mercredi 21 novembre 2012

LEGENDES ET REALITES





Qui va à Ploumanac'h en repart stupéfait ! Ses sens ont explosé ! Comment traduire en langage humain ces éclats de violence et de sérénité ? Par un éclatement de textes…Voilà pourquoi, devant la réalité de ce chaos tellurique, une nageuse converse avec un monstre rocheux … appelé par le murmure des sirènes et les forces du grand large, un jeune homme s'en va nourrir les morts une certaine nuit …sous l'effigie de saint Guirec, une femme attend un signe de son frère parti au bout du monde… inspiré par les grottes des Traouiero un archiviste subit en souriant le bannissement des lépreux … un habitant fait défiler sa vie en bande dessinée… d'autres consomment sur le zinc la querelle du château…
Ici l'imagination est maîtresse du site …laissez-vous guider…
 
 
UN SANCTUAIRE BRETON…
« Depuis Lannion, je me rendis à Ploumanac'h dans un très vieux landau tiré par un très vieux cheval blanc. L'un et l'autre avaient derrière eux leurs plus beaux jours et allaient vers les pires. La pauvre bête grignota les sept miles qui se déroulaient devant elle avec une lenteur patiente et pathétique, et ce d'autant plus que le soir précèdent, son propriétaire naïf (et quelque peu éméché) m'avait dit avec un enthousiasme injustifiable : « Monsieur, c'est un brave cheval, il va faire le voyage
d'un seul bond ! ». Il en allait de même pour le landau. Le temps l'avait tellement laminé qu'une simple secousse aurait suffit pour répandre ses débris sur la route caillouteuse, j'étais dans un état proche de la crise de nerfs alors que nous cahotions à flanc de coteau, accompagnés par les protestations cliquetantes des rouages branlants et les gémissements, affaiblis des antiques ressorts usés. Les roues de la carriole tournaient si lentement que j'avais l'impression d'être enveloppé dans un rêve cotonneux, hors du temps
Quand le cheval fourbu s'arrêtait pour reprendre son souffle, mon conducteur se tournait à demi sur son siège pour voir comment je réagissais, avec le regard désespéré de celui qui attend les critiques. S'il m'avait connu, il se serait épargné ses craintes : la précipitation est une valeur qui n'a pas sa place dans ma nature : je pense au contraire qu'il faut faire le chemin de la vie lentement et sans peine et s'arrêter, si tant est que l'on puisse s'arrêter, pour s'attarder sur tout ce qui présente de l'intérêt.
Quel intérêt à se hâter le long de ce bref parcours pour l'achever dans un épilogue qui n'en est pas un, avec les bribes de ce que l'on a vécu trop vite enfouies dans la mémoire. En ce qui me concerne, je veux profiter pleinement de ce qui advient dans des lieux propices à ma fantaisie, et m'arrêter pour un brin de conversation avec un compagnon rencontré par hasard, et ainsi arriver au terme de mon voyage avec quelque chose à méditer pour les longues soirées. Bref, j'étais heureux, je n'avais pas de rendez vous précis avec le Saint que j'étais venu voir.
Au bout d'une heure, nous entreprîmes l'ascension exténuante d'une très longue colline dont la crête était couronnée d'une église. Sa flèche tranchait le ciel avec la mer à l'arrière plan. Une douzaine de fois, le vieux cheval s'arrêta, penchant sa vieille tête d'un côté puis de I 'autre avec une triste expression de découragement. La façon dont la vieille bête négociait l'ascension était si extraordinairement improbable que son humeur mélancolique se communiquait au conducteur. Dans un mouvement de pitié, je lui posai des questions sur l'église afin de le distraire de ses pensées. Ma diversion bienvenue détendit l'atmosphère. Ordinairement, tout du moins à jeun, il était d'un naturel taciturne, mais il se jeta sur la perche que je lui tendais et répondit à mes questions avec volubilité, en relevant les épaules, et avec une note de gratitude dans la voix.
C'était l'église Notre Dame De La Clarté - « Our Lady of Light » dit-il : une très célèbre église, une très belle église, bien que vieille et en bien mauvais état...
Les pèlerins y venaient du monde entier, en particulier ceux qui étaient affligés par des maladies des yeux ; Notre Dame de la Clarté, lorsqu'elle le jugeait bon, opérait immédiatement une guérison miraculeuse... Et le pardon célébré chaque année en son honneur ! C'était magnifique, superbe !
Mon conducteur devenait de plus en plus agité jusqu'au moment où le vieux cheval blanchi arriva au bout de sa route au sommet de la colline.
Tout près de la chapelle, à la toucher presque, pour rafraîchir ses serviteurs assoiffés sans qu'ils perdent trop de temps dans leurs dévotions, il y avait une petite auberge au nom approprié : « A la descente des pèlerins ». Juste devant, le cheval s'arrêta : le conducteur, avec une exquise délicatesse, regarda dans la direction opposée sans dire-un mot.
Après tout, pensais-je, un voyageur doit respecter les coutumes des pays qu'il traverse. Je me mis dans la peau d'un pèlerin, et je descendis de la carriole pour le dernier mile... le chemin redescendait...
Comme nous descendions de la colline où Notre Dame de la Clarté (quand elle l'a décidé) opère des miracles, la vallée qui abrite Ploumanac'h s'ouvrit sous nos yeux. En dessous, sur l'horizon marin, les Sept Iles émergèrent dans un gris empourpré sur le bleu acier de l'eau. Tout autour de la vallée, et plus encore le long du rivage, d'énormes rochers de granit rouge aux formes étranges étaient éparpillés, isolément ou réunis en amoncellements magnifiquement équilibrés.

 
Le premier géologue venu vous dira que ces rochers arrondis sont d'origine glaciaire et que la vallée est le site de la fin d'une moraine. Mais n'importe quel breton, inculte bien sûr, vous dira que cette explication est absurde. Mon conducteur fournit au pèlerin que j'étais l'explication la plus convaincante : à l'intérieur de chacun de ces rochers dispersés est emprisonnée l'âme d'un païen - ces pécheurs à la nuque raide -, et elle y est retenue jusqu'au jour du jugement dernier.
Une fois par an, l'enchantement est rompu : les désensorcelés reprennent leur forme humaine et descendent boire à la mer, longuement et goulûment, puis ils s'allongent dans l'eau salée délicieusement froide qui les purifie de douze mois de tourments infernaux.
La nuit de cette grande purification, les Chrétiens doivent rester dans leur maison, les portes barricadées.
Au moment où le coq chante, les désensorcelés quittent l'eau fraîche pour retourner à leur destin : se transformer de nouveau en pierre et écraser tout mortel qui les espionnerait.
Un seul de ces misérables s'en est sorti, car le brave homme avait gravé la Sainte Croix sur l'un de ces rochers... Par reconnaissance pour cet acte d'amour, le rocher, stigmatisé, l'avait protégé en lui ménageant un espace de sortie.
Les âmes désincarnées vont et viennent par le même passage pour se mêler avec les âmes incarnées, choisissant le bien ou le mal, habituellement le mal, dans leurs entreprises. Les morts sont en effet si intimement liés aux vivants et ont tant de droits et de privilèges qu'ils doivent être considérés avec une attention permanente, constance qui doit être appliquée chaque fois que cela est possible.
Pendant que mon conducteur me racontait avec une inspiration imputable à son exaltation de pèlerin son histoire de rochers enchantés, le vieux cheval descendait allègrement la colline. Le récit prit fin alors que nous arrivions à Ploumanac'h, au milieu d'adorables vieilles maisons et d'horribles villas récentes à étage. C'est le malheur de cette magnifique région côtière que d'être devenue un lieu de séjour estival où des  essaims de français moyens « vont en villégiature », vêtus pour l'occasion de blazers de flanelle invraisemblables.
Ces petites villas tape-à-1'œil (seul un bourgeois français peut   se faire construire des maisons d'une vulgarité aussi désespérante) sont un véritable scandale, et ce d'autant plus que c'est un outrage à l'esprit du pays. Même la plus modeste des maisons bretonnes a sa dignité, et cela va bien au delà du pittoresque. Pour ma part, en réformateur pragmatique, je serai ravi de voir ces campagnards de pacotille pendus avec leurs habits de flanelle criards devant leurs abominables maisons et celles-ci réduites en débris, ce ne serait que justice.
Avant le fléau que fut la construction de ces villas, Ploumanac'h était en tout point charmant. Mais même ces villas n'ont pas réussi a détruire son charme. Entre les
affleurements de granit rouge sur lesquels s'amoncellent ces
rochers fantastiques abritant quelques  païens   avisés  
réfractaires au christianisme, un chenal étroit conduit de la
mer au port par un entrelacs de criques ceinturées de
granit, terminant sa course dans un profond ravin.
Comme le soleil disparaissait derrière les collines, baignant la
 
baie immense d'éclats de couleur réfléchie,  j'eus l'impression
 
d'une vision du Paradis. Même les villas provocantes
 
s'assagissaient dans la lumière déclinante, les vieilles maisons
 
basses dispersées tout autour de baie, sous leurs toits de
 
tuile ou de chaume verdi s'organisaient avec une évidence
 
naturelle dans un coucher de soleil halluciné.
 
 
,  
« Mademoiselle l'Hôtesse de l'Hôtel des Rochers », debout dans l'entrée, m'accueillit avec force sourires. Svelte et bien tournée, âgée d'environ soixante ans, elle avait une magnifique chevelure  auburn et quand elle découvrit que j'étais venu à Ploumanac'h dans le but bien précis de saluer le vénéré Patron du village, saint Guirec, sa bonne volonté se mua en un élan de sympathie sincère.
En réalité, le bon saint Guirec est un parfait inconnu au-delà des limites de son petit territoire, et moi qui avais traversé la moitié de la France pour lui faire un salut respectueux, j'en savais beaucoup plus sur lui que le curé lui-même. Cela pouvait justifier que l'on m’ait accueilli aussi bien que si j'avais apporté une lettre d'introduction du Pape.
Saint Guirec est un de ces nombreux saints bretons fabriqués à partir de deux individualités séparées réunies en un type dont l'identité a été obtenue en mélangeant une greffe latine sur une origine celtique. Au sixième siècle, il traversa la Manche en venant du Pays de Galles, région dans laquelle il y avait à ce moment-là pléthore de vocations, et d'où par conséquent, beaucoup de jeunes saints pleins d'énergie migraient vers la Bretagne pour trouver un endroit où s'établir.
Désireux de faire une bonne première impression, les saints celtiques candidats à l'émigration cherchèrent à donner une touche miraculeuse originale à leur arrivée. Beaucoup vinrent par la voie des airs, d'autres marchèrent sur l'eau, quelques uns traversèrent le Channel dans leur propre auge de pierre.
Lorsque   les   saints   pionniers   du   christianisme arrivèrent de Rome, ils trouvèrent sur place les saints celtiques arrivés les premiers. La situation était la même qu'à New York avec les résidents hollandais et les nouveaux arrivants anglais, avec cette différence que  ni les Hollandais, ni les Anglais n'ont la moindre accointance, même lointaine, avec le sacré.
Le christianisme celtique était déclinant et le christianisme romain en pleine croissance et, dans un souci d'hégémonie, un très notable effort fut fourni par les derniers pour évincer leurs prédécesseurs. Les principaux saints celtiques ne perdirent pas leur place dans le cœur des bretons, mais les plus petits, ceux qui n'avaient pas de sanctuaire assez fameux, furent déchus de leurs droits. Dans la longue liste romaine, un saint était choisi pour la ressemblance de son nom avec celui du saint celtique évincé. C'est ainsi que les arrivants venus de l'Est se glissèrent dans le lit de ceux qui vivaient à l'Ouest et c'est ce qui arriva pour saint Guirec.
D'origine galloise, évêque de  Llanbadarn, avant de partir en mission, il était connu comme « Curig » ou « Curie », latinisé en « Cyriacus ». Le nom le plus approchant dans le calendrier romain était « Quiricus ». Saint Quiricus remplaça ainsi saint Cyriacus : voilà ! Car Quiricus était un enfant de trois ans martyrisé au quatrième siècle avec sa mère sainte alors que les édits de Dioclétien avaient force de loi et que l'on fabriquait des martyrs par douzaines chaque année.
 
L'arrivée   à   Ploumanac'h   ne   suscita   plus   de comentaires et je considérai comme très flatteur le fait que le garde-champêtre vienne à ma rencontre. Il était grand, maigre et dégingandé, portait une barbe non taillée, un vieil uniforme de marin et un chapeau aux larges bords surmonté d'une plume. Il tenaitt son coutelas au côté ainsi que son étui à pistolet ce qui lui donnait l'allure d'un pirate émérite ayant pris  la retraite pour prendre un service civil. Sa façon de brandir ses baguettes constituait une
manière très personnelle dans l'art de battre le tambour
.    Quant à moi, magnifiquement accueilli, tambour battant, cela ne m’était jamais  arrivé dans aucun autre endroit.
    Une autre   bonne     surprise     m'attendait...
,  
« Mademoiselle l'Hôtesse de l'Hôtel des Rochers », debout dans l'entrée, m'accueillit avec force sourires. Svelte et bien tournée, âgée d'environ soixante ans, elle avait une magnifique chevelure  auburn et quand elle découvrit que j'étais venu à Ploumanac'h dans le but bien précis de saluer le vénéré Patron du village, saint Guirec, sa bonne volonté se mua en un élan de sympathie sincère.
En réalité, le bon saint Guirec est un parfait inconnu au-delà des limites de son petit territoire, et moi qui avais traversé la moitié de la France pour lui faire un salut respectueux, j'en savais beaucoup plus sur lui que le curé lui-même. Cela pouvait justifier que l'on m’ait accueilli aussi bien que si j'avais apporté une lettre d'introduction du Pape.
Saint Guirec est un de ces nombreux saints bretons fabriqués à partir de deux individualités séparées réunies en un type dont l'identité a été obtenue en mélangeant une greffe latine sur une origine celtique. Au sixième siècle, il traversa la Manche en venant du Pays de Galles, région dans laquelle il y avait à ce moment-là pléthore de vocations, et d'où par conséquent, beaucoup de jeunes saints pleins d'énergie migraient vers la Bretagne pour trouver un endroit où s'établir.
Désireux de faire une bonne première impression, les saints celtiques candidats à l'émigration cherchèrent à donner une touche miraculeuse originale à leur arrivée. Beaucoup vinrent par la voie des airs, d'autres marchèrent sur l'eau, quelques uns traversèrent le Channel dans leur propre auge de pierre.
Lorsque   les   saints   pionniers   du   christianisme arrivèrent de Rome, ils trouvèrent sur place les saints celtiques arrivés les premiers. La situation était la même qu'à New York avec les résidents hollandais et les nouveaux arrivants anglais, avec cette différence que  ni les Hollandais, ni les Anglais n'ont la moindre accointance, même lointaine, avec le sacré.
Le christianisme celtique était déclinant et le christianisme romain en pleine croissance et, dans un souci d'hégémonie, un très notable effort fut fourni par les derniers pour évincer leurs prédécesseurs. Les principaux saints celtiques ne perdirent pas leur place dans le cœur des bretons, mais les plus petits, ceux qui n'avaient pas de sanctuaire assez fameux, furent déchus de leurs droits. Dans la longue liste romaine, un saint était choisi pour la ressemblance de son nom avec celui du saint celtique évincé. C'est ainsi que les arrivants venus de l'Est se glissèrent dans le lit de ceux qui vivaient à l'Ouest et c'est ce qui arriva pour saint Guirec.
D'origine galloise, évêque de  Llanbadarn, avant de partir en mission, il était connu comme « Curig » ou « Curie », latinisé en « Cyriacus ». Le nom le plus approchant dans le calendrier romain était « Quiricus ». Saint Quiricus remplaça ainsi saint Cyriacus : voilà ! Car Quiricus était un enfant de trois ans martyrisé au quatrième siècle avec sa mère sainte alors que les édits de Dioclétien avaient force de loi et que l'on fabriquait des martyrs par douzaines chaque année.
En habit d'évêque, a été maintenue depuis l'origine. Depuis le douzième siècle, la statue de saint Guirec se tient face à la mer, à l'endroit même où le saint mit pied à terre en arrivant du Pays de Galles, dans un petit oratoire bâti sur les rochers et devenant un îlot à marée haute. Devant l'oratoire, depuis des siècles et encore aujourd'hui, les pêcheurs qui partent en mer font une prière pour faire une bonne marée et au retour s'arrêtent à nouveau quand ils ont été exaucés.
Le pardon de saint Guirec, célébré par les pêcheurs reconnaissants, est un des spectacles les plus étranges et les plus touchants que l'on puisse imaginer. Ce jour-là, tous les bateaux de pêche de Ploumanac'h, repeints de frais et décorés de fanions et de guirlandes arrivent en procession le long du chenal et se disposent en demi-cercle dans la petite baie devant l'oratoire. Une messe est dite sur l'autel maritime, les répons venant du sein de la mer. Une harmonie profonde règne entre ces voix graves prolongées par des instruments aux tonalités étranges alors que la multitude, assemblée dans les bateaux et sur la terre, chante d'une seule voix le cantique de saint Guirec.
Sur la terre ferme, telle une réplique de l'oratoire, il y a une chapelle dédiée à saint Guirec : une petite construction carrée datant du douzième siècle bâtie sur un minuscule plateau sous une colline coiffée de ces énormes rochers qui abritent de monstrueuses âmes païennes. Dans cette chapelle, après le rituel sur l'eau, une messe vient clôturer le pardon strictement religieux. Alors la fête peut commencer avec ses chants et ses danses.
Quant au bon saint Guirec, qui prend si bien soin des pêcheurs, il a une autre mission à sa charge, plus délicate  : les jeunes filles de Ploumanac'h comptent sur lui pour leur trouver un bon mari et plantent des aiguilles dans son effigie pour qu'il n'oublie pas d'exaucer leur vœu. Mais la chose est bien connue : les saints - en particulier ceux qui ont un certain âge - ont parfois des absences ; c'est en les piquant ainsi dans le vif qu'on les fait redescendre sur terre pour se remettre au travail. Seul le curé s'opposait au fait que l'on traite le saint comme une pelote de couturière ; il avait donc décidé d'installer dans l'oratoire, à la place de la vieille statue de bois, une nouvelle sculpture en pierre dans laquelle les aiguilles ne pouvaient se fixer.
Le dimanche que je passai à Ploumanac'h, la petite chapelle saint Guirec  était restée ouverte après la messe jusqu’au crépuscule
,
A l’extérieur sous le soleil les vieillards du village, hommes et femmes, s'étaient réunis péniblement sur leurs vieux genoux craquants à même  les dalles de pierre du sol. La plupart d'entre eux se mêlaient là un peu, dans la pénombre. Le bon saint semblait accepter de bon cœur leurs dévotions  mi-inconscientes. Il est lui-même très vieux, "I Guirec... »
A l'extérieur, sur l'herbe douce de l'enclos, une douzaine d'hommes jouaient bruyamment aux boules, donnant à   l'ensemble   une   note   discordante... Je m’éloignais d'eux et descendis par une volée d'antiques marches usées m'asseoir près de l'oratoire. Le seul bruit qui venait rompre le calme de la torpeur ensoleillée était constitué par les carillons lointains et ouatés portés par le vent depuis Trégastel. Des écharpes de gaze de couleur mais s'étiraient dans l'air calme, striant le rayonnement du soleil. Appuyée contre l'oratoire, une adorable vieille dame était assise, vêtue de noir et portant une coiffe blanche, plongée dans la lecture de son missel. Le saint, scrutant en bas sur un parapet du Paradis, devait être comblé par le spectacle de son petit sanctuaire ce soir-là.
Comme le soleil se couchait à l'ouest derrière les collines arrondies, je partis en marchant au milieu des rochers monstrueux jusqu'à un promontoire dominant l'entrée du port. A cet endroit, j'avais une vision élargie, panoramique vers la mer, les Sept fies dans la lumière déclinante,  si  irréellement belles que l'on  pouvait imaginer sans peine le roi Arthur encore vivant dans son exil enchanté. Entre les îles et le continent, étaient éparpillés quelques bateaux de pêche, leurs voiles rouges déployées virant au cramoisi dans le coucher de soleil pourpre.
Comme le soleil disparaissait derrière les collines, une lumière s'alluma sur les îles enchantées et une autre lui fit écho tout près de là où je me trouvais. Un moment, je fus certain que Merlin et Arthur se faisaient signe et que des prodiges allaient se produire cette nuit en Avallon.
Mais ces lumières, magiques parce qu'elles traversaient les ténèbres marines, étaient les feux, tels des anges gardiens, allumés dans les phares.

(Ploumanac'h, été 1903)


 


 
 



    

 

 




lundi 19 novembre 2012

POèME


                                 


Sur l'eau



Quelques vagues


Un souffle de vent



                         L'écho du clapot




La mélodie des drisses
Qui se hérissent


Une ronde entre deux ondes



Entre deux mondes



                                                     Quelques oiseaux



C'est la valse lente des bateaux...


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