Un deuxième coup de vent, plus impressionnant que celui de dimanche soir, touche depuis cette nuit presque tous les bateaux de la Route du Rhum. Dans le golfe de Gascogne, les marins ont eu une nuit compliquée à l’image de d’Isabelle Joschke (Monin) en Imoca et Sam Goodchild (Narcos : Mexico) en Class 40 qui ont tout deux démâté suite aux conditions météo. Quant à Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire IX), il a chaviré ce midi au large des Açores.
Le temps ne devrait d’ailleurs pas s’arranger dans les prochaines heures et les organisateurs de course surveillent ça de près. Seuls les deux Ultime de tête avec François Gabart et Francis Joyon, qui ont filé au sud, devraient être épargnés.
De nombreux skippers ont donc préféré la prudence plutôt que d’abîmer leurs bateaux et risquer l’abandon. Une décision « normale » qui prouve « une grande sagesse », selon Jean-Marie Finot, architecte naval sur la Route du Rhum.
La prudence des skippers
« Au total, entre ceux qui se sont arrêtés et ceux qui sont en route pour se mettre à l’abri, on compte 36 bateaux, dont trois à Roscoff, deux à L’Aber Wrach, sept à Camaret, sept à Brest, un à Loctudy, quatre à Bénodet, deux à Concarneau, quatre à Lorient et trois à La Trinité-sur-Mer », expliquait ce matin Jacques Caraës, directeur de la course sur le site de la Route du Rhum.
De nombreux marins de la catégorie Class 40 ont décidé de se mettre à l’abri avant un fort coup de vent dans le golfe de Gascogne et dans une partie de l’Atlantique. (Photo : Thomas Brégardis / Ouest-France)
Prudents, les marins veulent sûrement se préserver et ne pas répéter les erreurs d’autrefois comme en 2002, où la Route du Rhum avait connu de nombreux abandons dans la catégorie des multicoques ORMA, à cause de conditions météorologiques difficiles. Seuls trois des 18 multicoques étaient arrivés en Guadeloupe.
Des bateaux solides, mais…
Jean-Marie Finot, qui a réalisé de nombreux bateaux pour la Route du Rhum notamment des monocoques en Class 40 et Imoca, reste formel : les bateaux sont évidemment faits pour résister aux éléments, même dans des conditions extrêmes. « Quand on dessine et qu’on construit les bateaux, ils doivent être capables de résister en mer. »
Mais tout ne repose pas uniquement sur la conception du voilier, qui « doit être solide avant d’être rapide » : ce qui compte, c’est également la préparation par le skippeur et tout son équipage. C’est l’ensemble qui assurera la résistance du bateau face aux éléments.
Lalou Roucayrol à bord de son Multi 50 a décidé de faire escale à Porto au Portugal, à cause des conditions météo. (Photo : Philippe Kermoal / Ouest-France)
Jean Galfione a décidé de s’arrêter à Brest à cause du mauvais temps. (Photo : David Adémas / Ouest-France)
Cependant les choix stratégiques des skippers peuvent expliquer certaines avaries : « Les bateaux ne sont pas faits pour faire n’importe quoi non plus. S’il y a trop de mauvais temps, à un moment donné, il faut aussi savoir lever le pied. »
Dans une course comme la Route du Rhum, où les records de vitesse sont importants, l’architecte naval rappelle que « la première raison de gagner une course c’est d’arriver, et donc de ne pas casser son bateau… Sur le Vendée Globe par exemple, nous avons réalisé plusieurs bateaux qui ont gagné et ce n’était pas forcément les plus rapides, c’était peut-être simplement les plus solides, avec de bons skippers à la barre. »
L’entourage, les équipes qui entourent et conseillent les skippers, ont donc une grande importance. Il faut parfois freiner certains marins qui veulent toujours aller plus vite. Mais les règles sont simples pour Jean-Marie Finot : « Préserver son bateau, pour ne jamais faire naufrage, et garder à l’esprit que la course doit rester un jeu… »