samedi 23 juin 2012

Et si c’était niais ?

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Pascal Fioretto

Et si c’était niais ?
Editions Chiflet, 210 pages




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par Brigit Bontour


ET SI C’ETAIT DROLE !


Onze écrivains –sauf un, Jean D’Ormissemon, ont disparu.

D’Ormissemon inoubliable auteur de « C’était rudement bath’ »a réussi à soûler ses ravisseurs en tentant de leur raconter l’histoire de la papauté, de leur réciter un medley de son anthologie de la poésie, de les emmener faire un tour en décapotable…Ils ont renoncé devant tant de verbiage.

Tous sont édités par la même maison d’édition et bien que différents, sont aussi pénibles les uns que les autres : bavards, méprisants, médisants, dépressifs voire fous à lier.

Chiflon leur éditeur très inquiet, et tout aussi barré qu’eux charge le commissaire Adam Seberg héros bien connu du livre « tais-toi si tu veux parler » de Fred Wargas de mener l’enquête.

Enquête, le mot est vite dit, car si le roman adopte le ton d’un policier, il n’en a que l’apparence.

En effet, tout au long des onze chapitres, Pascal Fioretto l’auteur du livre se livre à un pastiche hilarant du style des écrivains les plus lus du moment, souvent pour de mauvaises raisons en leur donnant tour à tour la parole.

Parmi les victimes, Pascal Servan qui depuis son repaire de « Mornemolle » écrit : « Anniversaire de l’accession au pouvoir de François M. Avec le Vicomte comme chaque année, nous avons gravi à pieds ma roche de Solutré miniature. Je l’ai voulue plantée de cerisiers en plastique toujours en fleurs" » Rocher qui se trouve entre la rocade Georgette Plana, le carrefour égyptien Dalida et le parking Joe Dassin.

Frederic Beisbéger, lui a d’autres ennuis : sa femme au corps redessiné par des designers lui annonce qu’elle le quitte pour un certain Marc Marronnier : « sous l’effet du choc, je titube jusqu’au fauteuil Terence Conran à 890 euros, sans les coussins ».

Monette, l’héroïne d’Anna Galvauda a des soucis plus petits, à l’image de sa vie de petite retraitée qui vit dans une petite chambre sous les toits : son dentier, cadeau d’une amie morte est trop petit et lui fait un mal atroce. Quant à Christine Angot, l’une des plus « gâtées » avec BHL, c’est le grand jeu : son psychanalyste ne veut plus lui parler depuis qu’elle lui a envoyé trop de fax de ses fèces flottant dans l’eau bleue de l’Harpic »…

De « Hygiène du tube (et tout le tremblement) » d’Amélie Notlong qui écrit son roman journalier en passant par Jean Christophe Rangé, et ses « Limbes pourpres du concile des loups », « Et si c’était niais » de Marc Lévis, « c’était rudement bath » de Jean D’Ormissemon, « Des fourmis et des anges « de Bernard Werbeux , « Pourquoi moi » de Christine Anxiot ; l’auteur de l’ouvrage se livre à un exercice de style drôlissime. Reprenant chaque tic, chaque travers de sa victime, il s’en approprie le style jusqu’à la caricature : L’obsession de la sexualité, le malaise existentiel chez Beigbeder, sa façon de décrire par le menu les marques et les prix des objets qui l’entourent, son goût pour le scoop qui risque de le perdre sont analysés avec la précision d’un scientifique rivé à son scalpel.

Chez Gavalda , le souci du détail, ses dialogues parfois confus, son penchant pour la supposée consensualité des petites gens sont plus vrais que nature.

. Pourtant loin d’être des pastiches gratuits et méchants, les textes de Pascal Fioretto sont d’une grande précision et montrent une connaissance approfondie de l’œuvre de chacune de ses victimes. Marc Marronnier est par exemple le nom du double littéraire de Beigbeder.

Certains écrivains aimeront, d’autres moins, mais le lecteur lui, adore et s’étrangle de rire, même et surtout quand son auteur de prédilection est pris en flagrant délit de prétention ou de répétition.