jeudi 15 juin 2017

LES NOUVEAUX MOTS (suite) = JUPITERIEN

 
 
 
 
 
 
 
et un air de BONAPARTE ...
 
 
Depuis qu'il a été élu Président, Emmanuel Macron se dit " jupitérien ". L'Elysée est devenu un Olympe d'où tombe la foudre à jets continus. La verticalité du pouvoir est remise à l'honneur. Le Premier ministre n'était pas encore nommé qu'on tentait déjà en haut lieu de le traiter en simple collaborateur en lui imposant un directeur de cabinet choisi par le Palais. Dès la formation du gouvernement, les ministres ont été sèchement avertis que le temps des " bavardages " était désormais révolu et qu'ils allaient devoir de contenter de cabinets amaigris à l'extrême alors que, face à eux, la haute administration serait soumise à la loi des dépouilles. Les futurs députés d'En Marche ont été rappelés à leur devoir de " loyauté " à l'égard de celui sans lequel ils ne seraient rien. Le porte-parole du gouvernement a pu tranquillement déclarer à propos de la loi Travail, votée demain par ordonnances, qu'un débat " trop long " serait contraire à la démocratie et que des amendements trop nombreux seraient ni plus ni moins que du " tatillonnage ". C'est le même enfin qui, en plein cœur de l'affaire Ferrand, a été chargé de resservir à la presse l'éternel distinguo entre l'enquête et le jugement.

Machiavel aux sources intellectuelles du macronisme ?

Macron ministre, Macron candidat et Macron président, ça n'est visiblement pas la même chose. La ligne politique reste celle d'un social-libéralisme revendiqué et assumé sans complexe. Mais le style de gouvernance diffère du tout au tout. Simple effet d'un opportunisme porté jusqu'à un point inégalé d'incandescence par un homme animé par un pur esprit de conquête ? On peut le dire aussi autrement. Pour Emmanuel Macron, la politique est d'abord et avant tout une technique. La prise du pouvoir répond à ses yeux à d'autres règles que son exercice et sa conservation. Autre situation, autre comportement. Aux sources intellectuelles du macronisme, on cite souvent Paul Ricoeur. On ferait mieux de convoquer le Prince de Machiavel.
C'est en cela qu'Emmanuel Macron est vraiment l'anti-Hollande. En arrivant en pouvoir, ce dernier imaginait que sa gloire et son honneur serait de rester le même qu'auparavant. Il ne voulait pas changer. Il pensait que l'habileté suprême serait de demeurer normal, donc normalement habile comme lorsqu'il naviguait dans les courants du PS. L'opinion, dans cet exercice immuable, n'était pour lui en rien un point d'appui. Son objectif était d'abord de la contourner avant de la désamorcer. Il y avait chez lui une forme de libéralisme frisant l'indifférence et, au final, l'inconscience. Emmanuel Macron est un stratège d'un tout autre tonneau. Toute son action depuis le 7 mai dernier consiste à démontrer, par le verbe et le geste, qu'accéder à la présidence, ça n'est pas pareil que s'installer durablement dans ce rôle. Emmanuel Macron, à l'Elysée, met donc en scène une rupture qui est d'abord avec lui-même. Il tourne la page. La seule justification qu'il suggère à cela est qu'à partir du moment où s'ouvre un nouveau livre, il n'est pas nécessaire que le héros répète à l'identique ce qui fit son succès. Le conquérant d'hier était le renard et la ruse. Le monarque d'aujourd'hui est le lion et la force. Machiavel, encore…

Révolutionner l’organisation du pouvoir sans attendre les élections législatives

Concrètement, cela signifie que l'urgence pour Emmanuel Macron n'est plus à la contestation de l'ancien système mais à la reconstruction d'un autre dans lequel sa place sera désormais centrale. Cet ordre nouveau suppose de l'autorité, des rênes courts et donc une manière d'hyper-présidentialité. Nicolas Sarkozy, par tempérament, en avait rêvé en son temps sans voir que cet exercice supposait non pas d'autres pratiques mais d'autres structures dans l'organisation du pouvoir élyséen. Ce que veut mettre en place Emmanuel Macron n'est rien moins qu'un système verrouillé à l'extrême capable de résister aux aléas lorsqu'il faudra qu'à l'amour nécessairement volage car née de la séduction succède la crainte, fruit de la force qui, elle, n'est pas éphémère. Machiavel, toujours…
Pour réussir cette transmutation, il était indispensable qu'au sommet de la pyramide, il y ait un Président qui, dans sa réputation, ne soit pas contesté. Emmanuel Macron, en moins d'un mois, s'est fait ce qui avait manqué à son prédécesseur, durant les cinq ans de son règne, sauf par intermittence : une tête de chef d'Etat. Derrière ce travail d'image réalisé avec brio sur le terrain essentiellement régalien, on n'a pas suffisamment remarqué combien la République macronienne était en train de révolutionner l'organisation du pouvoir sans attendre que les élections législatives lui donnent la majorité attendue. C'est dans le resserrement minutieux du moindre de ses leviers qu'elle se prépare pour la suite. Face un pays qui reste travaillé par le doute, elle met en place un système potentiellement autoritaire, comme l'ont d'ailleurs toujours été ceux que l'on dit bonapartistes et qui, en l'espèce, portent l'intelligence et la vertu en sautoir.
Afin de durer, puisque telle est l'ambition principale – Machiavel à nouveau -, ces systèmes-là ne recherchent pas des amortisseurs mais des accélérateurs de puissance. Ils n'aspirent pas au dialogue et à l'éparpillement des forces mais à leur concentration à des fins supposées d'efficacité. Comme c'est précisément sur ce terrain qu'ils ont été choisis et qu'ils seront demain jugés, rien ne vient jamais les retenir sur ce chemin risqué qui, soit dit en passant, ne ressemble guère à celui qu'avait imaginé François Bayrou lorsqu'il se faisait le promoteur des nouvelles cultures de coalition. Le macronisme, en politique, est a-libéral. Le constater n'est pas lui faire un procès d'intention. C'est constater sa pente, qui vient de loin. C'est dire, preuves à l'appui, sa chance et ses risques à la fois.

https://www.challenges.fr/politique/emmanuel-macron-le-president-jupiterien-a-liberal_477965

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