Macif, Banque Populaire, Groupama Team France, Generali, la Transat AG2R La Mondiale… Aujourd’hui, les villages de départ des grandes courses de voile ont des allures de quartiers d’affaires pour les établissements bancaires ou d’assurances !
La 11e édition de la Route du Rhum, dont le précédent sponsor était La Banque Postale, n’a pas failli à la règle. La voile représente une vitrine idéale pour les banques et les compagnies d’assurances dans le but d’accroître leur notoriété.
« C’est un sponsoring idéal, à 360°, qui réunit tout : de la communication interne, du numérique, du support média et physique via le nom d’un bateau ou sur le terrain lors de courses »,précisait récemment à l’AFP une source souhaitant conserver l’anonymat. La voile est donc la caisse de résonance idoine pour des entreprises à la fois reconnues, dépendantes de la confiance de leurs clients, mais aussi capables d’y mettre le prix.
Le maxi-trimaran Macif de François Gabart lors de la Route du Rhum. (Photo : Franck Dubray / Ouest-France)
« Il y a un intérêt lié au caractère assez prestigieux de la voile, qui est porteuse de valeurs extrêmement positives pour les banques et les assurances. Leur forte présence se justifie aussi parce qu’il y a très peu d’entreprises qui ont la capacité financière pour ce genre d’opérations », explique Jean-Pascal Gayant, professeur à l’Université du Mans, travaillant sur l’économie du sport. « Les banques et les assurances trouvent un terrain qui semble correspondre à ce qui incarne de bonnes valeurs et ce qui va plaire à leur clientèle, généralement d’un bon niveau d’éducation. »
Des retombées économiques attendues
Banque Populaire injecte annuellement la somme de 5,5 millions d’euros dans son budget alloué à la voile. Un investissement conséquent pour la société, qui a débuté dans la course au large dès 1989, mais les retombées médiatiques et financières sont démultipliées.
La victoire d’Armel Le Cléac’h lors du dernier Vendée Globe, sur son Imoca Banque Populaire VIII, a été valorisée à plus de 55 millions d’euros d’équivalent en achats d’espace publicitaire, selon une étude marketing de Kantar Media. Un investissement originel multiplié par dix ? N’importe quelle société en rêverait !
« C’est la convergence de deux facteurs : les valeurs portées par la voile puis l’intérêt d’un public éduqué, pour ce sport prestigieux. C’est différent du golf, dans lequel on trouve plus facilement des marques de luxe, comme des montres. Il y a une proximité dans la voile, incarnée par la figure du marin, plus abordable et humain et moins élitiste. C’est une bonne alchimie que les assurances comme les banques ont su trouver », précise le professeur Gayant.
L’Imoca Banque Populaire VIII, avec qui Armel Le Cléach’h a remporté le Vendée Globe. (Photo : Franck Dubray / Ouest-France)
De plus, à l’instar du cyclisme, la voile est l’un des rares sports dans lequel l’équipe porte le nom de son sponsor. Mais la suspicion entourant le sport cycliste fait courir un sérieux risque de réputation pour les sponsors. L’affaire de dopage au sein de l’équipe Festina en est le meilleur exemple.
La voile est plus étrangère à ce « délit de sale sport ». Les skippers sont unanimement admirés et vantés pour leurs qualités : le courage face aux éléments, la force athlétique pour répondre au défi physique de la navigation et l’intelligence dans la gestion de course et du bateau.
Des valeurs recherchées
Il est donc facile de comprendre pourquoi des compagnies d’assurance et des banques investissent autant dans la voile. Ces dernières ciblent un sport défini par des valeurs auxquelles elles souhaitent s’associer. La voile convoque un imaginaire d’accompagnement, de dépassement de soi, de solidarité et de fiabilité face aux imprévus. Bref, du pain bénit pour des compagnies d’assurance et des banques dotés d’un solide service marketing !
Le village de la Route du Rhum à Saint-Malo, une belle vitrine d’exposition pour les compagnies d’assurance et les banques partenaires des skippers. (Photo : Marc Ollivier / Ouest-France)
« Le football français a, comme partenaires, Domino’s Pizza et Conforama pour toucher le plus grand public possible, sur des produits pas forcément haut de gamme. Mais ils sont déclinés en fonction du sport, du centre d’expression médiatique et des valeurs auxquelles les entreprises veulent s’associer », conclut Jean-Pascal Gayan.
Le sponsoring des assurances et des banques dans la voile a donc de beaux jours devant lui. Le mois dernier, le groupe Crédit Mutuel est entré dans la danse en annonçant un partenariat avec le skipper lorientais Ian Lipinski. La banque devrait s’engager pour les deux prochaines éditions de la Transat Jacques-Vabre et la Route du Rhum en 2022. D’habitude engagé dans le sponsoring musical, Crédit Mutuel rejoint le mouvement. Tous dans le même bateau pour assurer le spectacle !