dimanche 18 avril 2021

PRINCE PHILIP




 L’étendard reprend l’écu présent au centre des armoiries du prince Philip. L’étendard fait office de drapeau. Depuis son mariage en novembre 1947 avec la princesse Elizabeth d’York, jusqu’à 1949, Philip Mountbatten a utilisé les armoires de la famille royale grecque ajoutées aux anciennes armoiries de la famille royale britannique, sous la forme de celles utilisées par son arrière-grand-mère, la princesse Alice, fille de la reine Victoria.

En 1949, son beau-père, le roi George VI lui accorde ses armoiries personnelles, qui reflètent ses origines. Durant cette période, jusqu’en 1952, date à laquelle Elizabeth est montée sur le trône, Elizabeth et son époux, duc et duchesse d’Édimbourg avaient leurs étendards qui flottaient conjointement.

L’étendard du prince Philip reprend le blason présent sur ses armoiries crées en 1949 


Les armoiries comprennent l’écu au centre. Au sommet, on y voit le heaume ducal, surmonté de ses plumes d’autruches noires et blanches. La figure masculine de l’homme sauvage est présente sur les armoiries danoises. Cette figure masculine est aussi présente sur les armoiries grecques, qui prend la forme d’Hercule. Le lion à gauche est celui utilisé par la famille royale britannique. Le lion ducal porte la couronne au cou. La devise est God is my help. L’écu central est entouré d’une bande sur laquelle figure la devise de l’ordre de la Jarretière : Honi soit qui mal y pense.

L’étendard se retrouve sous forme d’écu au centre de ses armoiries (Image : Wikimedia Commons)

Les armoiries danoises

L’étendard est divisé en quatre quadrants. Sur la partie supérieure on retrouve les origines paternelles du prince Philip. Le premier quadrant est celui qui représente les armoiries du Danemark. Le blasonnement se lit : D’or, aux neuf cœurs de gueules, rangés en trois pals, aux trois lions passants d’azur couronnés et armés du champ, lampassés de gueules.

Autrement dit, il s’agit de neuf cœurs rouges placés sur un fond jaune. Ils sont disposés sur trois rangées, intercalés entre trois lions bleus portant une couronne, regardant vers la gauche. Les lions sont dit «passants», c’est à dire qu’ils sont allongés et non debout.


Les armoiries du Danemark sont présentes sur l’étendard du prince Philip, en référence aux origines de sa famille. Né dans la famille royale de Grèce en 1921, il était le petit-fils du roi Georges 1e, déjà décédé à sa naissance. Le roi Georges, connu comme le prince Guillaume de Danemark avant son élection en 1863 à la tête du royaume hellénique, était l’un des fils du roi Christian IX de Danemark.

L’étendard danois et les armoiries royales danoises telles qu’utilisées actuellement par la reine Margrethe II (Image : Wikimedia Commons)

Les armoiries grecques

Bien que d’origine danoise, issue de la famille Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg, elle-même une branche de l’ancienne famille d’Oldenbourg, sa famille proche était devenue une dynastie à elle seule, lors de l’ascension sur le trône grec de Georges 1e. Il est né dans la famille régnant sur la Grèce, sous le règne de son oncle, Constantin 1e. Philip Mountbatten a dû abandonner ses titres grecs et renoncer à sa place dans l’ordre de succession au trône grec, lors de sa naturalisation britannique, en vue d’épouser Elizabeth.

Les armoiries grecques sont donc présentes sur son étendard. Les armoiries son reconnaissables puisqu’il s’agit de la même composition que son drapeau, à savoir une croix blanche sur un fond bleu. Le bleu et le blanc (azur et argent) ont été utilisés dès le 9e siècle par les dynasties régnant sur la Macédoine. Les Paléologues ont aussi utilisés ces couleurs.


On dit que la première apparition du drapeau tel qu’on le connait date de la guerre d’indépendance vers 1807. Il a ensuite été adopté en 1822 et il composait déjà le blason du premier roi grec, Othon 1e, de la dynastie bavaroise des Wittelsbach, avant l’élection de Georges 1e. La croix grecque symbolise la foi chrétienne et les neufs bandes rappellent les 9 syllabes de la devise grecque, «la liberté ou la mort». Les cinq bandes bleues rappellent les cinq mers grecques et les bandes blanches la jupe plissée traditionnelle (les fustanelles).

L’étendard grec et les armoiries de la famille royale grecque telles qu’utilisées par le dernier roi, Constantin II (Image : Wikimedia Commons)

Les armoiries des Mountbatten

La partie inférieure de l’étendard est divisée en deux parties. La partie à gauche est celle réservée à ses origines maternelles. D’argent à deux pals de sable (soit blanc avec deux bandes verticales noires), l’écusson est celui créé pour Julia Hauke, comtesse de Battenberg. Julia Hauke a obtenu ce titre créé pour elle, lors de son mariage inégal avec le prince Alexandre de Hesse. Le titre de comtesse sera par la suite élevé au rang de princesse. Ses descendants portent ce titre. La branche de la famille princière de Battenberg résidant en Angleterre, a anglicisé son nom en Mountbatten, suite à la Première Guerre mondiale.

Mountbatten est également le patronyme qu’a choisi d’adopter Philip lors de sa naturalisation. Il a donc opté pour la version anglicisé du nom de sa mère. Sa mère, la princesse Alice de Battenberg n’avait pas anglicisé son nom, vivant déjà en Grèce avec son époux, le prince André, au moment de ce changement. L’oncle du prince Philip, Louis Mountbatten portait fièrement ce nom.


Les armoiries des Battenberg a été créé par le grand-duc de Hesse pour Julia Hauke, lors de son mariage avec le prince Alexandre de Hesse (Image : Wikimedia Commons)


Les armoiries d’Édimbourg

La dernière partie de l’étendard fait référence au titre de duc d’Édimbourg, que lui a conféré son beau-père le jour de son mariage avec Elizabeth. Le titre fait bien entendu référence à la capitale écossaise. Les armoiries sont donc les mêmes que celles de la ville d’Édimbourg. Il s’agit d’un château noir et rouge. Le blasonnement se lit : d’argent au château donjonné de trois pièces, maçonné d’argent et ouvert de gueules, posé sur un mont de un copeaux. Le château d’Édimbourg a été construit au 11e siècle.

Le château d’Édimbourg qui figure sur les armoiries de la ville a été construit sur une montagne de roche volcanique (Photo : Wikimedia Commons)


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Le prince Philip, époux de la reine Elizabeth II, a ses propres armoiries et son étendard. Ils rappellent ses origines et son titre britannique, celui de duc d’ÉdimbourgL’étendard du prince Philip drapera son cercueil ce 17 avril 2021, lorsque sa dépouille quittera le château de Windsor et ce dirigera vers la chapelle Saint-Georges.

Signification de l’étendard du prince Philip, duc d’Édimbourg (Photo : The Royal Family)

La bourgade de Battenberg pour un prince répudié : l’origine des Mountbatten

C’est une petite bourgade d’un peu plus de 5000 habitants, située dans le Land de Hesse, en Allemagne, qui a donné son nom à l’une des dynasties les plus célèbres de l’histoire contemporaine. Battenberg servira de titre de consolation à un prince répudié du grand-duché de Hesse. La famille sera protégée par la reine Victoria, qui en bonne entremetteuse, permettra aux Battenberg, devenus Mountbatten au Royaume-Uni, de nouer des unions plus qu’interessantes. Un membre de cette famille est aujourd’hui connu comme le duc d’Édimbourg. À son mariage avec Elizabeth II, le prince Philip a permis aux Mountbatten d’accoler leur nom à celui des Windsor.

La mairie de Battenberg (bâtiment jaune à gauche qui est l’ancien pavillon de chasse de la famille de Hesse), l’église et la place situées sur le Neuburg, à l’emplacement du vieux château de Battenberg. En souvenir d’un séjour passé à Battenberg, le grand-duc Louis III offrira le titre de comtesse de Battenberg à sa belle-sœur (Photo : capture Google Street View)

Lire aussi : Le lien de parenté entre Elizabeth II et le prince Philip : Comment la Reine et son époux sont-ils cousins ?


L’histoire des Battenberg débute à Saint-Pétersbourg. Le prince Alexandre de Hesse, fils du grand-duc Louis II de Hesse, rend visite à sa sœur, Marie, installée à la Cour impériale de Russie. Marie et son frère sont liés par un secret qui leur valait une mauvaise réputation au sein de leur propre famille. Alexandre et Marie ne seraient pas les enfants biologiques de leur père, le grand-duc Louis II de Hesse. Louis et son épouse, Wilhelmine de Bade, vivaient séparés et elle s’était installée au château de Heiligenberg, situé à 12 km de la capitale, Darmstadt.


Au château de Heiligenberg, Wilhelmine fit la connaissance du baron Auguste de Senarclens de Grancy, un aristocrate suisse qui fut l’aide de camp de Louis. Wilhelmine et Auguste seront amants, une relation semi-officielle et connue à la cour. Malgré la séparation entre Wilhelmine et son époux, elle tomba plusieurs fois enceinte. Les biographes et historiens ne peuvent affirmer que les derniers enfants de Wilhelmine sont bien ceux du baron de Senarclens de Grancy, mais selon toute vraisemblance, ce serait bien le cas. Malgré tout, le grand-duc Louis II reconnut tous les enfants de son épouse comme les siens.

Trois des enfants de Wilhelmine de Bade. De gauche à droite : le futur grand-duc Louis III de Hesse, le prince Alexandre de Hesse et la princesse Marie (future tsarine) (Photos : domaine public)

Revenons en Russie, où la princesse Marie de Hesse recevait la visite de son frère. La princesse Marie avait épousé en 1841 le tsarévitch Alexandre Nicolaïévitch, qui deviendra en 1855 le tsar Alexandre II. Marie sera alors connue comme la tsarine Maria Alexandrovna.

Lors de cette visite, Alexandre de Hesse n’a d’yeux que pour la dame de compagnie de sa sœur, une comtesse polonaise du nom de Julia Hauke. Ils entameront une relation amoureuse et décideront de se marier en 1851. Malheureusement, Julia n’appartenait pas à une grande famille. Bien que comtesse lors de leur rencontre, elle était née roturière en 1825. La famille Hauke, d’origine allemande, avait été anoblie en 1829 par le tsar Nicolas 1e, qui avait offert le titre de comte au général Johann Moritz Hauke, le père de Julia, pour ses exploits militaires dans l’armée polonaise.

Johann Moritz Hauke, dit Maurycy Hauke, fut ministre de la Guerre dans l’armée polonaise, pour le compte du tsar de Russie. Le tsar lui offrit le titre de comte en échange de ses services (Photo : domaine public)

Julia Hauke, née en 1825, est la fille de Johan Moritz Hauke et de Sophie Lafontaine, elle-même fille de Leopold Franz Lafontaine, médecin de l’armée du duché de Varsovie. Julia Hauke était devenue pupille, à la mort de son père abattu. Le tsar Nicolas 1e prend alors Julia sous son aile et lui propose de devenir la dame de compagnie de sa belle-fille, Marie.


La bourgade de Battenberg pour un prince répudié : l’origine des Mountbatten

C’est une petite bourgade d’un peu plus de 5000 habitants, située dans le Land de Hesse, en Allemagne, qui a donné son nom à l’une des dynasties les plus célèbres de l’histoire contemporaine. Battenberg servira de titre de consolation à un prince répudié du grand-duché de Hesse. La famille sera protégée par la reine Victoria, qui en bonne entremetteuse, permettra aux Battenberg, devenus Mountbatten au Royaume-Uni, de nouer des unions plus qu’interessantes. Un membre de cette famille est aujourd’hui connu comme le duc d’Édimbourg. À son mariage avec Elizabeth II, le prince Philip a permis aux Mountbatten d’accoler leur nom à celui des Windsor.

La mairie de Battenberg (bâtiment jaune à gauche qui est l’ancien pavillon de chasse de la famille de Hesse), l’église et la place situées sur le Neuburg, à l’emplacement du vieux château de Battenberg. En souvenir d’un séjour passé à Battenberg, le grand-duc Louis III offrira le titre de comtesse de Battenberg à sa belle-sœur (Photo : capture Google Street View)

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Marie et Alexandre de Hesse : les enfants naturels d’un baron suisse ?

L’histoire des Battenberg débute à Saint-Pétersbourg. Le prince Alexandre de Hesse, fils du grand-duc Louis II de Hesse, rend visite à sa sœur, Marie, installée à la Cour impériale de Russie. Marie et son frère sont liés par un secret qui leur valait une mauvaise réputation au sein de leur propre famille. Alexandre et Marie ne seraient pas les enfants biologiques de leur père, le grand-duc Louis II de Hesse. Louis et son épouse, Wilhelmine de Bade, vivaient séparés et elle s’était installée au château de Heiligenberg, situé à 12 km de la capitale, Darmstadt.

Au château de Heiligenberg, Wilhelmine fit la connaissance du baron Auguste de Senarclens de Grancy, un aristocrate suisse qui fut l’aide de camp de Louis. Wilhelmine et Auguste seront amants, une relation semi-officielle et connue à la cour. Malgré la séparation entre Wilhelmine et son époux, elle tomba plusieurs fois enceinte. Les biographes et historiens ne peuvent affirmer que les derniers enfants de Wilhelmine sont bien ceux du baron de Senarclens de Grancy, mais selon toute vraisemblance, ce serait bien le cas. Malgré tout, le grand-duc Louis II reconnut tous les enfants de son épouse comme les siens.

Trois des enfants de Wilhelmine de Bade. De gauche à droite : le futur grand-duc Louis III de Hesse, le prince Alexandre de Hesse et la princesse Marie (future tsarine) (Photos : domaine public)

Revenons en Russie, où la princesse Marie de Hesse recevait la visite de son frère. La princesse Marie avait épousé en 1841 le tsarévitch Alexandre Nicolaïévitch, qui deviendra en 1855 le tsar Alexandre II. Marie sera alors connue comme la tsarine Maria Alexandrovna.

Lors de cette visite, Alexandre de Hesse n’a d’yeux que pour la dame de compagnie de sa sœur, une comtesse polonaise du nom de Julia Hauke. Ils entameront une relation amoureuse et décideront de se marier en 1851. Malheureusement, Julia n’appartenait pas à une grande famille. Bien que comtesse lors de leur rencontre, elle était née roturière en 1825. La famille Hauke, d’origine allemande, avait été anoblie en 1829 par le tsar Nicolas 1e, qui avait offert le titre de comte au général Johann Moritz Hauke, le père de Julia, pour ses exploits militaires dans l’armée polonaise.

Johann Moritz Hauke, dit Maurycy Hauke, fut ministre de la Guerre dans l’armée polonaise, pour le compte du tsar de Russie. Le tsar lui offrit le titre de comte en échange de ses services (Photo : domaine public)

Julia Hauke, née en 1825, est la fille de Johan Moritz Hauke et de Sophie Lafontaine, elle-même fille de Leopold Franz Lafontaine, médecin de l’armée du duché de Varsovie. Julia Hauke était devenue pupille, à la mort de son père abattu. Le tsar Nicolas 1e prend alors Julia sous son aile et lui propose de devenir la dame de compagnie de sa belle-fille, Marie.

Lire aussi : Quel est le profil génétique des familles royales ? Quel est l’haplogroupe Y-ADN des rois européens ?

L’histoire d’amour entre un prince de Hesse et une dame de compagnie au service de la famille impériale

L’union entre Alexandre et Julia Hauke n’était acceptée par personne. L’empereur Nicolas 1e de Russie avait prévu qu’Alexandre de Hesse épouse l’une de ses filles, comme Marie de Hesse avait déjà épousé son fils. Mais Alexandre tenait absolument à épouser Julia, la fille du ministre de la guerre du tsar. Après un court temps de réflexion à l’étranger, Alexandre de Hesse revint à Saint-Pétersbourg et s’enfuit avec sa promise. Ils se marieront à Breslau, en 1851, contre l’avis de tous. Le tsar Nicolas 1e refusa au frère de sa belle-fille de revenir à la Cour et l’interdit de réintégrer l’armée impériale. Alexandre de Hesse et son épouse Julia, trouvèrent refuge dans la patrie d’origine d’Alexandre.

La comtesse Julia Hauke, dame de compagnie de Marie de Hesse (Image : domaine public)

C’est au grand-duché de Hesse qu’Alexandre et Julia Hauke purent s’installer… sous certaines conditions. Ne voulant pas froisser ses relations avec la Russie, le grand-duc de Hesse, qui était à présent Louis III, ne put honorer sa nouvelle belle-sœur en lui offrant le titre de princesse de Hesse auquel elle aurait eu droit si elle était née dans une autre famille. Pour punir Alexandre de son mariage morganatique, il fut retiré de l’ordre de succession au trône du grand-duché de Hesse. Mal vu dans la famille (on le soupçonnait déjà de n’être que le demi-frère du grand-duc), à présent non dynaste, Alexandre put tout de même garder ses titres. C’est son épouse, Julia, qui n’obtint qu’un titre de consolation pour elle et leurs potentiels descendants… celui de comtesse de Battenberg.

Le prince Alexandre de Hesse et la comtesse Julia Hauke se sont mariés en 1851 à Breslau contre l’avis du tsar (Photo : Domaine public)

Lire aussi :La princesse Eugenie est apparentée à Jack Brooksbank, le père de son fils

Une petite ville méconnue en guise de consolation à une union morganatique

Le grand-duc Louis III de Hesse avait fait preuve de générosité en acceptant que son frère ne soit qu’à moitié répudié et puisse tout de même continuer à vivre au Grand-Duché. Il se montra même généreux d’offrir un titre de consolation à sa belle-sœur. Néanmoins, le choix du titre montre bien que cette apparente générosité cachait un cadeau dédaigneux.

Le grand-duc avait déniché une seigneurie située à la frontière de son territoire qui fut autrefois un comté. Au fin fond de la Hesse, située à la frontière actuelle avec le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, se trouve la ville de Battenberg. Cette ville fut au début du 13e siècle le fief d’une branche de la famille Wittgenstein. Ils étaient devenus les comtes de Battenberg. Au bout de quelques décennies seulement, les comtes de Battenberg avaient laissé la ville aux archevêques de Mayence. Leur château fut détruit au fil des décennies et des siècles suivants. Enfin, en 1464, la ville fut absorbée par la Hesse. Depuis lors, la bourgade appartenait à la famille de Hesse.

Le château de Battenberg (sur le « mont Batten) tel qu’il a pu exister au 14e siècle. Le château s’est peu à peu détérioré après la période des comtes de Battenberg, puis très peu utilisé par la famille de Hesse. Le château a été démoli en 1779 (Image : domaine public)

Dans cette ville de Battenberg, on y trouvait donc les ruines de l’ancien château, démoli en 1779. Sur le domaine de l’ancien château avaient été construits différents bâtiments successifs, dont le dernier était un pavillon de chasse, construit en 1732 pour le prince héritier de Hesse. Par la suite, le bâtiment, situé sur le lieu-dit de Neuburg, servit à abriter différents représentants politiques, comme l’administrateur de district. Selon les mémoires de la tsarine Marie (née Marie de Hesse), sa famille avait brièvement séjourné dans cette ville durant son enfance, lors d’une visite dans la région. Battenberg est tout de même située à plus de 150 km de la capitale, Darmstadt.

La bourgade de Battenberg pour un prince répudié : l’origine des Mountbatten

C’est une petite bourgade d’un peu plus de 5000 habitants, située dans le Land de Hesse, en Allemagne, qui a donné son nom à l’une des dynasties les plus célèbres de l’histoire contemporaine. Battenberg servira de titre de consolation à un prince répudié du grand-duché de Hesse. La famille sera protégée par la reine Victoria, qui en bonne entremetteuse, permettra aux Battenberg, devenus Mountbatten au Royaume-Uni, de nouer des unions plus qu’interessantes. Un membre de cette famille est aujourd’hui connu comme le duc d’Édimbourg. À son mariage avec Elizabeth II, le prince Philip a permis aux Mountbatten d’accoler leur nom à celui des Windsor.

La mairie de Battenberg (bâtiment jaune à gauche qui est l’ancien pavillon de chasse de la famille de Hesse), l’église et la place situées sur le Neuburg, à l’emplacement du vieux château de Battenberg. En souvenir d’un séjour passé à Battenberg, le grand-duc Louis III offrira le titre de comtesse de Battenberg à sa belle-sœur (Photo : capture Google Street View)

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Marie et Alexandre de Hesse : les enfants naturels d’un baron suisse ?

L’histoire des Battenberg débute à Saint-Pétersbourg. Le prince Alexandre de Hesse, fils du grand-duc Louis II de Hesse, rend visite à sa sœur, Marie, installée à la Cour impériale de Russie. Marie et son frère sont liés par un secret qui leur valait une mauvaise réputation au sein de leur propre famille. Alexandre et Marie ne seraient pas les enfants biologiques de leur père, le grand-duc Louis II de Hesse. Louis et son épouse, Wilhelmine de Bade, vivaient séparés et elle s’était installée au château de Heiligenberg, situé à 12 km de la capitale, Darmstadt.

Au château de Heiligenberg, Wilhelmine fit la connaissance du baron Auguste de Senarclens de Grancy, un aristocrate suisse qui fut l’aide de camp de Louis. Wilhelmine et Auguste seront amants, une relation semi-officielle et connue à la cour. Malgré la séparation entre Wilhelmine et son époux, elle tomba plusieurs fois enceinte. Les biographes et historiens ne peuvent affirmer que les derniers enfants de Wilhelmine sont bien ceux du baron de Senarclens de Grancy, mais selon toute vraisemblance, ce serait bien le cas. Malgré tout, le grand-duc Louis II reconnut tous les enfants de son épouse comme les siens.

Trois des enfants de Wilhelmine de Bade. De gauche à droite : le futur grand-duc Louis III de Hesse, le prince Alexandre de Hesse et la princesse Marie (future tsarine) (Photos : domaine public)

Revenons en Russie, où la princesse Marie de Hesse recevait la visite de son frère. La princesse Marie avait épousé en 1841 le tsarévitch Alexandre Nicolaïévitch, qui deviendra en 1855 le tsar Alexandre II. Marie sera alors connue comme la tsarine Maria Alexandrovna.

Lors de cette visite, Alexandre de Hesse n’a d’yeux que pour la dame de compagnie de sa sœur, une comtesse polonaise du nom de Julia Hauke. Ils entameront une relation amoureuse et décideront de se marier en 1851. Malheureusement, Julia n’appartenait pas à une grande famille. Bien que comtesse lors de leur rencontre, elle était née roturière en 1825. La famille Hauke, d’origine allemande, avait été anoblie en 1829 par le tsar Nicolas 1e, qui avait offert le titre de comte au général Johann Moritz Hauke, le père de Julia, pour ses exploits militaires dans l’armée polonaise.

Johann Moritz Hauke, dit Maurycy Hauke, fut ministre de la Guerre dans l’armée polonaise, pour le compte du tsar de Russie. Le tsar lui offrit le titre de comte en échange de ses services (Photo : domaine public)

Julia Hauke, née en 1825, est la fille de Johan Moritz Hauke et de Sophie Lafontaine, elle-même fille de Leopold Franz Lafontaine, médecin de l’armée du duché de Varsovie. Julia Hauke était devenue pupille, à la mort de son père abattu. Le tsar Nicolas 1e prend alors Julia sous son aile et lui propose de devenir la dame de compagnie de sa belle-fille, Marie.

Lire aussi : Quel est le profil génétique des familles royales ? Quel est l’haplogroupe Y-ADN des rois européens ?

L’histoire d’amour entre un prince de Hesse et une dame de compagnie au service de la famille impériale

L’union entre Alexandre et Julia Hauke n’était acceptée par personne. L’empereur Nicolas 1e de Russie avait prévu qu’Alexandre de Hesse épouse l’une de ses filles, comme Marie de Hesse avait déjà épousé son fils. Mais Alexandre tenait absolument à épouser Julia, la fille du ministre de la guerre du tsar. Après un court temps de réflexion à l’étranger, Alexandre de Hesse revint à Saint-Pétersbourg et s’enfuit avec sa promise. Ils se marieront à Breslau, en 1851, contre l’avis de tous. Le tsar Nicolas 1e refusa au frère de sa belle-fille de revenir à la Cour et l’interdit de réintégrer l’armée impériale. Alexandre de Hesse et son épouse Julia, trouvèrent refuge dans la patrie d’origine d’Alexandre.

La comtesse Julia Hauke, dame de compagnie de Marie de Hesse (Image : domaine public)

C’est au grand-duché de Hesse qu’Alexandre et Julia Hauke purent s’installer… sous certaines conditions. Ne voulant pas froisser ses relations avec la Russie, le grand-duc de Hesse, qui était à présent Louis III, ne put honorer sa nouvelle belle-sœur en lui offrant le titre de princesse de Hesse auquel elle aurait eu droit si elle était née dans une autre famille. Pour punir Alexandre de son mariage morganatique, il fut retiré de l’ordre de succession au trône du grand-duché de Hesse. Mal vu dans la famille (on le soupçonnait déjà de n’être que le demi-frère du grand-duc), à présent non dynaste, Alexandre put tout de même garder ses titres. C’est son épouse, Julia, qui n’obtint qu’un titre de consolation pour elle et leurs potentiels descendants… celui de comtesse de Battenberg.

Le prince Alexandre de Hesse et la comtesse Julia Hauke se sont mariés en 1851 à Breslau contre l’avis du tsar (Photo : Domaine public)

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Une petite ville méconnue en guise de consolation à une union morganatique

Le grand-duc Louis III de Hesse avait fait preuve de générosité en acceptant que son frère ne soit qu’à moitié répudié et puisse tout de même continuer à vivre au Grand-Duché. Il se montra même généreux d’offrir un titre de consolation à sa belle-sœur. Néanmoins, le choix du titre montre bien que cette apparente générosité cachait un cadeau dédaigneux.

Le grand-duc avait déniché une seigneurie située à la frontière de son territoire qui fut autrefois un comté. Au fin fond de la Hesse, située à la frontière actuelle avec le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, se trouve la ville de Battenberg. Cette ville fut au début du 13e siècle le fief d’une branche de la famille Wittgenstein. Ils étaient devenus les comtes de Battenberg. Au bout de quelques décennies seulement, les comtes de Battenberg avaient laissé la ville aux archevêques de Mayence. Leur château fut détruit au fil des décennies et des siècles suivants. Enfin, en 1464, la ville fut absorbée par la Hesse. Depuis lors, la bourgade appartenait à la famille de Hesse.

Le château de Battenberg (sur le « mont Batten) tel qu’il a pu exister au 14e siècle. Le château s’est peu à peu détérioré après la période des comtes de Battenberg, puis très peu utilisé par la famille de Hesse. Le château a été démoli en 1779 (Image : domaine public)

Dans cette ville de Battenberg, on y trouvait donc les ruines de l’ancien château, démoli en 1779. Sur le domaine de l’ancien château avaient été construits différents bâtiments successifs, dont le dernier était un pavillon de chasse, construit en 1732 pour le prince héritier de Hesse. Par la suite, le bâtiment, situé sur le lieu-dit de Neuburg, servit à abriter différents représentants politiques, comme l’administrateur de district. Selon les mémoires de la tsarine Marie (née Marie de Hesse), sa famille avait brièvement séjourné dans cette ville durant son enfance, lors d’une visite dans la région. Battenberg est tout de même située à plus de 150 km de la capitale, Darmstadt.

L’arrière du Neuburg, un ancien pavillon de chasse de la famille de Hesse, qui fut construit sur les ruines du vieux château de Battenberg. Le bâtiment a abrité différentes institutions. Depuis 1971, il sert de bureau administratif à la ville (Photo : Wikimedia Commons)

Avec l’obtention de ce titre de consolation, le mariage morganatique fut en quelque sorte légitimé. Louis III aida aussi son frère à poursuivre sa carrière militaire. Interdit de retrouver l’armée impériale russe, c’est dans l’armée autrichienne qu’il fut accepté. Au fil des ans, Alexandre et Julia gagnèrent du galon. Louis III se rendit compte des qualités du couple. Alexandre et son épouse auront 5 enfants, tous nés dans une autre ville (Strasbourg, Vérone, Milan, Graz, Padoue), selon où le couple était stationné en fonction des missions militaires d’Alexandre.

En 1858, Louis III fit une fois de plus preuve de bonté et éleva la comtesse Julia de Battenberg au rang de princesse, avec le prédicat d’Altesse Sérénissime. Julia et Alexandra s’étaient installés, entre les missions militaires, au château de Heiligenberg, à quelques kilomètres de Darmstadt. Cette proximité permettait, officiellement de montrer une certaine distance avec le couple répudié, mais aussi à Alexandre, qui était d’une aide précieuse pour son frère, de rejoindre rapidement la cour et la capitale.

Le grand-duché de Hesse était resté très proche de la Russie, là où à présent, Marie, la sœur du grand-duc Louis III et d’Alexandre, était devenue la tsarine. Avec le tsar Alexandre 1e comme beau-frère du Grand-Duc, Hesse reçut l’attention des cours européennes. D’autant plus qu’à partir des années 70, la tsarine Marie fit des visites régulières à sa famille à Darmstadt. Elle aimait retrouver son frère Alexandre et son ancienne dame de compagnie Julia Hauke, devenue princesse de Battenberg. À la mort de Louis III, son neveu, Louis IV monta sur le trône du Grand-Duché, et le parrainage du couple impérial russe ne faiblit pas.

La tsarine Marie en visite en Hesse, au château de Heiligenberg en 1864. La tsarine est au centre et Julia Hauke, son ancienne dame de compagnie en blanc à gauche (Photo : domaine public)

La lecture des mémoires de la tsarine Marie permet de découvrir qu’elle se rendait au moins une fois par an en Hesse, et qu’elle aimait loger en toute intimité dans la plus modeste demeure de son frère Alexandre et de son épouse Julia. Alexandra mourut en 1888 et son épouse, la princesse de Battenberg, en 1895 au château de Heiligenberg. Le regard bienveillant d’une grande puissance comme la Russie sur la famille de Hesse, et même vis à vis de sa branche morganatique de Battenberg, ne passa pas inaperçu aux yeux d’autres grandes puissances… notamment aux yeux de la reine Victoria du Royaume-Uni.


Le château de Heiligenberg, situé à Seeheim-Jugenheim près de Darmstadt, où s’installa la famille répudiée des Battenberg. Le château appartiendra aux Mountbatten jusqu’en 1920 (Photo : Wikimedia Commons)



Les Battenberg trouvent les faveurs de la reine Victoria


La reine Victoria, à qui l’on reconnait ses talents d’entremetteuse, avait réussi à contracter des mariages des plus prestigieux pour ses premiers enfants. Sa fille ainée avait épousé un futur empereur allemand, son fils aîné (héritier du trône britannique) avait épousé la fille du roi de Danemark, et son deuxième fils avait épousé la fille du tsar. Pour sa deuxième fille, la princesse Alice, Victoria s’était tournée vers cette famille proche de la famille impériale, la famille de Hesse. Alice a donc épousé Louis IV de Hesse, neveu de Louis III et d’Alexandre. Alice était alors devenue grande-duchesse de Hesse.

Dix-sept ans séparent la première fille de la reine Victoria et sa dernière fille, Beatrice. Qui pour marier la dernière ? Après avoir scellé une union avec la branche ainée de la famille de Hesse, Victoria se résigna à faire son choix dans la branche morganatique pour trouver un époux à sa fille. En 1885, Beatrice épousa… Henri de Battenberg. Henri n’est autre que le troisième enfant d’Alexandre de Hesse et Julia Hauke, prince et princesse de Battenberg.

La princesse Alice de Battenberg bébé sur les genoux de sa maman, la princesse Victoria. Derrière, se tient la sœur de Victoria, la princesse Beatrice, qui épousera Henri de Battenberg, et la reine Victoria, assise à gauche (Photo : domaine public)

Si la reine Victoria n’eut pas peur de choquer la noblesse de son pays en acceptant le mariage de sa fille Béatrice avec un prince de Battenberg, jugé pas assez prestigieux par certains, c’est aussi parce qu’elle avait pu côtoyer de plus près, l’un des membres de la famille. En effet, Louis de Battenberg, le fils aîné d’Alexandre et Julia, avait épousé la princesse Victoria, l’une des petites-filles de la reine Victoria, en 1884.

Louis de Battenberg avait épousé sa cousine Victoria (étant la petite-fille de la reine Victoria par sa mère, la prince Alice, devenue grande-duchesse de Hesse) et cet homme brillant avait tout de l’homme idéal aux yeux de Victoria. Dès qu’il épousa la petite-fille de la Reine, il rejoignit l’armée britannique. Louis de Battenberg s’engagea dans la Royal Navy. Bien des années plus tard, sous le règne d’Edouard VII, il atteindra même le poste suprême de Chef d’état-major de la Marine.

Louis de Battenberg et Victoria de Hesse-Darmstadt. Louis est le fils de Alexandre de Hesse et de Julia Hauke, prince et princesse de Battenberg. Victoria est la petite-fille de la reine Victoria, par sa mère, la princesse Alice, devenue grande-duchesse de Hesse à son mariage (Photos : domaine public)

Les Battenberg deviennent les Mountbatten

Le prince Louis de Battenberg, né comte de Battenberg, en 1854, avait épousé la petite-fille de la reine Victoria, avec laquelle il eut 4 enfants : Alice, Louise, Georges et Louis. Tous auront une vie mouvementée et connue dans l’histoire, pour différentes raisons. Alice épousera le prince André de Grèce. Ils sont les parents du duc d’Édimbourg. Louise épousera le roi Gustave VI Adolphe et deviendra reine de Suède. Georges sera connu pour avoir été le tuteur du futur duc d’Édimbourg et enfin Louis, est le célèbre comte Mountbatten qui fut vice-roi des Indes.

Les enfants de Louis et Victoria ne sont pas les seuls Battenberg à s’être distingués. Rappelez-vous, la princesse Beatrice, fille de la reine Victoria, avait épousé Henri de Battenberg, frère cadet de Louis. Là aussi, la progéniture masculine d’Henri et Beatrice se distingua dans l’armée alors que leur fille, Victoire-Eugénie de Battenberg, épousera le roi Alphonse XIII et deviendra reine d’Espagne. Elle est donc l’aïeule de l’actuelle famille royale d’Espagne. Notons aussi l’ascension d’Alexandre, frère de Louis de Battenberg qui fut élu souverain de Bulgarie.

En 1917, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques germanophobes modifient leurs noms pour se détacher de leurs racines allemandes. C’est le cas aussi dans les grandes familles et notamment dans la famille royale. La famille royale britannique, qui portait le nom de Saxe-Cobourg-Gotha, prend celui de Windsor, du nom de leur résidence. Chez les Battenberg, définitivement installés au Royaume-Uni, il n’y a pas l’ombre d’une hésitation. Louis de Battenberg, ayant obtenu l’un des grades les plus importants dans la Royal Navy, accepte sa naturalisation et anglicise le nom Battenberg en Mountbatten. Il s’agit de la traduction littérale du nom germanique.

Les Battenberg vivant sur le sol britannique à cette époque adopteront tous ce nouveau patronyme. En échange de leurs titres hessois perdus, le roi George V offrit alors des titres de noblesse britannique à la famille, en fonction de leurs grades ou de leurs mérites. Par exemple, Louis de Battenberg devenu Louis Mountbatten, fut fait marquis de Milford Haven, comte de Medina, vicomte Alderney. Un autre membre de la famille Battenberg, lui aussi engagé dans l’armée, fils aîné de Beatrice et Henri, devint marquis de Carisbrooke, comte de Berkhamsted et vicomte Launceston lorsqu’il prit le nom de Mountbatten.

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La dynastie Mountbatten-Windsor

La princesse Alice de Battenberg, aînée de Louis de Battenberg et Victoria, épousera le prince André de Grèce et de Danemark en 1903. Vivant à l’étranger avec son époux, elle n’adoptera pas le nom anglicisé de Mountbatten, qui fut imposé aux membres de la famille vivant au Royaume-Uni, en 1917. Le prince André est l’un des fils du roi Georges 1e de Grèce. André et Alice ont eu 4 filles et 1 fils, le prince Philippe, né en 1921. La même année meurt Louis, le père d’Alice. Sa mère, Victoria, marquise douairière de Milford Haven s’installe à Kensington Palace pour vivre son veuvage. Pour rappel, elle est la petite-fille de la reine Victoria et donc à l’époque, la cousine du roi George V.

La princesse Victoria de Hesse-Darmstad, devenue princesse de Battenberg à son mariage, puis Victoria Mountbatten, marquise de Milford Haven en 1917. Elle est la grand-mère du prince Philip, duc d’Édimbourg (Image : domaine public)

En décembre 1922, la princesse Alice, le prince André et leurs 5 enfants prennent la fuite, contraints à l’exil alors que des membres de la famille royale de Grèce sont condamnés à mort. André acceptera d’abord l’invitation de la princesse Marie Bonaparte, sa belle-sœur, qui les accueillera à Saint-Cloud. Ensuite, la famille s’installera plus définitivement au Royaume-Uni.

Alors que la princesse Alice présente ses premières crises de troubles mentaux, que le prince André fait des allers-retours en Grèce, puis s’installe avec sa maitresse à Monaco, le prince Philippe vit sous la protection de sa grand-mère, la marquise douairière de Milford Haven. Son oncle, Georges Mountbatten est son tuteur.

Le prince Philippe étudie en Angleterre, en Allemagne, puis en Ecosse. Dès la fin de ses études il s’engage dans la Royal Navy et quelques mois plus tard éclate la Seconde Guerre mondiale. Il correspond pendant la guerre avec la princesse Elisabeth d’York qu’il avait rencontrée en 1939 lors d’une visite du Royal Naval College de Dartmouth. Après la guerre, le prince Philippe abandonnera tous ses titres grecs pour épouser Elizabeth. En 1947, il est fait duc d’Édimbourg à l’occasion de son mariage et il adopte le nom de Philip Mountbatten lors de sa naturalisation.

Le prince Philippe adopte le nom de Philip Mountbatten en mémoire de sa famille maternelle, à l’occasion de son mariage avec la princesse Elizabeth d’York (Photo : Wikimedia Commons)

Philip a choisi le nom anglicisé de sa famille maternelle plutôt que le patronyme de la famille royale grecque qui est lui aussi d’origine germanique, à savoir, Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg. La famille royale grecque descend de la famille royale danoise, elle-même étant une branche cadette de la famille d’Oldenbourg.

Le patronyme du prince Philippe était Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg, une branche cadette de la famille Oldenburg, car son grand-père, petit-fils du roi Christian IX de Danemark a été élu roi des Hellènes (Infographie : Histoires Royales)

En 1957, dix ans après son mariage et cinq ans après être montée sur le trône, Elizabeth II accorde enfin à son époux le titre de prince du Royaume-Uni. Le prince Philip a longtemps été considéré comme le vilain petit canard de la famille royale, surtout par les membres les plus conservateurs, comme la reine mère Mary, veuve du roi George V. La reine Mary est pourtant née princesse de Teck, un titre lui aussi obtenu suite à un mariage morganatique de la famille de Wurtemberg. C’est pourtant la reine Mary qui était contre l’idée que la famille royale adopte le nom de Mountbatten, jugé pas assez assez prestigieux.

À la mort du roi George VI, quand Elizabeth II monta sur le trône, le Premier ministre Winston Churchill souleva la question au Parlement, du changement de nom de la dynastie. Habituellement, une femme sur le trône signifie que la génération suivante adopte le nom de leur père. Néanmoins, il a été décidé par le Parlement que la dynastie resterait celle des Windsor, même lorsque Charles puis William règneront.

En 1960, après la mort de la reine Mary et après la démission de Churchill, Elizabeth II a fait passer un décret pour que ses descendants qui ne portent pas de titres royaux et naissent donc avec un nom civil, puissent avoir le patronyme Mountbatten-Windsor.

Photo prise à Battenberg avec ses maisons typiques en colombages (Photos : WIkiCommons, Abaca)



En unissant son destin à celui du Royaume-Uni, le prince Philip avait dû renier une partie de ses origines germaniques. Ses sœurs avaient toutes épousé des aristocrates allemands, proches du régime nazi. Dans le contexte européen de l’après-guerre, elles n’avaient donc pas été conviées au mariage de leur frère et de la princesse Élisabeth, en 1947. Pour autant, elles estimaient beaucoup Philip, et ce sentiment était réciproque.

 

Ainsi, le duc d’Édimbourg, qui avait organisé ses funérailles avant de mourir, avait fait savoir qu’il souhaitait que des représentants de sa famille allemande, longtemps oubliée, soient présents pour cet ultime hommage. Comme une sorte de réconciliation pour le dernier chapitre de son incroyable existence. Son vœu a été écouté, puisque la reine a invité trois descendants de la famille des sœurs de Philip, à la cérémonie qui se déroulera le samedi 17 avril à la chapelle Saint-Georges. La crise sanitaire ne permet pas une liste d’invités plus exhaustive. D’ailleurs, ces trois princes sont actuellement en quarantaine dans une propriété à Ascot, près du domaine de Windsor.

Le prince Heinrich Donatus de Hesse

Le prince Heinrich Donatus, prétendant au trône de l’Électorat de Hesse, est le petit-neveu du prince Christophe, qui avait épousé la princesse Sophie de Grèce, sœur du duc d’Édimbourg. Il est donc, de ce fait, un lointain cousin du prince Philip, mais également un cousin d’Élisabeth II, puisqu’ils descendent tous deux de la reine Victoria. En 2015, c’est d’ailleurs lui qui avait accueilli la reine lors de sa visite à Francfort. À 54 ans, le prince Heinrich Donatus est également prétendant au trône de Finlande, qui n’est plus une monarchie depuis 1919. Ces derniers temps, il a fait parler de lui dans les médias, puisqu’il a loué son château de Kronberg pour le tournage du film Spencer, biopic sur Lady Diana avec Kristen Stewart dans le rôle-titre.


Le prince Bernhard de Bade

Le prince héréditaire Bernhard de Bade, 50 ans, est le fils du margrave Maximilien, prétendant direct au trône de Bade. Ce dernier est le neveu du prince Philip, mais âgé de 82 ans, il a préféré envoyer son fils aux funérailles. Le prince Bernhard a épousé une consultante en publicité, Stéphanie Kaul, avec laquelle il a aujourd’hui trois enfants. Nommé administrateur des domaines et des biens de sa famille en 1998, il a dû vendre de nombreuses propriétés, pour tenter de remettre à flots les finances de sa maison, gravement endettée. Lors de ses séjours en Allemagne, le prince Philip allait toujours saluer ses cousins de Bade.

Le prince Philipp de Hohenlohe-Langenbourg

Philipp de Hohenlohe-Langenbourg, 51 ans, est le fils du prince Kraft de Hohenlohe-Langenbourg, et donc le petit-fils de Marguerite de Grèce, qui était la sœur du duc d’Édimbourg. Il peut aussi se vanter de compter parmi ses aïeuls la reine Victoria, mais aussi d’avoir la princesse royale Anne pour marraine. Chef de la maison de Hohenlohe-Langenbourg depuis la mort de son père en 2004, le prince Philipp est très investi dans la vie de l’ancienne principauté de Hohenlohe-Langenbourg. Engagé sur les sujets de biodiversité, il soutient les nombreuses initiatives de son lointain parent, le prince Charles. « C'est vraiment un honneur incroyable et nous sommes tous extrêmement touchés et privilégiés d'être inclus au nom de la famille élargie », a déclaré le prince Philipp de Hohenlohe-Langenbourg dans le Daily Mail, en arrivant sur le sol britannique, à quelques jours des funérailles.



Le prince Philip conduit six pieds sous terre dans une paix rageuse

 PAR 


S'installant d'abord à Paris puis à Londres, Philip a fait ses études en Angleterre, en Allemagne et enfin à la Gordonstoun School, fondée par le réfugié juif allemand Kurt Hahn

Philip dissimulait en lui de douloureux souvenirs de sa vie passée. En effet, alors qu'elle était âgée de 26 ans, elle est passée de vie à trépas des suites d'un crash d'avion le 16 novembre 1937.

Issu du côté de sa mère de la dynastie Battenberg, renommée Mountbatten, le duc d’Édimbourg connaît un passé familial des plus tourmentés.


Louis Mountbatten, l’oncle assassiné

Il faisait figure de statue du Commandeur chez les Windsor. Oncle du prince Philip, il a longtemps joué un rôle de père de substitution auprès de l’époux d’Élisabeth II, avant d’être le mentor du prince Charles, son petit-neveu. Fils du prince Louis de Battenberg, devenu en 1917 Lord Mountbatten et 1er marquis de Milford Haven, Louis Mountbatten est un lointain descendant de la reine Victoria. Une parenté qui, toute sa vie durant, le rapprochera de la famille royale. À tel point qu’en 1947, il est nommé vice-roi des Indes. Il sera le dernier à porter ce titre, puisqu’il aura la lourde tâche d’organiser la transition vers l’indépendance du pays, une étape primordiale dans l’histoire de la décolonisation britannique.

 

La vie privée de Lord Mountbatten est agitée, sulfureuse diront même certains. Avec son épouse, Edwina Ashley, ils s’autorisent une certaine liberté dans leur couple. « Edwina et moi avons passé toute notre vie conjugale à entrer dans les lits d'autres personnes », confiera-t-il un jour. D’ailleurs, on raconte que Lord Mountbatten n’a pas que des maîtresses, mais aussi des amants. Il est un habitué du Red House, un établissement de nuit situé à Rabat, au Maroc, où il fréquente de très jeunes hommes. L’historien Andrew Lownie a ainsi détaillé dans un livre, paru en 2019, la vie secrète de Lord Mountbatten, décrit dans des documents classés par le FBI comme « un homosexuel avec une perversion pour les jeunes garçons. »

 

En 1979, Louis Mountbatten, 79 ans, est tué dans l’explosion de son bateau, alors qu’il pêchait dans la baie de Donegal, près de sa maison de vacances en Irlande. Il est l’une des victimes de l’IRA, une organisation paramilitaire qui lutte contre la présence du Royaume-Uni en Irlande du Nord. Son petit-fils, Nicholas Knatchbull, 14 ans, meurt aussi dans cet attentat. La tragédie marquera durablement le clan Mountbatten, la famille Windsor, et plus particulièrement le prince Charles, très proche de son grand-oncle.

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Lord Louis et Lady Edwina Mountbatten en 1958



Alice de Battenberg, la mère internée

La vie d’Alice de Battenberg, mère du prince Philip, a été une succession de drames. Née en 1885 au château de Windsor, elle est atteinte d’une surdité congénitale. Elle doit alors apprendre à parler en lisant sur les lèvres, ce qui ne l'empêchera de maîtriser quatre langues, dont le grec et l’allemand. En 1903, elle épouse le prince André de Grèce, dont elle est tombée follement amoureuse durant le couronnement de son oncle Édouard VII. Installé à Athènes où il fonde une famille, le couple doit fuir quand se déclare la Première Guerre mondiale. Commence alors une longue période d’exil, d’abord en France, dont Alice ne ressortira pas indemne. Elle est en effet prise d’un mysticisme qui inquiète ses proches. Elle assure même avoir rencontré Jésus et Bouddha, et posséder de rares pouvoirs de guérisseuse. Les médecins la diagnostiquent schizophrène. Sa famille l’envoie de force, durant deux ans, dans un sanatorium en Suisse.

 

Quand elle en sort, Alice ne retrouve pas son mari, qui s’est installé sur la Côte d’Azur avec sa maîtresse. Elle entame alors une existence itinérante en Europe, puis retourne en Grèce pour s’occuper des pauvres. Engagée à la Croix-Rouge et fondatrice de la fraternité chrétienne de Marthe et Marie, qui vient en aide aux plus démunis, Alice de Battenberg vit dans la plus grande pauvreté, par choix. Dédiant sa vie aux autres, elle sauve de nombreux Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

 

Elle retrouve l’Angleterre en 1947, pour le mariage de son fils, Philip, avec l’héritière au trône, la princesse Élisabeth. En 1953, Alice de Battenberg assiste d’ailleurs au couronnement de la souveraine, dans son habit de nonne. Prise de crises de sénilité, elle meurt au palais de Buckingham en décembre 1969, après avoir fait don de tous ses biens à des œuvres de charité.

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La princesse Alice, à l'aéroport de Londres en 1965



Cécile de Grèce, la sœur nazie

Le prince Philip a eu quatre sœurs aînées, dont il s’est éloigné rapidement. Notamment parce que ces dernières ont particulièrement frayé avec le régime nazi. À l’instar de Cécile de Grèce, troisième des cinq enfants d'André de Grèce et d'Alice de Battenberg. Malgré une adolescence marquée par la guerre et l’exil, Cécile grandit dans un milieu épanouissant et bienveillant. Considérée comme la plus jolie fille de la famille, elle fait rapidement son entrée dans le monde, multipliant les bals dans lesquels l’emmène sa grand-mère, la marquise de Milford Haven. Elle rencontre alors un prince germanique, lointain cousin, Georges-Donatus de Hesse-Darmstadt. C’est l’idylle : ils se marient en 1931, puis s’installent en Allemagne. Au même moment, Adolf Hitler propage l’idéologie nazie dans tout le pays, et plusieurs personnalités du gotha commencent à la rejoindre, dont Cécile et son époux.

 

En 1937, la princesse Cécile, enceinte de huit mois, embarque à Francfort dans un petit avion, pour assister à un mariage à Londres. Elle est accompagnée de Georges-Donatus, de leurs deux fils, Louis, 6 ans, et Alexandre, 4 ans, ainsi que de la grande-duchesse douairière Éléonore, et du baron Joachim von Riedesel. Alors que l’appareil survole la Mer du Nord, un épais brouillard vient surprendre le pilote, qui perd le contrôle. Quelques minutes plus tard, l’avion s’écrase sur le toit d’un bâtiment, tuant sur le coup tous ses passagers, dont Cécile qui aurait vraisemblablement accouché durant le crash. Les funérailles de la princesse ont lieu à Darmstadt, dans un déploiement de drapeaux et uniformes nazis. Malgré leurs différends, le prince Philip, âgé de 16 , ainsi que ses deux parents, y assistent.


On aimerait être dans la tête de Philippe à cet instant: en dehors du chagrin qu’il devait éprouver face à ce deuil cruel et soudain, que lui inspirait cet entourage inquiétant ? A-t-il pressenti les bouleversements qui allaient suivre ? Il n’avait que 16 ans: bien jeune, malgré une existence déjà chahutée, pour se forger une conscience politique !

Heureusement le destin avait déjà œuvré favorablement pour Philip en mettant sur sa route Kurt Hahn, le pédagogue allemand qui dirigeait l’école de Salem, propriété de Berthold de Bade.
Expulsé d’Allemagne en raison de son opposition au régime nazi et de ses origines juives, Kurt Hahn, réfugié en Grande-Bretagne, fonda l’école de Gordonstoun et y attira Philippe.
La virile, spartiate et sportive éducation prodiguée en ce lieu, marqua à jamais le Duc d’Edimbourg, son fils Charles, aussi, mais pas vraiment avec le même enthousiasme.

c’est ce genre de document qui a rendu difficile le mariage de la future reine avec ce cousin qu’elle aimait .Il a fallu qu’au mariage de la princesse héritière aucun membre de la famille Allemeande du prince Philip n’assiste au mariage .La guerre était encore trop proche en 1947 .




Le grand-duc et la grande-duchesse de Hesse-Darmstadt ont péri dans un accident d’avion à Ostende en Belgique avec leurs deux fils et la duchesse douairière le 16 novembre 1937. Voici le prince Philip de Grèce, frère de la princesse Cecilie lors des funérailles à Darmstadt. Le futur duc d’Edimbourg se trouve entre le prince Philip de Hesse-Cassel et du prince Berthold de Bade. On peut distinguer les saluts nazis parmi la foule.







SoURce : MEDIAPART

Les funérailles, au château de Windsor, du prince Philip duc d’Édimbourg (1921-2021) ont donné lieu à un spectacle réglé comme du papier à musique, dans l’après-midi du samedi 17 avril. Toutefois, il fallait y déceler le contraire de ce qui s’y montrait. 

Démonstration, 

non sans surinterprétation…



À grands pas pour cause de pandémie, les images et les impressions se brouillent. Tous ces gens chamarrés alignés sur du gazon participent-ils à une exhibition patriotique dans un stade de Corée du Nord ?

© Capture d'écran de la BBC© Capture d'écran de la BBC

C'est à n'y plus rien comprendre. Le 15 avril, à Pyongyang, on s'inclinait pour le jour anniversaire de la naissance de Kim Il-sung, qui marque le début de l'ère Juche.

A gauche, en Corée. A droite, en Angleterre. © captures d'écran lapresse.ca et BBCA gauche, en Corée. A droite, en Angleterre. © captures d'écran lapresse.ca et BBC

Le 17 avril, au château de Windsor, la soldatesque royale s'incurve en hommage au prince consort à l'heure de ses funérailles : une page se tourne lentement, comme la lourde porte d'un sépulcre. On en oublierait que Raúl Castro, 89 ans, dételle à Cuba : tout fout le camp, vertigineusement.

© Capture d'écran de la BBC© Capture d'écran de la BBC

Tout se télescope en cas de trépas. Le prince Philip calanche un 9 avril. Cela tombe donc le jour anniversaire du mariage de son fils Charles avec Camilla – c'était en 2005, ledit mariage était prévu la veille, mais l'enterrement du pape Jean-Paul II avait, au dernier moment, décalé les épousailles de 24 heures.

© Capture d'écran de la BBC© Capture d'écran de la BBC

L'ultime message est clair à l'adresse d'un fils prétendant au trône, dont l'accession ne tient plus qu'à un fil des 95 ans  bientôt (le 21 avril), la reine Élisabeth II : ô géniture honnie, je te pourrirai l'existence jusqu'au bout, moi qui avais déclaré vouloir accompagner la souveraine le plus loin possible jusqu'à ses 100 ans, pour que tu règnes le moins longtemps possible, très impossible Charles ! Tu porteras la couronne encore plus brièvement qu'Édouard VII (1901-1910), qui dut attendre la disparition de la reine Victoria, poireautant au portillon jusqu'à ses 60 ans.

© Capture d'écran de la BBC© Capture d'écran de la BBC

Message reçu cinq sur cinq. Au lendemain de la disparition de l'encombrant daron, Charles, 72 ans, déclarait, sur le pas de sa propriété de Highgrove House, avec un sens de l'understatement forcément très britannique  : « My Dear Papa Was a Very Special Person. »

Feu le personnage très spécial avait prévu ses obsèques : « Il ne faudra pas en faire tout un foin. » Ce fut donc en toute grandiose simplicité que, pour la première fois depuis bientôt 70 ans, comme devait le rappeler le commentateur de la BBC lors de la retransmission universelle des obsèques ce samedi 17 avril après-midi, Philip, habitué à marcher trois pas derrière son épouse et souveraine, mènerait la procession ; depuis son cercueil, suivi par ses héritiers sans leur conjoint, tandis que la Bentley royale, contenant Sa Majesté la veuve, fermerait la parade endeuillée.

Et c'est alors que tout se mélange, s'entrelace, s'associe et s'intervertit. Netflix est passé par là, avec la série The Crown. Le protocole de la maison royale britannique doit lutter, en une sorte de bras de fer mémoriel planétaire, contre l'épisode 9 de la saison 2. Philip, alors âgé de 16 ans, assiste aux obsèques de sa sœur et de son beau-frère nazi, dans l'Allemagne hitlérienne.

Philip, lors de ces obsèques, revoit son père, odieux, qui le renie et l'humilie. Le jeune homme s'entend dire par son oncle Mountbatten : « Vous avez découvert la haine que vous inspire un père. Un jour, vous serez père, et vous découvrirez peut-être la haine que voue un fils à votre endroit. » En un ruissellement névrotique, c'est ce qui est arrivé entre Philip et Charles parmi les Windsor-Atrides, dont la communication peine à masquer les failles, les fissures, les lézardes, les brisures et les déchirures qui roulent d'âge en âge, de génération en génération.

© Capture d'écran de la BBC© Capture d'écran de la BBC

Philip, à la fois pompeux et facétieux, avait choisi, pour ouvrir la cérémonie religieuse dans la chapelle Saint-Georges du château de Windsor, une pièce de Jean-Sébastien Bach : Schmücke dich, o liebe Seele, ce qui signifie « Pare-toi, ô chère âme ». La parure et même la parure d'emprunt régente la vie des Windsor, dont l'humour involontaire vaut de l'or. Ces obsèques ne manquèrent pas à la règle, qui firent étalage et parade à la limite du bric-à-brac.

Le roi d'arme principal de la Jarretière (© capture d'écran de la BBC)Le roi d'arme principal de la Jarretière (© capture d'écran de la BBC)

Le pompon fut atteint à la fin de la cérémonie, avant que ne retentît le God Save the Queen. Le roi d'armes principal de l'ordre de la Jarretière (Garter Principal King of Arms), se tenant devant les décoration du défunt, entreprit de lire sa titulature exhaustive, histoire que nous comprissions à quel macchabée nous avions affaire.

© Capture d'écran du Guardian© Capture d'écran du Guardian

Il ne restait plus qu'à boucler la boucle avec Jean-Sébastien Bach. Retentit à l'orgue l'une des pièces les plus puissantes du Cantor de Leipzig : le Prélude et fugue en ut mineur BWV 546. Une façon, de la part du mort, de planter, de sa bière, un dernier clou symbolique dans le cercueil allégorique de son fils Charles : ce morceau de musique fut également joué à la fin de l'enterrement de Lady Diana, en 1997...


La cérémonie religieuse a débuté dans la chapelle autour de David Conner, le doyen de Windsor et archevêque de Canterbury. Il a prononcé ces quelques mots : "Nous sommes ici aujourd'hui dans la chapelle St George pour remettre entre les mains de Dieu l'âme de son serviteur le Prince Philip, duc d'Édimbourg. Avec un cœur reconnaissant, nous nous souvenons des nombreuses façons dont sa longue vie a été une bénédiction pour nous. Nous avons été inspirés par sa loyauté inébranlable envers notre reine, par son service à la Nation et au Commonwealth, par son courage, son courage et sa foi."


La vengeance père-fils est un plat qui se mange froid, même quand le cadavre est encore chaud. Telle était la morale d'un enterrement royal, dont nous n'eussions rien eu à faire s'il n'avait laissé transpirer, au milieu du variant anglais, des invariants tragiques remontant à la plus haute Antiquité, dont Shakespeare sut se repaître...

Avec les Windsor, la feintise est toujours au programme : on croit se reposer béatement tout en parcourant Point de vue - Images du monde, mais voici qu'il nous faut frémir à une resucée suavement cryptée de Macbeth...


Trop souvent ignoré, voilà donc un portrait du prince consort, Philip de Grèce devenu Mountbatten, qui vécut à Saint-Cloud les années traumatiques d'une enfance psychopathique.



RÉTROSPECTIVE 

On ne les y reprendra sans doute jamais plus. La reine d’Angleterre (88 ans) et le prince Philip (93 printemps mardi prochain), après leur visite d’État en France – du 5 au 7 juin –, ne devraient guère quitter leur île : les oiseaux migrateurs à tête couronnée meurent aussi. Et ceux-là auront convolé jusqu’aux limites des lois de la biologie.

1946 : la parade nuptiale d'Elizabeth... © Mediapart

Elle, sourire figé, regard tout empli d’une morgue flapie, front hautainement soucieux, règne : Sa Majesté accompagne le cours des choses, qui ne lui doit rien. Deux pas derrière, parfois les mains dans le dos, le prince suit bêtement le destin : consort il est. Rien, pour ainsi dire. Et longtemps révolté par sa condition de simple « sperme », selon son terme qui fuita voilà plus de 55 ans – il enrageait alors d’être le seul homme du Royaume-Uni à ne pouvoir transmettre son patronyme à ses enfants.

Sans nom, sans travail, sans famille, sans patrie, sans feu ni lieu, l'époux de la reine s’avère un être passionnant – mais toujours prêt à le démentir ; romanesque jusqu’à s’en cacher ; névrosé sous la carapace de la distinction. Admirez, dans la vidéo en pied de cette page, comment il décoche sa botte de Nevers rhétorique à la journaliste Fiona Bruce – elle le houspille à propos de sa carrière dans la marine, interrompue lorsque sa femme monta sur le trône : « Hypothétique » (à 22 min 51). Fin de race à souhait, le Lord grand Amiral de la flotte (titre dévolu en 2011 à l'occasion de ses 90 ans) invite à la taxidermie. Voici donc l’empaillage audiovisuel d’un personnage mythologique – il est révéré comme un Dieu à Tanna, île de l’archipel du Vanuatu (à 10 min 53). Cette vidéo montre comment le couple royal britannique boucle, en 2014, à Paris, une chorégraphie solennelle entamée en 1948, à Paris – leur première sortie commune à l’étranger (à 1 min 40).

Cette vidéo montre surtout un prince gaffeur impénitent (à partir de 9 min 48). Dans sa jeunesse, Philip fut recueilli à Saint-Cloud par Marie Bonaparte, traductrice, disciple et patiente de Sigmund Freud. Si bien que le prince personnifie, à son corps défendant, les rapports du mot d’esprit avec l’inconscient. Le duc d’Édimbourg fut longtemps suspecté, à la cour des Windsor, d’être trop européen, trop allemand donc trop nazi (dans la vidéo ci-dessous, un Mohamed Al-Fayed fou d’amertume reprend cet air de la calomnie avec des accents orduriers : à 8 min et à 11 min 20). Du coup, le consort s’est mué en décalcomanie conformiste de la royauté d’outre-Manche, capable d’engendrer un prince Charles parfaitement inepte (tous deux sont raillés, non sans férocité jubilante, par l’émission Mock The Week de la BBC : à 10 min 08 et à 14 min 37).

Dès qu’il ouvre la bouche, le mari d'Elizabeth décoche des propos considérés comme racistes, qui trahissent son propre travestissement et sa panique d’être découvert. Il faut entendre ainsi sa réflexion à Barack Obama : « Vous parvenez à les distinguer les uns des autres ? », à propos des divers décideurs internationaux que rencontre le président américain (à 19 min 25). Il faut saisir ainsi sa boutade aux étudiants britanniques, à Pékin : « Si vous restez trop longtemps, vous aurez les yeux bridés ! » Sa haine des journalistes (« vous avez les moustiques et moi la presse », lâche-t-il à une infirmière dans les Caraïbes) s'explique par sa hantise d'être débusqué.

Ainsi s'interprète aussi sa bévue, en 2010, à l'endroit d'une cadette de la marine ayant travaillé dans un club : « Un club de strip-tease ? » s'enquiert le consort obsédé par le dévoilement (18 min 43). Et c’est à l’aune du malaise intime princier que s'apprécie cette apostrophe au président du Nigeria, vêtu d'un costume traditionnel africain : « Tiens ! Vous êtes déjà prêt à vous mettre au lit ! » (16 min 12).

Les dérèglements psychiques du monarque sans couronne, en poste depuis 61 ans, donnent parfois des résultats dignes de Dada. Ainsi jabote-t-il, face à une aveugle flanquée de son guide canin : « Vous savez qu’il existe maintenant des chiens mangeurs pour les anorexiques ! »

Oyez ! Oyez ! La reine Elizabeth se transporte chez nous avec, dans son dos, un loustic névrotique pas piqué des hannetons ! Et l'anglais qu'il prononce sonne comme la plus haute marque de mépris de classe dispensée à la face du monde : un régal sonore en voie d'extinction. Il faut entendre le duc répondre, quand on le questionne sur l'accomplissement dont il est le plus fier : « I couldn't care less. Who cares what I think about it, I mean it's ridiculous » (21 min 58).

Le duc d'Édimbourg : les bourdes de la couronne © Mediapart

Philip naît en 1921 à Corfou. Son père, André, est prince de Grèce, fils du roi Georges Ier. Celui-ci, le grand-père de Philip, donc, était danois. 

Son nom ? 

Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg. 

En 1863, son paternel – l’arrière-grand-père de Philip –, qui régnait à Copenhague, l’avait envoyé – c’était ça ou la prison ! – occuper le trône hellène. Ce que Georges Ier fit cinquante années durant, jusqu’à son assassinat, à Salonique, en 1913. Lui succéda son fils aîné, Constantin Ier, oncle de Philip. Mais l’humiliante défaite grecque face à la Turquie, en 1922, précipite la chute de la monarchie et des princes, accusés de trahison. André, le père de Philip, est condamné à mort. La famille est sauvée in extremis par une canonnière britannique et Philip, petit dernier caché dans une caisse d’oranges transformée en couffin de fortune, quitte précipitamment Corfou avec sa smala au sang bleu.

Marie Bonaparte et Georges de Grèce...Marie Bonaparte et Georges de Grèce...

La petite tribu a tout perdu. Elle est abritée à Saint-Cloud, en France, par des gens étonnants : un oncle paternel de Philip, Georges de Grèce, homosexuel épris du prince Valdemar de Danemark, qui a toutefois épousé la richissime princesse Marie Bonaparte. Celle-ci, pionnière de la psychanalyse en France, fait grand cas de sa frigidité, qu'elle combat en consultant Freud, en se faisant opérer du clitoris et en couchant avec Aristide Briand.

L’enfance de Philip se passe donc sur les hauteurs de Paris. Il vit là ses seules années au sein d'une cellule familiale appelée à se disloquer. Bientôt, ses sœurs, toutes plus âgées que lui, épouseront des Allemands de la haute, qui, par la force des choses, deviendront nazis. L’aînée des quatre, Cécile, périt avec son époux dans un accident d’avion, en 1937. Les funérailles, à Darmstadt, auxquelles assiste Philip, âgé de 16 ans, donnent lieu, en présence de Göring, à une débauche de rituels hitlériens.

Une fois ses filles casées, le père de Philip s’éclipse dans le sud de la France avec sa maîtresse, l’actrice de cinéma Andrée Lafayette (1903-1989), arrière-petite-fille de Valtesse de La Bigne, maîtresse de Napoléon III et d’au moins trois peintres : Manet, Courbet et Boudin ! Philip ne reverra quasiment jamais ce père volatilisé, qui meurt à Monte-Carlo en décembre 1944.

Quant à la mère, elle est déclarée schizophrène et envoyée se faire soigner quelques rudes années en Suisse. Cette arrière-petite-fille de la reine Victoria est née, en 1885, au château de Windsor – ce qui devait permettre à Philip de remettre à leur place les courtisans dédaigneux lui faisant visiter la demeure royale en croyant tout lui apprendre du lieu prestigieux, juste après son mariage avec la princesse Elizabeth d’Angleterre en 1947...

Le duc d'Edimbourg et sa mère...Le duc d'Edimbourg et sa mère...

Cette mère est une princesse de Battenberg. En Angleterre, ce nom fut transformé en Mountbatten durant la Première Guerre mondiale (de même que Saxe-Cobourg-Gotha fut métamorphosé en Windsor), quand la germanophobie britannique atteignit son comble. Cette mère devait se convertir à l’orthodoxie et faire montre d'un fougueux mysticisme (tout en versant dans l'occultisme, l'ésotérisme et l'écriture automatique).

Elle allait même fonder un ordre religieux extravagant et se déguiser, avec une obstination maniaque, en moniale. Installée dans la capitale grecque après avoir quitté son asile psychiatrique helvète, elle devait accomplir d’étonnants prodiges, luttant sans relâche pour “ses” pauvres et sauvant, en 1943, une famille juive au point d’être élevée au rang de « Juste parmi les nations », en 1994, à Jérusalem.

Cette Alice de Battenberg fait d'étranges apparitions dans la vie de son fils. Lors du couronnement de 1953, elle surgit sous les cintres de Westminster, spectrale dans sa tenue de nonne excentrique. En 1967, au moment du coup d’État des colonels en Grèce, un avion britannique l'exfiltre d’Athènes, comme un navire de Sa Majesté l’avait sauvée de Corfou en 1922. Alice de Battenberg s'éteint en 1969 au palais de Buckingham. Elle y hantait les couloirs, regagnant sa petite chambre d’où s’exhalaient des parfums byzantins…

Dans les années 1930, une fois sa famille désintégrée, le jeune Philip avait finalement trouvé refuge dans une école en Écosse. Adieu Marie Bonaparte, son mari et l’amant d’icelui ; bye-bye le père ahuri, la mère ahurissante et les sœurs égarées dans l’Allemagne nazie ! Sa grand-mère maternelle anglaise veilla sur lui : Victoria de Hesse-Darmstadt, dont le fils puîné, Louis de Mountbatten (1900-1979), futur vice-roi des Indes qui devait finir assassiné par l’IRA, prit sous son aile protectrice ce neveu traumatisé mais déjà capable de le cacher.

Philip, ainsi cornaqué par le petit frère de sa mère, allait rejoindre la Royal Navy pour combattre les Japonais dans le Pacifique. Pensant avoir trouvé sa voie, il adopte le nom de Mountbatten. C’est donc Philip de Mountbatten, lointain cousin esseulé, qu'élit en 1946 la princesse Elizabeth, le plus beau parti planétaire de cet après-guerre. Voici un Philip complètement européen, pluri-culturel et pluri-lingue, ayant couru le monde. Il tente cependant de le faire oublier pour complaire aux réactionnaires du palais, au premier rang desquels sa belle-mère, qu’il subira jusqu’en 2001 – elle est morte à 101 ans.

La reine mère, veuve de George VI, se méfie de ce gendre aux racines multiples. Il lui rappelle ce frisson du grand large qui avait menacé la monarchie britannique, en 1936, au moment de l’abdication d’Edouard VIII à cause d'une intruse déstabilisatrice, l’Américaine Wallis Simpson. Philip doit passer sous les fourches caudines d’un matriarcat vétilleux (accentué dans les premières années par la propre belle-mère de sa belle-mère, la reine Mary, veuve de George V !).

Le prince consort bâillonne en lui tous les souvenirs grecs, danois, allemands, français et autres, pour se fondre en archétype d'une tradition limitée, grelottante et à courte vue, propre à cette désespérante Angleterre insulaire, fière de son orgueil et de ses préjugés. Le zéphyr se fait miasme, tant l’ouverture passe pour injure et l’étouffement pour serment.

Aujourd'hui, le vieil homme de 93 ans, consort compassé, ne symbolise-t-il pas l’Europe hautement aventureuse se sacrifiant sur l’autel des mesquineries locales ? « Never complain and never explain », disent-ils depuis Disraeli. À rebours de cette morale aveugle de refoulés, Mediapart aura tenté d’éclaircir, sinon d’attendrir…





OBSÈQUES 


Le prince Philip a été inhumé dans le caveau royal

La reine Elizabeth II (à gauche) regarde le cercueil de son défunt mari le prince Philip, duc d’Édimbourg, dans la chapelle St George du château de Windsor.
La reine Elizabeth II (à gauche) regarde le cercueil de son défunt mari le prince Philip, duc d’Édimbourg, dans la chapelle St George du château de Windsor.


La Reine Elizabeth II était assise seule dans la chapelle Saint-Georges, conformément aux règles de distanciation sociale.

Le cercueil du Prince Philip a été descendu dans le caveau royal, une crypte sous la chapelle. Les clairons de la marine royale et l'hymne britannique, God Save The Queen, ont retenti. Les participants à la cerémonie quittent la chapelle.

La dépouille du duc d'Edimbourg restera dans le caveau royal jusqu'à ce que la reine l'y rejoigne à sa mort. Les époux ainsi réunis auront alors pour dernière demeure la chapelle du Memorial du roi George VI, père d'Elizabeth II.


En photos, l'intense émotion du prince Charles

Le prince Charles est apparu particulièrement ému tout au long de la cérémonie d'obsèque de son père, le prince Philip.
Reuters

Reuters

Kate Middleton porte un collier de la reine

Kate Middleton a arboré un collier que la reine avait porté dans les années 1980 et 1990. Le somptueux bijoux a également été porté par la belle-mère de Kate, la princesse Diana, lors d'un banquet d'État aux Pays-Bas en 1982.

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Reuters

Harry et le prince William marchent côte à côte

A la sortie de la chapelle, Harry et le prince William, seuls, font quelques pas côte à côte, en discutant. Les deux frères, que l'on sait fâchés, tiennent à montrer une certaine unité après cette cérémonie d'obsèques.


Les airs qui ont été joués

Le prince Philip avait lui-même choisi un certain nombre d'airs qui ont été joués durant cette cérémonie, notamment Eternal Father, l'hymne de la Royal Navy ou encore The Rhosymedre, joué lors de l'enterrement de Lady Di, et des mariages de ses fils,  William et Harry.
Il y a aussi eu deux chansons composées pour lui, Jubilate in C, un air incontournable dans les églises du Royaume-Uni, écrite par Benjamin Britten pour le Duc d'Edimbourg en 1961. Et le Psaume 104, par le guitariste William Lovelady, chanté pour la première fois pour son 75e anniversaire en 1996.

L'hymne britannique a retenti au cœur de la chapelle Saint-Georges en hommage au duc d'Édimbourg


Windsor (Royaume-Uni)

Elizabeth II et son royaume font leurs adieux au prince Philip

Windsor (Royaume-Uni) - L'heure des adieux au prince Philip est venue pour la famille royale britannique, qui enterre samedi celui qui pendant plus de sept décennies a épaulé sans relâche Elizabeth II et la couronne, lors d'une cérémonie en comité restreint à cause du coronavirus.

Kaya Mar présente un portrait qu'il a peint du prince Philip, devant le château de Windsor, le 17 avril 2021

Kaya Mar présente un portrait qu'il a peint du prince Philip, devant le château de Windsor, le 17 avril 2021

afp.com/Tolga Akmen

Le duc d'Edimbourg sera inhumé dans le domaine du château de Windsor, où Philip a rendu son dernier souffle le 9 avril après une vie au service de la monarchie depuis son mariage, il y a 73 ans, avec sa "Lilibet". 

Quelques jours avant son 95e anniversaire, la reine perd celui qui était selon ses propres mots sa "force" et son "soutien", celui qui depuis son couronnement en 1952 s'est placé en retrait. Connu pour son franc-parler et son humour flirtant parfois avec le racisme ou le sexisme, le prince consort à la longévité record dans l'histoire britannique aurait eu 100 ans le 10 juin. 

Les circonstances aidant, le souhait du duc d'Edimbourg d'éviter des funérailles en grande pompe sera respecté davantage même qu'il ne l'aurait initialement imaginé. 

En vertu des règles sanitaires en vigueur en Angleterre, seules 30 personnes - au lieu de 800 - assisteront à la cérémonie, masquées et espacées. Une démarche destinée à montrer que les consignes ne souffrent pas d'exception et saluée à Londres par Roger Charles Brackin, venu se recueillir devant le palais de Buckingham, "car d'autres gens qui ont perdu un membre de leur famille ont dû faire avec ces contraintes". 

Bien que le public ait été appelé à ne pas se rassembler devant les résidences royales en raison de la pandémie, Windsor bruisse de badauds et d'habitants, bouquet à la main. 

"Après la cérémonie, je laisserai ces fleurs près du château", explique à l'AFP Maggy Kalpar, 45 ans. "On était habitués à sa présence", souligne cette habitante installée à Windsor depuis 18 ans, venue "dire adieu à l'un de ses voisins": "C'est un homme incroyable qui nous quitte, tout le pays est tellement triste".  

Saluant le dévouement du prince Philip, Santosh Singh, un chef cuisinier venu déposer des tulipes au palais de Buckingham, raconte sa peine, et espère "qu'avec le temps tout ça changera pour une autre ère". 

- "Inébranlable loyauté" - 

En deuil national depuis la mort du duc d'Edimbourg, le Royaume-Uni est appelé à observer une minute de silence à 15H00 locales (14H00 GMT), au début de la cérémonie religieuse. 

Retransmises à la télévision, les obsèques reflèteront le passé militaire que portait fièrement Philip, qui a combattu dans la marine pendant la Seconde Guerre mondiale. 

Recouvert de son étendard personnel, son épée, sa casquette de la marine et d'une couronne de fleurs, son cercueil a quitté en fin de matinée le chapelle privée du château pour le hall du château. 

En début d'après-midi, il sera transporté à bord d'un austère Land Rover vert militaire que le duc d'Edimbourg a lui-même contribué à concevoir. 

La fanfare des Grenadier Guards, dont Philip a été le colonel pendant 42 ans, mènera la procession jusqu'à la chapelle Saint-George, où se tiendra la cérémonie religieuse. 

Le doyen de Windsor doit y louer son "inébranlable loyauté" envers la reine, son "courage", sa "force d'âme" et sa "foi". 

L'archevêque de Canterbury Justin Welby, chef spirituel des anglicans, donnera la bénédiction à la fin de l'office. 

- Retrouvailles - 

Pour les Windsor, ces funérailles sont aussi l'occasion de se réunir après les crises récentes. 

C'est la première fois depuis sa mise en retrait tonitruante de la monarchie et son départ outre-Atlantique que le prince Harry retrouvera en public la famille royale, marquée par l'ombre des accusations de racisme et d'indifférence que son épouse et lui-même ont portées lors d'une interview retentissante accordée à Oprah Winfrey. 

Enceinte de leur deuxième enfant, l'épouse de Harry, Meghan Markle, est restée aux Etats-Unis sur les conseils de son médecin. 

- Un cousin entre deux frères - 

Unis en 1997 derrière le cercueil de leur mère Diana, les deux frères, William et Harry, marcheront sur la même ligne pour suivre le cercueil de leur grand-père. Mais leur cousin Peter Phillips prendra place entre eux, un choix abondamment commenté dans la presse. 

Sur le plan vestimentaire néanmoins, la famille royale britannique va s'attacher à présenter un front uni. Tous seront en tenue civile, une manière d'éviter de distinguer les princes Andrew et Harry, tous deux très attachés à l'armée mais en retrait de la monarchie. 

Même s'il appartient toujours à la Navy, l'apparition en uniforme du prince Andrew, deuxième fils de la reine et ex-pilote d'hélicoptère, aurait fait mauvais genre vu son amitié avec le défunt financier Jeffrey Epstein, poursuivi pour trafic de mineures. 

A la fin de la cérémonie, le cercueil sera descendu dans le "Royal Vault", crypte où il restera jusqu'à ce que la reine l'y rejoigne à sa mort. Les époux ainsi réunis auront alors pour dernière demeure la chapelle du Memorial du roi George VI, père d'Elizabeth II. 



Le Royaume-Uni et la famille royale sont en deuil depuis vendredi et le décès du prince Philip, duc d'Edimbourg. Marié à la reine Elizabteh II depuis 1947, le patriarche de la famille royale à vécu principalement dans l’ombre de la vie de la reine. Point de vue retrace la vie et le parcours d'un homme grandement apprécié par le peuple Britannique comme en témoigne la couverture médiatique et l'hommages ayant suivi sa disparition .

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Le Prince Philip était un spécialiste de la gaffe, même en représentation officielle. Certaines peuvent être considérées comme déplacées, voire racistes. Cela lui a coûté une mauvaise réputation à l'étranger, particulièrement dans certains pays du Commonwealth. Parmi les plus connues, lors de la récession de 1981, il dit à des chômeurs : « Je ne comprends pas : d’abord ils disent qu’ils veulent plus de loisirs, et maintenant ils se plaignent d’être sans emploi ». Autre exemple, ici en 1986 à des étudiants britanniques en stage en Chine, « Ne restez pas trop longtemps, sinon vous allez avoir des yeux bridés ».

QUOI QU'IL EN COÛTE...


QUOIQU’IL EN COÛTE OUI, QUOIQU’ON FASSE, EUH...

La vie n’a pas de prix... mais elle a un coût. Et celui des vies sauvées depuis un an est-il encore sur une trajectoire rationnelle ?





Terrible bilan : plus de 100 500 morts depuis le début de la pandémie du COVID-19 en France, 15 500 pour 100 000 habitants, ce chiffre pouvant aller vers 17 600 fin août, selon le site IHME.

D’après cette même source, le nombre de nouveaux cas journaliers devrait baisser de 40 000 à 600 à cette même date, ce qui serait alors un succès, mais nous sommes accoutumés aux écarts entre prévisions et réalisation. Tenons-nous en donc aux faits : actuellement, pour 100 000 habitants, le nombre de morts en France est moins élevé qu’au Royaume-Uni (22 300), qu’en Espagne (18 100) ou qu’aux États-Unis (17 100), mais bien plus qu’en Allemagne, avec 9 400. La France est le cinquième pays au monde par le nombre officiel de cas : 5,2 millions.

De tels niveaux et de tels écarts conduisent à s’interroger sur les politiques suivies ici, combinant la dynamique de la maladie, les mesures prises pour la freiner, l’effet des vaccins et les comportements de chacun. 

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1 - Le « quoiqu’il en coûte » a été un mot humaniste d’Emmanuel Macron, un réflexe politique, diront ses détracteurs, avec peut-être un contenu économique, mais... Il contraste surtout, parmi l’ensemble des commentaires des leaders mondiaux, avec ceux de Donald Trump, pour qui Cure cannot be worse than Problem. Pour l’ancien Président américain en effet, le coût du soin ne peut être pire, autrement dit : plus élevé, que celui du problème, autrement dit : de la maladie, et peut-être même que « la valeur du malade ». Qui sait ce qu’il avait en tête ? En France, on a plutôt commenté une version d’« une vie n’a pas de prix », ce qui faisait dire à certains : certes, mais la sauver a un coût. Pour les économistes, peuple sans âme comme chacun sait, sauver une vie en a toujours un. Le coût de la vie varie, autour de 3 millions d’euros, d’autant qu’il faudra tenir compte, avec la pandémie, outre les vies perdues, de celles gâchées par le chômage et des angoisses. Mais, en économie, il s’agit surtout d’optimiser la dépense pour obtenir la plus forte efficacité dans la durée, en termes de vies et de qualité de la vie. 

2 - Le « quoiqu’il en coûte » macronien a eu un sens économique momentané : « ne paniquez pas ». Mais il doit être limité dans le temps, compte-tenu de ses effets pervers, liés à l’aléa moral. Si « je » ne risque plus rien, puisque l’État m’aide, me finance, me subventionne, alors je ne dois pas changer mes comportements, puisque je suis garanti dans mes revenus. « Ne paniquez donc pas », consommateurs en épargnant plus que de raison, entrepreneurs en arrêtant vos embauches, vos investissements ou en payant le plus tard possible vos fournisseurs. Car si vous tous paniquez, c’est une crise autoentretenue qui se met en place, faisant baisser l’activité (on l’a vu), puis les prix (on a commencé à le voir), ce qui doit être arrêté au plus vite.

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3 - Donc ce « quoiqu’il en coûte » est utile mais ne peut demeurer longtemps, car il se retourne vite contre son intention, surtout si  le virus devient plus dangereux, rebelle et long à traiter qu’on le pensait.  Car le message risque de devenir un inextricable « n’importequisme ». Il s’agissait au début de sauver les personnes les plus fragiles, puis, avec des mesures de fermetures partielles ou totales, de sauver les emplois, les entreprises… mais sans réflexion sur la nature et l’évolution de la pandémie, sans sélection des moyens pour y faire face, sans stratégie, sans borne. 

4 - La seule démarche efficace, humainement et financièrement, est de « faire en sorte d’optimiser la stratégie de dépense ». Ce n’est pas facile, surtout si l’on est imprécis, variable ou confus dans les mesures et, pire, perçu comme faible, compréhensif ou « charitable », dans leur mise en application. « Faire en sorte » veut dire tester les possibilités des entreprises pour gérer les mobilités liées au travail et maintenir fermement un noyau d’obligations : les masques, les mesures personnelles de distanciation au travail, dans les transports et les activités de consommation. Autrement, la dépense publique n’aura pas de limite rationnelle, donc pas d’efficacité, avec tous les dangers financiers qu’elle amène. C’est bien ce qui arrive, avec 500 milliards de coûts totaux, quand la Cour des comptes fait ses calculs, qui s’accumulent aux publications sur la dette et sur la fragilité des entreprises.  

5 - Le « quoiqu’il en coûte », faute de stratégie claire et affirmée, fait augmenter la dette publique. Il est toujours possible d’étudier ce qu’ont fait les autres pays, mais sans oublier qu’il y a en France des… Français ! Tester : s’ils veulent et si c’est assez tôt, répandu et efficace ; Tracer : s’ils acceptent ; Isoler : que diront les défenseurs des libertés ? Israël a sans doute acheté cher ses vaccins, mais est un pays qui accepte, en bonne part, des règles de traçage et d’isolement, parce qu’il est en guerre. « Zéro COVID » marche en Australie et en Nouvelle Zélande, deux pays très éloignés des grands mouvements de population et… deux îles. Le Royaume-Uni a endigué une première vague catastrophique grâce à une première dose d’un vaccin, acquise de façon problématique, la seconde étant repoussée dans le temps pour freiner l’épidémie, jusqu’à ce que l’on s’inquiète de risques de thrombose. 

6 – Pas de surprise donc si le déficit public et la dette montent, même si on tente d’atténuer cette tendance dans les présentations officielles. « En 2020, la dette de l’État s’est fortement accrue (+ 178 Md€), atteignant 2 001 Md€. Le besoin de financement de l’État s’est situé en 2020 à un niveau exceptionnellement élevé (309,6 Md€), en très forte hausse (+ 89,1 Md€) par rapport à 2019… La poursuite de la baisse des taux d’intérêt permet toutefois, malgré l’augmentation de l’encours de dette, une nouvelle diminution de la charge d’intérêts en 2020 » note quand même la Cour des Comptes, dans son analyse du budget 2020. Moins prudent, le Haut Conseil des finances publiques calcule que le ratio de la dette publique augmentera officiellement de 20 points de PIB entre 2019 et 2021, pour atteindre 118 points de PIB, et y restera jusqu’en 2027. Et encore, « cette trajectoire suppose notamment la matérialisation d’un scénario de croissance et d’inflation que le Haut Conseil juge relativement favorable. Elle suppose aussi la poursuite dans la durée d’un ajustement structurel au moins égal à celui inscrit, mais non documenté encore, dans le programme de stabilité. » On aura compris que le ratio dette/PIB n’a pas fini de monter, sauf mesures énergique d’économies. Mais lesquelles ? Et on n’oubliera pas qu’avec une croissance de 1% par an, le Rapport Arthuis de mars 2021 le voit à 150% en 2030 !

7 – Le « quoiqu’il en coûte » fait augmenter aussi la dette privée des entreprises, avec ses risques, sans qu’on le perçoive dans les chiffres agrégés. En effet, la dette brute des entreprises a augmenté de 220 milliards en 2020 (140 de crédits bancaires et 80 de crédits de marché), mais avec 200 milliards en plus de trésorerie ! En fait, les PME s’endettent massivement, ce qui est source de fragilité à moyen terme, des entreprises saines doivent s’endetter aussi, ce qui peut freiner leur expansion, enfin des entreprises prospères ont pu accumuler de la trésorerie « pas chère » comme une sorte d’assurance et le moyen de faire par la suite de fructueuses acquisitions… L’histoire n’est donc pas finie.

8 – Le « quoiqu’il en coûte » ne dit pas ce qu’il en coûtera, avec MMT et ISF qui se joignent au groupe ! La MMT (Modern Monetary Theory) endort tout le monde, en disant que l’épargne étant abondante, les taux sont bas, donc le resteront ! Ce qui oublie la remontée des emprunts américains pour financer leur reprise, avec un regain d’inflation associé. Avec l’ISF promise, les ménages épargnent, contraints et inquiets, ce qui fait baisser ici les taux et réalimente le dangereux excès d’épargne liquide, pour pouvoir continuer !

9 – On trouvera un jour un vaccin durable et abordable contre le COVID-19, mais on cherche toujours ce qui pourra réduire l’égoïsme et l’irresponsabilité privée, avec l’irréflexion publique. « Quoiqu’il en coûte », c’est : «vous verrez ce qu’il vous en coûtera, si vous ne réfléchissez pas et n’êtes pas courageux».