux arrivants et l’amiral remarqua qu’ils portaient des bijoux faits d’or et de perles …
Les conquistadors qui débarquèrent ensuite sur ce territoire après Colomb comprirent très vite qu’ils n’avaient nullement affaire aux Indes mais bien à un nouveau continent. En 1499, Alonso de Hojeda, compagnon de Colomb, accompagné d’Amerigo Vespucci et de Juan de la Cosa, aborda la lagune de Maracaïbo où se mirait une petite cité lacustre : les voyageurs lui donnèrent le nom de Venezuela, littéralement « petite Venise ».
La quarantaine d’îles, de cayos (îlots rocheux) – et des quelque 300 autres – constitue un site exceptionnel. Le flot régulier des visiteurs a quelque peu bousculé les habitudes de quelques pêcheurs mais la vie sur ces îles reste simple et paisible. Elle le doit en particulier à un accès peu aisé – petit avion, yachts ou voiliers – mais aussi à la volonté du gouvernement qui l’a classé Parque Nacional en 1972.C’est l’une des plus importantes réserves marines des Caraïbes : au total 225.000 hectares d’atolls !...
Seule une quarantaine d’îles portent u n nom et au cours du temps, certaines ont vu le leur, retranscrit phonétiquement par les pêcheurs, se modifier : North East Cay est ainsi devenu Nordisqui, Sailors Cay a donné Selesqui, et Domus Cay s’est curieusement transformé en Dos Mosquises, pour finalement devenir Cayo Estacion Sur.
Il semble que l’archipel de Los Roques soit connu depuis des siècles…Mais, faute d’eau potable, les hommes ne s’y sont installés de façon permanente que très récemment.
Pourtant les archéologues ont découvert des céramiques préhispaniques ayant vraisemblablement été employées au cours de cérémonies magiques ou religieuses. De petites figurines représentant des personnages trapus, notamment un homme aux yeux en forme d’anneau et des femmes dotées de petites bras et de grandes têtes rectangulaires, piquées ou incisées.
Dans les années 1980, à la suite de la brutale dévaluation du bolivar et à l’instauration d’un contrôle des importations, certaines îles servirent de repaire aux contrabandistas (contrebandiers) qui fournissaient les restaurateurs de Caracas en alcool et vaisselle de qualité.
Plus récemment, débarquant pour la journée de leur jet privé ou pour un weekend prolongé sur leur yacht, la jet-set vénézuélienne a transformé Los Roques en un lieu de retraite privilégié.

L’archipel de Los Roques forme un vaste plateau corallien rectangulaire de 10 par 20 milles.
Tout le coté est bordé par une barrière de corail qui ne présente que deux passes, celle que nous avons prise et celle devant laquelle nous sommes mouillés ce soir.
Les îles des Roques détiennent la 4ème barrière de corail du monde. Seule habitée, Gran Roque et ses maisons colorées, posadas chaleureuses, ses rues de sable et ses bateaux de pêcheurs qui se tiennent chaud sur la plage.


LOS ROQUES sont un ensemble d’îlots ceinturés à l’est et au nord est par une barrière extérieure, l’intérieur est semé de passes, de hauts fonds cernés suivant les endroits de bleu cobalt ou de vert tendre tirant sur le jaune bouton d’or sur les fonds de sable. Les îlots pour la plupart sont couverts de mangroves impénétrables.

15 et 16 SEPTEMBRE

Des Avès de Barlovento à Béquévé – Cayo de Agua

30 milles en ligne directe mais au près = deux fois la route et trois fois le temps dit le dicton à quant à nous avec AFRODITE pour la première fois  cette allure là, nous aurons mis 12 heures et tiré sept bords !...avis aux amateurs…

MOUILLAGE CAYO DE AGUA  
LAT.  11°49.41N   LONG.66°56. 205W.

Plus vers l’Est nous naviguons sur des fonds clairs et d’autres plus sombres.

Nous jetons l’ancre après avoir vogué sur une barrière de corail dans 3 mètres d’eau. Deux îles en croissant. Nous sommes devant celle au sud dont nous ferons le tour l’après midi par la bande étroite de sable qui la cerne.
Totalement déserte. Une partie couverte de mangroves, quelques dunes peu élevées, un oasis de dix cocotiers à l’extrême ouest.

Au sud face au large,  un mur de gros morceaux de coraux à perte de vue, attend d’être transformé en sable…
Une colonie d’oiseaux grands comme des cormorans, l’un couve un œuf de la taille de celui d’une poule ; nid à peine aménagé dans le cimetière de coraux, un rien de sable, à même le sol, ni protection, ni couverture, rien de douillet.

Je vois la mer tout autour de moi et l’immense barrière de corail qui nous protège un peu plus loin devant nous…AFODITE se dandine dans cet éblouissant lagon…Il me semble entendre des sirènes aux voix mélodieuses chanter les louanges des tropiques…

Jeudi 17 Septembre

MOUILLAGE DE CARENERO
 LAT. 11° 53 265 N.  LONG.066°50 630 W.
 Un départ facile à la voile vers l’est, toujours sous génois, navigation de rêve le long des îles, nos 2 lignes traîneront derrière sans succès.
Un premier mouillage retenu et manqué à cause de l’imprécision des cartes. Nous aurions pu faire l’effort de revenir un peu en arrière et de pousser juste  plus avant mais le couloir où nous sommes engagés est si beau, que l’on ne fait qu’admirer, en glissant tranquillement entre des bleus, des verts pâles et des fonds de sable sublimes.
Une mince bande plate défile, de la mangrove coupée de plages blanches, des bandes d’oiseaux tournoient devant nous, virent en rasant les eaux.
Finalement nous virons vers tribord pour dépasser une langue de sable et venir terminer dans une baie en U parfaitement protégée des vents dominants.
Un véritable abri entouré de mangroves où les oiseaux foisonnent, les eaux sont claires. Un banc de poissons chassés par des carangues fait un bouillonnement intense tandis que les oiseaux s’affairent en piqués rapides et incessants.
Une impression de calme, de protection, d’être loin de tout dans un décor exceptionnel. Une nuit sans houle, sans vent.
Vendredi 18 Septembre
Aujourd’hui je pense très fort à ma maman dont c’est l’anniversaire : c’est pour cela que nous avons quitté les Avès où il n’y avait pas de réseau pour téléphoner. Ici nous retrouvons un peu de civilisation et donc j’ai pu lui souhaiter de vive voix tous mes vœux affectueux.
Ce matin un cabin-cruiser s’est mis devant nous à touche- touche avec la côte, amarré à un tronc de mangrove devant une petite plage de sable blanc.
Les occupants se sont installés sur le sable avec transats et parasols, à dix mètres d’un tas impressionnant de sacs poubelles pleins de détritus des différents bateaux passés, qui attendent un ramassage incertain, laissant indifférents les candidats au bronzage.
Nous partons en exploration avec masque et tuba au-dessus des coraux dont le spectacle est toujours aussi fascinant.
Poussant un peu plus loin, prenons pied sur un îlot séparé de nous par un bras de mer. Eau transparente, sable blanc, désertique à l’exception de trois cocotiers si penchés qu’ils donnent l’impression qu’il y a un vent fou à l’instant. 

19  20 21 SEPTEMBRE

 

Parc national, l'archipel de Los Roques est situé à 85 miles au nord de Caracas et 180 miles à l'ouest de l'île de Margarita. Ce parc a plus de 50 îles formées de récifs d'origine corallienne. Le sable blanc, des eaux aux milles reflets : Los Roques est un lieu de navigation privilégié, avec une brise régulière soufflant toute l'année, et les sites pour s'ancrer sont innombrables... L'eau est toujours chaude avec une vie sous-marine riche et diversifiée.

L’archipel des Roques est constitué par une barrière de récifs qui forme en son centre une lagune où les eaux sont toujours calmes quelque soit le vent.
L'île principale, le Gran Roque avec sa piste d'atterrissage est l'unique village de l'archipel : petits hôtels appelés "posadas" et maisons de pêcheurs. L'archipel de Los Roques a été déclaré parc national en 1972 pour protéger la faune et la flore dans ses zones terrestres et maritimes : ses nombreuses espèces d'oiseaux tel le pélican, la frégate, l'aigrette et autres, les poissons comme le pagre, le mérou, les coquillages tel le botuto. La pêche de langouste a aussi été réglementée (hélas !). Le sud de Gran Roque est appelé Rasqui, le nord-est Franciskey, ces deux îlots se rejoignent par une bande de sable; plus au sud Crasqui.

SARQUI, Espengui et Cayo Sal, avec ses lagunes bleues et son sable blanc, sont des sites idéals pour nager, pêcher, plonger ou juste admirer le paysage à l'ombre.
Isla Sarqui a une des lagunes les plus belles avec une barrière de récifs parfaite pour la chasse sous-marine.
Comme toujours sous les tropiques la nuit est tombée brusquement, amplifiant le bruit sourd de la mer qui brise au loin sur la barrière de corail…
Nous nous reposons des joies  ineffables de nos nombreuses plongées au milieu des récifs toujours aussi paradisiaques.


Nous sommes ici au pays des couleurs étincelantes, dans la patrie des pélicans, des frégates et des fous bruns. Ici, on peut  pendant des heures regarder la couleur de l’eau. Elle est d’une générosité pure, et les amateurs de nuances pourront débattre à l’envi sur la tonalité de cette émeraude qui se marie avec le turquoise et se fond dans l’écume étincelante qui pourlèche la plage immaculée… Si, en outre, ce nuancier se trouve en présence d’un daltonien (suivez mon regard…), il  passera ainsi de nombreuses heures à enseigner les « couleurs lagons ». Car comment mieux définir la couleur de l’eau qui est ici un réel ravissement ?

Lundi 22 Septembre

L’ancre levée nous quittons SARQUI et filons 5 à 6 nœuds sur GRAN ROQUE, c’est à dire la capitale, longeant le reef de très près, surveillant les différences de teintes et zigzagant entre elles pour éviter de toucher.
 Mouillage à GRAN ROQUE  
LAT.11°56 783 N  LONG.066°40 673W 
Nuit et jour les alizés  réguliers et forts mais sous la protection de la ceinture de corail, la houle est inexistante, juste le bruit de la mer qui brise sur la barrière.
A la différence des autres îles, elle est plus grande et a une partie élevée qui donne l’impression de collines, le reste est plat.
Une longue plage bordée par des maisons aux façades colorées et aux toits peints de couleurs vives.
Un petit bourg avec des rues tracées dans le sable, éclairage public, restaurants, bars, petites pensions de famille (posadas).
 Les pélicans plongent sur une bande de poissons.  Les mouettes les attendent au sortie de l'eau, leur grimpent sur le corps et leur piétinent la tête pour essayer de voler leur prise.
Nous sommes stupéfaits de voir le nombre considérable d’avions à hélices qui atterrissent et décollent sans arrêt sous nos yeux, perpendiculaire à la plage. Les appareils arrivent en final sous la hauteur des mâts des bateaux au mouillage, passent à toucher au-dessus de la plage, et se posent juste au début de la piste. L’activité est incessante, elle commence à 7 h le matin, jusqu’à 19 h  passées le soir. Vedettes et cabines cruisers sont autour à attendre leur client ou propriétaires pour les emmener aussitôt sur les îlots.
Mardi 23 Septembre
Comme je ne voudrais pas être taxée d’impartialité par une description trop élogieuse de ces archipels, je vous transcris une traduction sans prétention d’un extrait du guide Doyle « Cruising Guide to Venezuela »
« Les Roques font partie des quelques sites où j’ai eu le plus de plaisir à naviguer. Une bonne brise, une mer belle aux couleurs toujours changeantes, font qu’il est un pur bonheur de croiser aux Roques. L’eau y est si claire que même sous voile, on peut toujours négocier les passages difficiles entre les récifs pour trouver un mouillage idyllique. Los Roques sont un lagon s’étire sur environ 25 milles de long et 14 de large. Les récifs coralliens à fleur d’eau reflètent la lumière avec une telle force que les nuages prennent parfois une teinte vert d’eau. Los Roques restent encore assez peu visitées. Il est ainsi fréquent de trouver un mouillage désert qui vous donnera le sentiment d’être un explorateur du bout du monde ».
En tout le site est aussi un lieu idéal pour faire grossir l’album photo d’AFRODITE : les photos sont en effet un élément incontournable de la mémoire du voyage. Plus encore que dans d’autres domaines l’appareil photo numérique est devenu incontournable, également les jetables qui vont sous l’eau. Pour immortaliser mon énième coucher de soleil il me suffit d’appuyer sur le bouton aussi souvent que j’en ai envie. Avec le numérique je peux prendre trente clichés de dauphins virevoltant autour des étraves d’AFRODITE et n’en conserver que deux ou trois. Surtout que ce n’est pas facile de faire une bonne photo de dauphins! Lorsque la carte mémoire est pleine et bien il suffit de passer les bonnes, les moyennes et « acceptables » pour les stocker sur le disque dur de l’ordinateur. Du coup  je peux alors me lancer dans des retouches éventuelles avec un logiciel ad hoc ! Et fini la contrainte des volumineux albums photo. C’est ce que j’appelle le daguerréotype nouvelle génération ! Le  maniement est simplifié et mes photos vont directement du producteur au consommateur sans  passer par les couteux services d’un laboratoire de développement. Les clichés de la pêche « miraculeuse » et héroïque du capitaine peuvent ainsi faire l’objet d’un diaporama alors que la bête n’est pas encore consommée ! Et pour épater les mais de métropole rien de plus facile que de leur envoyer un mail (sadique) avec une photo panoramique du lagon dans lequel on est mouillé…si l’on fait route avec un « batocopain » on peut alors avoir enfin une photo du bateau surfant sur les vagues prise depuis leur bord et réciproquement.
Ca soir le ciel avait la couleur et la profondeur de l’infini…des pélicans se muaient en projectiles en plongeant à  la recherche de leur pitance dans les eaux claires du lagon…

Mercredi 24 Septembre
Ça y est ! Nous avons vos formalités de sortie du territoire venezuelien. Fastoche ! Quand on pense à toutes les tracasseries endurées à Margarita avec Juan et à Porto La Cruz avec José….no comment !... Pour obtenir la fameuse « zarpe », véritable sésame de sortie, la clearance de sortie quoi, il faut aller chez les Costa Guardia, mais au bureau dans le bâtiment situé de l’autre côté du village, côté nord-ouest après le supermercado : là un jeune en uniforme suant à grosses gouttes, aimable comme tout, et s’évertuant à prononcer les quelques mots de français qu’il connaissait, nous  a rempli le formulaire ad hoc, est allé le faire signer par  le « commandante » et nous l’a remis.  Nous avons ensuite repris l’annexe pour aller aux bureaux de l’immigration, côté aéroport cette fois-ci, comme à l’aller le 13 aout dernier, où nos passeports ont été tamponnés pour la « salida ». Voilà, c’est tout. On n’a rien payé, même pas le Parque Nacional, puisque nous avons déclaré partir aussitôt…On aura donc en tout et pour tout changé 100 € en bolivars, dépensé un peu moins pour les formalités d’entrée, quelques courses et des cartes téléphonique...

DERNIER MOUILLAGE de LOS ROQUES :
de GRAN ROQUE à la bouche SEBASTOPOL : 12 milles
MOUILLAGE SEBASTOPOL :
LAT.11°47 429  N  .LONG.066°34 416 W.

Avec notre annexe nous longeons le petit îlot couvert de mangroves dont les racines forment une barrière impénétrable à l’homme.
Nous nous sommes arrêtés sous l'îlot Buchiyaco, petit ilot de mangrove en bordure de la barrière. Non loin l’épave d’un cargo sur la barrière signale qu’il ne faut pas s’aventurer  par là...Nous avons laissé notre ancre cascader joyeusement dans l’écubier. Il y a ici onze mètres de fond.
Vers 18h30 le soleil déclinant a magnifié la baie d’un glorieux embrasement  pourpre…

Des oiseaux chantent, un pélican, d’une grosse branche, plonge sur une proie.
L’eau est claire, transparente. Equipés de masques et de palmes nous passons de l’autre côté de la barrière. Un véritable aquarium géant s’ouvre sous nos yeux, parmi les coraux de toutes sortes : en boules, en feuilles dont certaines, en fleurs, sont urticants, des espèces de choux laissant sur les doigts une impression gluante.
Les poissons de toutes tailles et couleurs s’affairent au milieu de ce monde varié. Chacun y trouve nourriture et protection. Les minuscules à moitié bleue métallique et à moitié jaune bronze se vautrent parmi les urticants, d’autres croquent les coraux avec facilité.
Des poissons plats en bande, d’un bleu lapis-lazuli passent et repassent ; des bleus très sombres dont les nageoires, de même couleur, sont partagées du corps par une fine ligne blanche nacrée. Des corps bruns semés de points rouges, d’autres argentés avec des nageoires jaunes et de yeux ronds cernés de noir. Des lilliputiens avec des couleurs fascinantes. Des oursins noirs aux longues épines se nichent  ses ombres légères à la surface de l’eau. Nous allons bien dormir dans le calme de ce havre protecteur…

Cette nuit est passée l’onde tropicale indiquée sur les fichiers météo : il a plu et il y a eu un énorme orage, avec de fulgurants éclairs. Les écluses du ciel se sont ouvertes en grand, noyant les feux du couchant sous un déluge d’eau. J’avais prévu tout cela et mis en place mes bidons au bout de mes récupérateurs d’eau de pluie et ce matin ils étaient pleins. Plus l’eau récoltés dans l’annexe, ça fait de l’eau douce d’avance, car le désal’ ne marche plus, la courroie est pétée, et  il faudra attendre Le Marin pour en trouver une de rechange. Heureusement il nous reste normalement assez pour boire et cuisiner, j’espère en tout cas !

Le tombant des récifs est du sable très pentu avec quelques rares buissons de corail ; heureusement nous nous sommes arrêtés en face d'un endroit où il y en avait une dizaine de blocs de corail. Et là, il y a des bancs de poissons, des espèces habituelles et fréquentes mais avec des spécimens de grande taille. Curieusement, pour une réserve, ils sont assez craintifs.
Une petite ondée nous laisse en souvenir un féerique arc-en-ciel envahissant le ciel et la mer…
La côte est bordée de récifs coralliens qui délimitent un étroit lagon aux eaux turquoise : au vent de cette côte pullulent des colonies de burgos, sortes de bigorneaux géants.
Sous le vent des récifs l’eau limpide laisse entrevoir une multitude de petits poissons multicolores. Une grosse murène hideuse, effrayée à mon approche, s’enfuit en ondulant pour regagner son trou.
Un groupe de paille-en-queue, affublés de leurs longues plumes effilées, nous survolent en silence, laissant admirer leur vol particulier…


Mouillage de BUCHIYACO
Le paysage semble se diviser en trois bandes horizontales : l’eau, d’un vert sombre changeant, la bande blonde de la plage, et celle du ciel bleu, plein de nuages d’altitude…
Cet après-midi j’ai plongé une dernière fois dans l’eau tiède pour inspecter les récifs et les pâtés de coraux du banc d’à côté, découvrant une ribambelle de langoustes bien abritées das les anfractuosités sous l’œil intrigué  d’un mérou géant doté d’un toupet incroyable ! Se doutaient-ils qu’ils devaient la vie sauve à l’existence de la zone classée « parc national » ? Je savourai en tout cas le plaisir de descendre dans le bleu de cette eau limpide au milieu de rougets goguenards et de poissons-perroquets nonchalants. Le spectacle, une fois de plus, était partout dans ce gigantesque aquarium naturel…Ma brusque et bruyante incursion dans ce monde silencieux a fait s’envoler au loin une magnifique raie pastenague.
Puis les lueurs  rouges du soir étirèrent leurs ombres vers l’ouest. Le crépuscule naissant hésite entre le bronze et l’indigo…


La sortie de l’archipel

Au loin la barrière de corail trace sa ligne d’écume. Derrière la barrière et devant des îles de mangrove il y a un chenal profond d'une quinzaine de mètres, avec de temps à autre des pâtés de sable et de corail qui remontent prés de la surface. Avec une bonne lumière et le soleil du bon coté, il est facile de les repérer : ils sont de couleur vert pale à blanc tacheté de marron, sur les verts pales il y a de l’eau, les autres sont des affleurant. L'eau profonde est bleu foncé.

Une fois là dedans sans problème, la passe est large et bien visible, surtout avec du soleil et du vent léger.
Le paysage autour de nous est beau, mais un peu trop vaste. Les îles et les récifs ne forment qu'une mince ligne de couleur entre le bleu de l'eau et le bleu (mais avec des nuages) du ciel.



Une quantité de récifs, d’îlots et d’îles saphir à la végétation luxuriante émergent du scintillement mauve de l’océan. Au loin, des baies splendides s’enfoncent dans la côte très découpée et déchiquetée, nous apportant l’inévitable lot de rêves et une envie folle de jouer les « explorateurs » !


Nous nous amusons à raser les cayes dans une eau d’une clarté exceptionnelle sous un ciel aguiché de quelques nuages blancs …
Ainsi, le compte à rebours a enclenché son implacable comptage, et il va bientôt falloir partir. Pour profiter de ces derniers moments, où seul le bruissement de l'écume sur la plage d'à côté vient souligner la paix environnante, Jean part à une dernière pêche, il me promet du poisson pour midi…quant à moi je vais chercher des  crabes : le crabe de cocotier, véritable forteresse ambulante, que manifestement ma présence contrarie,  m’observant de ses petits yeux pédonculés et très mobiles. Avec un bambou, d’une pichenette fort réussie, j’envoie valdinguer ce saccageur doté de pinces redoutables, certains ayant une beaucoup plus grosse que ‘autre, la droite, et on les appelle les « c’est ma faute » car ils on l’air de se battre la couple comme à la messe les pauvres pécheurs…



Nav’ de nuit vers LA BLANQUILLA

Nous appareillons pour la BLANQUILLA, une longue traversée de 116 milles mais au près !....Cap au 97 en ligne droite !!!

En partant en milieu de journée, quand le soleil au zénith marque bien la passe et ses écueils,  nos espérons arriver après-demain soir…de toute façon on a la trace GPS et à l’aller nous étions également arrivé de nuit  au mouillage bien connu de El YAQUE.
C’est l’avantage du GPS : il suffit de presser la touche « track » et l’appareil enregistre la route  du bateau au fur et à mesure qu’elle se déroule ! Donc on peut arriver de nuit là où la trace a été enregistrée, « finger in the noze » ! Le principe est d’enregistrer sa route lors de l’entrée de jour dans un lagon ou une crique, ensuite  on sait à coup sûr où on va.

Notre première nuit de veille se passe sous une lumière fuyante qui s’enhardissait d’un halo multicolore. Notre sillage, s’il ne laissait qu’une trace éphémère sur la mer, en imprimait une profonde dans nos mémoires…

Dans notre sillage une nuée de mouettes piaillardes virevoltent avec insolence en s’invectivant d’une manière intraduisible !...

Un soleil bas, grosse boule rouge cernée de nuages, éclabousse d’orange le cochant…Puis le ciel se piqueta d’étoiles…
La nuit tombe et avec elle la solitude du navigateur, seuls dans le noir… pas de lune cette nuit pour nous éclairer a giorno tout au long du voyage…une nuit noire et profonde nous enveloppe. Nous avons l’impression de rouler à vive allure à sept nœuds sauf que c’est pas le cap !!! Mais le vent se met à forcir et la mer se forme…nous redécouvrons aussi que la nuit tout est amplifié, la peur du noir aussi, peut-être… On s’habitue à tout, même au noir de la nuit.
Les voiles chuchotent sur AFRODITE qui en palpite de plaisir…sous un ciel clouté d’étoile je prends le premier quart. Phénomène de turbo luminescence, des milliards de protozoaires s’allument en brusques flambées dans notre sillage tandis que de petits poissons lumineux zèbrent la nuit sous-marine de leurs corps fuselés…

Puis le soleil se lève et une nouvelle journée de navigation s’étire. Les premières lueurs de l’aube palpitèrent à peine au-dessus de l’horizon…La masse ouateuse des nuages engloutissait le soleil levant…En fin d’après-midi l’ile de La Blanquilla se dessine à l’horizon. Nous sommes pressés d’arriver.au fur et à mesure que nous approchons de notre point de destination l’impatience monte chez la skippette ! Elle s’agite !


Nous arrivons juste à la tombée du jour, quand une lune orange, fichée dans la nuit noire comme une lampe sembla nous sourire…

Au  matin, après que le soleil levant ait blondi la côte, nous allons faire nos salutations à la faune aquatique. En pratiquant, ce que de ce côté de l’Atlantique on nomme le « snorkeling », c’est-à-dire la plongée PMT, càd avec Palmes-Masque-Tuba !

A la surface de ces eaux turquoise s’étalent toutes les teintes de bleus, du bleu foncé des grandes profondeurs jusqu’au pastel, voire au vert soutenu en bordure de l’immense plage de sable doré.

A la surface de ces eaux turquoise s’étalent toutes les teintes de bleus, du bleu foncé des grandes profondeurs jusqu’au pastel, voire au vert soutenu en bordure.

Sous mes pieds s’étale un tapis minéral de forteresses er de palais coralliens… c’est le domaine incontesté des mollusques, des étoiles de mer et des crustacés…A la faune aquatique revient l’entière responsabilité du spectacle ! C’est un monde plein de grâce et de couleurs chatoyantes, sillonné par une multitude de poissons tropicaux. Ce ballet sans cesse renouvelé est un ravissement pour les yeux…Mais, à force plonger en apnée et de me pâmer devant ces somptueux paysages de madrépores, je ressors de  l’onde complètement moulue de fatigue ! Après une courte pause, laissant à la brise tiède et au soleil le temps de me sécher, et me voilà qui reprends mon excursion sous-marine en chantant…

Nous nous retrouvons alors nez à nez avec un poisson fort sympathique, de ses gros yeux il nous observe dans les moindres détails car il est curieux, ses lèvres pulpeuses semblent nous envoyer des bisous sexy… Il est adorable ce diodon ! En apnée nous rencontrons aussi  de charmantes brésiliennes ne rêvez pas, messieurs, ce ne sont que des (petites) langoustes tachetées ! Un poisson ange rêvasse au bord d’une grosse tête de corail… Nous pouvons passer des heures à barboter en présence des poissons sous le regard dubitatif des fous et de pélicans qui du haut de leurs rochers semble nous regarder comme si nous étions de réels extraterrestres. Ils doivent penser que nous nous y prenons bien mal… et puis que viennent faire ces bipèdes mal adaptés dans notre garde-manger ? Après tout, ils sont chez eux !

Attention = Il faut aborder l’archipel dans une attitude de totale autonomie.
Vous me direz, mais que faire, il n’y a rien ici ?
D’abord il y a la pêche ! Nous avons pêché le  plus gros poisson jamais capturé sur AFRODITE à ce jour : il a mordu pendant notre navigation  entre les Roques et la Blanquilla. La skippette a crié « poisson » lorsque la canne a ployé à 90° de son axe ! Le fil s’est dévidé de son moulinet à une vitesse supersonique.  On a d’abord cru nous être accrochés à une nasse ou au fond…nous avons commencé  par ralentir le bateau. La tension du fil était telle que jean a failli le couper ! Pour éviter le phénomène de « la canne javelot olympique »… Vu la profondeur il est peu probable que nous soyons accrochés à un obstacle quelconque Jean rembobine la ligne qui soudainement n’offre plus de résistance ? J’imagine que nous avons perdu notre proie quand,  quelques dizaines de mètres derrière nous apparaît notre festin du jour : un barracuda d’un mètre ! Il doit peser 15 kilos ? La remontée de la proie provoque un dilemme : je suis encore victime de ma sensiblerie lorsque  je vois ces beaux bestiaux marins se débattre contre la mort. Jean est plutôt poussé par un instinct de tueur primitif réanimé l’adrénaline et la fierté de la prise !
Ce trophée donne enfin à l’équipage le statut de pêcheurs confirmés ! L’accès à ce statut, s’il n’a pas été sans déconvenue, a été l’occasion d’écarter pas mal d’idées préconçues sur la pêche à la traîne. Dans tous les cas, ramener du poisson à bord demande patience, humilité et opiniâtreté. En tout cas c’est bien mieux que dans les Antilles françaises…
L’autre débat concerne la pêche à la langouste : au fusil-harpon ou au lasso ? Le dit lasso est constitué d’un manche en bois sur lequel est fixé un gros fil de  pêche. Une fois la langouste repérée, la technique consiste à passer la boucle du fil autour de la bête et à tirer. Le maniement du lasso peut paraître simple ainsi exposé mais demande un véritable coup de main !
Notre AFRODITE se balance nonchalamment, ancré dans trois mètres d’eau turquoise parfaitement translucide. Aujourd’hui l’alizé souffle mollement, toujours de nord-est, apportant par intermittence l’odeur pharmaceutique et entêtante de la flore et des niaoulis de l’île. A une vingtaine de mètre un petit îlot désert en forme de croissant avec une maigre végétation. Quelques crabes aussi. La plage est d’un blanc insoutenable, quel éclat ! Des mouettes marchaient avec insolence sur les bancs de sable que la marée n’avait pas encore recouverts, laissant derrière elles des marques en forme d’étoiles…

Le soir tombe à pas feutrés, la nuit s’annonce belle, un somptueux coucher de soleil embrase l’horizon, striant de rose tout le couchant…Un grand vol de frégates s’élève, noires, bruyantes, tourbillonnantes, impatientes de voler aux sternes le produit de leur pêche. Les rutilances du couchant allument des flammes sur les flots. Alors tout se nacre, s’irise, avant de tourner petit à petit au violet dans les vapeurs d’un bistre de plombagine, striées de longues veinures orangées et rouge sombre…Je fixe ce spectacle féerique comme on fixe un tableau de maître…Les premières étoiles palpitent déjà dans un ciel dégagé.


A la surface de ces eaux turquoise s’étalent toutes les teintes de bleus, du bleu foncé des grandes profondeurs jusqu’au pastel, voire au vert soutenu en bordure de la plage.

Dans cet environnement paradisiaque, sorte de minuscule n jardin d’Eden des temps originels miraculeusement préservé des souillures de l’humanité, il n’y a pas d’autres bateaux ni âmes qui vivent d’ailleurs…
Dans des eaux turquoise et chaudes, d’une limpidité extraordinaire, nous allons plonger en apnée : nous ne sommes pas déçus ! En barbotant dans cette eau translucide,  nous découvrons une fois de plus avec fascination la beauté surprenante des fonds marins. Personne ne peut échapper à son attrait et à sa magie… Une sensation incomparable s’empare de nos sens devant le spectacle toujours renouvelé et féérique d’une multitude de bancs de poissons aux couleurs chatoyantes. Émerveillée et subjuguée par ce spectacle époustouflant je plongeai dans le grand Bleu !
Le soir le soleil couchant commença à dorer les eaux de ses rayons obliques…Il lava le ciel…Les étoiles se mirent à grouiller dans le firmament, rendant plus profond le velours bleu de la nuit au-dessus de la mer...
Le phare de la pointe scintillait régulièrement de ses éclats : Sebastopol Lighthouse FL.6 secondes, portée 11 milles.






CAP AU NORD EST !
Les cartes météo que je reçois  grâce à la BLU ne sont pas encourageantes : elles indiquent un vent orienté au nord-est pour les prochains jours…Juste le vent qu’il ne faut pas !
Au départ de la Blanquilla, que le cap soit sur Grenade, Sainte-Lucie ou la Martinique, toutes les routes sont nord-est ! Le  jeu de patience de la fenêtre météo commence… Le mieux serait d’attendre du sud-est pour aller en Martinique. Sinon on peut arriver  plus au nord : Guadeloupe, Antigua voire Saint-Martin…
Une véritable expédition !
Plusieurs jours sont donc à prévoir, d’une croisière hautement hauturière, et il est de plus en  plus probable que nous remonterons par une grande traversée dès que le vent tournera au moins à l’est. Notre radar fonctionne bien et nous donnera des yeux qui voient la nuit ! Tel un Big Brother bienveillant, le radar voit tout ! Certains possesseurs de cet engin ont même tendance à dire qu’il en voit trop ! Les crêtes des vagues, par exemple, lorsque la mer est agitée. Mais pour contrer ce phénomène il suffit de réduire la sensibilité du dit radar : auquel cas il ne détectera que les embarcations de petites et moyennes tailles. En plus de cela nous faisons des « quarts » : jeter un œil à l’horizon toutes les quinze à vingt minutes pour repérer d’éventuels bateaux en « route de collision ». Par pleine lune, la nuit claire est rassurante, par contre par nuit noire, comme cela va être le cas, l’obscurité me fait peur et je rêve d’un sixième sens !
Pour vaincre mon appréhension je me remets en mémoire mon gros livre du cours de navigation des Glénans, épais avec ses 782 pages, véritable « bible » des voileux : il est aujourd’hui tout écorné mais combien il m’a été utile ! Je m’y suis plongée, il y a maintenant longtemps, avec une grande soif d’apprendre, dans sa lecture technique. J’y ai appris une multitude de choses astucieuses et indispensables Malgré sa volumineuse documentation c’était un livre bien conçu et parfaitement accessible. Des explications d’une grande simplicité, dépouillées au maximum et agrémentées de croquis clairs, pratiques, montraient la variété des essais auxquels se livrer pour découvrir son bateau. Avec cette lecture enrichissante tout devenait rapidement facile, évident, lumineux ! Avec tact et subtilité cet ouvrage plaisant  prépare doucement, sans brusquerie, aux diverses manœuvres d’un voilier, sans en masquer toutefois toutes les complexités ou les dangers. J’avais une sacrée bonne affaire avec ce bouquin !


J’aime quand la nuit venue une grosse lune joufflue nous éclabousse d’une luminosité diffuse, se fendant d’un large sourire, la mutine !
L’air frais et léger était parfumé d’une grande variété de senteurs marines. La brise, presque insignifiante, murmurait doucement en effleurant les haubans d’AFODITE…
Un firmament étoilé et un horizon dégagé nous tiennent compagnie cette nuit…Ce soir le ciel avait la couleur et la profondeur de l’infini…Au loin des pélicans se muent en projectiles en plongeant à  le recherche de leur pitance dans les eaux claires du lagon de El Yaque.
Le jour suivant, Neptune, dieu des mers et des océans, fit copain avec Eole pour nous offrir une belle journée.
L’avantage de vivre sous les tropiques est que d’une façon immuable, la journée commence par  un soleil éclatant dans un ciel bleu azur. Aussi  la bonne humeur ne peut être que de mise…Et chaque soir nous assistons à la féerie d’un coucher de soleil qui nous enchante.
Cette immensité liquide semble pénétrer intensément toutes les cellules de mon corps…je suis en parfaite harmonie avec le moindre de ses mouvements, je la sens respirer, chuchoter, gazouiller de contentement lorsque, au lieu de lutter, je compose avec elle….Je suis à l’écoute du moindre craquement, de la plus petite vibration ou gémissement, comme si autrefois, dans une autre vie ( ?) – ou un autre univers- j’avais été marin. Il est vrai que j’ai des ancêtres cap-horniers et pêcheurs d’Islande, il y a peut-être  un certain atavisme du côté de la branche paimpolaise…

La mer bruissait doucement, presque endormie…AFRODITE glissait sans bruit dans une mer calme qui brillait de mille reflets, éclaboussée par  les rayons ternes d’une lune blafarde. Dans cette obscurité énigmatique les distances semblent floues et incertaines…Il faut s’habituer et s’adapter.

Ce matin les eaux et le ciel sont d’une tranquillité profonde, un peu trop à mon gout, car AFRODITE se traine en musardant sue des vaguelettes dérisoires….Nous naviguons paisiblement.

Les derniers rayons du soleil couchant, délire de rouge et de rose, nous annonce-t-il du beau temps pour les jours à venir ? Tout va pour le mieux…Le disque solaire déclinant a coloré l’horizon, faisant étinceler la mer…
La mer est parfaitement belle.
Des nuages blancs, aux formes bizarres, passent rapidement devant le croissant d’une lune qui nous éclabousse de ses rayons diffus. Je contemplai à l’envi la scintillation vive des étoiles dans la voûte profonde de la nuit.
Un vent chaud et sec nous caresse, faisant autour de nous mille remous voluptueux. En fait il s’agissait de deux petites baleines peu farouches, à moins de dix mètres de notre AFRODITE : l’eau était claire et nous pûmes parfaitement suivre les évolutions gracieuses de ces deux cétacés.
Nous remontions un alizé assez incisif ! Carabiné même ! Nous emportant avec célérité…
Notre voilier caracole sur des vagues  bouillonnâtes d’écume qui, en nous rattrapant, se brisaient sur notre arrière en grondant…Des mouettes avides tournaient autour de nous. Nous filions bon train malgré un ris et deux tours de génois. Puis devant notre étrave le tourmenté territoire de la houle finit par s’assoupir doucement. Une vie normale put reprendre ses droits à bord d’AFRODITE.
Je mis une ligne à la traîne et remontais vite fait une belle bonite : les soubresauts d’agonie de ce poisson encore plein de vigueur et de frétillements spasmodiques m’éclaboussèrent de son sang et j’en fus écœurée…Jean, prestement, découpa de fabuleuses portions dans les filets, de quoi nous rassasier et nous apporter des protéines !
Je préfère les dorades coryphènes, surtout quand elles sont de taille impressionnante, parées de leurs chatoyantes paillettes vertes, bleues et or, qui malheureusement fanent très vite lorsqu’elles passent de vie à trépas, mais procurent des poêlées délectables.
Pour nous détendre et nous amuser il y nos amis les dauphins qui nous accompagnent en traçant des traits d’argent dans l’eau. Certains, plus curieux que d’autres, sautent au ras de notre coque pour pouvoir nous observer on dirait ! Plusieurs fois j’ai tenté l’expérience qui consiste à  me dérober à leurs regards indiscrets. Intrigués,  ces surprenantes bêtes – pas si bêtes -  sautaient alors de plus en  plus haut en poussant des cris bizarres et stridents, comme pour m’appeler ! Quand je réapparus, elles cessèrent aussitôt cet étrange manège…Ces braves animaux sont vraiment les plus petits effectuent toujours d’invraisemblables pitre. C’est pour moi  un régal et une réjouissance permanente qui m’enchante…
Mes autres compagnes habituelles sont : circonspection et pondération !...
La nuit se prête à toutes les rêveries : notre cockpit se transforme alors pour moi en observatoire idéal, offrant des échappées sur l’infini de la mer, créant une ambiance magique. L’air et la luminosité de la voute stellaire respirent comme une éternité inusable…Cela engendre un certain désœuvrement pendant mes quarts, ce qui permet à mon âme d’avoir le temps d’être effrayée d’entrevoir dans tous les clignotements de ces astres lointains des milliards d’années…Mon imagination décuple à force de contempler dans toute cette mécanique céleste l’étoile du soir, compagne de nos longues nuits de veille. Dans un ciel où les  nuages s’effilochent, une grosse lune entourée d’un arc fantomatique projette des ombres extravagantes sur ce désert liquide qui m’entoure, preuve irréfutable que Dieu a sérieusement pleuré sur son ouvrage…le firmament reflété sur les vagues a l’air de se reposer dans la mer…J’ai une façon très personnelle d’interpréter, de voir, de sentir le monde, ajoutant  une nouvelle et remarquable dimension à mes fantasmes…Parfois je vais si loin en pensées que je n’ai plus aucune notion du temps… Ce n’est que quand la teinte livide du ciel annonce le lever du jour que je retraverse à regret les chicanes qui ralentissent le temps pour revenir à la réalité…C’est pour ces petits moments éphémères et chimériques que je voyage aussi et je remercie de tout mon cœur cette croisière de me le permettre…



Au soir, loin devant nous, une monstrueuse barre nuageuse masquait tout l’horizon : des cumulo-nimbus bourgeonnaient d’une manière inquiétante, formant et déformant leurs excroissances volumineuses…Un terrible orage se préparait nous obligeant à le traverser ! Peu réjoui par cette perspective désagréable, « l’équipage » prépara activement le voilier à cette situation belliqueuse : la nuit tombée nous longeâmes ce front monumental. Des éclairs zébraient en permanence un ciel noir et mauve, nous éclairant comme en plein jour. Quelques oiseaux retardataires fuyaient à tire-d’aile à l’approche de cette méchante tourmente. Parfois des gouttes énormes tombaient en explosant sur la surface du pont. Ce tambourinement impérieux ne couvrait pas les roulements du tonnerre qui s’en donnait à cœur joie pour nous terroriser. A notre grand étonnement nous longeâmes une grande partie de la nuit ce spectacle prodigieux, étourdissant et intimidant. Ce ne fut que quelques heures avant l’aube que le déluge s’abattit sur nous. Il était précédé de rafales de vent surprenantes, heureusement plus impressionnâtes que dangereuses pour notre AFRODITE bien vaillant. Cette zone frontale une fois passée, un rideau de pluie dense, genre cataracte des chutes du Niagara, nous lessiva,  nous trempa jusqu’aux os, liquéfiant notre moral et nos cerveaux…Plusieurs fois la foudre tomba à proximité, élevant dans les airs des nuages de vapeur et d’ozone dans un chuintement qui me glaçait d’effroi… L’électricité statique ambiante était telle qu’elle hérissait pêle-mêle  cheveux et poils…à intervalles réguliers, des flammes légères et fugitives couraient le long de nos haubans, entretenant appréhension et angoisse, nous nous attendions à être foudroyés à tout moment et nous aurions payé cher pour être ailleurs ! Au petit matin nous vîmes enfin avec soulagement l’aube blêmissant…sans que rien ne le laisse présager, rapidement, une grande merveille vint éclater et tout éclipser : le ciel s’éclaircit graduellement et un magnifique flamboiement apparut à nos yeux éblouis …Le soleil se mit à briller entre les nuages dont il activa la déroute…Un solide petit-déjeuner reconstituant redonna un peu de gaieté à nos visages fatigués…
Puis ce fut la pétole, la grande « calmasse », le désespoir des voileux….Dans cette eau transformée en miroir,  se formèrent  d’immenses ronds phosphorescents que nous traversâmes avec des craintes diffuses…cette chose inconnue et inexplicable, au bord de l’irréalité, me laissa méfiante et soupçonneuse…Par moments, à  l’approche de notre voilier, s’envolaient en rafales nombreuses des poissons volants qui planaient sur de belles distances avant de replonger dans l’océan ! Quelques uns, maladroits, ou plus affolés que les autres, retombaient en frétillant  jusqu’au cockpit et au petit matin nous trouvâmes plusieurs cadavres sur le pont un peu partout !
Le soir je ne me laisse envelopper par la lumière finissante du jour et quelque chose au fond de moi me dit que l’on est bien…


Le vent et l’immensité liquide qui couvrent aujourd’hui les trois quarts de la planète se livrent un combat incessant et s’affrontent partout et toujours avec de grands extrêmes. Jour et nuit en navigation il faut être prêt à anticiper ses fougues, ses lubies ou ses  incartades ! D’avoir pour limite l’infini de ciel et de la mer nous met en face de nos responsabilités. Pas de voisins, pas de  gens auxquels nous référer, personne à imiter et encore moins pour nous critiquer…Et tout ce que nous faisons correspond à une réalité profonde. Notre comportement n’est plus conditionné par la société ! La vie est ramenée aux choses essentielles. Sur un voilier de grande croisière il faut toujours faire la meilleure chose au bon moment, il peut en aller de la destinée du bateau ou de la vie de l’équipage ! Pas question de faux-fuyants, de dérobades et il faut procéder de la même façon avec soi en mettant toutes les choses du bon côté pour y parvenir…Car on peut passer de la liberté à la servitude en un rien de temps, comme de la quiétude à l’inquiétude…


Je me souviens d’une tornade que nous avons vue de près lors de notre deuxième transat. En fin de soirée le ciel avait pris des couleurs inquiétantes en virant du noir au violet en passant par le mauve… ? Quelques petits mouvements tourbillonnaires s’amorcèrent de-ci de-là, donnant à ce phénomène orageux un drôle d’aspect inquiétant…Une calamité nouvelle allait saccager la torpeur crépusculaire…le vent avait une intensité fluctuante voire farfelue. Il soufflait à tour de rôle  de tous les points cardinaux, nous faisant tournicoter…ce sortilège persévéra jusqu’à l’apparition soudain d’une colonne en rotation, sorte de trompe d’éléphant qui pendait à la base d’un gros nuage menaçant…Cette colonne d’eau zigzaguait comme un lièvre pris en chasse, aspirant tut ce qui flottait sur la mer ! Sous nos yeux incrédules et horrifiés elle passait en grondant, ingurgitant tout ce qui se trouvait sur son passage avec une facilité déconcertante !...Puis soudain, cet étonnant caprice de la nature fonça sur nus, semant la panique à bord et nous nous réfugiâmes à l’intérieur… bouclés dans notre bateau, le souffle court, nous attendîmes en nous cramponnant que ce désastre nous engloutisse, nous absorbe, nous gobe tout entier….le cœur battant nous guettions attentivement, mais rien ne se produisit…nos yeux effrayés se lançaient des interrogations muettes.au bout d’un moment, n’en pouvant  plus,  je me risquai à jeter un œil à l’extérieur : à mon grand soulagement ce monstre vorace avait au dernier moment changé de cap ! Il était parti ravager d’autres contrées…puis très vite, comme il était venu, il disparut sur l’horizon…Ensuite pluie et vent nous harcelèrent pendant une heure, nous jouant une sérénade connue ! Là, nous avions l’habitude ! Et une certaine expérience qui nous permit d’y faire face calmement.
Puis  la nuit revint, le ciel resta clair, étincelant de deux parfois un peu voilés, semés inégalement comme des diamants éternels dans l’immensité du firmament, tandis qu’une lune d’argent baignait la mer de tous ses éclats…Quelle beauté ! J’aperçois quelques étoiles dans les échappées du ciel clair entre les nuages.
Un petit croissant de lune, très bas sur l’horizon, ajoute une note féerique, au loin, sur la  mer. Sa clarté diffuse et trompeuse joue même d’une manière inquiétante avec une légère brume qui monte de l’eau et s’évanouit en tourbillonnant.
Au cours de la nuit le vent se mue en légère brise. Tous les cierges de l’hémisphère s’allument dans le ciel, faisant ressortir l’éclat particulier de certaines étoiles…De quart, je me complais à écouter les craquements légers du voilier, le chuintement de l’eau sur les coques et les inévitables frémissements des voiles chevauchées par la brise… Toutes les mille et une petites rumeurs rassurantes, si flatteuses à l’oreille de tout navigateur...

A l’aube du 4ème jour  un somptueux lever de soleil reflète ses couleurs  sur un océan apaisé. Les bleus et les rouges intenses se dégradent doucement pour se muer en teintes roses et vertes dont les nuances incendient le ciel, promesse d’une belle journée ?  Nous sommes dans les premières flammes roses du levant…Sous un ciel outre-mer quelques cirrus angéliques s’éparpillent…
Dans l’après-midi, le ciel est pommelé, et je remarque des dorades qui tissent des arabesques au ras de la surface. Elles patouillent autour du bateau et leurs écailles jettent des éclats lorsqu’elles passent à proximité d’AFRODITE.
La mer, éternel réceptacle de l’oubli, joue la belle au bois dormant. Pas l’ombre de l’ourlet d’une minuscule vague. Rien ! Le silence absolu sous l’immense fouillis des étoiles…
Dans un ciel lumineux, barbouillé de  lambeaux de nuages qui s’effilochent, le soleil couchant prodigue une lumière sourde qui fige le décor. Je suis grisée par ce magnifique coucher de soleil ensanglantant à l’ouest une mer considérablement calmée.
Je contemple un lever de soleil flamboyant qui nimbe de rose notre élégant voilier.
La mer est belle. Notre AFRODITE force aisément sa route dans des lames raisonnables. L’eau en glissant enveloppe la carène en glissant sur elle comme pour la caresser. Au bon près nous filons rapidement. Parfois l’écume vient lécher les  hiloires. Des nuages ouatés s’accumulent partout dans le ciel d’un bleu intense. Des oiseaux tournoient sans cesse au-dessus de l’océan, annonçant des bancs de poissons. Dans notre sillage rectiligne apparait même une mouette qui, après avoir effectué le tour du bateau comme pour une brève inspection, s’élève en spirale, éclairant alternativement ses ailes toutes blanches au soleil revenu…

Le ciel grisonne lentement et gomme peu à peu l’obscurité.

C’est une belle journée, parfaite même, une de celles qui font oublier les mauvaises et pardonner à la mer tous les moments difficiles qu’elle nous a fait endurer parfois…Touts voiles dehors notre AFRODITE trace un long sillage parmi des vaguelettes argentées…


L’alizé fait vibrer la lune sur les eaux qui ondulent…
Un soleil tout neuf se lève, jouant dans nos voiles, projetant des ombres gracieuses sur le pont. La mer clapote. Une force tranquille se cache derrière.
Nos étraves bavardent, chantonnant la romance de la mer.
Les somptueuses couleurs que prend l’aube mangent les dernières ombres de la nuit…
Sous les regards indifférents de quelques mouettes qui chevauchent une houle légère …
Des amas de nuages flottent vers le sud, amoncelés comme de vastes édifices déchirant la lumière du soleil.
Nos étraves blanches d’écume déchirent des flots pressés par ce méchant vent qui redresse les lames à rebrousse-poil.
A la nuit tombante les épousailles d’un ciel noir avec une mer sombre et lugubre engendrent une cavalcade éperdue de nuages jaunâtres qu’un vent furieux chasse à travers le ciel à grande vitesse. Peu après, dans une nuit d’encre, des éclairs hachent l’horizon, plongeant dans les recoins les plus profonds. Les assourdissants coups de tonnerre roulent leurs échos sans interruption. Le ciel, mitraillé d’éclairs, se met  à déverser des trombes d’eau qui cascadent en ruisselant. L’air est à tel point saturé d’électricité que le long des haubans courent  des feux de Saint-Elme ! formant des auréoles d’aigrettes crépitantes…


Seul un ciel sans nuage et scintillant d’étoiles nous clignote son  interminable message…Oui, mais quel message ?...De nuit, sur un voilier, et par temps calme, c’est l’endroit idéal pour remonter la plus loin possible dans ses souvenirs…Dans le silence et l’immensité de l’océan, je pousse plus en avant la quête de mon passé, comblant certaines lacunes de ma mémoire, allant jusqu’au plus profond de ma conscience. Je suis bien et j’éprouve un sentiment de liberté quasiment sublime, proche de l’extase…
A une nuit paisible succède un lever de soleil flamboyant. Il fait un temps splendide et dans le ciel bleu glissent quelques cirrus en filaments…



JUSQU’AU BOUT !




Bien sûr nous savions aussi  que tous ces sont très à l’ouest des Antilles : le vent dominant soufflant d’Est dans la région, chaque mille à l’ouest est un mille de plus qui peut être difficile pour le retour…mais nous  nous sommes laissé guider par nos envies de grand sud et de l’abri des cyclones.

Avant de quitter cet archipel, une anecdote historique :

Certains prétendent que sur la côte au vent des Avès de Barlovento gît une grande partie de la flotte du comte d’Estrées qui captura le navire hollandais Binkes au large de l’île de Tobago puis fit voile vers la France pour réparer ses bateaux à Brest. Il revint aux Indes Occidentales (les « West Indies ») le 7 octobre 1796 pour une nouvelle tentative de mettre la main sur les îles ; il semblerait que d’Estrées fit route sur Curaçao, mais, dans la nuit du 4 mai 1697, son navire porte-drapeau mit la voile vers une des Avès : avant que quoi que ce soit fut entrepris, les navires le suivant s’entassèrent derrière lui ! Au lever du jour, sept bateaux du convoi, trois transporteurs et trois frégates étaient en morceaux sur le récif corallien et perdus corps et biens… le septième navire, le « Jamaïca »,  fut sauvé in extremis « grâce » à une erreur de navigation !

Le seul problème à ce jour est que personne ne peut affirmer sur laquelle des Avès se trouvent les épaves de la flotte de d’Estrées… Daniel Camejo soutient que c’est aux Avès de Barlovento que la flotte a coulé…il prétend aussi que les navires faisaient route de Tobago vers Curaçao qu’ils comptaient investir…

Dudly Pope, de son côté, dit que l’endroit exact est l’île d’Avès, au milieu de la mer Caraïbe, au large de la Martinique !

La solution à ce mystère réside dans la réponse aux questions suivantes :
- quel était le dernier mouillage de la flotte de d’Estrées ?
-où cette flotte a-t-elle été vue pour la dernière fois ?
Autrement dit : où était la flotte entre le 7 octobre 1796 et le 4 mai 1797 ?
Toujours est-il que quelque part pourrait se trouver un fabuleux trésor de canons, de joyaux, objets divers et variés de cette époque ainsi que des restes archéologiques !
Mais, avant d’entreprendre une plongée, il faudrait pouvoir répondre aux questions ci-dessus !


LE RETOUR…
Comme je ne voudrais pas être taxée d’impartialité par une description trop élogieuse de ces archipels, je vous transcris une traduction sans prétention d’un extrait du guide Doyle « Cruising Guide to Venezuela »
« Les Roques font partie des quelques sites où j’ai eu le plus de plaisir à naviguer. Une bonne brise, une mer belle aux couleurs toujours changeantes, font qu’il est un pur bonheur de croiser aux Roques. L’eau y est si claire que même sous voile, on peut toujours négocier les passages difficiles entre les récifs pour trouver un mouillage idyllique. Los Roques sont un lagon s’étire sur environ 25 milles de long et 14 de large. Les récifs coralliens à fleur d’eau reflètent la lumière avec une telle force que les nuages prennent parfois une teinte vert d’eau. Los Roques restent encore assez peu visitées. Il est ainsi fréquent de trouver un mouillage désert qui vous donnera le sentiment d’être un explorateur du bout du monde ».
En tout le site est aussi un lieu idéal pour faire grossir l’album photo d’AFRODITE : les photos sont en effet un élément incontournable de la mémoire du voyage. Plus encore que dans d’autres domaines l’appareil photo numérique est devenu incontournable, également les jetables qui vont sous l’eau. Pour immortaliser mon énième coucher de soleil il me suffit d’appuyer sur le bouton aussi souvent que j’en ai envie. Avec le numérique je peux prendre trente clichés de dauphins virevoltant autour des étraves d’AFRODITE et n’en conserver que deux ou trois. Surtout que ce n’est pas facile de faire une bonne photo de dauphins! Lorsque la carte mémoire est pleine et bien il suffit de passer les bonnes, les moyennes et « acceptables » pour les stocker sur le disque dur de l’ordinateur. Du coup  je peux alors me lancer dans des retouches éventuelles avec un logiciel ad hoc ! Et fini la contrainte des volumineux albums photo. C’est ce que j’appelle le daguerréotype nouvelle génération ! Le  maniement est simplifié et mes photos vont directement du producteur au consommateur sans  passer par les couteux services d’un laboratoire de développement. Les clichés de la pêche « miraculeuse » et héroïque du capitaine peuvent ainsi faire l’objet d’un diaporama alors que la bête n’est pas encore consommée ! Et pour épater les mais de métropole rien de plus facile que de leur envoyer un mail (sadique) avec une photo panoramique du lagon dans lequel on est mouillé…si l’on fait route avec un « batocopain » on peut alors avoir enfin une photo du bateau surfant sur les vagues prise depuis leur bord et réciproquement.
Ca soir le ciel avait la couleur et la profondeur de l’infini…des pélicans se muaient en projectiles en plongeant à  la recherche de leur pitance dans les eaux claires du lagon…

DERNIER MOUILLAGE de LOS ROQUES :
de GRAN ROQUE à la bouche SEBASTOPOL : 12 milles
MOUILLAGE SEBASTOPOL :
LAT.11°47 429  N  .LONG.066°34 416 W.



CAP AU NORD EST !
La Martinique au cap 54 à 270 milles,
Mais, en ligne directe…
Les cartes météo que je reçois  grâce à la BLU sont encourageantes ce matin : elles indiquent un vent orienté au sud-est (légèrement) pour les prochains jours…Juste le vent qu’il nous faut !


1er jour
Au départ de la Blanquilla, que le cap soit sur Grenade, Sainte-Lucie ou la Martinique, toutes les routes sont nord-est ! Le  jeu de patience de la fenêtre météo commence… Le mieux serait d’attendre du sud-est pour aller en Martinique. Sinon on peut arriver  plus au nord : Guadeloupe, Antigua voire Saint-Martin…
Une véritable expédition !
Plusieurs jours sont donc à prévoir, d’une croisière hautement hauturière, et il est de plus en  plus probable que nous remonterons par une grande traversée dès que le vent tournera au moins à l’est. Notre radar fonctionne bien et nous donnera des yeux qui voient la nuit ! Tel un Big Brother bienveillant, le radar voit tout ! Certains possesseurs de cet engin ont même tendance à dire qu’il en voit trop ! Les crêtes des vagues, par exemple, lorsque la mer est agitée. Mais pour contrer ce phénomène il suffit de réduire la sensibilité du dit radar : auquel cas il ne détectera que les embarcations de petites et moyennes tailles. En plus de cela nous faisons des « quarts » : jeter un œil à l’horizon toutes les quinze à vingt minutes pour repérer d’éventuels bateaux en « route de collision ». Par pleine lune, la nuit claire est rassurante, par contre par nuit noire, comme cela va être le cas, l’obscurité me fait peur et je rêve d’un sixième sens !

En théorie, en ligne droite directe, de la Blanquilla à la Martinique il y 270 milles au cap 54°, cap impossible à tenir puisque c’est juste dans notre nez, c’est-à-dire boute au vent….c’est là que ça coince…

Cette immensité liquide semble pénétrer intensément toutes les cellules de mon corps…je suis en parfaite harmonie avec le moindre de ses mouvements, je la sens respirer, chuchoter, gazouiller de contentement lorsque, au lieu de lutter, je compose avec elle….Je suis à l’écoute du moindre craquement, de la plus petite vibration ou gémissement, comme si autrefois, dans une autre vie ( ?) – ou un autre univers- j’avais été marin. Il est vrai que j’ai des ancêtres cap-horniers et pêcheurs d’Islande, il y a peut-être  un certain atavisme du côté de la branche paimpolaise…
1er virement de bord + 1 ris + un tour de rouleau
En six heures = 40 milles de faits
1ère nuit
Les derniers rayons du soleil couchant, délire de rouge et de rose, nous annonce-t-il du beau temps pour les jours à venir ? Tout va pour le mieux…Le disque solaire déclinant a coloré l’horizon, faisant étinceler la mer…

Pour vaincre mon appréhension je me remets en mémoire mon gros livre du cours de navigation des Glénans, épais avec ses 782 pages, véritable « bible » des voileux : il est aujourd’hui tout écorné mais combien il m’a été utile ! Je m’y suis plongée, il y a maintenant longtemps, avec une grande soif d’apprendre, dans sa lecture technique. J’y ai appris une multitude de choses astucieuses et indispensables Malgré sa volumineuse documentation c’était un livre bien conçu et parfaitement accessible. Des explications d’une grande simplicité, dépouillées au maximum et agrémentées de croquis clairs, pratiques, montraient la variété des essais auxquels se livrer pour découvrir son bateau. Avec cette lecture enrichissante tout devenait rapidement facile, évident, lumineux ! Avec tact et subtilité cet ouvrage plaisant  prépare doucement, sans brusquerie, aux diverses manœuvres d’un voilier, sans en masquer toutefois toutes les complexités ou les dangers. J’avais une sacrée bonne affaire avec ce bouquin !
2ème jour
J’ai mis une ligne à la traîne et remontais vite fait une belle bonite : les soubresauts d’agonie de ce poisson encore plein de vigueur et de frétillements spasmodiques m’éclaboussèrent de son sang et j’en fus écœurée…Jean, prestement, découpa de fabuleuses portions dans les filets, de quoi nous rassasier et nous apporter des protéines !
Je préfère les dorades coryphènes, surtout quand elles sont de taille impressionnante, parées de leurs chatoyantes paillettes vertes, bleues et or, qui malheureusement fanent très vite lorsqu’elles passent de vie à trépas, mais procurent des poêlées délectables.
La moyenne oscille entre 6 et demi et 8 nœuds, c’est pas mal, sauf que c’est pas au cap….Donc 160 milles des parcourus depuis hier matin.
ON VIRE : on a cap sur Saint Martin malgré que nous soyons par le travers de Deshaies en Guadeloupe mais on va pas faire 45 milles au moteur….
2ème nuit
J’aime quand la nuit venue une grosse lune joufflue nous éclabousse d’une luminosité diffuse, se fendant d’un large sourire, la mutine ! mais pour l’instant je n’ai droit qu’à un petit croissant naissant…
L’air frais et léger était parfumé d’une grande variété de senteurs marines. La brise, presque insignifiante, murmurait doucement en effleurant les haubans d’AFODITE…
Un firmament étoilé et un horizon dégagé nous tiennent compagnie cette nuit…Ce soir le ciel avait la couleur et la profondeur de l’infini…J’ai commencé la lecture audio des audio livres donnés par Isabelle : « Immortelle randonnée, de Jean-Christophe Ruffin »  (qui évoque son « pèlerinage » sur le chemin de Compostelle, superbe) et le « voyage de l’éléphant » de Ferragano, prix Nobel de Littérature, sur une toute autre histoire mais tout aussi captivante.
Neptune, roi des mers et des océans, a fait copain avec Eole pour nous offrir une belle journée.
L’avantage de vivre sous les tropiques est que d’une façon immuable, la journée commence par  un soleil éclatant dans un ciel bleu azur. Aussi  la bonne humeur ne peut être que de mise…Et chaque soir nous assistons à la féerie d’un coucher de soleil qui nous enchante.
La mer bruissait doucement, presque endormie…AFRODITE glissait sans bruit dans une mer calme qui brillait de mille reflets, éclaboussée par  les rayons ternes d’une lune blafarde. Dans cette obscurité énigmatique les distances semblent floues et incertaines…Il faut s’habituer et s’adapter.

Des nuages blancs, aux formes bizarres, passent rapidement devant le croissant d’une lune qui nous éclabousse de ses rayons diffus. Je contemplai à l’envi la scintillation vive des étoiles dans la voûte profonde de la nuit.

3 ème jour
Ce matin les eaux et le ciel sont d’une tranquillité profonde, un peu trop à mon gout, car AFRODITE se traine en musardant sue des vaguelettes dérisoires….Nous naviguons paisiblement.
La mer est parfaitement belle.
Un vent chaud et sec nous caresse, faisant autour de nous mille remous voluptueux. En fait il s’agissait de deux petites baleines peu farouches, à moins de dix mètres de notre AFRODITE : l’eau était claire et nous pûmes parfaitement suivre les évolutions gracieuses de ces deux cétacés.
Nous remontions un alizé assez incisif ! Carabiné même ! Nous emportant avec célérité…
Notre voilier caracole sur des vagues  bouillonnâtes d’écume qui, en nous rattrapant, se brisaient sur notre arrière en grondant…Des mouettes avides tournaient autour de nous. Nous filions bon train malgré un ris et deux tours de génois. Puis devant notre étrave le tourmenté territoire de la houle finit par s’assoupir doucement. Une vie normale put reprendre ses droits à bord d’AFRODITE.
Pour nous détendre et nous amuser il y nos amis les dauphins qui nous accompagnent en traçant des traits d’argent dans l’eau. Certains, plus curieux que d’autres, sautent au ras de notre coque pour pouvoir nous observer on dirait ! Plusieurs fois j’ai tenté l’expérience qui consiste à  me dérober à leurs regards indiscrets. Intrigués,  ces surprenantes bêtes – pas si bêtes -  sautaient alors de plus en  plus haut en poussant des cris bizarres et stridents, comme pour m’appeler ! Quand je réapparus, elles cessèrent aussitôt cet étrange manège…Ces braves animaux sont vraiment les plus petits effectuent toujours d’invraisemblables pitre. C’est pour moi  un régal et une réjouissance permanente qui m’enchante…

Le ris a été lâché depuis belle lurette et le bateau avance bien toutes voiles dehors. Encore deux jours de mer ????Le cap WIND est 160 à 66° du vent, donc c’est pas vraiment ce qu’on appelle du près !!! Le vent vient du 94 (soit à peu près Est) hier il venait du 120 (donc sud-est)
40 milles en dix heures et on est quand même contents
Mes autres compagnes habituelles sont : circonspection et pondération !...
3ème  nuit
La nuit se prête à toutes les rêveries : notre cockpit se transforme alors pour moi en observatoire idéal, offrant des échappées sur l’infini de la mer, créant une ambiance magique. L’air et la luminosité de la voute stellaire respirent comme une éternité inusable…Cela engendre un certain désœuvrement pendant mes quarts, ce qui permet à mon âme d’avoir le temps d’être effrayée d’entrevoir dans tous les clignotements de ces astres lointains des milliards d’années…Mon imagination décuple à force de contempler dans toute cette mécanique céleste l’étoile du soir, compagne de nos longues nuits de veille. Dans un ciel où les  nuages s’effilochent, une grosse lune entourée d’un arc fantomatique projette des ombres extravagantes sur ce désert liquide qui m’entoure, preuve irréfutable que Dieu a sérieusement pleuré sur son ouvrage…le firmament reflété sur les vagues a l’air de se reposer dans la mer…J’ai une façon très personnelle d’interpréter, de voir, de sentir le monde, ajoutant  une nouvelle et remarquable dimension à mes fantasmes…Parfois je vais si loin en pensées que je n’ai plus aucune notion du temps… Ce n’est que quand la teinte livide du ciel annonce le lever du jour que je retraverse à regret les chicanes qui ralentissent le temps pour revenir à la réalité…C’est pour ces petits moments éphémères et chimériques que je voyage aussi et je remercie de tout mon cœur cette croisière de me le permettre…

4 ème jour
Au moment de mettre l’eau à chauffer dans la bouilloire : rien, nada = plus de gaz ! en trois mois j’ai vidé ma bouteille de treize kilos ; il est vrai qu’entre la cocotte-minute, les pains et pâtisseries, poissons au four et 48 langoustes…e
A l’aube du 4ème jour  un somptueux lever de soleil reflète ses couleurs  sur un océan apaisé. Les bleus et les rouges intenses se dégradent doucement pour se muer en teintes roses et vertes dont les nuances incendient le ciel, promesse d’une belle journée ?  Nous sommes dans les premières flammes roses du levant…Sous un ciel outre-mer quelques cirrus angéliques s’éparpillent…

Puis ce fut la pétole, la grande « calmasse », le désespoir des voileux….Dans cette eau transformée en miroir,  se formèrent  d’immenses ronds phosphorescents que nous traversâmes avec des craintes diffuses…cette chose inconnue et inexplicable, au bord de l’irréalité, me laissa méfiante et soupçonneuse…Par moments, à  l’approche de notre voilier, s’envolaient en rafales nombreuses des poissons volants qui planaient sur de belles distances avant de replonger dans l’océan ! Quelques uns, maladroits, ou plus affolés que les autres, retombaient en frétillant  jusqu’au cockpit et au petit matin nous trouvâmes plusieurs cadavres sur le pont un peu partout !
Le soir je ne me laisse envelopper par la lumière finissante du jour et quelque chose au fond de moi me dit que l’on est bien…
4 ème nuit

Au soir, loin devant nous, une monstrueuse barre nuageuse masquait tout l’horizon : des cumulo-nimbus bourgeonnaient d’une manière inquiétante, formant et déformant leurs excroissances volumineuses…Un terrible orage se préparait nous obligeant à le traverser ! Peu réjoui par cette perspective désagréable, « l’équipage » prépara activement le voilier à cette situation belliqueuse : la nuit tombée nous longeâmes ce front monumental. Des éclairs zébraient en permanence un ciel noir et mauve, nous éclairant comme en plein jour. Quelques oiseaux retardataires fuyaient à tire-d’aile à l’approche de cette méchante tourmente. Parfois des gouttes énormes tombaient en explosant sur la surface du pont. Ce tambourinement impérieux ne couvrait pas les roulements du tonnerre qui s’en donnait à cœur joie pour nous terroriser. A notre grand étonnement nous longeâmes une grande partie de la nuit ce spectacle prodigieux, étourdissant et intimidant. Ce ne fut que quelques heures avant l’aube que le déluge s’abattit sur nous. Il était précédé de rafales de vent surprenantes, heureusement plus impressionnâtes que dangereuses pour notre AFRODITE bien vaillant. Cette zone frontale une fois passée, un rideau de pluie dense, genre cataracte des chutes du Niagara, nous lessiva,  nous trempa jusqu’aux os, liquéfiant notre moral et nos cerveaux…Plusieurs fois la foudre tomba à proximité, élevant dans les airs des nuages de vapeur et d’ozone dans un chuintement qui me glaçait d’effroi… L’électricité statique ambiante était telle qu’elle hérissait pêle-mêle  cheveux et poils…à intervalles réguliers, des flammes légères et fugitives couraient le long de nos haubans, entretenant appréhension et angoisse, nous nous attendions à être foudroyés à tout moment et nous aurions payé cher pour être ailleurs ! Au petit matin nous vîmes enfin avec soulagement l’aube blêmissant…sans que rien ne le laisse présager, rapidement, une grande merveille vint éclater et tout éclipser : le ciel s’éclaircit graduellement et un magnifique flamboiement apparut à nos yeux éblouis …Le soleil se mit à briller entre les nuages dont il activa la déroute…Un solide petit-déjeuner reconstituant redonna un peu de gaieté à nos visages fatigués…


Le vent et l’immensité liquide qui couvrent aujourd’hui les trois quarts de la planète se livrent un combat incessant et s’affrontent partout et toujours avec de grands extrêmes. Jour et nuit en navigation il faut être prêt à anticiper ses fougues, ses lubies ou ses  incartades ! D’avoir pour limite l’infini de ciel et de la mer nous met en face de nos responsabilités. Pas de voisins, pas de  gens auxquels nous référer, personne à imiter et encore moins pour nous critiquer…Et tout ce que nous faisons correspond à une réalité profonde. Notre comportement n’est plus conditionné par la société ! La vie est ramenée aux choses essentielles. Sur un voilier de grande croisière il faut toujours faire la meilleure chose au bon moment, il peut en aller de la destinée du bateau ou de la vie de l’équipage ! Pas question de faux-fuyants, de dérobades et il faut procéder de la même façon avec soi en mettant toutes les choses du bon côté pour y parvenir…Car on peut passer de la liberté à la servitude en un rien de temps, comme de la quiétude à l’inquiétude…
5ème  jour

Au cours de la nuit le vent se mue en légère brise. Tous les cierges de l’hémisphère s’allument dans le ciel, faisant ressortir l’éclat particulier de certaines étoiles…De quart, je me complais à écouter les craquements légers du voilier, le chuintement de l’eau sur les coques et les inévitables frémissements des voiles chevauchées par la brise… Toutes les mille et une petites rumeurs rassurantes, si flatteuses à l’oreille de tout navigateur...

Des amas de nuages flottent vers le sud, amoncelés comme de vastes édifices déchirant la lumière du soleil.
Nos étraves blanches d’écume déchirent des flots pressés par ce méchant vent qui redresse les lames à rebrousse-poil.
A la nuit tombante les épousailles d’un ciel noir avec une mer sombre et lugubre engendrent une cavalcade éperdue de nuages jaunâtres qu’un vent furieux chasse à travers le ciel à grande vitesse. Peu après, dans une nuit d’encre, des éclairs hachent l’horizon, plongeant dans les recoins les plus profonds. Les assourdissants coups de tonnerre roulent leurs échos sans interruption. Le ciel, mitraillé d’éclairs, se met  à déverser des trombes d’eau qui cascadent en ruisselant. L’air est à tel point saturé d’électricité que le long des haubans courent  des feux de Saint-Elme ! formant des auréoles d’aigrettes crépitantes…


Seul un ciel sans nuage et scintillant d’étoiles nous clignote son  interminable message…Oui, mais quel message ?...De nuit, sur un voilier, et par temps calme, c’est l’endroit idéal pour remonter la plus loin possible dans ses souvenirs…Dans le silence et l’immensité de l’océan, je pousse plus en avant la quête de mon passé, comblant certaines lacunes de ma mémoire, allant jusqu’au plus profond de ma conscience. Je suis bien et j’éprouve un sentiment de liberté quasiment sublime, proche de l’extase…
A une nuit paisible succède un lever de soleil flamboyant. Il fait un temps splendide et dans le ciel bleu glissent quelques cirrus en filaments…

6 èmejour
Dans l’après-midi, le ciel est pommelé, et je remarque des dorades qui tissent des arabesques au ras de la surface. Elles patouillent autour du bateau et leurs écailles jettent des éclats lorsqu’elles passent à proximité d’AFRODITE.
La mer, éternel réceptacle de l’oubli, joue la belle au bois dormant. Pas l’ombre de l’ourlet d’une minuscule vague. Rien ! Le silence absolu sous l’immense fouillis des étoiles…
Dans un ciel lumineux, barbouillé de  lambeaux de nuages qui s’effilochent, le soleil couchant prodigue une lumière sourde qui fige le décor. Je suis grisée par ce magnifique coucher de soleil ensanglantant à l’ouest une mer considérablement calmée.
Je contemple un lever de soleil flamboyant qui nimbe de rose notre élégant voilier.
La mer est belle. Notre AFRODITE force aisément sa route dans des lames raisonnables. L’eau en glissant enveloppe la carène en glissant sur elle comme pour la caresser. Au bon près nous filons rapidement. Parfois l’écume vient lécher les  hiloires. Des nuages ouatés s’accumulent partout dans le ciel d’un bleu intense. Des oiseaux tournoient sans cesse au-dessus de l’océan, annonçant des bancs de poissons. Dans notre sillage rectiligne apparait même une mouette qui, après avoir effectué le tour du bateau comme pour une brève inspection, s’élève en spirale, éclairant alternativement ses ailes toutes blanches au soleil revenu…

Le ciel grisonne lentement et gomme peu à peu l’obscurité.
C’est une belle journée, parfaite même, une de celles qui font oublier les mauvaises et pardonner à la mer tous les moments difficiles qu’elle nous a fait endurer parfois…Touts voiles dehors notre AFRODITE trace un long sillage parmi des vaguelettes argentées…


L’alizé fait vibrer le croissant de une en son premier quartier sur les eaux qui ondulent…
Un soleil tout neuf se lève, jouant dans nos voiles, projetant des ombres gracieuses sur le pont. La mer clapote. Une force tranquille se cache derrière.
Nos étraves bavardent, chantonnant la romance de la mer.
Les somptueuses couleurs que prend l’aube mangent les dernières ombres de la nuit…
Sous les regards indifférents de quelques mouettes qui chevauchent une houle légère …


6ème nuit
Et voilà qu’une tornade arrive : fin de soirée le ciel avait pris des couleurs inquiétantes en virant du noir au violet en passant par le mauve… ? Quelques petits mouvements tourbillonnaires s’amorcèrent de-ci de-là, donnant à ce phénomène orageux un drôle d’aspect inquiétant…Une calamité nouvelle allait saccager la torpeur crépusculaire…le vent avait une intensité fluctuante voire farfelue. Il soufflait à tour de rôle  de tous les points cardinaux, nous faisant tournicoter…ce sortilège persévéra jusqu’à l’apparition soudain d’une colonne en rotation, sorte de trompe d’éléphant qui pendait à la base d’un gros nuage menaçant…Cette colonne d’eau zigzaguait comme un lièvre pris en chasse, aspirant tut ce qui flottait sur la mer ! Sous nos yeux incrédules et horrifiés elle passait en grondant, ingurgitant tout ce qui se trouvait sur son passage avec une facilité déconcertante !...Puis soudain, cet étonnant caprice de la nature fonça sur nus, semant la panique à bord et nous nous réfugiâmes à l’intérieur… bouclés dans notre bateau, le souffle court, nous attendîmes en nous cramponnant que ce désastre nous engloutisse, nous absorbe, nous gobe tout entier….le cœur battant nous guettions attentivement, mais rien ne se produisit…nos yeux effrayés se lançaient des interrogations muettes.au bout d’un moment, n’en pouvant  plus,  je me risquai à jeter un œil à l’extérieur : à mon grand soulagement ce monstre vorace avait au dernier moment changé de cap ! Il était parti ravager d’autres contrées…puis très vite, comme il était venu, il disparut sur l’horizon…Ensuite pluie et vent nous harcelèrent pendant une heure, nous jouant une sérénade connue ! Là, nous avions l’habitude ! Et une certaine expérience qui nous permit d’y faire face calmement.
Puis  la nuit revint, le ciel resta clair, étincelant de deux parfois un peu voilés, semés inégalement comme des diamants éternels dans l’immensité du firmament, tandis qu’une lune d’argent baignait la mer de tous ses éclats…Quelle beauté ! J’aperçois quelques étoiles dans les échappées du ciel clair entre les nuages.
Puis l’orage a éclaté, déchirant le génois en deux : là la drisse est coince en haut et la garcette pour enrouler la toile a pété = la totale à Jean va prudemment sous le projecteur allumé et bien attaché pour tenter l’affaler la voile et la faire arrêter de battre dans les barres de flèche – le bruit est assourdissant, j’ai même craint un instant que le pare-brise n’explose…
Un petit croissant de lune, très bas sur l’horizon, ajoute une note féerique, au loin, sur la  mer. Sa clarté diffuse et trompeuse joue même d’une manière inquiétante avec une légère brume qui monte de l’eau et s’évanouit en tourbillonnant.
Résultat des courses : les 45 milles qui nous séparent de la Martinique vont être faits au moteur ! nous arrivons dans la nuit à l’anse Chaudière, bien tranquille, prêts pour un somme bien mérité…
 

lundi 22 septembre 2014