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mardi 6 juillet 2021

Mort de Maupassant : réactions de Zola, Mallarmé, Huysmans



Le monument Maupassant au parc Monceau, à Paris, photographie agence Rol, 1925 - source : Gallica-BnF
L'auteur de Bel-Ami disparaît le 6 juillet 1893, à 42 ans, des suites de la syphilis. Dans les journaux, les hommages émus de ses amis et confrères se multiplient.
Le 7 juillet 1893, Le Figaro, à l'instar de tous les autres titres de la presse nationale, a une triste nouvelle à annoncer à ses lecteurs :
« Maupassant est mort.

Il s'est éteint après plusieurs journées de convulsions douloureuses et sans avoir repris connaissance, hier, à onze heures du matin.

Mais il y a dix-huit mois qu'en réalité les Lettres françaises portaient le deuil de cet artiste admirable. C'est par une brumeuse matinée d'hiver, le 7 janvier 1892, qu'il nous fut ramené de Cannes où, dans un premier accès de délire, il avait tenté de se suicider. La face blême et déjà maigrie, l’œil hagard, il se laissa glisser hors de son wagon, comme hébété [...].

Et ce fut pour tous ceux qui étaient là une vision lamentable – comme le passage d'un spectre... On eut beau nous rassurer: « Névrose... Surmenage... Délire passager... » nous eûmes l'impression nette que c'était bien fini, et que Maupassant était mort. »
Dans cet article, Émile Berr évoque à demi-mot une réalité bien connue de tous les proches de l'auteur de Bel-Ami et du Horla : l'écrivain était atteint d'une paralysie générale (ancien nom de la méningo-encéphalite) due à la syphilis, qu'il avait contractée seize ans auparavant. Depuis quelques années, son existence était devenue un vrai calvaire.

Victime d'une grave détérioration de son état physique et mental, et devenu méconnaissable, Maupassant avait tenté de se suicider le 2 janvier 1892. Avant d'être interné dans la clinique du psychiatre Émile Blanche, où il devait mourir dix-huit mois plus tard, à l'âge de 42 ans.

Dans le public et parmi ses nombreux amis du monde journalistique, l'émotion est grande. Le Journal va interviewer plusieurs auteurs célèbres pour avoir leur réaction : parmi eux, Emile Zola.
« M. Zola fut, on le sait, un des amis les plus intimes de Guy de Maupassant. Nous lui demandons son opinion sur l'homme et sur l'écrivain.

— L'homme, nous répond-il, était charmant. Je le vis pour la première fois chez Flaubert. C'était, alors, un tout jeune homme, à peine âgé de vingt-deux ou vingt-trois ans. Flaubert avait pour lui l'affection d'un père. Je me souviens qu'il lui corrigeait ses premiers essais littéraires comme un professeur corrige un devoir d'élève, s'emportant au sujet d'un adjectif impropre, raturant des mots et des phrases pour les remplacer par d'autres [...].

Quand Guy de Maupassant nous apporta Boule-de-Suif, nous demeurâmes tous interloqués. « C'est Flaubert qui a fait ça, pensions-nous. » — Non, ce n'était pas Flaubert, c'était bien Guy de Maupassant. La suite le prouva. Mais, malgré tout, Boule-de-Suif est resté, selon moi, son chef-d'œuvre.

Enfin, déclare Zola, Guy de Maupassant fut toujours un admirable ami. Son humeur était toujours égale. Sa conversation nous amusait beaucoup ; il mettait beaucoup d'art à conter de petites anecdotes. Il devenait même parfois hâbleur ce qui, du reste, n'ôtait rien au charme de sa causerie.

Ce fut aussi un charmeur de femmes. Toutes lui étaient acquises. Il avait cette galanterie, cet esprit fin et cette souplesse de manières qu'elles apprécient. »
Joris-Karl Huysmans, l'auteur d'À rebours, qui avait participé en 1880 avec Zola et Maupassant au recueil naturaliste Les Soirées de Médan, est également interrogé, chez lui (alors qu'il termine son dîner).
« — Bah ! fait-il, la bouche juteuse, Maupassant est donc mort ? Parole ! vous me l'apprenez.
— La nouvelle vous attriste-t-elle ?
— Je suis très étonné. Tout de même, je ne m'attendais pas à ce prompt dénouement. Tant de bruits contradictoires ont couru sur sa maladie !
— J'attends l'oraison funèbre.
— Dame ! il fut un très bon garçon. Il fut surtout un brave homme, d'une amabilité souveraine ; et serviable, à quel point ! [...]
— Oui, mais, de l'écrivain, que direz-vous?
— Il fut un de ceux qui traitèrent le mieux la nouvelle en France. Il avait une machine de simplicité. J'aime moins ses vers, parnassiques réminiscences. Oui, je préfère ses nouvelles, ses romans. Ce qui a « sorti » Maupassant, c'est Boule-de-Suif. Des six nouvelles réunies sous le titre de Soirées de Médan, c'est incontestablement la meilleure [...].
— Quelle place lui assigneriez-vous dans les lettres ?
— Hem, pas commode ! Comme nouvelliste, il peut rester, avec ses surprenantes qualités de clarté, de netteté. Dans le roman, il est moins équilibré, moins solide que dans la nouvelle. Des coins, cependant, des coins.
— Selon vous, son plus beau roman ?
— Il me paraît que c'est Bel-Ami.
— Et, quant au style ?
— Style musclé, solide, clair, qui donnait bien l'idée de la force de l'homme, un beau mâle. Mais, pas rare, son style. Non. »
Le poète Stéphane Mallarmé, quant à lui, évoquera la mort de Maupassant dans un texte intitulé « Deuil », paru en septembre 1893 dans la revue littéraire Le Mercure de France.
« Je songeais à beaucoup de cela, durant l’office mortuaire, ce midi récent de tristesse, comme pour dégager son sens, avec le plus de futur, d’une destinée superbe brusquée. Sans m’appliquer même, tant de malaise envahissait une directe évaluation du confrère accablé que nous honorions, positivement à mettre debout dans l’ensemble sa personnalité et son œuvre : n’ai-je pas, en effet, pour suivre un trait spécial, omis les livres de grand jet qui illustrèrent de derniers ans (dont les seuls titres parlent fier, d'Une Vie, à travers Pierre et Jean et Fort comme la Mort, jusqu’au fatidique Horla).

Série qui se fût indéfiniment prolongée, égale, avec des fuites au Théâtre. Je me disais aussi, évoquant la première manière, celle-là qui peut-être sera classique, du conteur, avant que ne l’amplifiât et ne l'inquiétât le romancier — que, ce qui manquait, si l’on réclame d’un genre l’opposition de qualités exclusives et pourquoi ? à ce talent savoureux, clair, robuste comme la joie et borné comme elle au don (seul enviable, il suffit) : un au-delà angoissé ou subtil, quelques exaltations, la teinte lui en fut attribuée tragiquement à même l'existence, tôt, par la fatalité qui changea l’homme le plus sain et l’esprit le plus net coup sur coup en un dément et en un mort.

Stéphane Mallarmé. »
Le service funèbre eut lieu le 8 juillet 1893, à midi, à l'église Saint-Pierre de Chaillot dans le 16e arrondissement. Parmi les personnalités présentes, Zola, Alexandre Dumas fils, Edmond de Goncourt, Octave Mirbeau, Mallarmé... C'est Zola, à nouveau, qui rend hommage à son ami défunt dans une oraison émue retranscrite ensuite par les journaux :
« Ce qui nous frappait, nous qui suivions Maupassant de toute notre sympathie, c'était cette conquête si prompte des cœurs. Il n'avait eu qu'à paraître et qu'à conter ses histoires, les tendresses du grand public étaient aussitôt allées vers lui. Célèbre du jour au lendemain, il ne fut même pas discuté, le bonheur souriant semblait l'avoir pris par la main pour le conduire aussi haut qu'il lui plairait de monter.

Je ne connais certainement pas un autre exemple de débuts si heureux, de succès plus rapides et plus unanimes. On acceptait tout de lui ; ce qui aurait choqué sous la plume d'un autre, passait dans un sourire. Il satisfaisait toutes les intelligences, il touchait toutes les sensibilités, et nous avions ce spectacle extraordinaire d'un talent robuste et franc, sans concession aucune, qui s'imposait d'un coup à l'admiration, a l'affection même de ce public lettré, de ce public moyen qui, d'ordinaire, fait payer si chèrement aux artistes originaux le droit de grandir à part [...].

Qu'il dorme donc son bon sommeil, si chèrement acheté, confiant dans la santé triomphante de l'œuvre qu'il laisse ! Elle vivra, elle le fera vivre. Nous qui l'avons connu, nous resterons le cœur plein de sa robuste et douloureuse image.

Et, dans la suite des temps, ceux qui ne le connaîtront que par ses œuvres l'aimeront pour l'éternel chant d'amour qu'il a chanté à la vie. »

Pour en savoir plus :

Frédéric Martinez, Maupassant, Gallimard, 2012

Marlo Johnston, Guy de Maupassant, Fayard, 2012

Nadine Satiat, Guy de Maupassant, Flammarion, 2003

samedi 12 septembre 2020

IL Y A UN AN...TRISTE ANNIVERSAIRE








 





porté disparu, 
perdu en mer, lui qui s'était si souvent perdu dans le silence de la mer parce qu'il était heureux d'y vivre et qu'il ne craignait pas d'y mourir. 




Après une transatlantique est-ouest en 2002 suivie d’un retour via les Antilles, les Bermudes et les Açores Jean et Barbara sont repartis en 2005 profitant de la retraite cette fois … 
Leur bateau : un catamaran de 44 pieds pour le plaisir , la vue à 360° sur la mer et des mouillages grand confort.
Il vient de Sud-Afriquie !
C'est pourquoi AFRODITE  s'écrit avec un F...








SOUVENIRS DE NAVIGATION...


La nuit tombe, assise sur le roof de mon Afrodite je regarde la pénombre s'installer. Il fait un petit vent délicieusement frais, ça fait du bien.
Un petit vent, pour nous voileux, voyageur, c'est un appel à remonter l'ancre, à hisser la gv et à se préparer à bouger...

Ah, l'appel du large, des nuits de quart, de l'océan avec lequel composer, être à  son écoute, interpréter les signes, anticiper ses humeurs, ressentir le bateau de tout ses sens, ses vibrations, son mouvement, le clapot ou les coups de boutoirs, le surf ou au contraire remonter face aux vagues, au vent, contrarier sa nature, vague après vague, lentement avancer ou au contraire forcer l'allure. Cette symbiose avec la nature et notre être, heures après heures, jour après jour.
Contempler à longueur de temps les vagues, sans cesse changeantes, en direction, en hauteur, croisées ou déferlantes, se retrouver dans la pétole et pouvoir enfin se relâcher.
La nuit, chercher entre les étoiles les nuages d'orage qui vont nous bousculer, sentir le vent monter, le bateau accélérer, tout à coup tout s'agiter, prendre un ris ou deux ? la mer monte, il fait nuit, on perçoit la taille des vagues à l'angle du tanguage, ou au reflet de la lune sur la crête qui déferle, ou encore juste derrière le feu de navigation arrière. Tout à coup on fait encore plus corps avec son navire, il nous habite, il est une extension de nous nous-mêmes, on est lui,  ou plutôt elle, car mon Afrodite est une fille.... On guette, les sens acérés, ce qui va lâcher, le pilote ? une écoute ? une drisse, le lazy ou un hauban ?
Quels moments de vie intense, notre vie entre nos mains pour moitié seulement, c'est un pari, une roulette, un travail en amont qui va être récompensé ou sanctionné, une rage de vivre et une décision personnelle d'y être. Il faut maintenant assumer et assurer, pour soi, pour les autres, pour arriver. Bien sûr une transat c'est aller dans le sens du vent, du courant, Bombard l'a fait dans un radeau ! mais nous on y est, on est là, c'est notre tour et on est seul, certains ne sont pas arrivés et on le sait, c'est un pari, une confiance en soi, en son extension, notre bateau, notre vie. Je suis assise là sur mon roof, il fait nuit et Goldman chante dans mes écouteurs, je suis contente  d'être là, fière, humble bien sûr, le pari est avec soi d'abord. On ne sera plus jamais les mêmes, c'est ma petite pierre à mon édifice intérieur, ma construction intime.
Quel bonheur, chaque jour, chaque instant, en ces moments là on est "habité"...

Pour se réinventer...














jeudi 27 août 2020

IVRES DE MER YVON LE CORRE

YVON LE CORRE,  DERNIÈRE ESCALE

Avec sa belle gueule de flibustier et ses yeux lavés par l’ivresse des océans, Yvon Le Corre a largué son port d’attache de Tréguier définitivement. 









Il fut un très grand  et vrai carnettiste de voyage, rivalisant avec les Albert Brenet ou Marin Marie. Je le situais entre Hugo Pratt et Winslow Homer. Il inspira de nombreux autres peintres de la mer comme Titouan Lamazou qui fut son disciple. Libertaire, très attaché à son indépendance il ne fut jamais  peintre officiel de la marine, son image, son mode de vie et de pensée ne collant pas avec celui des institutions et des coteries de tous ordres. Plutôt pirate que corsaire, il a quitté la bourlingue et la bamboche. Nous reste ses merveilleuses aquarelles de la mer, du désert et son regard perdu vers le grand large. Adieu cher camarade…




Yvon Le Corre, marin, peintre et aquarelliste, ivre de mer
Wink Encore un "esprit Moitessier" !

Peintre, aquarelliste, écrivain et voyageur, Yvon Le Corre a publié de nombreux récits et carnets de voyage au gré de ses rencontres. Navigateur infatigable il est avant tout un esprit libre et insoumis. Rencontre.



Yvon Le Corre


Affiche d'Yvon Le Corre pour les fêtes maritimes de Pors Beac'h


"Mettre sur le marbre, tout le travail qui vient en amont, tout le travail qui vient avec, tellement d'exigences qu'on ne peut pas mettre n'importe quoi..."
Effectivement on retrouve la même exigence que celle qui a poussé Moitessier à faire, pour pouvoir l'écrire, la longue route.
Mais dans une démarche encore plus globale, encore plus aboutie.
Parce qu'il transcrit la beauté de ses récits non seulement par l'écriture et la peinture, mais aussi par la façon de construire le livre à la main de la pensée à l'impression.
Cette façon d'être est déjà une oeuvre d'art en soi."
Un temps professeur, il enseigne le dessin à Titouan Lamazou. Il décline, à deux reprises, la proposition d'être nommé peintre de la Marine, et refuse la médaille de chevalier des Arts et des Lettres. Pour accompagner la sortie de son dernier ouvrage en date, L'Ivre de mer, qu'il a imprimé seul, au plomb, au cuivre et à l'eau-forte sur une presse vieille de 150 ans, il effectue une tournée des ports de Bretagne à la voile, en dédicaçant son ouvrage à chacune de ses escales. Pour cet ouvrage et l'ensemble de son œuvre, il reçoit des mains d'Erik Orsenna le prix Mémoires de la mer, le 8 mars 2012.
Yvon Le Corre vit et travaille à Tréguier (Côtes-d'Armor). Il est propriétaire du ligneur anglais Girl Joyce, vieux gréement de 150 ans superbement restauré par ses soins.

L'ouvrage de Farid Abdelouahab, Ces merveilleux carnets de voyage, publié en 2004 au Reader's Digest, consacre une rubrique entière illustrée en couleurs, au carnet de voyage tenu, entre septembre et décembre 1988, par Yvon Le Corre lors de son périple pédestre au Portugal avec sa femme et leur jeune fils de 3 ans. Avec le voilier Eliboubane (réplique d'une chaloupe sardinière des années 1900) ils avaient appareillé à Tréguier, le 4 mai 2004, et navigué jusqu'à Torreira.
Yvon Le Corre, marin, peintre et aquarelliste, ivre de mer [archive], article de l'hebdomadaire Le Point daté du 3 décembre 2011.
http://voiliers-a-un-mat.blogspot.fr/2015/04/girl-joyce-h-11.html [archive]



"Heureux qui comme Iris" est sans doute un des plus beaux livres de mer et d'aventure que j'ai eu l'occasion de lire.Ecrit à deux mains, celle du navigateur et de sa compagne d'alors Karine Huet, il est empreint de sel, d'embruns, et fleure bon le bitord et la vieille marine.
 Partis de Marseille à bord d'un vieux "smack", dragueur d'huitres anglais sans moteur datant de la fin du 19°,  ils ont alors mis le cap sur la Bretagne, via... Le Brésil, pour bénéficier des vents portants. !

Entièrement illustré de superbes dessins à l'encre, ou d'aquarelles de l'auteur (à l'origine professeur de dessin), c'est vraiment un ouvrage à posséder dans sa bibliothèque marine.

Après une vie aventureuse (il fit partie de l'expédition de JL Etienne à l'Erebus entre autres), Yvon le Corre a écrit dernièrement "L'ivre de mer", qu'il a ensuite entièrement imprimé de ses mains dans sa maison de Tréguier.




Yvon Le Corre est un fana du vieux gréement, son périple avec "Iris" le démontre. Et son "Girl Joyce" actuel aussi.





Il fit d'ailleurs naufrage plus tard avec "Iris" sur les côtes d'Ecosse (très forts courants, pas de moteur). Son bateau fut pillé par des vautours locaux ! Comme quoi les pirates sévissent partout..

 















lundi 10 août 2020

L'HORREUR ABSOLUE...



LA BARBARIE DES ASSAILLANTS


Voici les jeunes françaises tués au Niger



Voici les Français (ou plutôt Françaises) et leurs guides qui ont été tués par les musulmans nigériens au nom du Dieu "d'amour et de paix".
Elles étaient venues
 pour aider et n'ont récolté que la haine. Vous noterez deux choses :
Hormis les deux guides, les victimes sont des jeunes femmes désarmées.
Ce massacre a eu lieu juste après le Ramadan et est donc en conformité exacte avec un verset du Coran : "Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs (les Chrétiens) où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade."
L'islam est un système politico-religieux qui depuis des siècles a largement prouvé son goût du sang. Dans une société qui punit le meurtre, la pédophilie ou l'esclavage, tous crimes encouragés par l'islam, il ne peut être toléré.
De par leurs convictions, les Nazis ont été proclamés criminels et le nazisme a été interdit dans les démocraties . Il est temps de faire la 
même chose avec l'islam.





vendredi 31 juillet 2020

SAINT EXUPÉRY, MORT LE 31 JUILLET 1944



Le 31 juillet 1944 disparaissait Antoine de Saint-Exupéry, pilote, poète, romancier, écrivain et journaliste français.


Saint-Exupéry : portrait d’un rêveur


« Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants. Mais peu d'entre elles s'en souviennent. »

Antoine Jean-Baptiste Marie Roger de Saint-Exupéry est un pilote, poète, romancier, écrivain et journaliste français. Le Petit Prince, son œuvre majeure, est traduit dans plus de 350 langues et dialectes et vendu à presque 200 millions d’exemplaires.

Un garçon distrait

Né dans une famille issue de la noblesse française le 29 juin 1900 à Lyon, il est le fils de Martin Louis Marie Jean de Saint-Exupéry et d’Andrée Marie Louise Boyer de Fonscolombe. Suite à une hémorragie cérébrale, son père décède en 1904 laissant le petit Saint-Exupéry être éduqué par sa mère, sa tante, sa grand-mère ainsi que par la gouvernante autrichienne à laquelle il rendra un hommage dans son roman Pilote de guerre : « Mais qui peut quelque chose contre le petit garçon dont une Paula toute-puissante tient la main bien enfermée ? Paula, j’ai usé de ton ombre comme d’un bouclier…»


Vivant relativement mal son veuvage, Marie de Saint-Exupéry tisse avec son troisième fils des liens privilégiés permettant de lui inculquer une éducation propice à son épanouissement. Des valeurs comme l’honneur, le respect, l’honnêteté, le suivront tout au long de sa vie et prendront une part décisive dans son style d’écriture et dans la morale se dégageant de ses œuvres. Il est particulièrement influencé par les lectures des Contes d’Andersen que lui lit sa mère.


Antoine de Saint-Exupéry entouré de son frère François et de ses sœurs


Dans le but de se rapprocher de sa belle-famille, Marie de Saint-Exupéry emménage avec elle au Mans. Élève rêveur et indiscipliné au collège jésuite de Notre-Dame de Sainte-Croix, le jeune Antoine est distrait et aspire à l’horizon, à l’aventure et à la liberté. Très vite, il montre des goûts pour les jeux, les découvertes, les expériences scientifiques. Il fabrique notamment une « bicyclette volante », qui ne volera jamais…


Fasciné dès son plus jeune âge par les airs, il se rend en 1912 à l’aéroport Ambérieu-en-Bugey, à vélo, situé à quelques kilomètres de son lieu de vacances, y restant des heures entières à rêvasser et à questionner les mécaniciens sur le fonctionnement des appareils. Un jour, prétextant l’autorisation de sa mère, il convainc le pilote de lui faire faire son baptême de l’air. C’est à ce moment que naît sa passion pour l’aviation.

Une période d’instabilité

Bien qu’ayant des résultats scolaires médiocres, le jeune Antoine remporte le prix de narration de son lycée. En 1917, il obtient son baccalauréat chez les frères marianistes de Fribourg en Suisse et se découvre finalement plus à l’aise dans les matières scientifiques que littéraires. C’est au cours de cette année-là que son petit frère François, souffrant de rhumatismes articulaires, décède d’une péricardite. Très affecté par ce décès prématuré, Antoine le vivra comme son passage de l’enfance à la vie d’adulte.


A l’issue de son baccalauréat, il monte à Paris dans le but de préparer le concours d’entrée à l’École Navale. Admirant la belle littérature telle que Balzac ou Baudelaire, il est introduit dans les milieux mondains de la capitale par une cousine de sa mère. Dès lors, il va côtoyer les intellectuels littéraires de l’époque, parmi lesquels Gallimard et Gide et fréquenter les différents théâtres et expositions parisiennes où il fait la connaissance de sa future fiancée. La guerre s’invitant à Paris, un jour au lieu de rejoindre un abri lors d’un bombardement allemand, Saint-Exupéry se rendra sur les toits afin d’admirer le « spectacle féerique » des bombes, des explosions et des tirs de batteries antiaériennes.
Après son échec au concours d’entrée de l’École Navale en 1919 dû aux matières littéraires, il s’inscrit en tant qu’auditeur libre à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts à Paris. Une période difficile de sa vie commence. Celle-ci lui inspire des poèmes où il se présente comme une personne sans projet de vie et sans avenir.


Début dans l’aviation militaire

Antoine y étudie jusqu’à son départ en 1921 pour Strasbourg, où il effectue son service militaire au 2ème régiment d’aviation en tant que mécanicien. Prenant des cours de pilotage civil à ses frais, il obtient son brevet de pilote après un léger incident. Étant admis à passer son brevet de pilotage militaire, Antoine est affecté à Casablanca où il obtient celui-ci à la fin de la même année.


En uniforme d’observateur


En 1922, il est reçu au concours d’élève officier de réserve et enchaîne alors les cours d’entraînements à la base aérienne d’Avord puis à celle de Versailles. Antoine se retrouve démobilisé au printemps 1923 suite à un accident d’avion, au Bourget, dans lequel il se fracture le crâne. De nouveau, une période d’ennui s’installe. Il rompt avec sa fiancée et enchaîne des métiers de contrôleur de fabrication ou encore de commercial. Il profite de cette période pour écrire : Manon, danseuse et sa suite L’Adieu.


Pilote dans l’aéropostale

En 1926, il entre sous recommandation comme pilote dans la société d’aviation Latécoère et effectue des vols entre Toulouse et Dakar. La même année il rédige et publie une nouvelle : L’évasion de Jacques Bernis, et rencontre également à cette époque Jean Mermoz et Henri Guillaumet, deux as de l’aviation. L’année suivante, Antoine stationne au Maroc où il est nommé chef d’escale à Cap Juby. Outre ses missions traditionnelles, il a pour fonction d’améliorer les relations de la compagnie entre les Espagnols et les dissidents Maures. C’est à cette époque qu’il découvre sa fascination pour le désert et publie son premier roman Courrier Sud.
Après l’Afrique, Antoine rejoint en 1929 Mermoz et Guillaumet en Amérique du Sud et s’installe en Argentine dans le but de créer de nouvelles voies aériennes régionales avec la France. Nommé Chevalier de la Légion d’honneur en 1930, il publie l’année suivante son second roman Vol de nuit évoquant ses aventures et le déploiement de l’aéropostale jusqu’en Patagonie. C’est à Nice la même année qu’il se marie avec Consuelo Suncin, écrivain, journaliste et peintre salvadorienne.


Sa compagnie rencontrant quelques déboires suite à son intégration à Air-France, Antoine rencontre une troisième période difficile durant laquelle il se consacre à l’écriture et au journalisme tout en restant pilote d’essai et pilote de raid. Ses activités de reporter l’emmènent au Viêt Nam puis à Moscou. Il est victime d’un troisième accident d’avion en 1935 alors qu’il tentait de battre un record Paris-Saïgon. Après avoir heurté un plateau rocheux, ils se retrouvent, lui et son mécanicien, à errer pendant trois jours dans le Sahara sans eau ni vivres, jusqu’à un miraculeux sauvetage.


Accident dans le Sahara


En 1936, l’actualité l’amène à couvrir la guerre civile espagnole révélant les atrocités commises par les républicains. Son expérience, à travers ses voyages, le pousse à l’écriture d’un essai : Terre des hommes, récompensé par le prix de l’Académie française. Il est victime d’un quatrième accident d’avion au Guatemala suite à une mauvaise compréhension entre l’équipage et les ravitailleurs en quantité de carburant.


Pilote de guerre

Promu Officier de la Légion d’honneur en 1939, il est mobilisé au début de la guerre comme Capitaine dans une escadrille de reconnaissance. Il s’illustre alors dans une mission lors de laquelle il parvient à rentrer et se poser avec son équipage sain et sauf, malgré un avion criblé de balles. Ceci lui vaut la Croix de Guerre avec palme et citation à l’ordre de l’Armée de l’Air. Cette période lui inspire son roman Pilote de guerre.
L’armistice signé, Antoine s’envole pour New York avec pour objectif de faire entrer les américains dans la guerre. N’étant pas gaulliste, il est considéré de facto comme pétainiste, et peu de crédit lui est ainsi accordé. Il reproche à de Gaulle de nier la défaite militaire française. C’est à cette époque qu’il écrit Le Petit Prince.


Étant un homme d’action mais considéré comme trop âgé par les Américains, il quitte les États-Unis et reprend du service en Tunisie. Suite à plusieurs missions réussies, il obtient le grade de Commandant. Mais très vite, il est placé en arrière suite à plusieurs accidents de vol et à son état de santé fragile. Il s’ensuit une quatrième période d’inaction pendant laquelle il écrit Citadelle en 1943. Antoine reprend du service au printemps suivant où, de nouveau, plusieurs incidents surviennent.


En préparation d’une mission



Une disparition prématurée

Le 31 juillet 1944, il doit réaliser une mission de reconnaissances photographiques précises dans le cadre du futur débarquement de Provence. Cette mission sera sa dernière car Antoine n’en reviendra pas. En 1948, il est reconnu « mort pour la France ». Son avion n’est retrouvé qu’en 2000 suite au repêchage de sa gourmette permettant de localiser les restes de l’épave. Elle est formellement identifiée en 2003 après la remontée de celle-ci. Nul ne connaît les circonstances de sa disparition. Attaque aérienne, malaise du pilote, panne technique ou mort en captivité ? Autant d’énigmes qu’Antoine emporte avec lui, formant le mystère « Saint-Ex ».