vendredi 25 décembre 2020

DANS L'INDIEN

 





Vendée Globe. À la découverte de l’île Amsterdam, perdue dans l’Océan Indien

Les premiers marins du Vendée Globe sont ce lundi en approche de l’île Amsterdam, au centre de l’océan indien. Il n’est pas dans leurs plans de s’y arrêter. Kito de Pavant l’a fait il y a quatre ans. Partons à sa découverte.

L’île Amsterdam

Sur ce Vendée Globe 2020, les skippers encore en course laisseront l’île Amsterdam à bâbord ou à tribord selon leur option. Pour Charlie Dalin (Apivia), ce devrait être par le Nord, pour Louis Burton (Bureau Vallée 2) par le Sud. Avec sa sœur, l’île Saint-Paul, c’est l’île la plus éloignée au monde de tout habitat permanent.



L'île Amsterdam, appelée île de la Nouvelle-Amsterdam jusqu'en 1965, est une petite île française située dans le Centre de l'océan Indien, à 1 368 km au nord-nord-est des îles Kerguelen et à 2 713 km au sud-est de l'île Maurice. Wikipédia
Population : Aucun habitant


Si le bout du monde existe, il est peut-être sur l'île française d'Amsterdam, dans le sud de l'océan Indien. C'est sur ce petit caillou de 58 km² qu'ont été recueillis deux marins rescapés de la Golden Globe Race. Sur cette île, une base française où vivent 24 personnes. Découverte.
 

Deux marins secourus

Mardi 25 septembre 2018, le quotidien des 24 personnes qui vivent en ce moment sur l'île d'Amsterdam a été marqué par un événement extraordinaire : le patrouilleur maritime français Osiris a acheminé deux marins rescapés de la Golden Globe Race. L'un d'eux, le skipper indien Abhilash Tomy, est sérieusement blessé. 

© Taaf

Contacté par La1ere.fr, Luc Lauverjat, le chef de district des îles Saint-Paul et Amsterdam, ne veut pas s'étendre sur l'état de santé du marin. Il explique qu'il est "sérieusement blessé, même s'il n'y a pas d'inquiétude pour sa vie. Il est en tout cas soulagé d'être sur la terre ferme".  

Luc Lauverjat / marins secourus

© Chloé Tonton

"Simplicité"

Jeudi 27 septembre, une frégate australienne doit arriver au large d'Amsterdam afin de prendre en charge et rapatrier en Australie les deux marins sauvés des eaux. Une extraordinaire parenthèse de quelques jours se refermera pour les 24 hivernants d'Amsterdam. "Nous sommes tous heureux de porter assistance. J'ai été surpris de la simplicité avec laquelle l'accueil des deux rescapés a eu lieu sur la base", raconte Luc Lauverjat.
Les vrais héros, ce sont les marins de l'Osiris, qui ont mis leur petit Zodiac à l'eau dans des conditions de mer extrêmement difficiles pour aller récupérer Abhilsah Tomy, allongé dans son bateau.


Ensuite, l'Osiris est venu jusqu'à Amsterdam. Les deux rescapés ont été transférés en Zodiac. Puis Habilash a été pris en charge à l'hôpital de la base, par le médecin. Il faut savoir qu'ici, sur l'île, tout le monde est formé aux gestes de secours,afin d'assister le médecin. Chacun, qu'il soit à l'origine botaniste ou spécialiste de maintenance mécanique, est appelé à intervenir en cas de besoin, ce qui s'est produit, mardi.

Cela s'est fait  avec simplicité. Ils ont été accueillis naturellement dans notre petite communauté.


- Luc Lauverjat, chef de district de Saint-Paul et Amsterdam

© Chloé Tanton

Une île au bout du monde

Amsterdam est une île de 58 km² administrée par les Terres Australes et Antarctiques Françaises, sur laquelle, depuis les années 1950, la France assure une présence permanente. La durée moyenne de séjour des personnels sur place est de douze mois. En ce moment, 24 personnes vivent sur la base Martin de Viviès. Comme l'explique le chef de district, certains sont scientifiques, ils effectuent des recherches sur la qualité de l'air, Amsterdam étant l'une des îles les plus éloignées de tout continent, ils s'intéressent également à la flore et à la faune comme les Albatros d'Amsterdam, une espèce endémique en voie de disparition. D'autres assurent la logistique sur la base : il y a notamment un cuisinier et un médecin. Enfin, des militaires assurent la souveraineté française tout en prenant en charge certaines missions logistiques.Les âges, les profils sont très variés. Aujourd'hui, le plus jeune est âgé de 23 ans, le plus vieux a 57 ans. C'est une petite communauté très soudée, explique Luc Lauverjat.

Luc Lauverjat : Amsterdam, une communauté très soudée

© Léa Gest

Comme un bateau immobile

Le climat d'Amsterdam est moins rude qu'à Kerguelen ou Crozet, qui sont dans les 50è rugissants. "Mais ici, il y a souvent énormément de vent. Le temps change très rapidement. En altitude, (l'île volcanique culmine à 880 mètres), les conditions peuvent être très rudes. C'est comparable aux conditions qu'on peut rencontrer en mer. 

Isolés, mais pas de solitude

Arrivé sur place il y a un mois, lors de la dernière rotation en date du Marion Dufresne, Luc Lauverjat, explique que contrairement aux idées reçues, on ne ressent pas de solitude, sur cette île du bout du monde.

Luc Lauverjat : au bout du monde, on se sent bien

"Les conditions de vie sont confortables. Nous prenons les repas ensemble et lorsqu'on effectue des missions à l'extérieur de la base, cela se fait toujours à plusieurs, pour des questions de sécurité, afin de pouvoir donner l'alerte en cas d'accident. La première expérience ici, c'est l'aventure humaine. On est isolé, mais ensemble. Notre point commun à tous à tous, ce qui nous soude, c'est le côté exceptionnel de ce que nous vivons. Nous avons tous choisi, et avons été choisis, pour vivre quelque chose d'exceptionnel dans un endroit exceptionnel".

© Chloé Tanton

Pas de télé, ni de téléphone portable

Pour les 24 hivernants, "la seule différence avec la vie normale, c'est que nous n'avons pas la télé, ni de téléphones portables. En revanche, même si le débit est très faible, nous envoyons beaucoup d'e-mails pour communiquer avec l'extérieur", dit le "Disams" (l'acronyme pour "chef de district d'Amsterdam). Durant douze mois,Luc Lauverjat assure cette fonction de représentant de l'autorité sur ce minuscule territoire. Il est tout à la fois maire, douanier, officier de police judiciaire. "Au delà de toutes ces missions, la principale est de veiller au bon fonctionnement de la base et de l'équipe", explique-t-il. "Bien sur, dans une petite communauté avec des profils très différents, des tensions peuvent apparaître. Pour l'instant, il n'y en a pas. Nous sommes soudés".

Luc Lauverjat : la vie en communauté

En temps normal, dans la vie ordinaire, Luc Lauverjat est responsable d'un service municipal dans une petite commune du nord de Grenoble. "Etre ici, c'est pour moi un rêve d'enfance, j'avais envie d'aller au bout du monde, je rêvais de pôle nord et de pôle sud. Il y a aussi cette dimension d'un boulot exceptionnel parce qu'on fait quelque chose d'extraordinaire au sens littéral du terme. Et puis, depuis mon arrivée il y a un mois, je découvre une nature incroyable. Je ressens un émerveillement de tous les instants".

© Chloé tanton

Prochaine visite

La prochaine visite qu'attendent les 24 hivernants, c'est à la fin du mois de novembre, celle du Marion Dufresne, le navire ravitailleur qui effectue quatre rotations par an. Ensuite, un bateau qui pêche la langouste sera de passage. Puis, de mars jusqu'à la fin du mois d'août, ce sera un océan de solitude et d'isolement, le véritable hivernage pourra débuter pour ces îliens du bout du monde. 

© Chloé tanton


AU SUD DE L'INDIEN

 





Vendée Globe. Pourquoi les vagues sont-elles si dangereuses et extrêmes dans les mers du Sud ?

C’est dans l’océan austral, au sud de l’Océan Indien, une contrée encore largement méconnue, même pour les skippers du Vendée Globe, que les vagues présentent les caractéristiques les plus extrêmes. Explications de Yann Amice, le directeur scientifique de SportRizer, et Simon Weppe, ingénieur océanographe au MetService New Zealand.


À leur origine, les vagues sont générées par la force de friction du vent qui souffle à la surface des océans. Trois paramètres gouvernent l’efficacité du vent à créer ces vagues : la force du vent, la distance sur laquelle il souffle (le « fetch »), et la durée pendant laquelle le vent souffle.


Dans ce contexte, l’Océan Austral est le candidat parfait pour observer des vagues extrêmes : des vents d’ouest forts et soutenus sur de longues périodes, alimentés par la succession de profondes dépressions qui circulent entre les Quarantièmes Rugissants et les Cinquantièmes Hurlants.

Une différence de pression maximale

Ces dépressions, comme peuvent l’observer les concurrents du Vendée Globe, circulent d’Ouest en Est, en incurvant plus ou moins rapidement leurs trajectoires vers le sud-est, en direction de l’Antarctique. Cette zone circumpolaire reste le siège permanent des dépressions tandis que plus au sud, l’anticyclone thermique siège en permanence sur la calotte polaire. Le refroidissement de l’air entretient les hautes pressions sur le continent antarctique et l’anticyclone épouse naturellement le trait de côte du continent.

C’est au niveau de l’océan Indien que la zone de basses pressions est aussi la plus basse en latitude, et cela n’affecte pas la position de l’anticyclone des Mascareignes qui reste à la même latitude que ses congénères dans l’Atlantique ou encore le Pacifique. Cette disposition des principaux centres isobariques au niveau de l’océan Indien entretient une différence de pression maximale entre les parallèles 40° Sud et 60° Sud, soit des vents moyens d’ouest maximaux.


À la différence des autres océans, le fetch en océan Austral en limite sud de l’océan Indien est potentiellement « infini », il n’est limité par aucune terre ou continent.

Ces conditions permettent d’obtenir des hauteurs de vagues et périodes (intervalle entre deux crêtes) extrêmes qui pourront ensuite se propager dans les autres océans, par exemple poursuivre leurs courses à travers l’océan Pacifique.

Au-delà de la seule « hauteur » de vague extrême, la succession des systèmes dépressionnaires et la rapidité avec laquelle ils se déplacent peuvent conduire à une combinaison de plusieurs trains de houles de directions et de hauteurs différentes. À cela il faut ajouter la mer du vent, celle qui est générée localement par le vent. La dépression à 968 hPa, qui a cueilli les leaders du Vendée Globe, a généré des vents de plus de 40 nœuds. De tels vents soulèvent des vagues de 4 mètres en moins en 6 heures (Abaque de Brettschneider).

Pression au niveau de la mer modèle GFS*025° | SPORTRIZER

L’océan Austral est également un des rares endroits au monde où les houles générées peuvent se propager plus rapidement que les vents locaux qui sont pourtant forts.

Vitesse de propagation de la houle = 1.56 x Période

Par exemple : pour une houle de 18 secondes de période la vitesse de déplacement est de 28m/s ou de 55 nœuds environ.

Ces conditions de mer croisée extrêmes peuvent évidemment ralentir les routes et vont créer des contraintes/efforts importants sur le couple bateaux / marins. Elles sont encore difficiles à anticiper et modéliser.

La carte suivante décrit la hauteur caractéristique des vagues et ne reflète pas l’empilement qui peut se produire parfois sur un point quand plusieurs systèmes de vagues cohabitent sur une même zone.

Hauteur caractéristique des vagues H1/3 modèle GFS*025° | SPORTRIZER

En se focalisant sur un point de grille, le spectre de houle associé entretient des énergies sur plus de 150°. L’exemple suivant d’un spectre directionnel d’un état de mer de l’océan Austral, avec plusieurs houles et mers du vent combinées permet d’appréhender plus justement la complexité du sud de l’océan Indien.

Extrait de wavebuoy.oceanum.science | SIMON WEPPE

L’intensité de couleur indique l’énergie des vagues en fonction de leur direction (position autour du cercle) et fréquence (distance depuis le centre du cercle).

Il reste énormément à apprendre de cet océan Austral, à la fois sur la génération et propagation des vagues dans ces conditions uniques, mais également son rôle dans notre système climatique en tant que capteur/puits de carbone et chaleur. Un des freins aux avancées scientifiques dans ce domaine reste le manque d’observations in situ dans ces zones hostiles et isolées. Des projets de systèmes d’observations plus complets sont en cours, via des réseaux de bouées fixes et dérivantes. Dans ce cadre, les bateaux équipés de capteurs océanographiques comme ceux de Fabrice Amedeo (Newrest-Art et Fenêtres), Boris Herman (Seaexplorer – Yacht Club de Monaco) ou encore Alexia Barrier (TSE-4myplanet) vont collecter des données précieuses durant leur périple sur ces mers du Sud.

Autant d’éléments pour contribuer à enrichir les futurs travaux des cabinets d’architectes. À ce stade, la prise en compte de ces états de mer complexe reste très délicate et parcellaire. Elle participe à la définition de la solidité de la structure de façon globale, mais elle s’appuie aussi sur la sensibilité du marin qui va piloter. C’est un ensemble de compromis qui préside à la performance et à la définition d’un projet. Se projeter sur un Vendée Globe avec un bateau apte à s’affranchir de toutes les conditions reste aujourd’hui une alchimie très complexe.












Entre les parallèles 40° Sud et 60° Sud, les vagues de l’Océan Indien bénéficient de conditions particulières.
SPORTRIZER