En ce temps-là, la France était Brel ou Brassens, Delon ou Belmondo, Bourvil ou De Funès, Peugeot ou Renault, DS ou 403… Et elle était, bien sûr, Anquetil ou Poulidor. C’était l’époque des Trente Glorieuses, quand les divisions étaient le fruit de la passion, et non de la haine. C’était avant, en noir et blanc, quand les héros - les vrais - n’étaient pas fabriqués par la rumeur des réseaux sociaux…
Jacques Anquetil, de la race des sprinteurs, a franchi la ligne d’arrivée depuis longtemps. Raymond Poulidor, grimpeur endurant, vient juste de le faire, un jour de novembre lui aussi, mais trente-deux ans après. Poulidor, un nom propre devenu commun, immortel, pour désigner l’éternel second. Jamais vainqueur en deux septennats de Tour de France, jamais Maillot jaune à l’issue d’une étape. Mais, au final, toujours premier dans les cœurs.
Les Français aimeraient-ils à ce point les perdants? Pas du tout, mais ils détestent la malchance et l’injustice. C’est l’histoire de Poulidor sur la Grande Boucle. Il n’était pas un sportif à scandales, mais ses défaites étaient scandaleuses. Elles resteront comme autant d’affronts faits à la logique du cyclisme alors que l’athlète, impressionnant de puissance, était doté d’une grande rigueur morale et d’un redoutable sens tactique. On n’a pas toujours pu en dire autant de tous les coureurs qui le battaient alors sur le poteau…
La gloire de Poulidor - la «poupoularité», selon l’affectueuse formule d’Antoine Blondin - est aussi née du courage et de la persévérance, de la loyauté et de la fidélité. Des mots qui avaient un sens pour ce fils de métayer de la Creuse passé des manchons de la charrue au guidon du vélo après vingt-sept mois de service militaire. Des mots qui ont guidé sa carrière, tout entière consacrée au même maillot des cycles Mercier. Des mots qui ne sont plus guère de mise, dans le sport et ailleurs, mais qui ont façonné sa légende. Poulidor, un homme en or.
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