ACTUALITÉ
À quoi ressemble Brégançon, le fort où les Macron passent les vacances ?
Le 26 août 1964, Charles de Gaulle se réveille bougon. Il vient de passer une fort mauvaise nuit dans un lit trop petit pour son 1,93 m. Il a fait trop chaud. Et quand il a ouvert la fenêtre en pleine nuit, des hordes de moustiques n’ayant aucun respect pour la fonction présidentielle ont fondu sur lui. C’est juré : plus jamais il ne dormira dans le fort de Brégançon, austère bâtisse où ses services, faute de trouver un hôtel de disponible, l’ont logé pour la nuit. De Gaulle séjourne alors dans le Sud pour les cérémonies du 20e anniversaire du Débarquement allié de Provence.
Brégançon n’est à cette époque pas la résidence d’été des présidents français mais une ancienne forteresse qui se cherche un nouveau destin. Depuis 2 500 ans au moins, le coin est fréquenté par des hommes en armes. On prête aux Ligures, un peuple venu d’Italie encore assez mal connu, l’initiative des premières fortifications. Elles étaient modestes et situées sur le continent. Il faut attendre plus de 1 000 ans pour que les Mérovingiens – et bien d’autres après eux – édifient une fière forteresse… qui n’était toujours pas celle dans laquelle le grand Charles passa une si courte nuit.
Pour cela, il faut attendre 1483 et un certain Jean de Baudricourt. Son père Robert était compagnon d’armes de Jeanne d’Arc ; lui, à 50 ans, a plutôt réussi sa vie. Il a l’oreille des rois (Louis XI, notamment), dont il est un des plus puissants officiers. Son verdict est sans appel : un fort sur le continent, c’est nul. Stratégiquement parlant : il protège mal le royaume de France de ses turbulents voisins. C’est décidé : une nouvelle forteresse militaire surplombant les flots sera bâtie sur l’îlot rocheux.
Quand il demande quelque chose, Jean de Baudricourt est assez écouté. Le chantier est lancé fissa. Le fort sort de terre. C’est lui, largement remanié depuis, qui est l’ancêtre de la résidence présidentielle d’aujourd’hui.
Artillerie high-tech
Au fil des siècles et des pactes, le fort va changer de mains plusieurs fois. Il essuie des sièges et de boulets de canon. Mais il résiste. Et en 1870, la forteresse entre fièrement dans le monde moderne : après la déculottée contre les Prussiens, les Français dotent Brégançon d’une artillerie high-tech. Sympa, mais ça ne servira pas à grand-chose. Et ce qui devait arriver arriva : le fort est déclassé en 1919. C’est la pire des infamies : l’armée le délaisse, il devient civil, sans avoir jamais connu de faits d’armes majeurs au cours de son histoire.
Une nouvelle vie démarre : le château, classé site « pittoresque », est loué par l’État, jusqu’en 1963, à de riches particuliers qui aiment Bormes-les-Mimosas, les vieilles pierres et la mer turquoise du Var. L’eau courante arrive, l’électricité aussi, un jardin méditerranéen adoucit les murs.
On en est là en 1964 quand De Gaulle y dort mal. Il faut de se projeter, les fenêtres sont petites et l’agencement atypique, mais les lieux ont du potentiel. Son principal atout : une vue à couper le souffle, sans promiscuité. Quatre ans plus tard, malgré le souvenir cuisant des moustiques et des pieds qui dépassent du lit, le Général se laisse convaincre : Brégançon devient la résidence officielle des présidents de la République. Il n’y dort pas pour autant, mais confie à Pierre-Jean Guth, architecte de la Marine, homme de la reconstruction de Mulhouse après la guerre, le soin de moderniser les lieux pour ses successeurs.
La polémique de la piscine
À quoi ressemble-t-il aujourd’hui ? C’est grand : 1 000 m2 habitables. Mais pas luxueux. Malgré quelques travaux, le fort est resté dans son jus des années 1970. Il ressemble à une bâtisse bourgeoise provençale. On y entre par un hall d’honneur, meublé d’un grand bahut en chêne servant de bibliothèque. On arrive ensuite dans le salon dit « de la chapelle », avec de multiples boiseries sur les murs.
Amateurs d’art moderne, Georges et Claude Pompidou y ont installé un mobilier contemporain (cuir, plexiglas, acier…), conçu par le designer Pierre Paulin. De son côté, Anne-Aymone Giscard d’Estaing s’est particulièrement occupée de l’aménagement du célèbre « salon vert » qui sert à recevoir les invités. À l’étage, la tour Est abrite le bureau des présidents. Et la tour Ouest, la chambre et l’antichambre. Il y a pire.
En contrebas du fort, en descendant 200 marches, on trouve une petite plage privée. Ni les Mérovingiens ni le seigneur de Baudricourt ne l’ont foulée : on la doit à Valéry Giscard d’Estaing, qui voulait faire bronzette et trempette sans trop de vis à vis. Voila qui nous mène tout droit à la célébrissime anecdote de Jacques Chirac, photographié nu en août 2001 à Brégançon. Le président, qui s’y « emmerdait ferme » de son propre aveu, était apparu en slip au balcon. Quelques minutes plus tard, après être entré dans le fort, il était ressorti dans le plus simple appareil. Scrutant l’horizon, jumelles en main. La scène a été immortalisée par quatre photographes. Vous n’avez jamais vu leurs images : elles n’ont jamais été rendues publiques.
Depuis l’an dernier, Brégançon a sa piscine. LA fameuse piscine, voulue par les Macron. Selon le JDD, il s’agit d’un bassin de 10 m sur 4 m, pour 1,20 m de profondeur, hors sol et démontable. Son prix (34 000 €, pris sur le budget vacances de l’Élysée) a fait beaucoup causer. « Quand le Président est à Brégançon et se rend sur la plage, il y a 11 gendarmes qui sont mobilisés, des sauveteurs en mer qui sont sans doute plus utiles sur les plages du sud de la France que pour assurer la sécurité du président », avait alors argumenté Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement et futur candidat à la mairie de Paris. Comprenez : 34 000 €, c’est en fait une économie.
Et au moins, Vladimir Poutine, qui sera invité à Brégançon le 19 août, pourra piquer une tête sans montrer la sienne.
De Brégançon à l’île Maurice, les lieux de vacances favoris des présidents français
« Faites sobre ! Vous le savez, nous vivons une époque où rien ne nous est épargné. Ayez bien cela en tête. » Lors du dernier conseil des ministres de ce mercredi 24 juillet, les directives d’Emmanuel Macron sont claires. Alors que les ministres s’apprêtent à prendre trois semaines de congés, l’absence de François de Rugy se fait ressentir. Hors de question, après l’affaire du homard et la crise des Gilets jaunes, de faire dans le luxueux pour les vacances de cet été. Le lieu choisi doit de plus, être à moins de trois heures de Paris, à l’exception de la ministre des Outremers, Annick Girardin.
Et le président montre l’exemple. Avec sa compagne Brigitte Macron, c’est au fort de Brégançon (lire par ailleurs), résidence d’État située dans le Var, qu’il passe des vacances « calmes et studieuses »selon l’Élysée. Jean-Michel Blanquer opte, lui, pour la Bretagne en famille, Agnès Buzyn pour la Corse « entre natation et lecture »,tandis que Roxana Maracineanu a choisi de se rendre dans un camping du Cotentin, « comme depuis quelques années ».
Mais est-ce vraiment l’époque qui veut cette sobriété ? À quoi ressemblaient les vacances de ses prédécesseurs ?
De Charles de Gaulle à François Hollande, les vacances des présidents de la Ve République ont toujours été jugées par l’opinion publique, mais avec moins de sévérité dans le passé.
1. Charles de Gaulle
Pendant son temps au pouvoir, le général de Gaulle ne passe qu’une nuit au fort de Brégançon, en août 1964, alors qu’il se rend dans la région célébrer le 20e anniversaire du Débarquement allié en Provence. S’il apprécie la beauté des lieux, il y passe une nuit épouvantable : le lit est trop petit pour son 1,93 m et la chambre infestée de moustiques.
Le reste du temps, c’est dans sa maison de La Boisserie, à Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne), qu’il passe ses deux semaines de vacances. Avec Yvonne, il a acquis cette résidence, ancienne brasserie du village, en 1934. Avec ses vacances simples, il montre aux Français une image sobre et singulière.
2. Georges Pompidou
Si le Général, qui passait ses vacances dans sa résidence secondaire depuis plus trente ans, n’a pas eu à se forcer pour plaire aux Français, on ne peut pas en dire autant de Georges Pompidou. Lui qui adorait Saint-Tropez et ses promenades jet-set a dû s’en priver. Une fois devenu président, il se résigne à sa ferme de Carjac, dans le Lot, qui passe mieux auprès de l’opinion.
Il devient aussi coutumier du fort de Brégançon, dans lequel il entreprend des travaux d’aménagement. Avec sa femme Claude, il y organise des « journées portes ouvertes » pour les journalistes, qui photographient le couple en tenue décontractée – lui, ne porte pas de cravate, ce qui est une première. Ils se rendent également plusieurs fois à Fouesnant, dans le Finistère, au manoir de Kernaeret.
3. Valéry Giscard d’Estaing
Pour ses vacances, le jeune président de 48 ans ne fait pas dans la dentelle. Pour ses premiers congés en tant que chef d’État, il opte pour Saint-Jean-Cap-Ferrat, dans les Alpes-Maritimes, et réside dans la villa de sa riche amie irlandaise Heleen Glavin. Il s’affiche en maillot de bain, prenant le soleil, jouant au tennis ou se baignant.
Il part aussi faire des parties de chasse au Gabon, se coupant plusieurs jours d’affilée des affaires élyséennes. Des vacances inimaginables aujourd’hui. Avec sa femme Anne-Aymone, ils fréquenteront également assidûment le fort de Brégançon, qu’ils apprécient énormément.
4. François Mitterrand
Comme Charles de Gaulle, François Mitterand ne passe qu’une nuit à Brégançon, le 24 août 1985. Il y reçoit le chancelier allemand de l’époque, Helmut Kohl. Le reste du temps, c’est dans sa maison de vacances des Landes, achetée en 1965 et située dans le lieu-dit de Latche, qu’il passe ses vacances.
5. Jacques Chirac
C’est véritablement avec Jacques Chirac que les scandales autour des lieux de vacances commencent. En 2000, il part en vacances à l’île Maurice avec sa femme Bernadette. Ses photos le montrant profiter de jets privés et d’hôtels somptueux ne passent pas.
Il part également sur l’île de La Réunion. En 2002, la révélation dans la presse du coût de ces dernières vacances, 70 000 € pour trois semaines, crée l’indignation. En 2003, il opte pour le Québec. Là encore, une polémique éclate : Jacques Chirac reste là-bas alors que la canicule touche la France, et fait 15 000 victimes. D’où, certainement, la consigne de ne pas partir à plus de trois heures de Paris d’Emmanuel Macron aujourd’hui. Le couple Chirac part aussi souvent à Brégançon, mais le président avoue s’y ennuyer.
6. Nicolas Sarkozy
Les scandales continuent avec Nicolas Sarkozy, qui part en 2007 avec sa femme Carla Bruni dans la somptueuse station balnéaire de Wolfeboro, aux États-Unis. Le prix de leur location à la semaine est révélé par les médias : 30 000 € qui ont du mal à passer auprès des Français. Ces derniers ont toujours en tête ses quelques jours passés sur le yacht de Vincent Bolloré après sa victoire à la présidentielle. L’année suivante, il choisit donc la résidence de son épouse au Cap Nègre, dans le Var. Ils y reviendront notamment pour la grossesse de cette dernière.
7. François Hollande
François Hollande n’échappe pas non plus aux critiques. En 2012, il part à Brégançon pendant deux semaines avec sa femme de l’époque, Valérie Trierweiler. Jusqu’à là, rien de surprenant. Mais, alors que les plans sociaux se multiplient et que le chômage augmente, ses photos de farniente en maillot de bain semblent de mauvais goût.
Une polémique sur le prix des coussins que se serait fait livrer le couple pour rembourrer les fauteuils du fort n’arrange rien. Par la suite, il préfère donc se rendre à Lanterne, une autre résidence présidentielle située à Versailles. Là-bas, il peut se cacher des photographes. En 2015, il passe des vacances discrètes dans le Var.
Emmanuel Macron, pour sa part, est parti faire du ski à la Mongie en 2017, pour un coût souligné par de nombreux médias : 72 043 €. Son déplacement à Honfleur en novembre 2018 représente, lui, un coût de 13 518€. Mais la dépense qui fait le plus parler en termes de voyage dans son gouvernement est de loin le vol d’Édouard PhilippeTokyo-Paris à 350 000 €. De retour de Nouvelle-Calédonie, il devait se rendre « au plus vite », selon ses mots, à Paris, car Emmanuel Macron se rendait en Algérie. Et la règle veut que soit le président, soit le Premier ministre soit sur le territoire national.
Depuis, Emmanuel et Brigitte Macron favorisent le fort de Brégançon, où ils se font les plus discrets possible. Car ils le savent : pour éviter un nouveau scandale cet été, ils n’ont pas le droit à l’erreur…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire