Ile Moustique, les coulisses du rêve
Au mouillage de l'île
Moustique depuis deux jours, nous sommes subjugués par la beauté et la pureté
des paysages. Il ne manque plus que le nain Tatoo accompagné par son inséparable
Mister Rourque pour que l'île fantastique soit au rendez-vous de nos fantasmes;
un véritable royaume des Télétubbies ou des Bisounours.
Il est vrai que ce sont
les plus belles plages de sable impalpable que nous ayons rencontrées depuis le
début du périple: eau transparente à souhait, réserve naturelle, l'île regorge
de spots de snorkeling où foisonnent les plus beaux poissons tropicaux, les
palmiers sont parfaitement alignés sur la plage.
Le gazon est tondu dans
les règles de l'art, les autochtones se baladent en chemise blanche et bermuda
dans des minimokes ou des voiturettes de golf.
Le paradis sur terre ou
presque.
L'image est vraiment
idyllique, l'archétype du bonheur tropical un
peu écœurant.
Lieu de résidence de Mike
Jagger, David Bowie, la famille royale d'Angleterre, les villas en bord de
plage sont somptueuses, les demeures au dessus des collines complètement hors
norme.
"L'île fut
vraisemblablement aperçue par les Espagnols à la fin du xve siècle avec les autres
îles environnantes qu'ils nomment « Los Pájaros » (Les
Oiseaux).
Au xviie siècle, ces îles
deviennent des repaires de pirates puis des lieux
de plantation de canne à
sucre mais Moustique ne reste pas habitée en permanence en raison de
l'absence d'eau douce.
En 1958, Moustique est
achetée pour 45000 dollars par Lord Glenconner qui la transforme en lieu de
villégiature. En 1960, la princesse Margaret accepte en
cadeau de mariage une parcelle sur laquelle elle fait construire une
villa, Les Jolies Eaux, qu'elle occupera à de nombreuses
reprises.
En 1989, la « Mustique
Company » est créée afin de faire prospérer et protéger l'île en l'aménageant et
en gérant les infrastructures (routes, eau, électricité, aéroport, etc.). Les
actionnaires de la Mustique Company ne peuvent être que des résidents de l'île.
Cette société a construit jusqu'à 89 villas qui sont louées en général à des
personnes fortunées (célébrités diverses, membres de familles royales, etc…)."
in Wikipédia.
Quelques magasins hors de
prix: 4 baguettes et 6 pains au chocolat pour 35 €.
Et surtout, son petit
village de pêcheurs tellement pittoresque: un vrai bidonville au paradis, avec
ses maisonnettes délabrées et sordides. Les sanitaires sont complètement
pourris, les conditions d'hygiène déplorables. Ces pêcheurs saisonniers vivent
dans des masures, à deux pas des luxueuses propriétés, entassés les uns sur les
autres dans la crasse. Une simple palissade de bambou et on passe de la Cité de
la joie à l'île fantastique.
Comment un microcosme
aussi réduit, un ilot aussi minuscule que Moustique, où tout le monde se
connaît, peut-il tolérer pareille situation?
200.000 ou 300.000 euros
suffiraient pour tout rénover.
La moindre villa en
location à Moustique coûte 10.000 dollars la semaine. Le caractère saisonnier
des travailleurs justifierait-il cette misère ?
Quelle indifférence
doit-on manifester pour rejoindre tous les jours le magasin 'd'objets d'art' sur
le chemin du village de pêcheurs ?
L'île aurait-elle besoin
de cela pour garantir son authenticité ?
Les choses sont sans
doute beaucoup plus simples: l'égoïsme ordinaire, l'aveuglement ou la
justification de l'inacceptable, mettant en avant le caractère
volontaire de l’habitat des pêcheurs
et de leur démarche saisonnière (il ont choisi de venir).
Hier soir, c'était la
fête sur la colline. Dans des maisons qui ressemblent à des palais, illuminées
par des milliers de lampes scintillantes, des torches brulaient par dizaines,
des écrans géants éclairaient le ciel.
En bas, au village des
pêcheurs, devenu sans doute malgré lui l'équivalent du village africain à l'expo
de 53, un pêcheur retraité tente d'extirper son vieux fauteuil roulant de la
glaise qui colle à ses roues.
La misère est
intolérable, elle l’est d’autant plus quand elle vient se juxtaposer à des
images dégoulinantes de paradis sur papier glacé.