C dans l'air du 1er septembre - Afrique : la France doit-elle partir ?
LES EXPERTS :
- NICOLAS NORMAND - Ancien ambassadeur de France au Mali, Congo et Sénégal
- ANNA SYLVESTRE-TREINER - Rédactrice en chef du Monde Afrique
- ANNE NIVAT - Grand reporter au magazine Le Point
- WASSIM NASR - Journaliste spécialiste des mouvements djihadistes à France 24
C'est une multitude de putschs qui frappe actuellement la région du Sahel, en Afrique. Après Abourahame Tiani qui a éjecté du pouvoir le président nigérien Mohamed Bazoum il y a un mois, c'est au tour du général Oligui Nguema de renverser le président gabonais Ali Bongo, après 56 ans de règne. Si la France n'a pour l'instant pas cédé à la pression de Niamey et laissé son ambassadeur en poste dans la capitale nigérienne, c'est bien la présence militaire française au Sahel, qui est remise en cause depuis plusieurs semaines. Une idée qui ne manque pas d'agacer Emmanuel Macron. « On vit chez les fous », s'est emporté le président français lors de la conférence des ambassadeurs qui s'est tenue en début de semaine. « Si la France n'était pas intervenue, si Serval, puis Barkhane n'avaient pas été décidées, nous ne parlerions plus aujourd'hui, ni de Mali, ni de Burkina Faso, ni de Niger. Ces États n'existeraient plus aujourd'hui dans leurs limites territoriales. » Depuis plusieurs années, les groupes terroristes ont considérablement renforcé leur présence au Sahel, de l'Etat islamique à Boko Haram en passant par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans. Autant de menaces directes pour la population, mais aussi pour la France qui dispose de nombreux intérêts économiques dans la région. Au Gabon, TotalEnergies exploite des gisements de pétrole tandis que la société Eramet extrait, transforme et exporte le manganèse. D'où le maintien sur place de 400 militaires français. Alors que le président de la transition, Oligui Nguema doit prêter serment ce lundi, va-t-il remettre en question les intérêts de la France au Gabon ?
Une chose est sûre, ce nouveau coup d'État confirme l'instabilité politique de l'Afrique francophone, qui a connu 8 putschs ou tentatives de putschs en seulement 3 ans. Chez les voisins du Gabon, on observe avec attention la chute d'Ali Bongo. Élu sept fois, au pouvoir depuis 40 ans, le président camerounais Paul Biya pourrait-il subir le même sort ? C'est ce que craignent certains experts de l'Afrique subsaharienne. « Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut », avait-il lancé en 2015 lors d'une visite de François Hollande. Là encore, la présence française est contestée, notamment par la Russie dont la société paramilitaire Wagner a renouvelé des accords de défense avec Yaoundé en avril 2022, et surtout par les djihadistes de Boko Haram qui restent très actifs dans le nord.
La menace terroriste a d'ailleurs frappé une fois de plus ce 29 août, en Irak cette fois. Le sergent Nicolas Mazier, membre des forces spéciales, a été tué lors d'une attaque terroriste à une centaine de kilomètres au nord de Bagdad. Quatre autres militaires français ont été blessés lors de cette embuscade qui a été conduite par le groupe État islamique. C'est la première mort en combat depuis janvier 2022 pour les forces tricolores. Près de 600 militaires français sont engagés dans la zone irako-syrienne, notamment depuis le lancement de l'opération « Chammal » en 2014. La France cherche à conserver sa coopération militaire avec Bagdad depuis plusieurs mois. Ce n'est pas un hasard si le nouveau ministre des Armées, Sébastien Lecornu a choisi, comme premier déplacement à l'étranger, de se rendre au Qatar et en Irak du 16 au 20 juillet dernier. Un déplacement ô combien stratégique alors que l'armée irakienne a entamé un processus de modernisation de son équipement militaire. La France compte bien en profiter.
La France doit-elle s'inquiéter de cette série de putschs au Sahel ? La situation va-t-elle profiter aux groupes djihadistes ? Quels sont les intérêts économiques et stratégiques dans cette zone ? Et comment le gouvernement compte-il relancer son partenariat militaire avec l'Irak ?