Les îles Cocos sont un territoire australien. (Carte : Ouest-France)
De longues plages de sable blanc, une eau d’un bleu cristallin, des palmiers, et… des centaines de tonnes de plastique. Les plages des îles Cocos, un territoire australien composé de 27 atolls dans l’océan Indien, sont surchargées de déchets.
Le constat a été dressé par la docteure Jennifer Lavers, une biologiste australienne, en 2017. Selon ses calculs, plus de 400 millions de fragments de plastique polluent les plages de l’archipel peuplé d’environ 550 habitants.
Cela représente 238 tonnes de déchets, expliquait une étude publiée au mois de mai dernier par la scientifique dans la revue spécialisée Nature Scientific Reports.
Un aperçu des déchets qui s’entassent sur les plages des îles Cocos. (Photo : Silke Struckenbrock / University of Tasmania / AFP)
La chercheuse de l’Université de Tasmanie, en Australie, en était arrivée à cette conclusion après avoir réalisé des travaux de recherche, sur place, avec une équipe scientifique.
Mais en arpentant les plages des îles Cocos, Jennifer Lavers et les autres chercheurs ont été intrigués par un autre phénomène. Souvent, les bouteilles et autres emballages n’étaient pas vides. Les objets contenaient des bernard-l’hermite. Et la plupart du temps, ces crustacés étaient morts, rapporte le quotidien américain The Washington Post.
Jennifer Lavers et son équipe viennent de publier une nouvelle étude consacrée à ce phénomène, dans la revue scientifique Journal of Hazardous Materials. Et selon les chercheurs, ces centaines de millions de morceaux de plastique tueraient quelque 508 000 bernard-l’hermite par an, sur les seules îles Cocos.
Piégés dans le plastique
Ces déchets représentent des « pièges potentiellement mortels pour les bernard-l’hermite », écrivent les auteurs de l’étude dans un communiqué publié sur le site de l’Université de Tasmanie.
En effet, ces crustacés n’ont pas de carapace naturelle et leur abdomen est mou. Pour se protéger, ils doivent se trouver des coquilles, dont ils changent régulièrement au fil de leur croissance. Les bernard-l’hermite sont par exemple capables de « voler » celle d’un gastéropode.
Des déchets, sur une plage des îles Cocos. (Photo : Jennifer Lavers / University of Tasmania / AFP Photo)
Mais ils peuvent aussi se tromper et considérer qu’une bouteille en plastique est une carapace potentielle. Le problème, c’est que c’est dangereux pour eux.
Un exemple : si « l’ouverture d’un contenant en plastique est positionnée vers le haut, un crustacé aura des difficultés à s’en sortir et sera piégé dedans », écrivent les chercheurs. Privés d’eau, les crustacés meurent au bout de 5 à 9 jours.
Effet domino
Ensuite, les événements s’enchaînent. « Quand un bernard-l’hermite meurt, il émet un signal chimique indiquant à ses congénères qu’une coquille est devenue libre », explique le biologiste Alexander Bond, l’un des auteurs de l’étude, au Washington Post.
Les bernard-l’hermite meurent par centaines de milliers, tous les ans, sur les îles Cocos. (Photo d’illustration : WilliamBKH / Wikimédia Commons / Domaine public)
Résultat, quand un crustacé meurt dans un contenant en plastique, il en attire donc un autre, et ainsi de suite… « Cela crée un effet domino, ajoute-t-il. Ils viennent dans ces bouteilles les uns après les autres en pensant qu’il s’agit de leur prochaine maison. En réalité, c’est leur dernière ».
À partir de la quantité de déchets estimée sur les îles Cocos, les scientifiques ont ensuite réalisé des calculs mathématiques pour tenter d’estimer le nombre de crustacés piégés dans les déchets plastiques. C’est ainsi qu’ils en sont arrivés à ce chiffre de 508 000.
Il est difficile de savoir comment ce phénomène affecte la population de crustacés de l’archipel, les scientifiques ne sachant pas combien exactement vivent sur les îles Cocos, souligne Jennifer Lavers auprès du Washington Post.
Un phénomène à l’échelle mondiale
En tout cas, cette hécatombe a des impacts sur tout l’écosystème des îles. « Les bernard-l’hermite jouent un rôle crucial dans les environnements tropicaux, explique Jennifer Lavers sur le site de l’Université de Tasmanie. Ils aèrent et fertilisent le sol, dispersent des graines », qui deviendront ensuite de nouveaux végétaux, entre autres vertus.
Et ce n’est pas tout. Les auteurs de l’étude se sont également demandé si cette situation était spécifique à l’archipel australien, ou si le même phénomène se reproduisait ailleurs.
Ils ont effectué les mêmes travaux et les mêmes calculs sur l’île Henderson, un territoire britannique situé au beau milieu de l’océan Pacifique, à plus de 13 000 kilomètres à vol d’oiseau des îles Cocos
L’île Henderson. (Ouest-France)
Classée sur la Liste du Patrimoine mondial de l’Unesco en raison de son « écologie pratiquement intacte », cette île est aujourd’hui noyée sous le plastique.
Selon l’équipe de Jennifer Lavers, ici, ces déchets tuent environ 61 000 bernard-l’hermite par an. Et le phénomène pourrait être généralisé. C’est la conclusion de l’autrice principale de l’étude : « Il est probable que la mortalité des bernard-l’hermite sur les plages du monde entier soit conséquente. ».
Maintenant, les chercheurs veulent réaliser de nouvelles études, pour mieux évaluer l’étendue de ce phénomène et ses implications à l’échelle de la planète.