Les épreuves du bac général commencent ce matin, avec l'épreuve de philosophie. Les candidats au bac pro passeront, eux, l'épreuve de français.
Sujet Bac philo 2013 : science, morale, travail et un clin d'oeil à Jérôme Cahuzac ; les scientifiques auront eu le choix de s'agiter les méninges sur la morale liée à la politique ou sur le travail : "Peut-on agir moralement sans s'intéresser à la politique ?" (coucou Cahuzac) et "Le travail permet-il de prendre conscience de soi ?".
En série littéraire
Les littéraires devront disserter sur la science et le langage : "La science se limite-t-elle à constater les faits ?" et "Le langage n'est-il qu'un outil". S'ils séchent, ils pourront toujours se rabattre sur le commentaire de texte, un extrait de La Lettre à Elisabeth de Descartes. Et ils auront plutôt intérêt à assurer avec une épreuve de philo de coefficient 7.En série économique
Les ES auront quatre heures pour plancher sur un des deux sujets de dissertation : "Que devons-nous à l'Etat ?" et "Interprète-t-on à défaut de connaître ?". Ils pourront également opter pour l'explication de texte, un extrait de De La Concorde, de Saint-Anselme.En série scientifique
Les scientifiques auront eu le choix de s'agiter les méninges sur la morale liée à la politique ou sur le travail : "Peut-on agir moralement sans s'intéresser à la politique ?" (coucou Cahuzac) et "Le travail permet-il de prendre conscience de soi ?". Côté commentaire de texte, ils pouvaient se lancer sur un extrait de La Pensée et le mouvant de Bergson.Si cet après-midi, les lycées en bac général pourront continuer à plancher sur l'épreuve d'histoire-géo qui se tiendra demain matin. Et ils auront tout intérêt à se passer d'anti-sèches, vu que le plan anti-fraude a été renforcé cette année. Espérons pour eux qu'ils soient plus au fait que Nabilla sur l'histoire de France. Petit rappel : la "guerre mondiale de 78" n'existe pas.
Le philosophe Luc Ferry décrypte pour le Figaro Étudiant ,les sujets du bac philo 2013. Il a choisi la dissertation sur le travail, le langage et la morale.
Pour réussir la dissertation de philosophie au baccalauréat ,l’ancien ministre de l’Éducation, Luc Ferry encourage à prendre le sujet au sérieux. La dissertation ne doit pas sortir des sentiers battus, elle doit rester relativement classique. D’abord il faut identifier le sens du sujet, c’est l’introduction. Dans l’exercice de la dissertation, exprimer ses opinions ne suffit pas, il faut les argumenter les positions qui ne sont pas les siennes.
Au 19ème siècle, l’épreuve de philosophie a été instaurée pour aider à former des citoyens. Il faut donc s’interroger sur le sens profond du sujet, le sens pour soi, le sens pour la société. Il est indispensable de s’inspirer de l’opinion publique, générale, pour ensuite la dépasser. Mais attention aux exemples dans l’actualité, ils sont dangereux selon Luc Ferry. On peut les mobiliser au début de la dissertation, car il faut partir des opinions courantes. Mais on part de l’apparence et on va au-delà, pour essayer de voir ce qu’il y a derrière…
Le travail permet-il de prendre conscience de soi? (Bac S)
Il est possible de commencer par une première partie dans laquelle il faut expliquer l’étymologie du mot travail, «tripalium», un instrument de torture inventé au Moyen Âge. On peut élaborer une première partie où vous êtes l’ennemi du travail, le travail est ennuyeux, pénible, il est une torture, et ne sert qu’à gagner sa vie… Cette partie est donc hostile au travail.
La seconde est plus intelligente, éloignée des opinions courantes traditionnelles à la première partie… Il faut rappeler que dans l’histoire du travail, des siècles durant l’aristocrate s’est défini comme celui qui ne travaillait pas. À partir du 17ème siècle, on a eu contraire, l’idée que le travail est un vecteur d’émancipation de soi. On prend conscience de ses limites, de ses capacités… Cette seconde partie fait donc l’apologie du travail.
En conclusion, vous pouvez conclure en évoquant Baudelaire: travailler est plus amusant que s’amuser.»
Le langage n’est-il qu’un outil? (Bac L)
Comme il faut toujours commencer par les opinions courantes… il est judicieux de dire que le langage est avant tout un instrument de communication. Dans cette perspective là, il semble bien que l’on peut traduire tous les outils dans toutes les langues. Ce qui importe c’est le contenu de ce qui est transmis, la traduction est un signe que le langage est un outil. Je ferais donc une première partie avec Nicolas Boileau ,et l’Art poétique :« Rien n’est beau que le vrai: le vrai seul est aimable. Il doit régner partout, et même dans la fable… Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément». Donc je ferais une première partie sur le langage comme instrument de communication. Le langage est l’inessentiel, l’essentiel est le contenu. L’essentiel c’est le message, et pas le messager.
Je partirais de Nietzsche dans une seconde partie. Selon lui il y a deux types de langage. Le langage de la vérité, inspiré du modèle socratique, est un langage outil. Gorgias, expliquait que le «vrai sophiste parle pour ne rien dire». Qu’est-ce que cela veut dire qu’un langage qui ne dit rien? Cela veut dire que le langage peut avoir une fonction de séduction, il peut avoir une fonction poétique… par exemple le langage amoureux n’est pas un langage de vérité, mais un langage qui vise à charmer, à persuader, à convaincre,…Dans le poème l’Albatros de Baudelaire, est racontée l’histoire d’un oiseau qui essaie de décoller, qui est lourd. Mais une fois dans le ciel il est d’une élégance magnifique. Dans le sens du langage outil c’est l’histoire d’un oiseau qui n’arrive pas à décoller. Il ne reste rien du poème quand il s’agit juste de transmettre du contenu… Donc on voit bien qu’il y a une fonction du langage qui est toute autre que celle d’être un outil.
Enfin, dans une troisième partie on peut s’interroger sur le langage séducteur. Est-ce que finalement ce n’est pas un outil de séduction? Même s’il ne s’agit pas de transmettre un contenu… Quand on utilise le langage pour séduire, comme le discours amoureux (qui est plein de mensonges. On peut prendre l’exemple d’Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté qui ment tout le temps et qui est décrite par Hésiode comme une déesse des apparences), est-ce que ça ne reste pas finalement un outil? La séduction reste quand même l’objectif…
Peut-on agir moralement sans s’intéresser à la politique?
(bac S)
Encore un coup de Cahuzac !(rires, ndlr) C’est un sujet qui porte sur ce qu’Hegel appelait la «belle-âme». Il y a un certain nombres de moralistes qui considèrent que la politique est une chose sale. Ce sera ma première partie .Pour agir moralement il ne faut pas s’engager en politique. S’engager en politique c’est s’engager dans la «real politique», donc s’engager dans le cynisme, donc dans des aventures qui sont forcément impures. Le modèle est inévitablement Gandhi ,celui qui a les mains pures parce qu’il n’a pas mis les mains dans le cambouis. C’est la distinction que fait Max Weber entre deux éthiques. L’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité. L’éthique de la conviction c’est la «belle âme,» c’est Gandhi, celui qui est dans la pureté morale, parce qu’il ne s’est pas engagé. Puis il y a l’éthique de la responsabilité, du militaire ou du politique, de celui qui s’est engagé dans des réalités qui sont impures (qu’il y a t’il de moins pur que la guerre?) Est-ce que l’éthique de la responsabilité c’est le cynisme?
Je ferais une deuxième partie sur le fait que la «real politique», ou l’éthique de la responsabilité comme le dit Max Weber, n’est pas du tout l’impureté. Cette vision des choses est absurde. L’éthique de la responsabilité consiste à maintenir les objectifs moraux, mais en tenant compte de la réalité, elle n’abandonne pas les principes éthiques. Elle essaie de les appliquer autant qu’il est possible. Est-ce qu’en 1935 (un exemple que prenait souvent Raymond Aron )on avait raison de ne pas intervenir contre Hitler, d’être pacifistes? Oui, du point de vue moral. Des intellectuels comme Alain ou Malraux étaient pacifistes car ils disaient que la guerre c’est mal. Mais si on avait plongé les mains dans le cambouis en intervenant contre Hitler… on se serait engagé contre quelque chose d’ignoble en empêchant la Seconde Guerre Mondiale. On aurait eu une attitude plus morale que celle des pacifistes.
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