La série « 37 secondes » revient de façon complète sur cet incroyable feuilleton judiciaire.
« 37 secondes », la série qui revient sur l’enquête sur le naufrage du Bugaled Breizh en Manche le 15 janvier 2004 est diffusée ces jeudis 3 avril et 10 avril sur Arte. Elle est présentée comme une fiction librement inspirée de faits réels. Jusqu’à quel point ? Zoom sur six éléments de la série. Attention, cet article révèle des rebondissements de l’intrigue de « 37 secondes ».
Marie Madec, la principale héroïne de « 37 secondes », a bien existé et est décédée
VRAI. Les scénaristes insistent sur le fait que les personnages sont fictifs. Certes les identités sont changées mais qui a suivi l’affaire reconnaît aisément les traits de telle ou telle personne de l’histoire réelle. Ainsi, Marie Madec, l’héroïne de « 37 secondes » jouée par Nina Meurisse, est la belle-sœur d’un des marins disparus qui combat pour connaître la vérité. Bien des éléments de son personnage sont inventés mais il renvoie dans la vraie vie vers Nathalie Gloaguen, belle-sœur de Patrick Gloaguen, un des marins disparus sur le Bugaled. Elle était une des fers de lance de la bataille des familles. Elle est décédée avant la fin du procès mais dans d’autres circonstances que ne le montre la série. Plusieurs proches l’ont nommée « la sixième victime du Bugaled Breizh ».
Une romance a existé entre la belle-sœur d’un des marins disparus et un des avocats de l’affaire
FAUX. Les scénaristes ont inventé une romance entre cette héroïne, Marie Madec, et Me Costil, un des avocats des proches des victimes. Joué par Mathieu Demy, il incarne Christian Bergot qui défendait plusieurs familles et le comité local des pêches du Guilvinec dans la vraie affaire. Cette romance de la série relève de la pure fiction.
L’armateur a été indemnisé pour la perte de son bateau
VRAI. Comme tout patron de pêche et tout patron d’entreprise, l’armateur avait assuré son bateau. Il a donc été indemnisé pour la perte de cet outil de travail. Joint par téléphone, Michel Douce et ses proches s’étranglent devant le rôle qui lui est donné dans la série d’Arte. En effet, Jonathan Turnbull joue le personnage de Loïc Jouan, un armateur marqué par le naufrage mais qui semble mû par deux principales obsessions : récupérer l’argent de son bateau et se faire dédouaner de toute responsabilité dans le drame. Dans la vraie affaire, Michel Douce et ses proches ont bataillé avec leurs avocats Mes Kermarrec et Gicquelay, pour une raison centrale : savoir quel sous-marin a coulé le Bugaled Breizh.
Les familles ont reçu des indemnisations pour la disparition de leurs proches dans ce drame
VRAI ET FAUX. Dans la série, des proches des victimes perçoivent des chèques pour la disparition des marins. « Les chèques, c’est purement de la fiction », relève Christian Bergot, l’avocat de plusieurs parties civiles. « À ma connaissance, il n’y a pas eu d’indemnisation des familles. D’un point de vue juridique, il ne peut d’ailleurs pas y avoir d’indemnisation dès lors qu’aucun responsable n’est nommé (NDLR : l’affaire s’est conclue en juin 2016 par un non-lieu ne parvenant pas à nommer un responsable du drame). Pour moi, seul l’armateur a été indemnisé par sa compagnie d’assurances pour la perte de son bateau. Et cette indemnisation est normale. Les conjointes des marins, elles, ont bénéficié d’une prime de protection de l’Enim (NDLR : le régime spécial de la sécurité sociale des marins pêcheurs) », explique l’ancien magistrat.
Au cours de l’enquête, comme le dit la série, une foule d’hypothèses ont tenté d’expliquer le naufrage
VRAI. L’affaire du Bugaled Breizh a été marquée par de multiples rebondissements. Un scénariste n’aurait même pas imaginé la moitié de ces hypothèses pourtant bien réelles : après le naufrage du chalutier de Loctudy le 15 janvier 2004 en Manche et la disparition de ses cinq membres d’équipage, la première piste suivie est bien celle d’une collision de surface avec un vraquier philippin qui l’aurait percuté. Fausse piste. La voie d’eau, la vague scélérate… sont aussi mises sur la table des enquêteurs. Sans résultat. L’hypothèse d’une croche avec un sous-marin apparaît quand on apprend que deux exercices militaires se préparaient ce jour-là à proximité du lieu du drame, incluant des submersibles.
. Alors, un sous-marin responsable ?
. Peut-être mais lequel ?
L’enquête visera d’abord un bâtiment hollandais, le Dolfijn, puis un Anglais, le Turbulent, puis un Français, le Rubis, puis un Américain espion, le Hyman G. Rickover. Pour compliquer encore ce scénario hitchcockien, le Bureau Enquête Accident (Bea Mer) du ministère des Transports français écartera toute implication de sous-marin pour avancer une explication qui fera bondir le monde de la pêche : une croche molle dans une dune de sable.
La série « 37 secondes » revient de façon complète sur cet incroyable feuilleton judiciaire.
Un des avocats des proches des disparus a demandé qu’un non-lieu classe l’affaire
FAUX. Les familles n’ont pas demandé à un de leurs avocats de réclamer le non-lieu pour clore la procédure judiciaire. Les familles ont été guidées jusqu’au bout par l’envie de connaître la vérité. À leur grand dam, le non-lieu a été validé en France en juin 2016 par la cour de cassation après que les parties civiles sont allées au bout de toutes les démarches possibles. La justice française n’a pas su dire si le Bugaled a coulé du fait d’une croche dans le sable (hypothèse du Bea Mer) ou d’une croche avec un sous-marin (hypothèses de l’expert judiciaire et de ceux d’Ifremer). En 2021, la justice anglaise, qui avait également ouvert une enquête car deux corps de marins du Bugaled avaient été récupérés dans les eaux britanniques, a conclu à l’explication d’un naufrage accidentel : la croche dans le sable. Impensable pour les familles des victimes qui restent convaincues que c’est un sous-marin qui a causé la perte du Bugaled Breizh.
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