jeudi 26 mars 2015

JEAN ET BARBARA SUR AFRODITE A BARBUDA


Nous sommes à Barbuda

A ne pas confondre avec Barbade, île beaucoup lus connue, laquelle se situe au sud-est des Petites Antilles… Barbuda se trouve elle au nord des Petites Antilles, légèrement décalée vers l’est.

Parmi les voyageurs qui touchèrent les rivages de cette île, peu se sont intéressés à son identité…

Car Barbuda ce n’est pas que Cocoa Point !

L’île est plate comme la main :

-     à l’extrémité du majeur : Cocoa Point 

-     à la base du pouce : quelque chose qui ressemble à un village et porte même un nom découvert à la loupe sur la carte marine à grande échelle : Codrington !

Voici ce qu’écrit Jean Raspail en 1970 :

«  On se demande  ce qu’il avait fait à la reine Victoria, toujours est-il qu’il obtint la concession de Barbuda pour occuper ses trop longs loisirs. Il y importa des daims pour les chasser et des nègres pour les servir, puis il partagea l’île en deux parties totalement inégales : les 999 millièmes pour les daims et le dernier millième pour les nègres, avec interdiction d’en sortir : c’est Codrington. Le milord ne badinait pas avec les loisirs. Dans sa grande bonté, après avoir donné pour nom au village-prison, il commanda qu’on l’entoure de murs, et comme il faut toujours se méfier des nègres sans honneur, sans parole et sans aveu, il fit doubler le mur d’adobe par des buissons d’épineux ; je suppose que c’est ce qu’il pensait car le résultat, de nos jours, demeure particulièrement déprimant lorsqu’on se heurte aux quatre points cardinaux à des barrières d’épines, de piques et de pointes acérées et autres cactus sauteurs…Les daims eurent des petits…Les nègres aussi…Mais comme lord Codrington ne les chassait pas – donnons lui acte de son humanité – ces derniers alignent aujourd’hui 1200 spécimens de braves gens  qui se sont crus autorisés à percer depuis peu une sortie dans la muraille…

Tout finit donc toujours par s’arranger !

Les descendants de Codrington ont dû céder leurs droits régaliens à la Fédération autonome d’Antigua-Barbuda, laquelle, dirigée par les tyranneaux noirs concussionnaires d’Antigua, modèles brevetés aux Antilles, s’est empressée de décréter que, dans le principe, rien ne changeait : les nègres à Codrington derrière leurs cactées, surveillés par 18 policiers ; les daims ailleurs ; plus Cocoa Point Hotel sur l'emplacement de l’ancien pavillon de chasse ! Croyez-moi, dans cette affaire quelques « ministres » se sont sucrés ! Tout finit par s’arranger …

On atterrit comme on peut le long de la muraille d’épines, côté extérieur. Pour entrer dans le village, une trouée fermée d’une barrière. Bousculant la barrière exactement comme une porte de prison, une chaine et un cadenas, et derrière la barrière, l’illusion est complète : trois flics noirs à jugulaire, extrêmement propres dans leurs chemises Nelson et leurs pantalons à  bande rouge….c’est fou ce que c’est propre un flic d’Antigua en occupation à Barbuda ! On voit sécher gaiement leur linge autour du poste de police tout proche, l’eau est plus rare que le whisky, cela ne fait rien : à coup de pied dans le cul les négresses sont priées d’en trouver sinon avec quoi pourraient-elles bien laver les chemises Nelson et les pantalons à bande rouge ?,

«  Les flics finissent par ouvrir le cadenas et le cortège s’ébranle, dans le village écrasé de silence. Sur le passage des flics, les sombres charognards s’envolent à tire d’aile. On entend crier un enfant. Fin de la scène 1, dite scène d’accueil. Fallait aller à Cocoa Point. C’est exactement ce que le chef n’arrête pas de répéter. Il est bien gras cet homme-là !  Est-ce qu’il mange les petits enfants ? Pas une mouche dans l’air ! À force de bailler, ils les ont toutes avalées !  Ils sont dix-huit les flics !  Le temps qu’ils examinent les papiers on a le temps de s’asseoir sur une chaise….Plus le chef se les fait lire à haute voix façon général en chef surmené, plus les dix-huit froncent le sourcil… Puis la tension baisse et chacun se remet à bâiller, ce qui les amuse de moins en moins car aucune mouche ne s’y risque plus. « Allez me chercher le Blanc » commande le chef à l’estafette de service. Tout le monde se marre. Ce doit être la réponse du berger à la bergère…Le voici ! Ah oui, ils peuvent se moquer ! On les c comprend car c’est un spectacle de choix, une ruine qui s’avance, une épave comme on n’en rencontre même plus dans les plus mauvais films d’ambiance…Et pour un Noir, quelle aubaine !  Quelle jouissance à la face d’un Blanc, en présence de Noirs rigolards, de lui jeter sa propre image souillée, l’image de l’antirace, le déchet modèle de deux mille ans de civilisation ! Ah ! Qu’il est sale !  Qu’il est laid ! Qu’il est triste ! Il n’a plus de dents, il est saoul comme un cochon, il a les pupilles avariées du vérolé au troisième degré, il est vêtu de haillons graisseux ouverts sur une poitrine où se battent les mouches. C’est le seul Blanc de l’île. « Arrangez-vous avec lui, dit le chef, mais ne le faites pas trop boire ! ». Et de se taper les cuisses, suivi dans l’enthousiasme par l’escouade des gobeurs de mouches…

Qu’est-ce qu’ils attendent ?

Le déchet parle un peu français. Il tend une main immonde et dit péniblement : «  Peuvent toujours causer…Sans moi, pas d’électricité. Je suis ingénieur. Quand le vieux moteur tombe en panne, ils m’insultent, mais qui est-ce qui répare avec rien parce qu’ils n’ont pas un rond. C’est moi. Pas eux !... »

Dépendre, pour l’unique activité technique de l’île, d’un Blanc saoul, à moitié crevé, alors qu’on déteint le pouvoir, quelle torture !

Nous sortons, nous allons au bistrot boire du rhum : que ce type-là, pour une fois, retrouve la fierté de se cuiter avec ses semblables ! Parce qu’on n’accable pas un pauvre type méprisé en le regardant se saouler sans lui faire l’honneur de trinquer pour de bon…Question de solidarité…

Heureusement il avait un ami, captain Harris, qui me trouva une jeep, du poisson, une sympathique négresse …pour le cuire… et une petite maison en bois.

La nuit les ânes brayant et les coqs complètement dingues sous les clair de lune antillais, il n’est guère possible de dormir, sans compter les moustiques ‘si je les ai coptés : sur mes deux avant-bras, 180 piqûres !)

Charmante villégiature….

Dans la journée j’ai parcouru les quatre rues du village de Codrington, bouffant de la poussière rouge sur les pistes de l’île pour trouver quoi ? Rien. Une île déserte et sans saveur, un village sans espoir où les propriétaires de six poules ou bien d’une barque de pêche – ceux-là plus rares – maintenaient la population en état de survie tolérable et pour pas cher : avec un billet de dix dollars j’avais l’air fin : personne n’avait la monnaie d’une somme aussi exorbitante ! Des braves gens, quoi.

Captain Harris était l’homme politique local, sorte de Webster déjà vaincu : « Un jour au temple, j’ai fait un petit discours qui m’a échappé, disant que ces gars d’Antigua voulaient notre mort. Savez-vous ce qu’il s’est passé ? On nous a envoyé dix-huit policiers, dix-huit ! Pour douze cents habitants ! Et c’est nous qui les nourrissons !... » Ah ! L’exploitation du Noir par le Noir ! Messieurs de l’O.N.U., venez vite enquêter et Barbuda sera sauvée ! « Mais Cocoa Point Hotel ? » demandai-je au captain. Un geste par-dessus l’épaule : « Cocoa Point ? Est-ce que ça existe pour nous ? ».

 

 

Mais commencer par Cocoa Point au lieu de se perdre à Codrington, une fois là-bas, c’est tellement beau qu’on n’a plus envie d’en sortir…. En jeep il faut rouler une heure et demie environ, sans rencontrer âme qui vive (les ânes ont-ils une âme ?), forcer quelques barrières, traverser un no man’s land sablonneux le long d’une mer hérissée de rochers. Et, brusquement, tout change, franchie la dernière barrière : la piste devient allée de château. La méchante mer rocheuse se transforme en lagon calme et transparent bordé de sable blanc  rectiligne, des cocotiers montent vers le ciel, des fleurs jaillissent en massifs plantés sur un gazon vert incroyable, dans cette île de ronces et d’épines. L’eau est là, ça se voit, cela saute aux yeux, pas de l’eau de pluie, trop précieuse pour être gaspillée en arrosage, mais l’eau abondante d’une source unique qui fait plaisir à voir lorsque l’on a cuit dans sa crasse à Codrington-village ! Sont pas fous par ici, ils ne la partagent pas leur flotte ! Que voulez-vous, ça boit sec un golf de compétition de dix-huit trous (remarque au passage : le golf est bien gardé par un flic par trou !) – Le long du golf s’étend le poumon de Cocoa Point : une belle piste d’atterrissage pour bimoteurs moyen-courriers venant de Floride sans escales, et plus loin, enfin, niché au bord de l’azur liquide, comme écrit si joliment dans les dépliants touristiques, l’hôtel le plus cher de toutes les Petites Antilles (*), le célèbre Cocoa  Point ! C’est mignon, sans plus, bois peint en blanc avec colonnes style virginien simplifié, petits pavillons privés en forme de temples grecs, groupé autour d’un vaste club-house (pardonnez l’anglicisme, je ne trouve pas l’équivalent français…). Car c’est bien d’un club qu’il s’agit : le club très privé des gens qui peuvent payer deux mille dollars de pension par jour… et qui tiennent à s’emmerder entre eux sans que leur soit imposée la présence des miteux qui e disposent pas de cette somme. Moyennant quoi, pour ce prix-là, tout arrive de Floride : les clients triés, la bouffe de luxe, la direction, le masseur des dames, le personnel doré sur tranche, excepté les laveurs de chiottes et les cireurs de plancher embauchés dans l’île à peu de frais car ce n’est pas l’offre qui fait défaut, plutôt l’embauche (bien que chez certains d’entre eux cela constitue une promotion sociale quelque part…). Tout vient de Floride et tout y retourne en condensé verdâtre, sous forme de milliards de dollars, et cependant je me trompe : les dollars ne quittent même pas les Etats-Unis, sauf la monnaie qui s’égare du côté du gouvernement d’Antigua comme prix de la « concession » héritée du gentil lord Codrington. Codrington-village ne touche pas un rond pour la cagnotte de ses douze cents  « prisonniers », et cela se voit…

Evidemment les clients ne sortent jamais de Cocoa Point autrement que par l’avion de Floride. Imaginez leur horreur s’ils s’égaraient à Codrington : pas le moindre « shopping » !  Et si d’aventure on les enfermait un jour et une nuit dans l’école remplie de moustiques avec au menu du poisson fade, non, pour eux Codrington n’existe pas !

Barbuda non plus d’ailleurs…

Seul compte Cocoa Point !

 

En montant dans son avion, après huit jours de séjour au Cocoa Point Hotel, la Bégum eut cette phrase magnifique :

-     « c’était tout à fait charmant, je suis ravie. Mais comment s’appelle donc cette ^le ? »

« Elle s’appelle Barbuda, madame, Barbuda ».

 

 

 

(*) vexés, les Français, représentés par trois promoteurs au génie complémentaire, à savoir un pirate, un député et un honnête homme, appuyés par un Libanais, ont décidé en 1970 de se montrer compétitifs, à Saint-Martin ; leur hôtel sera plus cher encore, on espère bien n’y voir aucun Français pour discutailler les prix en territoire français – on n’y causera que de dollars, c’est sacré par ces temps de balance commerciale déréglée – excepté les autorités le jour de l’inauguration pour les remercier d’avoir largement « branché » le contribuable français sur l’affaire, car, contrairement à la moralité immobilière française, déjà fort dépréciée, la participation de l‘Etat a battu tous les records tolérables, jusqu’à l’achat des terrains de golf à la milliardaire locale, laquelle ne les « lâche » pas avec un élastique !).

 


 

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