Pourquoi le trimaran Idec Sport gagne toujours la Route du Rhum ?
Avec son sourire de vieux loup de mer, Francis Joyon savoure la plus belle victoire de sa carrière. À 62 ans, et pour sa 7° participation à la Route du Rhum, le natif de Hanches (Eure-et-Loir) a coupé le premier la ligne d’arrivée, au large de Pointe-à-Titre. Francis Joyon a remporté un sprint inoubliable face à François Gabart, dont le maxi-trimaran Macif était amputé d’un safran et d’un foil.
La fiabilité a déjoué la vitesse. Le rouge d’Idec est arrivé devant le bleu de Macif. L’expérience a triomphé de la jeunesse. La Route du Rhum est une épreuve simple, plusieurs bateaux partent de Saint-Malo et, à la fin, c’est Idec Sport qui s’impose à Pointe-à-Pitre !
Trois victoires d’affilée
Le maxi-trimaran a remporté son 3° « Rhum » d’affilée (2010, 2014, 2018), un exploit monumental dont Francis Joyon reconnaît la portée avec humour : « Je n’ai pas de mérite, le bateau gagne à chaque fois. Si je ne gagnais pas, j’étais un âne. » Francis Joyon n’est donc pas un âne, et Idec Sport a des allures de pur-sang.
La genèse du maxi-trimaran prodige débute en 2004. Désireux d’obtenir les records les plus prestigieux de la voile, Groupama annonce la création d’un bolide des mers. Le design est confié au cabinet VPLP, la référence mondiale de l’architecture navale pour les courses au large. Après 130 000 heures de travail dans les chantiers vannetais de Multiplast, Groupama 3 est mis à l’eau le 7 juin 2006.
D’une longueur de 31,5 mètres pour 22,5 de large, le maxi-trimaran est révolutionnaire à plus d’un titre. Groupama 3 est, d’une part, le premier multicoque doté de foils capable de faire le tour du monde. Et d’autre part, son design s’éloigne des géants de mer tels Orange II (36,8 mètres), plus lourds et plus dépendants des caprices d’Éole.
Le chef-d’œuvre de Franck Cammas
L’assureur mise sur son skipper Franck Cammas, vainqueur de la Transat Jacques-Vabre en 2007 sur Groupama 2, pour aller chercher les records avec le maxi-trimaran. Après deux tentatives manquées de record du tour du monde en équipage, Groupama 3 triomphe le 20 mars 2010 en bouclant le trophée Jules-Verne en 48 jours, 7 heures, 44 minutes et 52 secondes.
La même année, Franck Cammas prouve qu’il est bien « le petit Mozart de la voile ». Conçu comme un maxi-trimaran d’équipage,Groupama 3 se transforme en machine de guerre pour solitaire.
Cammas « épure » Groupama 3 en modifiant le gréement, en réduisant le mât et en installant un vélo pour actionner plus efficacement les cordages. Un coup de génie dans la mesure où la puissance musculaire de l’homme est plus développée dans les jambes que dans les bras. Franck Cammas remporte haut la main la Route du Rhum en 2010, devant un certain Francis Joyon. La légende du maxi-trimaran débute ici.
Après avoir tout gagné avec Franck Cammas, Groupama revoit ses objectifs avec la préparation de la Coupe de l’America. Groupama 3est rebaptisé Banque Populaire VII après son rachat par la société en 2013.
Le maxi-trimaran repasse par la case chantier : « Tout ce qui existe est passé en revue mais aucune modification majeure n’a été effectuée », précisait Ronan Lucas, directeur du Team Banque Populaire. Nouvelle preuve que le maxi-trimaran est décidément bien né…
Une pluie de records et de victoires
Entre les mains d’Armel Le Cléac’h, Banque Populaire confirme son immense potentiel. La maniabilité et la réactivité du maxi-trimaran permettent au « Chacal » de faire tomber les records en solitaire, chasse gardée de Joyon : celui de la distance à la voile parcourue en 24 heures (673 milles) et de la Route de la Découverte en reliant Cadix et San Salvador en moins de 7 jours.
La Route du Rhum 2014 semble promise au duo. Mais Armel Le Cléac’h se blesse à la main après une chute sur un objet tranchant. Loïck Peyron le remplace et signe une véritable démonstration en abaissant le record à 7 jours, 15 heures et 8 minutes.
Après un court passage sous les couleurs de Lending Club, le maxi-trimaran passe en 2015 dans le giron d’Idec Sport, sponsor de longue date de Francis Joyon, admirateur de longue date du monument. Le maxi-trimaran le plus performant de sa génération skippé par un marin expérimenté et collectionnant les records de vitesse ? Le binôme fonctionnera à merveille.
Après avoir bouclé le record du tour du monde en solitaire avec son équipage, Francis Joyon s’aligne pour une 7° participation à la Route du Rhum. Mais le paysage de la voile a changé. Les trimarans volants, dont le design est basé sur les foils, font figure de favoris pour le sprint dans l’Atlantique.
« Ce sont des bateaux très récents, conçus pour voler, être plus légers et spécifiquement maniables par une personne seule. Alors qu’Idec, c’est le plus dur de la flotte, c’est celui qui nécessite le plus d’efforts pour chaque manœuvre », précise Joyon.
Mais le sexagénaire refuse la course à l’armement, sa foi envers son bateau est inébranlable. « Francis pense que la sagesse et la qualité de son bateau peuvent l’emporter sur ces bateaux qui vont plus vite », explique Patrice Lafargue, patron d’Idec.
Un pari réussi. Comme un symbole, Francis Joyon a grillé la politesse au véloce, mais finalement fragile Macif de François Gabart dans les derniers kilomètres de la Route du Rhum. « C’est un bateau qui a résisté à tout et qui arrive en bon état », s’est félicité Francis Joyon. Le temps ne semble pas avoir d’emprise sur ce maxi-trimaran d’exception, il n’est pas étonnant de le voir résister aux pires dépressions de l’océan.
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