« Nous qui aimons souvent partir et aussi souvent arriver.
Nous
qui trouvons 360°d’horizon marin
sous le ciel le plus riche
paysage du monde,
tour à tour hostile et bienveillant,
tour à tour hostile et bienveillant,
connu et imprévisible,
radieux de la paix des temples grecs et
radieux de la paix des temples grecs et
déchiré en un enfer dément,
passant par toutes les
couleurs du prisme et de l’âme,
et qui, comme une âme, respire.
Nous qui avons
tenté d’accorder notre souffle
à celui de la mer en ne lui demandant rien
d’autre
que de pouvoir,
de temps en temps,
vivre et survivre à son rythme.
Nous
qui aimons le chuintement de l’eau sous l’étrave,
et la courbure de la voile
travaillant au mieux de sa forme,
et le sillage que la mer de l’arrière
accourt
noyer inlassablement.
Nous qui sommes les derniers,
confondant l’espace et le temps,
à
compter sur cette planète les distances en jours.
Nous qui ne cherchons ni
l’inconfort,
ni la fatigue,
ni le risque,
mais les avons acceptés comme étant
notre lot,
avec le sel dans les yeux et sur les lèvres,
le vent qui refuse,
l’aube qui ne se montre pas encore.
Nous qui n’avons rien à gagner, rien à
prouver,
rien à battre,
oui,
nous devons être prudents, et pudiques, et
discrets.
Il faut toujours l’être quand on aime.
Modestes, cela va de soi.
Quand on a accompli quelque chose d’heureux en mer, petite croisière ou grand
raid,
cap Horn ou îles d’Hyères,
c’est d’abord parce qu’on a évité de faire
ce
qu’il ne fallait pas faire.
C’est ensuite parce qu’on fait ce qu’il fallait
faire.
C’est enfin parce que la mer l’a permis.»
Jean François
Deniau (de l’Académie française), La mer est ronde.