jeudi 13 janvier 2022

COSTA CONCORDIA


Rescapé du Costa Concordia, il obtient justice 10 ans après le drame


Rescapé du Costa Concordia, il obtient justice 10 ans après le drame
" Je voulais avant tout que la compagnie reconnaisse sa négligence et respecte ma personne ", confie Solen Manussala Bauras, rescapé du Costa Concordia. - Photo B.L./France-Antilles

Solen Manussala Bauras, 30 ans à l'époque, a vécu, de l'intérieur, le naufrage du Costa Concordia, le vendredi 13 janvier 2012, au large de la Toscane, en Méditerranée. Un terrible accident qui fit 32 morts. Au terme d'un âpre combat judiciaire, sa dignité et sa fierté retrouvées, il témoigne de cette expérience à la fois traumatisante et libératrice.

« C'était David contre Goliath mais je n'ai rien lâché. J'ai voulu m'extirper de ma condition de victime, faire respecter mes droits. » En ce mois de janvier 2022, 10 ans après le naufrage, Solen Bauras estime avoir remporté la bataille de sa vie. « L'indemnisation financière n'était pas ce qu'il y avait de plus important, précise-t-il d'emblée. Je voulais avant tout que la compagnie reconnaisse sa négligence et respecte ma personne. Avec le temps et non sans douleur, j'ai eu gain de cause sur les deux plans. » 

Originaire du Sud-Atlantique - il a grandi entre Le François et Le Vauclin - le Martiniquais avait 30 ans, lorsqu'il a embarqué sur le Costa Concordia. Il vient de fêter ses 40 ans et, pour la première fois, évoque publiquement la « longue traversée » qui a suivi le naufrage. Un témoignage en forme de message d'espoir à toutes les victimes. Une façon de rappeler que « rien n'est impossible à qui s'en donne les moyens », que capituler par crainte de l'échec n'ouvre que sur un océan d'amertume.
 

« La bouteille de vin s'est renversée » 

Cette croisière ne l'emballait guère. « C'est la personne avec qui j'étais à l'époque qui en avait eu l'idée, raconte Solen Bauras. Ça ne me tentait pas mais elle a insisté et j'ai dit " ok ". J'avais un mauvais pressentiment. » L'embarquement se fait à Toulon. 3 206 passagers d'une quarantaine de nationalités différentes prennent leurs quartiers dans cette ville flottante. En perspective : détente, découverte, dépaysement... La première semaine se déroule pour le mieux. « Tout se passait bien mais, le 12 janvier, j'ai eu comme un flash, se souvient le Martiniquais. J'ai dit à mon amie : imagine si le bateau s'échoue... » 

Le lendemain, dans la soirée, tous deux sont à table, sur le 3e pont, avec d'autres passagers. C'est le 2e service. Un bruit sourd se fait entendre. Solen pense immédiatement à un « reverse », une « manœuvre d'évitement ». « J'avais des notions de navigation et j'ai compris qu'il y avait un problème. Le bateau a commencé à se pencher. La bouteille de vin rouge s'est renversée sur la table et j'y ai vu du sang. Je me suis levé, j'ai regardé autour de moi et j'ai dit : il faut qu'on parte. » 

Ils l'ignorent encore mais le paquebot vient de heurter un récif face à l'île de Giglio. La coque est éventrée. Le navire prend l'eau... 

Comme la plupart des passagers, le couple entame son ascension vers le pont le plus haut, le 12e. « On avait tous vu Titanic, glisse Solen. C'était la panique. L'équipage était aux abonnés absents. Il y avait juste quelques messages en italien mais on était vraiment livrés à nous-mêmes. » Finalement, les passagers réalisent qu'ils doivent redescendre vers le 3e pont où a débuté l'évacuation. « C'était l'avant-dernier jour de la croisière et nous n'avions effectué aucun exercice de sécurité », déplore le Martiniquais qui conserve intactes les images de cette nuit d'horreur. « Le bateau se penchait de plus en plus, nous n'étions pas loin des cuisines, il y avait des équipements qui se détachaient, des objets qui volaient. J'ai vu des personnes blessées grièvement, aux mains, à la tête... Le chaos total ! » 
 

 « L'équipage aux abonnés absents » 

Dans cet enfer, spontanément, Solen, ressent le besoin d'agir, d'apporter son aide. « J'ai participé à l'évacuation car le personnel était incapable de nous secourir. Le commandant a d'ailleurs quitté le navire.  Avec un autre passager on a décidé de mettre une chaloupe à la mer. Je me souviens avoir crié : " Ladies et children before ! " Mais la poulie se bloque et la nacelle ne descend plus. Le jeune homme prend l'initiative de couper les câbles avec une hache. Il embarquera, avec son amie, dans l'avant-dernière chaloupe. « Juste avant que le bateau ne se couche sur le flanc. » 

Durant ces heures sombres, le Martiniquais affirme avoir pu observer  « le courage magnifique de certains et la terrible lâcheté d'autres, des pères de famille, des hommes qui pleuraient et que leurs femmes devaient rassurer ». « Je ne porte aucun jugement, assure-t-il, personne ne peut savoir comment il se comporterait dans pareille situation sans y avoir été confronté. Pour ma part, je me suis battu pour tenir, garder espoir, sauver des vies...  pas seulement la mienne. Je pense que les valeurs transmises par ma mère ont beaucoup compté à ce moment-là... »  Cet accident de navigation fera 32 victimes au total dont un Guadeloupéen et sa compagne. « Certains ont sauté à l'eau, d'autres sont morts noyés dans le bateau... »
 

Le vrai danger... à terre 

Le contrecoup sera terrible pour le rescapé. « Une fois à terre, une fois sain et sauf, c'est là qu'est apparu le vrai danger, confie-t-il. Angoisses, sentiment de culpabilité, perte de confiance... c'était comme si une partie de moi s'était abîmée en mer et gisait désormais dans la rouille de l'épave. » Les répercussion psychologiques et physiques sont importantes. Moins d'un mois après le naufrage, Solen décide de rentrer à la Martinique, « J'ai éprouvé le besoin de me ressourcer, de retrouver ma famille, de me remettre en selle... » Se relever c'est sa priorité car un combat de taille l'attend. « Très tôt la compagnie nous a proposé un dédommagement à hauteur de 11 000 euros. Beaucoup ont accepté. J'ai refusé estimant que ma vie ne valait pas 11 000 euros et que ma dignité n'avait pas de prix. » 

Pour faire valoir ses droits et obtenir de la compagnie qu'elle reconnaisse sa responsabilité, il créé un collectif et prend l'attache d'un cabinet d'avocats spécialisés dans l'indemnisation des victimes d'accidents. « J'ai d'abord cru que ça irait vite parce que pour moi, c'était limpide. Entre les erreurs de navigation, la mauvaise gestion de l'évacuation, les problèmes liés au navire en lui-même, les torts de la compagnie étaient avérés... »
 

« Ce naufrage m'a fait renaître »

La route sera pourtant longue. « Près de 10 ans de bataille entre négociations, audiences, expertises, revirements, nouvelles négociations... » Il lui faudra surtout faire face à la froideur et au mépris de Carnival  (groupe auquel appartient Costa croisières, Ndlr). « J'ai encore du mal à accepter que la compagnie qui s'était engagée à prendre en charge le coût de l'expertise psychologique soit revenue sur sa parole et qu'il m'ait fallu avancer l'ensemble des frais pour la seconde expertise de consolidation. Cette attitude déplorable a d'ailleurs dissuadé mes autres compagnons d'infortune d'aller au bout de la démarche. »

Lui est allé au bout car c'était un préalable à sa reconstruction. « J'ai lutté, j'ai persévéré et aujourd'hui je ne regrette rien. J'ai obtenu la reconnaissance que je réclamais et je connais désormais le sens du mot résilience ». Au lendemain de sa victoire judiciaire il tient à remercier ses avocats Maîtres Philippe Camps, Laurie Franchitto et Laurent Gavarri ainsi que la psychologue Carole Triboulet qui l'a accompagné et soutenu durant toutes ces années.

Il souhaite aujourd'hui transmettre un message d'espérance.  « Je suis convaincu qu'il fallait que je vive ce drame pour devenir celui que je suis. Paradoxalement, ce naufrage m'a fait renaître. Cette expérience m'a permis de mieux me connaître, de mieux m'apprécier, de savoir ce que je suis capable d'affronter. Comme si j'avais laissé ma vieille peau derrière moi... » Formé à l'architecture paysagère, Solen s'est ainsi réorienté, après le drame, sur le plan professionnel. « J'ai passé ma licence de pilote et mon permis de skipper... »

Durant cette décennie, rien n'a pu le détourner de son objectif. « Je n'ai jamais pu me résoudre à capituler devant l'absurde, note-t-il dans un texte inspiré par le drame et ses suites. » J'ai toujours gardé mon indépendance, mon autonomie, se félicite-t-il reprenant, pour conclure, les mots de Boris Vian, « le temps perdu c'est le temps pendant lequel on est à la merci des autres ».

Le bilan final allait monter jusqu'à 32 morts. - Photo AFP
Le vaste navire de croisière de luxe avait échoué de nuit devant l'île du Giglio, au large de la Toscane, au milieu des eaux glacées en ce 13 janvier 2012. - Photo AFP


Le naufrage hante encore les survivants
 
Umberto Trotti a entendu les cris terrifiés de sa femme et de ses enfants et s’est jeté du Costa Concordia sur un canot de sauvetage à plusieurs mètres en contrebas pour les rejoindre. « C’était mon instinct, ma famille avait besoin de moi. J’ai sauté d’une hauteur de 3-4 mètres. J’ai atterri sur un Allemand, pauvre homme », a-t-il raconté à l’AFP en amont du 10e anniversaire de la catastrophe.

La famille Trotti hésitait à retourner jeudi dernier sur l’île pour une cérémonie du souvenir et une marche aux flambeaux. Umberto Trotti, 44 ans, et sa femme Fjorda, 33 ans, sont retournés sur place un an après la tragédie, mais ont trouvé cette expérience traumatisante. Le couple avait choisi cette croisière pour fêter leur lune de miel avec leur fillette de deux ans, Francesca, et leur bébé de six mois, Carlo. « C’était censé être le meilleur moment de notre vie », confie Umberto. « Ceux qui n’étaient pas à bord ne comprendront jamais. J’étais sous le choc, je marchais comme un zombie ». Le Concordia, qui transportait 4229 personnes venant de quelque 70 pays, s’est échoué alors que de nombreux passagers étaient en train de dîner. Le commandant du navire Francesco Schettino, condamné par la suite à 16 ans de prison, a tardé à faire sonner l’alarme et fut en outre l’un des premiers à quitter le navire. Les gens ont paniqué lorsque l’électricité a été coupée, plongeant le bateau dans l’obscurité. L’évacuation a commencé plus d’une heure après la collision, alors qu’à ce stade tous les canots de sauvetages situés sur un côté du navire étaient inutilisables.
 
« Énorme trahison »

« Nous avons été sauvés par un cuisinier », se rappelle Umberto Trotti, dont la famille était en train de dîner au Ristorante Milano quand le navire s’est échoué. Paolo Maspero, qui portait encore sa toque de cuisinier, « a pris dans ses bras mon fils de six mois et nous a conduits dehors. L’eau montait. S’il n’était pas venu à notre secours, nous serions morts », souligne M. Trotti, qui ne savait pas nager. Sur des images filmées plus tard par les garde-côtes, on peut voir des plongeurs à la recherche de victimes dans le restaurant envahi par les eaux. Plus haut sur le pont numéro 5, le pianiste Antimo Magnotta est tombé de son tabouret quand le bateau a brusquement penché sur le côté. Avec d’autres membres d’équipage, il s’est retrouvé entouré de passagers terrorisés. « Une femme est venue vers moi avec deux enfants en bas âge. Elle était comme une tigresse, une lionne, elle m’a pratiquement agressé. Elle m’a dit : Vous devez me dire quoi faire pour sauver mes enfants », a raconté à l’AFP M. Magnotta, auteur d’un livre intitulé Le pianiste du Costa Concordia. Il a tenté de rassurer les passagers en leur disant que le capitaine ferait une annonce. « Je leur ai promis. Mais Schettino n’a jamais parlé. C’était une énorme trahison. » L’ancien capitaine a été condamné en 2015 pour sa responsabilité dans plusieurs homicides, l’accident maritime ainsi que l’abandon du navire avant que tous les passagers et l’équipage aient été évacués.




FILM SOCIALISME
Pourquoi?
pour le prétexte d'un tournage  bord d'un paquebot de croisière
parce que c'est Godard
parce qu'avec le naufrage du Costa Concordia à l’entrée du tout petit port italien de l’île de Giglio ce film a repris une certaine actualité…





Synopsis
Des mots, des images, des citations, des extraits de films, des invités, des acteurs : le nouveau kaléidoscope sonore et visuel de JLG ne se raconte pas...

La présentation

Ma position est quelque peu singulière : une fois n’est pas coutume, je suis exactement dans la même situation que vous, c’est-à-dire que je n’ai pas vu le film que je suis sensé vous présenter ! Certes, je pourrais mettre en pratique l’adage selon lequel « je ne vais pas voir les films dont je parle, ça pourrait m’influencer… » ! Mais, non, restons sérieux. Jusqu’à présent, seul un très petit nombre de personnes ont pu voir le nouveau film de Jean-Luc Godard. Et parmi elles, l’équipe de direction du Festival de Cannes qui a choisi de retenir ce « Film Socialisme » dans la catégorie « Un certain regard ». Autrement dit, nous sommes ensemble dans la peau des spectateurs cannois qui vont découvrir en avant-première eux aussi la nouvelle œuvre d’un Tonton fringant du cinéma. En homme de communication avisé, Godard a laissé diffuser sur le Net depuis quelques semaines une, voire des bandes-annonces de son film dont une qui se veut la vision en accéléré de son long métrage ! Une nouvelle malice à mettre sur le compte de l’esprit facétieux du cinéaste suisse qui adore jouer avec la notion même de spectacle. Alors que sait-on de ce film ? Qu’il fait se côtoyer notamment une chanteuse très célèbre, un économiste, un philosophe et même des acteurs ! Et que Godard reprend le principe qui prévaut désormais dans tous ses films : celui du collage. Collage d’images, de textes, de citations, de situations, de sons et de musiques. A l’instar des personnages d’Agnès Varda, JLG se fait glaneur professionnel. Il pioche dans l’histoire mondiale des arts et dans les images d’actualité la matière de sa nouvelle contribution à l’exploration de notre monde. On peut donc s’attendre à des télescopages et autres propos radicaux qui vont enflammer la Croisette. Mais, chut, vous êtes bien dans la grande salle Debussy du Palais des Festivals, la séance commence, merci d’éteindre vos téléphones portables…    



Comment parler d’un film qui multiplie les angles et les sujets comme le fait ce « Film Socialisme » ? En s’écartent des canons du cinéma traditionnel qui fait la part belle  au scénario et aux acteurs notamment, Jean-Luc Godard rend plus périlleuse encore la notion de commentaire ! Ou du moins faut-il accepter de commenter ce qui est déjà en soi un commentaire, celui que Jean-Luc Godard formule à partir d’images et de textes soigneusement choisis et dont le montage fait sens. On aura donc croisé et entendu la chanteuse Patti Smith, l’économiste de gauche Bernard Maris, le philosophe Alain Badiou auteur d’une charge virulente contre Nicolas Sarkozy ou bien encore l’intellectuel palestinien Elias Sanbar, sans oublier un prof à Sciences-Po, Dominique Reynié. On aura donc été embarqué pour une croisière en Méditerranée au cours de laquelle les conversations sur l’Europe, la liberté, l’égalité s’entrecroisent. Le tout sur fond des villes symboliques que sont Odessa, Naples ou Barcelone. Cinquante ans exactement après son premier film « A bout de souffle », Godard n’aime rien tant que de dompter les images et les sons et décliner ainsi le cinématographe sous toutes ses formes. Images fixes ou animées, film original ou extrait de films, musiques empruntées, acteurs professionnels et témoins issus de la vraie vie, « Film Socialisme » ne déroge pas à la règle des plus récentes œuvres du cinéaste suisse. Côté citations Pirandello rime ici avec Malraux, Aragon avec Goethe et Sartre avec Malaparte, ou bien encore Bergson avec Beckett. Par ailleurs, on peut y voir des extraits du « Cuirassé Potemkine », de « L’Espoir », des « Plages d’Agnes » ou d’ « Adieu Bonaparte ». Le tout sur fond de Beethoven, Bashung ou Barbara. Mais, comme nous y invite l’ultime carton du film, et Godard avec : « No comment »


Réalisateur
avec

Durée  90 minutes
Couleur  Oui
Pays  France | Suisse
Année de sortie française  2010
Restriction  Tous publics
Production  Vega Films, Wild Bunch
Scénario  Jean-Luc Godard
Musique  Beethoven, Rimsky-Korsakov
Langue  VF
Catégories  Histoire, Politique
Mots-clés