Une jolie navigation, très simple sur mer plate et avec du près nous conduit droit dans Spanish Water. Le choc est tout aussi virulent.
L'antre est si bien protégé de la mer, qu'elle n'y a plus droit de cité.
L'horizon disparaît derrière de hautes collines. L'eau translucide et émeraude
devient opaque et brune. Nous pénétrons dans l'enceinte par un chenal non
balisé, mais d'abord facile. A l'intérieur du mouillage, les bateaux sont placés
en quarantaine dans des aires de mouillages définies. Ne vous hasardez pas hors
des limites des bouées, vous vous feriez tancer par les "coast guards". Ici, tout ce qui est écrit est appliqué! Il nous faudra nous
recadrer, pour nous adapter!
Nous arrivons la veille d'un week-end et découvrons les moeurs de fins
de semaine à Spanish Water!!! Vous imaginez, l'espace... Cela ressemble à un lac
coincé entre des collines.
Les reliefs alentour sont tapissés de
jolies maisons. Au bord de l'eau de plus belles maisons encore, agrémentées d'un
jardin qui finit par un ponton auquel est amarré un bateau. Carènes fuselées,
plusieurs moteurs qui affichent 3 chiffres. Dès le samedi matin, l'activité
récréative des autochtones se limite à traverser "le lac" le plus rapidement
possible. Un bruit d'avion qui décolle. Des vagues qui claquent sur la coque et
qui passent par-dessus le franc bord d'Eolis. Les bolides zigzaguent
à fond les manettes entre des véliplanchistes et des petits canots à voile. Je
n'ose imaginer le spectacle si l'un d'eux manquait son virement de bord à
l'approche d'une de ces fusées nautiques... De la folie furieuse!
Mais à voir la nonchalance des habitants, je m'offusque sans
doute un peu vite (????) Car, au milieu du brouhaha et de cette agitation
permanente, un objet non identifié flotte, que dis-je : navigue!!! Il entraîne une
joyeuse bande hilare de danseurs, qui se trémoussent au milieu de l'eau sur des
"booggy wooggy".
Mélange de genres et d'insouciance...
Ainsi, confinés dans Spanish Water nous nous résignons, le temps
d'une escale que nous qualifions d'alimentaire! Curaçao est le dernier point de
ralliement des Européens en mal des produits de leur patrie d'origine. En effet,
ici, nous retrouvons toutes les denrées que nous avions oubliées et dont nous
nous passions fort bien!
Mais aujourd'hui tout se consomme avec modération, alors sortons
du supermarché et de Spanish Water pour aller à la rencontre des habitants.
Comment se nomment-ils au fait? Curaçaiens, Curaçoens, Curaciens???
"N'en jetez plus, ils se nomment tout bonnement "les Enfants de Curaçao".
Très jolie expression, représentative de l'âme qui règne au sein des nombreuses communautés qui s'éparpillent sur l'île.
"N'en jetez plus, ils se nomment tout bonnement "les Enfants de Curaçao".
Très jolie expression, représentative de l'âme qui règne au sein des nombreuses communautés qui s'éparpillent sur l'île.
Le cosmopolitisme est le ciment d'une
population de plus de 173 000 habitants qui regroupe près de 50 nationalités
différentes. Européens, peuples d'Amérique du Sud, d'Asie, d'Europe de l'Est se
mélangent autour d'une langue bien particulière qu'est le papiamento : un
mélange de néerlandais, d'espagnol, d'anglais et de créole. La sonorité de cette
langue est cristalline. Les mots rebondissent comme l'eau qui cascade au fil
d'une fontaine rafraîchissante. "Bon Bini", "bon dia", "tanki", "por fabor",
"Aïo", "mira" alschublief... (Bienvenue, bonjour, merci, s'il vous plaît, au
revoir, regarde, s'il vous plaît) voilà quelques mots faciles à apprendre et
qu'ils aiment entendre. Ne vous inquiétez pas, ils vous laisseront poursuivre
dans une langue avec laquelle vous serez plus à l'aise. Mais ce clin d'oeil
couleur local permet de faire un bout de chemin vers eux. Le plus souvent, ils
vous ouvriront la porte en grand! Fait remarquable, ils parlent tous au moins
trois langues. Outre le papiamento, les "Enfants de Curaçao" parlent le
néerlandais, l'espagnol et l'anglais. Nous avons trouvé quelques personnes qui
nous ont souhaité la bienvenue en français. Vous l'aurez compris, ces
polyglottes avertis sont charmants. Si l'escale n'est pas géographiquement
intéressante, elle l'est à coup sûr sur le plan humain.
Pendant notre séjour, nous nous rendons souvent à Willemstad qui est
la ville principale. Il y règne une ambiance bon enfant, une gentillesse
spontanée, une simplicité agréable. La ville vit au rythme de son chenal qui la
coupe en deux. Un pont en bois flottant et amovible permet aux piétons de se
rendre d'une rive à l'autre. Ce trafic piétonnier est interrompu à la demande
des navires quelque soit leur tonnage : de la plus petite annexe au plus gros des
cargos. Le pont se rabat sur la rive d'otrabanda, et laisse passer les bateaux
de tout tonnage. Quel spectacle étonnant que de siroter une boisson sur l'une
des terrasses de café du bord de chenal tout en regardant un cargo passer à
quelques mètres de nous! Lorsque le pont est ouvert, les Enfants de Curaçao,
troquent la marche à pied contre une traversée mouvementée du canal. Des
navettes assurent gratuitement le lien entre les deux rives.
Willemstad est une ville colorée. Personne ne ménage son coup de
pinceau, elle semble peinte de frais en permanence. La ville, bien qu'appuyée
sur des usines de raffinage, garde un charme particulier. Les façades de couleur
se reflètent dans le chenal. Parfois, vous apercevrez une ombre d'aileron...
Oui! Nous avons été stupéfaits de voir des dauphins déambuler au milieu de la
ville. A la surface, les couleurs se mélangent au petit bonheur. Même sous la
pluie les rues de la ville préservent leur luminosité.
Quel style architectural? Tout le monde le qualifierait de colonial.
Mot fourre-tout utilisé partout dans la Caraïbe. Cependant, je n'ai vu nulle
part ailleurs qu'aux ABC (Aruba, Bonaire, Curaçao) ce type d'architecture.
Imaginez plutôt Willemstad comme une petite Amsterdam Créole, troquez les
briques rouges de la cousine européenne contre des façades lisses et peintes en
couleurs vives, ajoutez-y un air baroque et vous aurez un tableau assez
ressemblant de Willemstad. Pour compléter la ressemblance, le Fort Amsterdam
défend la ville contre les assauts de la mer.
Cependant, l'âme caraïbe reprend rapidement ses droits. Au sein d'un
agencement de rues pavées et de maisons bien alignées, la "mafia du fruit" sévit!
Dans un joyeux désordre rangé, les lanchas venues du Venezuela s'amarrent aux
quais de Willemstad. Deux ou trois grandes familles détiennent le marché du
fruit. Le patriarche garde en ses mains des liasses impressionnantes de
guilders, la monnaie locale. Nous nous rendons souvent au marché flottant,
l'ambiance y est agréable. Les étals de fruits et légumes sont si bien agencés
qu'ils attisent l'appétit! Les prix sont raisonnables, les produits sont en
général de bonne qualité. Les marchands, sont sympathiques et ils ont l'esprit
commercial.
Un des moments forts de notre séjour est la visite du "Seaquarium".
Idée saugrenue que d'aller voir les animaux en captivité alors que nous avons eu
la possibilité de nager avec les dauphins en liberté?
Pas si sûr!
Annie et Copan... sont les stars incontestées du "dolphin show" de Curaçao. Je me serais bien glissée dans l'eau avec eux... pour leur montrer la porte de sortie!".
Pas si sûr!
Annie et Copan... sont les stars incontestées du "dolphin show" de Curaçao. Je me serais bien glissée dans l'eau avec eux... pour leur montrer la porte de sortie!".
C'est vrai, je préfère voir tout ce petit monde en liberté.
l'île de Klein Curaçao.
La photo du mois
"Touche pas à ma tortue!"
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Nous partons pour Bonaire. Au Sud de notre route, sur le continent sud-américain, les orages offrent un spectacle pyrotechnique. Les éclairs se relayent sans interruption, c'est la ZIC : la zone intertropicale de convergence.
Depuis ces dernières semaines le Venezuela et la Colombie voient défiler leur cortège d'orages au rythme où ce serpent météorologique avance le long des côtes. Aujourd'hui, la "bête" est facétieuse, elle vient nous titiller. Nous sommes seuls dans l'étendue gris-anthracite. L'orage passe enfin, mais il nous laisse du vent de sud-ouest, bizarre... La mer et le courant viennent d'est, le vent vient du sud-ouest ce qui nous donne l'occasion de surfer sur les vagues au près serré. Une sensation délirante! L'arrière d'Eolis se soulève et fait de la luge sur des vagues molles.
Dans la large baie de Kralendijk, la "capitale" de Bonaire, deux cargos déversent leurs produits sur les quais. Plus loin, une cinquantaine de bouées, réservées aux bateaux de passage, sont alignées en deux rangs parallèles devant une berge. Lorsque nous arrivons, il ne reste que 3 bouées, toutes sont disposées à une trentaine de mètres d'une route relativement fréquentée par des camions et des voitures. Les bateaux sont garés en rang d'oignons devant la route comme des voitures. La nuit, une boîte à musique envahit l'espace sonore du mouillage, les sirènes des voitures se déclenchent sporadiquement, les voitures qui passent sur la route semblent rouler sur notre étrave...
Je ne discerne pas le charme de Bonaire. Le choc est trop grand et nous ne lui laissons pas la chance de nous séduire.