Fille de petits commerçants normands, Annie Ernaux, un temps professeure dans le secondaire, a choisi d’écrire pour « venger sa race » – son œuvre embrasse à la fois la condition des femmes, des classes populaires et toutes les petites violences au fondement de la vie quotidienne.
Annie Ernaux, prix Nobel de littérature: et si c'était nul ?
CRITIQUE - La papesse de l'autofiction a reçu la récompense suprême pour une vie entière
La papesse de l'autofiction a reçu la récompense suprême pour une vie entière passée à écrire sur elle-même. Pour autant, le concerto de louanges qui a résonné après ce prix ne saura convaincre tout le monde: ces vessies sont loin d'être des lanternes.
Dimanche, elle défilait aux côtés de Jean-Luc Mélenchon « contre la vie chère et l'inaction climatique » auréolée de son Prix Nobel de littérature. Lorsque les jurés, il y a quinze jours ont dévoilé le nom de la lauréate, partout, ce fut un déluge de dithyrambes. Normal, trouver la lauréate médiocre et le dire revient à être misogyne.
On connaît pourtant beaucoup de femmes qui trouvent ses livres parfaitement nuls, mais qu'importe, il s'agit de ne pas en dire du mal. Son fameux style plat ? C'est un refus de « faire beau ». Le nombrilisme souligné par les sceptiques ? Un faux constat émis par des lecteurs grossiers, pour ne pas dire rustiques: elle est « l'écrivain de l'intime. »
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C'est ça, l'autofiction. Il n'y a pas de mal à parler de soi : Céline et Proust n'ont cessé de le faire, mais ils avaient le talent nécessaire pour romancer leur vie. Le principe d'autofiction est à ce titre un attrape-nigaud : la fiction y est totalement absente. Qu'importe, les jurés du Nobel souhaitent la féliciter pour « le courage et l'acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle. » Un beau programme. Rappelons que le Prix Nobel de littérature récompense « un écrivain ayant rendu de grands services à l'humanité ».
Drôle d'idée
Aux rayons des services rendus, Annie Ernaux aura réussi à faire virer de chez Gallimard l'éditeur Richard Millet accusé de fascisme. Elle a également signé d'innombrables pétitions pour soutenir de nobles causes. Avec Mediapart, elle a signé un appel au boycott de l'Eurovision 2019 à Tel Aviv. Israël, c'est pas son truc. Elle a aussi soutenu Houria Bouteldja, chef du parti des Indigènes de la République, que de méchants esprits auraient taxé de racisme et d'antisémitisme. Quelle drôle d'idée… Reconnaissante, Bouteldja vient de la féliciter pour son prix. On attend les applaudissements de Tariq Ramadan. Mais il ne faut pas confondre l'auteur et l'œuvre, n'est-ce pas...!
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Augustin Trapenard, ravi de la crèche de « La Grande Librairie » dans un état d'émerveillement permanent quasi-hystérique, la reçoit dans son émission mercredi 19 octobre. Ses yeux seront plus écarquillés que jamais. Pour la promotion de cet événement sensationnel, un mail a été envoyé aux journalistes. Le présentateur est en extase.
D'abord, il énumère les livres aux titres tellement brillants, puis, c'est l'apoplexie : « La Place, L'Évènement, Passion Simple, Les Années ou Mémoire de fille sont devenus des classiques de la littérature française, et pour certains du cinéma. En mai dernier, Annie Ernaux publiait Le jeune homme, (Gallimard, 27 pages !), son 22ème roman. Toujours à part dans le paysage littéraire français, Annie Ernaux n'a cessé, depuis près de 50 ans, d'écrire sur des sujets tus par la société : l'avortement, la honte sociale, la sexualité des femmes en premier lieu... Elle a bouleversé les frontières entre l'autobiographie, la sociologie et la fiction. Son histoire est notre histoire. (…) Notre mémoire, aussi. »
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Son histoire est notre histoire. Ah bon ? Pourquoi donc ? « La réponse mon ami, se répand dans le vent », chantait Bob Dylan, qui lui aussi a reçu le prix Nobel de Littérature, ce qui était assez excessif. Autrement dit, il n'y a pas de réponse. Augustin Trapenard évoque son 22e roman : Le jeune homme. Parlons-en. En 27 pages, Annie Ernaux évoque un épisode palpitant de sa vie : elle a eu, à la cinquantaine, une liaison avec un jeune homme qui l'appelait « ma reum » ou « ma meuf ». Merveilleux : ce qu'on appellerait d'habitude un « livre de caisse » se transforme en roman. Le jeune homme se lit en 5 minutes montre en main, pourtant, c'est encore trop long. Pitchié, comme disent les jeunes.
Frédéric Beigbeder, n'est pas de l'avis de Trapenard, même s'il avait prédit le fameux Nobel dès 2016 dans les pages du Figaro Magazine : « Il semble que la célébration de Mme Ernaux soit devenue obligatoire en France. Son dernier livre, Mémoire de fille, est unanimement salué par une critique béate. Le public suit (…) La Pléiade est pour bientôt, le Nobel imminent, l'Académie s'impatiente, et ma fille l'étudie au lycée (…) Récapitulons: en un demi-siècle, Annie Ernaux a successivement écrit sur son père, sa mère, son amant, son avortement, la maladie de sa mère, son deuil, son hypermarché. Cette fois c'est sur son dépucelage raté durant l'été 1958, en colonie de vacances, quand elle s'appelait Annie Duchesne. L'événement est raconté à cinquante ans de distance avec un sérieux inouï. Ce qui est étonnant avec Mme Ernaux, c'est à quel point ses livres, qui ne cessent de revenir sur ses origines modestes, ne le sont pas. C'est l'histoire d'un écrivain qui s'est installé au sommet de la société en passant sa vie à ressasser son injustice sociale. Ce dolorisme des origines révèle en réalité une misère de l'embourgeoisement. C'est comme si elle refusait d'admettre qu'elle s'en est très bien sortie (…). » Puis, Beigbeder résume parfaitement l'œuvre de l'écrivain : « Mme Ernaux invente la plainte qui frime, la lamentation sûre d'elle. »
Se plaindra-t-elle encore ? Gallimard réimprime 900.000 exemplaires de ses chefs-d'œuvre. Dans le classement des meilleures ventes, elle sera juste au-dessus de Guillaume Musso et Virginie Despentes. Un beau tiercé, parfait résumé de l'époque.
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