samedi 27 mai 2023

 Cannes, le 19 mai 2023. Grande habituée du festival, Cate Blanchett était cette année venue présenter “The New Boy”, du réalisateur aborigène Warwick Thornton, projeté dans la section Un certain regard. Un film qu’elle a coproduit et dans lequel elle joue (à ses côtés, le jeune acteur Aswan Reid, qui partage l’affiche avec elle).

Cannes, le 19 mai 2023. Grande habituée du festival, Cate Blanchett était cette année venue présenter “The New Boy”, du réalisateur aborigène Warwick Thornton, projeté dans la section Un certain regard. Un film qu’elle a coproduit et dans lequel elle joue (à ses côtés, le jeune acteur Aswan Reid, qui partage l’affiche avec elle). PHOTO PATRICIA DE MELO MOREIRA/AFP

Quand on dit à quelqu’un qu’on va au Festival de Cannes, il est inévitablement et souvent expressément envieux : “Oh là là, est-ce que je peux venir aussi ?” Tous ces films géniaux, ces fêtes, ces stars du cinéma, ces icônes de la mode – sans parler de la Côte d’Azur –, c’est si cool, si glamour, si excitant.

Et c’est vrai, parfois, et parfois c’est épuisant, frustrant, déconcertant et écrasant.

À un moment, on est complètement retourné par un film qui vous change la vie, un jeu d’acteur miraculeux ou l’énergie rayonnante de personnes brillantes qui parlent de leur art avec passion.

Cinq minutes après, on est au bord des larmes de faim et de fatigue, on se demande qui exactement s’est dit que regarder un tas de films vraiment intenses de 8 h 30 à minuit était une bonne idée, et on s’efforce de garder sa santé mentale en poireautant dans une file d’attente de plus. Franchement, si le type qui est derrière moi n’arrête pas de s’extasier sur Martin Scorsese comme tous les hommes passionnés de cinéma avec qui je suis sortie à la fac, je ne réponds plus de rien.

Démoralisée devant Cate Blanchett

Je reconnais pleinement que je suis privilégiée : vivre le festival de cinéma le plus prestigieux du monde, c’est un boulot sympa. Je dis juste que couvrir Cannes, c’est bien plus compliqué que de regarder Alicia Vikander monter les marches [l’actrice suédoise était venue présenter Le Jeu de la reine, de Karim Aïnouz, en sélection officielle].

Quelques observations de mi-festival.

Chaque film en compétition, et certains ne le sont pas, a droit à une première de gala. Il n’est donc pas inhabituel de voir des gens en tenue de soirée à 3 heures de l’après-midi. Cependant, la plupart des participants s’habillent confortablement et pour être paré à toute éventualité météorologique. On peut entrer dans le cinéma par une belle journée ensoleillée et en ressortir pour constater qu’il pleut*.

Pour rester dans le sujet, être assise vêtue d’un pantalon de lin et d’une veste en jean en face d’une Cate Blanchett resplendissante en haute couture, c’est excitant et aussi très démoralisant.

Les personnes les mieux habillées qu’on voit dans les rues de Cannes sont peut-être les habitants. Les femmes mûres avec petit chien portent l’étendard de la mode française et peut-être du monde.

L’applaudimètre, un baromètre peu fiable

L’accessoire le plus courant et le plus précieux est le badge d’accès au festival. Cependant, si vous assistez à une première de gala, n’oubliez pas de l’enlever avant de poser le pied sur le tapis rouge, sinon un agent du festival vous “suggérera” de l’enlever. Dans un français exquis. Ce qui rend la chose encore plus mortifiante.

Les standing ovations sont exagérées et entièrement subjectives tant pour la durée – Killers of the Flower Moon [le nouveau film de Martin Scorsese, présenté hors compétition] a-t-il vraiment récolté six minutes ? dix ? Qui a dit ça ? – que pour le niveau d’enthousiasme. Comment se fait-il que les sept minutes d’ovation récoltées par Indiana Jones et le cadran de la destinée [projeté hors compétition] aient été considérées comme un bof par un média et comme une ferme approbation par un autre, alors que la même durée obtenue par May December [le nouveau film de Todd Haynes, en lice pour la Palme d’or] était un triomphe évident ?

Est-ce que ça compte si les acteurs et l’équipe au complet relancent les applaudissements quand ils commencent à faiblir ? Ou que le film faisait trois heures et que les gens avaient besoin de manger ou d’aller aux toilettes ?

Journalistes ou groupies ?

Quand on fait la queue sous la pluie pour voir un film qui a quarante-cinq minutes de retard, on n’est pas prédisposé à l’aimer. “Il a intérêt à être bon”, ce n’est probablement pas l’humeur recherchée par les réalisateurs et les organisateurs du festival.

Les hordes de personnes en croisière qui embouteillent régulièrement la Croisette constituent une addition hilarante à une foule d’une variété stupéfiante – on les reconnaît à leurs polos et à leurs corsaires blancs. Et à leurs guides enjoués.

Cannes compte beaucoup de restaurants sympas, mais on n’a manifestement jamais le temps d’y manger. D’où les longues files d’attente au McDonald’s et Steak ’n Shake.

Si votre film comprend des scènes prolongées de sable glissant, de blé ondulant ou de doux chant des cigales, il est fort probable que certains s’endormiront. Cela ne veut pas dire qu’ils n’aiment pas le film, juste qu’ils sont très fatigués.

Les conférences de presse sont dingues : elles sont bourrées de journalistes dont beaucoup sont prêts à vous passer sur le corps pour être dans la même pièce que Harrison Ford [la tête d’affiche d’Indiana Jones et le cadran de la destinée] ou Leonardo DiCaprio [dans Killers of the Flower Moon].

On me trouvera peut-être démodée, mais je trouve qu’il ne devrait pas y avoir de standing ovation lors des conférences de presse.

Le tapis rouge résiste à tout, même à la pluie

Il faut que les enfants américains apprennent au moins deux langues, ne serait-ce que pour écouter efficacement les conversations des autres à Cannes. Quand ces Allemands qui étaient assis derrière moi ont cité le nom d’un collègue, était-ce favorablement ou non ? Je ne le saurai jamais.

On a tendance à envier ceux qui logent dans des hôtels de luxe, le Carlton par exemple, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que nombre de suites sont bourrées d’agents et de chargés de com qui éclusent du Coca Zero tiède penchés sur leur ordinateur portable.

Je ne sais pas en quoi est fait le tapis rouge de Cannes, mais il est admirablement durable. Il est souvent gorgé d’eau cette année, mais cela fait plus d’une semaine qu’il orne divers sites et il tient toujours bon.

Les règles en matière de chaussure sur le tapis mentionné ci-dessus ne sont pas aussi genrées que ce qu’on a rapporté : un homme s’est vu refuser l’entrée à la première d’Indiana Jones parce qu’il portait des tennis noires. Apparemment, c’étaient des Prada, mais c’était quand même des tennis, ce qui n’est pas autorisé.

Un personnel d’un calme admirable

Le smoking est peut-être le meilleur vêtement jamais inventé, et je pense qu’on devrait tous en avoir un.

Il n’y a pas autant de boulangeries que ce qu’on pourrait penser à Cannes, mais il y a beaucoup de super-gargotes de kebab, et ma préférée offre un grand sac de pita avec chaque commande. Alors, inutile de se trouver une boulangerie, non ?

Je n’ai jamais vu autant d’élégance sous pression que chez le personnel du festival. Il garde son calme quel que soit le nombre de questions qu’on lui pose brutalement et frénétiquement en plusieurs langues (et dans un français exécrable). Y compris moi.

Il y a beaucoup de chiens adorables et sympas à Cannes. En revanche, les chats sont de gros snobs. Normal.

Et, bien sûr, il y a eu des films géniaux cette année, mais j’en parlerai une autre fois.


* En français dans le texte.

PALMDOG

 

  • Messy, le boarder collie qui incarne Snoop, le chien guide d’un enfant malvoyant dans le film Anatomie d’une chute, signé Justine Triet, a décroché ce vendredi la Palm Dog 2023, qui récompense le meilleur « acteur canin ».
  • Cette année, devant « l’éventail des performances », cette récompense parallèle a même fait des petits : le chien vu dans Les Feuilles mortes a reçu le Grand prix du jury et celui de Vincent doit mourir le « prix de l’incroyable performance »

jeudi 25 mai 2023

Tina Turner en sept titres de feu


De ses débuts foudroyants jusqu’à sa reconnaissance mondiale en solo dans les années 1980, florilège de quelques-unes des plus grandes prestations de la “queen of rock”, morte le 24 mai .

Tina Turner en concert au Pavillon de Paris en 1978.

Tina Turner en concert au Pavillon de Paris en 1978. Photo Jean-Pierre Leloir / Gamma-Rapho

Par Hugo Cassavetti


Si Aretha Franklin était l’incontestable monarque de la soul, personne ne songerait à nier à Tina Turner le titre de « queen of rock ». La chanteuse au phénoménal coffre rugissant, aussi sauvage que son jeu de scène des plus torrides, s’est éteinte à 83 ans, dans son refuge suisse où elle profitait d’une retraite méritée au terme d’une carrière prodigieuse qui l’aura vue triompher comme nulle autre de l’adversité. De ses débuts foudroyants sous l’emprise de son mentor violent Ike Turner, jusqu’à son émancipation et sa reconnaissance mondiale en solo dans les années 1980, florilège de quelques-unes de ses plus grandes prestations.

“It’s Gonna Work Out Fine” (1961)

Pas le premier (A Fool in Love, en 1960), mais le plus gros tube des débuts de carrière de Ike and Tina Turner. Elle, née Anna Mae Bullock, 22 ans, devenue la poule aux œufs d’or de Ike Turner, de huit ans son aîné, rockeur émérite et homme à femmes abusif. Un rhythm’n’blues comme tant d’autres à l’époque, mais qui se distingue par la voix déchirante de la sulfureuse jeune femme, fille déshéritée qui a vu sa chance miraculeusement tourner, quitte à subir la loi d’airain de son impitoyable mentor.

“River Deep Mountain High” (1966)

Ike Turner a beau vouloir tout contrôler, difficile de ne pas accepter de céder ponctuellement les rênes, moyennant un gros chèque, au tout-puissant inventeur du Wall of Sound, Phil Spector, dément faiseur de hits conférant à la chanson pop la dimension d’une symphonie de poche. River Deep Mountain High, conçu des heures et des jours durant, appelé à devenir un symbole du style démesuré de Spector, fut d’abord un flop aux États-Unis. Mais fit un triomphe en Angleterre. Les Rolling Stones y trouvent alors un nouveau modèle, après James Brown, de sauvagerie et de sensualité brute, Mick Jagger s’inspirant du jeu de scène suggestif de la furie Tina.

“Proud Mary” (1971)

Les rockeurs blancs adaptaient à leur sauce les standards de la musique noire, Ike and Tina Turner leur renverront la politesse. Le Proud Mary de Creedence Clearwater Revival sera leur plus cinglante réussite. De sa longue intro, poisseuse à souhait, à sa furieuse accélération, le titre brise définitivement la barrière entre rock et soul, fusionnant les deux dans un déluge de sexe et d’énergie (même si la chanson parlait en fait d’un bateau increvable !). La voix de Tina Turner éructe comme jamais, son corps, lancé dans des spasmes de plus en plus insensés, n’ayant qu’à suivre le mouvement. Quatre ans plus tard, une reprise du Whole Lotta Love de Led Zeppelin fera aussi fort.

“Nutbush City Limits” (1973)

Écrit par Tina, Nutbush City Limits remonte le temps, la chanteuse se souvenant de cette enfance, dans un trou paumé du Tennessee, dont il fallait s’échapper à tout prix, à ses risques et périls. Une rythmique implacable, un riff aussi minimal qu’assassin (Ike avait certes la main leste mais n’était pas manchot à la six-cordes) pour une performance vocale qui atteint un nouveau sommet de rage et de fureur. Un groove démoniaque propulse les vociférations passionnées d’une femme, dont on ne soupçonnait pas encore qu’il s’agissait autant d’un cri libérateur que de douleur.

“Acid Queen” (1976)

Dans l’adaptation filmique délirante par Ken Russell de l’opéra rock Tommy des Who, les monstres sacrés ne manquaient pas. Mais seul Elton John put faire jeu égal, au rayon présence et surenchère, avec Tina Turner, appelée à incarner en la transfigurant l’Acid Queen. Mi-sorcière, mi-mante religieuse, elle initie le jeune garçon innocent, sourd, muet et aveugle, au plaisir extrême grâce au shoot du siècle. Tina en fait des tonnes, infligeant le même traitement à la chanson, à faire passer l’original pour une inoffensive bluette.

“Ball of Confusion” (1982)

Au début des années 1980, Tina Turner s’est enfin libérée, depuis quelques années, de son tortionnaire de mari. Mais si son aura et sa renommée persistent, sa carrière artistique est assurément en berne. Contre toute attente, c’est de la new wave que viendra sa résurrection. Avec la moitié dissidente de Human League, rebaptisé BEF (British Electric Foundation), elle étonne avec une version synthétique, néanmoins tonique, du brûlot psyché soul des Temptations, Ball of Confusion. La puissance de sa voix et du rhythm’n’blues mariés au son du moment fait mouche. Le succès mondial ne va pas tarder avec, dans la foulée, un traitement similaire infligé à l’inusable slow d’Al Green, Let’s Stay Together.

“What’s Love Got to Do With It” (1984)

« Qu’est-ce que l’amour a à voir là-dedans ? » Tout et rien. Relancée, Tina Turner grave en solo son album de la consécration, débarrassée de son passé de souffrance et d’errance, gravant, avec son plus grand tube (et le meilleur) de sa seconde carrière, un résumé parfait de son existence. D’un amour destructeur et violent qui lui apporta la renommée à celui, total, que lui voueront des millions de fans à travers le monde en la célébrant comme la battante et résistante ultime, icône féminine triomphante du machisme extrême. Elle est désormais entourée de stars qui jouent, chantent et écrivent pour elle, et lancée par un management maousse sur les rails d’un rock mainstream, à l’instar d’une autre star maudite des 70’s, Joe Cocker. Mais nul ne doutera jamais du talent vocal de la star, véritable bête de scène, et tous se réjouiront d’un happy end amplement mérité.

lundi 15 mai 2023

HALO

 Nous avons pu observer dans le ciel de la Martinique, ce dimanche 14 mai vers midi un phénomène intriguant pour certains mais qui, cependant, n’est pas rare.

 Il s’agit d’un halo. C'est-à-dire un arc en ciel circulaire autour du Soleil.

 Les halos sont engendrés par des nuages de type cirrus, très fins, à très haute altitude (tropopause = 10 km). Ils sont composés de cristaux de glace (prismes à base hexagonale). Les rayons du Soleil sont réfractés comme dans un prisme. 

Ils se produisent quand le soleil est très haut au-dessus de l’horizon, c'est-à-dire vers midi en Martinique.

Comme pour un arc en ciel, on peut parfois distinguer deux anneaux ; le plus brillant est à l’intérieur d’un plus grand et plus pale.

Les halos s’observent également avec la Lune (d’autant plus observable qu’elle est pleine).

Ci-dessous la photo du halo visible en Martinique le 19 avril 2005, jour de l’élection du pape Benoit XVI.


vendredi 12 mai 2023

photométéore au Marin

 

Un halo autour du soleil observé ce midi

Ce jeudi, aux alentours de midi, un halo solaire a été observé dans le ciel formant un arc-en-ciel rond autour du soleil. Il s’agit en fait d’un phénomène optique appelé photométéore.
Il apparaît lorsque les rayons de soleil traversent des nuages de haute altitude formés de cristaux de glace. Il n'est pas fréquent, et donc très surprenant ! Il n’y a aucun rapport avec les fortes chaleurs ressenties ces temps-ci en Martinique car ce phénomène qui peut être observé à tout moment de l’année, reste bref : il suffit de pouvoir l’observer à temps avant qu’il ne disparaisse.








lundi 8 mai 2023

JEUDI 8 MAI 1902

 SAINT-PIERRE

Le 8 mai, la ville rend hommage aux victimes de l'éruption de 1902


Beaucoup moins connue que Louis Auguste Cyparis ou Louis Léon Compère, Havivra Da Ifrile est la 3e survivante        de l'éruption de 1902.
Beaucoup moins connue que Louis Auguste Cyparis ou Louis Léon Compère, Havivra Da Ifrile est la 3e survivante de l'éruption de 1902. • DR

Ce lundi, la Ville commémore l'éruption de la Montagne Pelée du 8 mai 1902, avec notamment le baptême de la caserne « Lieutenant-Maire », officier de gendarmerie mort lors de la catastrophe. Retour sur cette page d'histoire.

Beaucoup moins connue que Louis Auguste Cyparis ou Louis Léon Compère, Havivra Da Ifrile est la 3e survivante        de l'éruption de 1902.
Beaucoup moins connue que Louis Auguste Cyparis ou Louis Léon Compère, Havivra Da Ifrile est la 3e survivante de l'éruption de 1902. • DR

Ce lundi, la Ville commémore l'éruption de la Montagne Pelée du 8 mai 1902, avec notamment le baptême de la caserne « Lieutenant-Maire », officier de gendarmerie mort lors de la catastrophe. Retour sur cette page d'histoire.

Le jeudi 8 mai 1902, tous les contemporains décrivent le même scénario : grondements impressionnants, détonations violentes, puis apparition d'un énorme nuage noir qui dévale le volcan. Pendant que la télégraphiste racontait l'atmosphère qui régnait à Saint-Pierre ce matin-là, la terre se mit à trembler, une explosion secoua toute la Martinique. A l'autre bout du fil, plus rien. Il a suffi de trois minutes à la montagne Pelée pour détruire l'opulente, la fière et orgueilleuse cité de pierre.





samedi 6 mai 2023

LA PIERRE DU DESTIN

 


Le couronnement est une façon de récapituler les rapines commises par Londres au cours des siècles. En particulier la pierre du destin, volée aux Écossais en 1296, rendue finalement à Édinbourg sept cents ans tout rond plus tard, en 1996. Des étudiants nationalistes écossais l’avaient subtilisée en 1950, la cassant en deux (elle pèse le poids d’un cochon d’élevage bio : 152 kg). La bombe d’une suffragette l’avait également brisée en deux au mois de juin 1914.

La pierre était censée « rugir de plaisir » quand un roi authentique posait les pieds dessus, dans les temps gaéliques. Elle est désormais installée sous le trône en chêne d’Édouard Ier pour chaque couronnement. Le souverain londonien s’assoit dessus et elle est à moitié planquée, tel un forfait inavouable.









Roi Charles III 



L'ONCTION

 Voici que l’évêque de Canterbury va l’oindre, l’enduire d’huile sacrée venue de Jérusalem – ce qui renvoie les pauvres petits Français, orphelins de la monarchie paraît-il, à la sainte ampoule de Reims, détruite avec beaucoup d’emphase par la Révolution en 1793, mais dont quelques gouttes auraient été sauvegardées (elles servirent pour le sacre de Charles X en 1825).

Le roi se fait oindre (enduire). Un proverbe de l’Ancien Régime, non pas pétri de mépris de classe mais reflétant la morgue propre à une société d’ordres, affirmait : Oignez vilain, il vous poindra ; poignez vilain, il vous oindra. Ce qui signifie : caressez un homme de néant, il vous fera du mal ; faites-lui du mal, il vous caressera... © ABC News (Australia)

vendredi 5 mai 2023

 

En 30 ans, de 1853 à 1883, au total, 25509 Indiens ont immigré en Martinique.
En 30 ans, de 1853 à 1883, au total, 25509 Indiens ont immigré en Martinique. • DR

Le 6 mai 1853, les premiers Indiens débarquaient à Saint-Pierre pour travailler notamment sur les plantations. Ils ont longtemps été méprisés, brimés, ostracisés à cause de leur langue, de leur religion, de leurs coutumes, de leur apparence. 170 ans après, leurs descendants, malgré des parcours différents, ont en commun une indianité revendiquée et assumée. Rencontre avec quelques-uns d'entre eux qui se réapproprient et partent à la découverte de leur histoire, de leurs origines, de leur culture et d'eux-mêmes. Dossier réalisé par Karine Saint-Louis Augustin

Dossier réalisé par Karine Saint-Louis Augustin

« Être Indien, c'est ma richesse ! »

Nous rencontrons Paul Carpin dans sa villa au Robert. « Je suis un pur Indien né à Macouba d'un papa indien, d'une maman indienne, de grands-parents indiens, lance-t-il d'emblée. C'est mon aïeule Manman Go Nalamoutou qui est arrivée en Martinique », souligne-t-il. « Etre Indien, c'est ma richesse. C'est pourquoi je tiens à perpétuer les traditions de mes ancêtres ». Avec fierté, Paul Carpin ressort les coupures de France-Antilles datées de dizaines d'années dans lesquelles on parle de lui et des célébrations indiennes. « Même si certains prétendent le contraire, c'est moi qui ai contribué au développement et à la connaissance des rites indiens. En Martinique, je suis le premier à avoir fait la cérémonie de la déesse Kali dès le Soleil levant ; le premier à avoir célébré la fête du Pongol et celle du Dipavali ou encore celle de Devasham pour les défunts ; j'ai aussi fêté le premier l'arrivée des Indiens en Martinique. C'est aussi grâce à moi que l'on met des fruits entiers et non plus des morceaux de cocos secs et de bananes en offrandes dans les temples ; c'est moi qui ai montré comment bénir l'eau et le sel. Et, si aujourd'hui les hommes portent la robe traditionnelle pour entrer dans la chapelle, c'est grâce à moi alors même qu'on me traitait de makoumè quand je le faisais. Avant moi, les Indiens ne célébraient pas le nouvel an tamoul le 14 avril. Ils ne connaissaient même pas la date », raconte-t-il.

« La religion la plus pure et propre »

Le vieil homme regrette qu'à cause des mauvaises pratiques, la religion tamoule soit associée à la sorcellerie alors que, dit-il, « c'est la religion la plus pure et propre ». « Ceux qui la respectent peuvent se présenter devant les divinités et demander la grâce, une requête saine comme une aide pour le travail, pour le foyer, pour la santé mais certainement pas pour solliciter la richesse, la chute des autres ou les femmes ».

Paul Carpin déplore aussi que les cérémonies soient trop souvent des spectacles, parfois même payants, où l'on ne respecte pas la tradition ou les anciens.

Un temple dans le jardin

« Ici, beaucoup de gens se revendiquent prêtres alors qu'ils ne sont que des officiants de la religion tamoule. Pour être prêtre indien, dès la naissance, on vous choisit et vous élève pour ce dessein. Moi, j'aurais pu revendiquer ce titre : je suis né dans la religion tamoule. Depuis que j'ai 3 ans, mon arrière-grand-père me faisait balayer la chapelle de Bellevue à Macouba avec des feuilles de cocotier. On allait aussi chercher du caca bœuf pour daller le sol. Plus tard, j'ai été initié par un prêtre tamoul en Guadeloupe qui m'a fait me coucher par terre. Je suis aussi allé à la Réunion où un prêtre indien m'a mis le mala, le collier des prêtres, des sâdhus (sages vivant dans le dénuement) et des personnes religieuses. Mais c'est moi qui ai refusé de devenir prêtre et qui ai préféré n'être qu'officiant ».

Blessé, agacé ou déçu par certains membres de sa communauté, Paul Carpin préfère désormais pratiquer sa religion dans l'intimité de son temple privé construit dans son jardin.

Chez les Virassamy, un héritage culturel célébré... en cuisine ! 

L'indianité de Charles Virassamy et de son neveu Alain est surtout gourmande. C'est donc en cuisine qu'ils nous ont reçus. Une rencontre pleine de saveurs et riche en souvenirs.

Au menu ce jour-là : un colombo de porc. « Je ne dis pas que c'est la recette traditionnelle, mais c'est la mienne », prévient Alain. Pour cette préparation, il faut d'abord faire revenir dans une poêle à sec du riz, des graines de cotomili (coriandre), de moutarde, de cumin et de fenugrec. « Cette dernière est vraiment très amère. Il faut en mettre avec parcimonie », précise Charles. Quand le mélange est grillé, on le passe au moulin afin d'obtenir une poudre dont l'odeur évoque les marchés aromatiques du bout du monde. Dans un faitout, il faut ensuite faire revenir à petit feu, sans huile et à couvert, des épices et la viande de porc qui aura préalablement macéré dans un bain de citron, d'ail, de sel et de poudre d'épices précitée.

Aubergines et mangos verts

Alors qu'ils découpent en dés de l'aubergine, des courgettes et des mangos verts, les deux cuisiniers évoquent des anecdotes. « Enfants, nous étions tout contents que les tantes acceptent de nous confier une tâche en cuisine : éplucher le mandia. Ce n'est que bien plus tard que j'ai compris qu'elles nous le demandaient parce que le curcuma jaunissait les doigts », raconte Alain amusé par sa naïveté d'enfant. Après 45min, la viande est prête. Elle a cuit dans sa graisse et dans ses sucs. Elle est tendre et déjà savoureuse. On la réserve et on met sur le feu les légumes dans un fond d'eau. Ils donneront à la sauce sa consistance.

Des recettes à transmettre

Les échanges se poursuivent : « Je suis très attaché, non pas à la nostalgie, mais à ce que j'appellerais la madeleine de Proust de notre enfance, à tous ces plats auxquels nous étions habitués qui nous faisaient tant plaisir », indique l'un. « La cuisine, les recettes, la gastronomie sont des éléments très importants de la culture, quelle que soit cette dernière. Elles font partie des caractéristiques distinctives d'un peuple. C'est important de transmettre ce savoir aux générations suivantes », renchérit l'autre. On ajoute de temps en temps un peu d'eau dans les légumes jusqu'à ce qu'ils soient fondants tout en restant croquants. « On mangeait aussi le chardon béni que l'on faisait échauder pour enlever le goût amer. On le pilait, et on ajoutait de la morue rôtie dessalée avec de l'ail et de l'oignon. Un délice ! » se souvient Charles. Des tamarins sûrs sont écossés, trempés dans un bol d'eau et délayés pour extraire la pulpe des graines. Le jus ainsi obtenu est versé à la sauce encore au feu. Les hommes poursuivent.

Feuilles de dachines enroulées

« Il y a aussi le quillaia, un arbre rare ramené par les Indiens. On en trouve dans le nord et au François chez quelques familles. On échaude les feuilles, on les fait revenir comme des épinards et on les mange avec du riz. C'est très bon », indique l'oncle. « On mangeait aussi les jeunes feuilles de dachine encore enroulées qu'on préparait aussi comme les épinards », renchérit son neveu.

Il est temps d'incorporer la viande de porc à la sauce. On y ajoute de la pâte de curcuma, de la pâte à colombo. « Certaines personnes mettent aussi du paroka, ou manjé kouli, mais nous, on n'en mettra pas », souligne Charles Virassamy.

On laisse mijoter encore une bonne heure et en toute fin de cuisson, Alain ajoute du séra -mélange d'ail et de citron fraîchement pressé. « C'est mon secret de chef, il ne faut pas le partager. Ça relève les saveurs », confie-t-il.

Arlette, l'épouse de Charles, a préparé le riz et dressé la table. Après près de trois heures en cuisine, il est temps de déjeuner. Autour de la table, tout le monde se régale. On en reprend, on savoure et on continue d'échanger sur les souvenirs gourmands. « Ma grand-mère faisait griller toutes les épices mais aussi sa viande sur du charbon. Quand elle mettait tout ça à consommer, il y avait un parfum qui se dégageait et on était tous déjà rassemblés l'eau à la bouche. Je n'ai jamais retrouvé le goût de son fameux colombo », raconte Alain avec nostalgie.