PATRIMOINE
Dans les entrailles du Kahl-Burg, l’étonnante forteresse nazie dans la falaise du Tréport
Creusé dans la falaise du Tréport, le Kahl-Burg est un long dédale de galeries briquetées et voûtées des plus impressionnants. À l’entrée, une vieille affiche donne le ton : « Ne quittez Le Tréport sans avoir visité le Kahl-Burg, l’ouvrage le plus important de toutes les côtes. »
« Sensationnel », est-il ajouté, avec cette précision : « Le droit d’entrée sera perçu au profit de la cantine scolaire. »
Un peu survendue, cette réclame des années d’après-guerre ? Pas tant que ça. En 2020, le Kahl-Burg reste bien l’un des édifices construits par l’occupant allemand les plus curieux et impressionnants de nos côtes parsemées de structures défensives pour empêcher le débarquement des Alliés.
270 mètres de galeries, 225 marches…
Le « Château Chauve », traduction littérale de l’allemand, s’étend sur 270 mètres de galeries et 225 marches. Sur quatre niveaux différents et vingt mètres de dénivelé, on trouve 32 pièces dont chacune avait sa fonction : chambrée, toilettes, poste électrique, local de transmission, poste d’observation, etc.
Une grande partie est maçonnée en briques, dont une partie provient du luxueux hôtel Trianon, qui se trouvait au sommet de la falaise du Tréport. Soit au-dessus ou presque du Kahl-Burg.
Car l’édifice a été tout simplement creusé dans la falaise crayeuse de la cité de Seine-Maritime, à soixante mètres au-dessus du niveau de la mer. On y accède encore aujourd’hui par une petite rue discrète surplombant la vallée de la Bresle. D’en bas, à l’exception d’une petite ouverture dans la roche, la réalisation est impossible à deviner !
L’ouvrage a été construit à partir de 1942 en réaction à l’opération Jubilee des Alliés à Dieppe. Le 19 août, 8 000 hommes tentent de débarquer dans le port. 1 800 soldats trouvent la mort, c’est un échec, mais les occupants nazis ont compris qu’il fallait renforcer les structures défensives du littoral.
« Le Kahl-Burg doit avoir cette fonction de poste de commandement, permettant de donner des directives de tir à d’autres batteries, mais aussi de poste d’observation », explique un bénévole du Mur de la Manche, l’association qui fait visiter les lieux.
L’édifice dispose ainsi de trois postes d’observation et deux de combat. Dans l’un d’eux – malheureusement non-visible aujourd’hui pour des questions d’accès non sécurisé – on trouve encore un canon de 75 mm, le FK235(b), dirigé vers l’entrée du port. Il avait une portée de 9,9 kilomètres et était capable de tirer cinq à six coups par minute.
Pour creuser dans la falaise, « on fait appel aux civils réquisitionnés, mais aussi aux prisonniers russes et ukrainiens, dont une grande partie de femmes », reprend notre guide.
Les conditions, on l’imagine, sont particulièrement difficiles, avec un travail à la barre de mine. D’autant que les prisonniers de l’Est doivent rentrer chaque jour à pied à Eu, la ville voisine, après leurs longues heures de travail.
Longtemps à l’abandon
Le Kahl-Burg reste cependant un édifice inachevé, le secteur étant libéré en septembre 1944. Rapidement ouvert aux visites avant de fermer ses portes dans les années 1950 pour des questions de sécurité, il est longtemps resté à l’abandon, les habitants du coin n’hésitant pas à récupérer tout ce qui pouvait l’être comme de lourdes portes blindées de 420 kg…
Il faudra attendre le début des années 2000 pour qu’une poignée de bénévoles reprenne la gestion des lieux en le déblayant et en le nettoyant, pour le remettre peu à peu en état. Ce qui permet aujourd’hui de découvrir cet étonnant édifice caché dans la falaise.
Pour le visiter, contactez l’office de tourisme du Tréport ou le Kahl-Burg directement. Réservation indispensable
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