samedi 23 juin 2012

Mururoa, mon amour

Mururoa, mon amour

 
    (pastiche de "Hiroshima mon amour")

    DRAME, de Marion Hänsel avec Adrien Jolivet, Nicolas Robin et Romain David.


    BIEN
    Océan Pacifique, 1972. Au large de Mururoa, un navire de guerre français participe à des essais nucléaires. A son bord, les jeunes appelés trompent l'ennui en fumant cigarette sur cigarette, quémandent de l'affection à un chien et se heurtent à l'absurdité inhérente aux exercices militaires. Le film est une succession de scènes courtes, à l'intensité variable, toujours emplies d'une violence latente. Adapté de deux nouvelles d'Hubert Mingarelli, ce film sobre et émouvant est éloigné de tout pathos hollywoodien.


    Marguerite Duras (1914-1996) pastichée par Patrick Rambaud, Virginie Q (1988)


    Né à Paris en 1946, Patrick Rambaud a fondé le magazine Actuel en 1970, avec Jean-François Bizot et Michel-Antoine Burnier. Avec ce dernier, il écrit deux recueils de pastiches : Parodies (1977) et Le Roland Barthes sans peine (1978). Il est l’auteur de longs pastiches de Marguerite Duras (et quelques uns plus courts, parus dans les articles de journaux) : Mururoa mon amour et Virginie Q (1988). Il a écrit de nombreux autres livres (plus de trente), dont La bataille (1997), qui lui valut le Grand Prix du roman de l’Académie française et le prix Goncourt, et sa suite, Il neigeait (2000).


    Extrait pages 42-43 :
    « Elle dit : Vous dites plusieurs mots et ça fait la phrase.
    « Il dit : C’est important, ça.
    « Elle dit : C’est forcément un destin.
    « Il dit : Maintenant je sais que les mots ils se rejoignent en phrase comme la Meuse, elle, elle va couler et devenir la mer.
    « Il dit : Elle va enfanter en se perdant. Ça ne sera plus la Meuse.
    « Elle dit : Ça sera la mer. »
    Marguerite Duras (1914-1996) pastichée dans Le Style mode d'emploi


    C'est le texte :
    Agitato Atrabile


    Extrait :
    « Ça se verrait que le zazou, il monte sur la plate-forme, il tend l’argent au receveur, il prend la monnaie. Et que tout à coup le bus ça démarre. Oui, c’est comme ça que ça fait, le conducteur il embraye et ça démarre. Moi aussi, j’embraye sur mon histoire... »





    Copyright (c) 2003 Stéphane Tufféry. Tous droits réservés.

    S'il admire les pastiches de son illustre aîné Marcel Proust, Patrick Rambaud préfère manier l'humour vache de la parodie avec une allégresse certaine.


    Entretien. Prix Goncourt 1997 pour La bataille (Grasset), Patrick Rambaud est un parodieur redouté et fécond. Où l'on s'aperçoit que cet homme qui ne sourit jamais éclate souvent de rire. Hors champ naturellement.
    On vous présente souvent comme un pasticheur, vous dites faire des parodies. Quelle est la différence entre ces deux genres?
    Patrick Rambaud. C'est très simple: le pastiche est un exercice d'admiration. C'est ce qu'a fait Proust dans ses Pastiches et mélanges, où il raconte les méfaits d'un arnaqueur célèbre à la manière d'un roman de Balzac, de Flaubert, d'une critique de Sainte-Beuve ou du Journal des Goncourt. La parodie, elle, est un exercice de moquerie. Avec des degrés dans la méchanceté.

    Comment vous êtes-vous lancé dans le genre?
    P.R. J'ai commencé à Actuel, dans les années 70. Les journaux américains et anglais, comme le National Lampoon, en publiaient. Je me souviens notamment des bandes dessinées consacrées au prince Charles. Nous avons donc lancé Trui, une parodie de Lui où les gens étaient remplacés par des cochons, y compris, bien sûr, dans les publicités et les sondages. Exemple: «83% des cochonnes préfèrent ce type de porc», dessins et photos à l'appui. Il y a eu aussi Doux n?uds, parodie de Nous deux que nous avons mis un temps fou à réaliser tellement on s'amusait.

    Comment êtes-vous venu aux parodies purement littéraires?
    P.R. Michel-Antoine Burnier et moi étions des lecteurs assidus des A la manière de... de Reboux et Muller. On se demandait s'il était possible de faire la même chose avec nos contemporains. La réponse n'était pas évidente. Finalement, nous avons composé une quarantaine de parodies qui allaient du texte de dix pages au livre, comme Le Roland Barthes sans peine. Il y a eu François Mitterrand: Le tronc et l'écorce, Françoise Sagan: Un navire dans tes yeux, La farce des choses de Simone de Beauvoir, et aussi Aragon, de Gaulle, Philippe Sollers, André Malraux...

    Comment vos victimes ont-elles réagi?
    P.R. Mal. Très mal. Hormis Françoise Sagan, Lucien Bodard et Lévi-Strauss envers lequel nous avions été particulièrement durs, ils étaient tous furieux. Trois sur quarante en ont ri! La proportion est révélatrice.

    Quelles sont les qualités d'un bon pastiché?
    P.R. Il faut avoir un style reconnaissable d'emblée et une grosse tête. Plus le parodié a la grosse tête, plus il est facile de taper dessus et plus le plaisir dure. Voyez Marguerite Duras: elle était si gonflée d'elle-même que j'ai pu sans problème écrire deux romans: Virginie Q. et Mururoa mon amour. Le tout signé Marguerite Duraille.

    Pour parodier, entrer dans l'?uvre d'un autre pour s'en moquer, ne faut-il pas un minimum d'admiration?
    P.R. Non, au contraire. Plus l'exaspération est grande, meilleure est la parodie. J'ai un profond agacement envers Duras. Un jour, j'ouvre la télévision, je tombe sur elle. Elle était imbuvable, tellement certaine de son génie qu'elle méritait trois claques. Le soir même, je téléphone à André Balland: «Ça n'est plus possible, il faut faire quelque chose.» Le lendemain c'était signé.

    Comment avez-vous commencé?
    P.R. Pour moi, le comble du rien, c'est le foot. J'ai donc imaginé une fausse interview de Platini. Là-dessus, Libération a publié un véritable entretien Duras-Platini... J'ai dû me rabattre sur un boxeur, le boxeur étant ce que je place juste au-dessus du footballeur. Max Ramirez - j'ai su par la suite qu'il existait réellement - est né ainsi. C'est le texte qui marche le mieux.

    Qu'est-ce qui démode une parodie?
    P.R. Quand l'auteur est oublié, quand il n'intéresse plus personne. Dans le Reboux et Muller, la charge contre André Thérive ne fait plus rire personne. En revanche, le
    «Shakespeare» n'a pas vieilli d'un poil.

    Avez-vous déjà renoncé, en cours de route, à une parodie?
    P.R. Non. Cela n'arrive pas car on choisit ses cibles très soigneusement. Avant d'écrire une ligne, on sait exactement où on va. Nous avions envisagé de faire un Gainsbourg, mais ça ne marchait pas. Nous ne trouvions pas l'astuce. La raison? Gainsbourg est son propre parodieur, les astuces, il les fabrique lui-même. Nous avons laissé tomber faute de sujet.

    Comment écrivez-vous?
    P.R. Vite. Dans l'excitation. Le genre ne vaut pas la peine qu'on y passe trop de temps. Il faut être clair et le plus visuel possible. Le plus difficile, c'est de trouver un sujet. Après, on fonce. Seul parfois. Ou à deux, comme pour le Roland Barthes.

    Justement. Roland Barthes. De même que le langage de la psychanalyse a pénétré le vocabulaire de la rue, celui du structuralisme est passé dans les m?urs verbales. Vous en êtes indemne?
    P.R. Bien sûr! J'y suis même complètement allergique. Le structuralisme est dangereux. Il envahit les écoles. Il gonfle les baudruches. L'ancêtre des parodieurs de Barthes, c'est Molière. Voyez Les précieuses ridicules. C'est tout à fait cela. Roland Barthes a contaminé des générations. Et ce n'est pas fini. La presse elle-même est gangrenée par des tics qui viennent de là. C'est ce que nous avons voulu dénoncer, Burnier et moi, dans Le journalisme sans peine, méthode pratique pour apprendre à parler le langage de la presse. Nous n'avons rien inventé, il nous a suffi de collectionner les clichés. Mais le phénomène n'est pas nouveau. Lisez les M?urs diurnales de Marcel Schwob. Tout y est déjà.

    Vous n'avez plus écrit de parodies depuis un moment. Y reviendrez-vous?
    P.R. Sans doute. Mais cela ne se décide pas comme ça. Il faut un sujet d'agacement, d'énervement. Peut-être ferai-je un faux Paulo Coelho. Ce serait quelque chose comme L'âne chimiste par «Paulo Cono». L'alchimiste, c'est un faux roman d'initiation, un brouet infâme de toutes les traditions possibles. Alors, tant qu'à le critiquer, autant le faire drôlement, sur son propre terrain. Mais j'ai d'autres projets auparavant. Erik Orsenna et moi-même avons décidé d'écrire un manuel de grammaire à l'usage des écoliers.


    Une parodie de grammaire structuraliste?
    P.R. Pas du tout. L'idée nous est venue lors de la remise du Goncourt des lycéens. La ministre Ségolène Royal s'était décommandée au dernier moment. L'ambiance était au plus bas, il fallait faire quelque chose. Nous avons donc choisi dans l'assistance une jeune fille blonde, genre Ségolène Royal, et, cachés derrière elle, à la tribune, nous avons fait une parodie de discours ministériel tandis qu'elle mimait les gestes. Ça a été du délire! Il en est resté des choses très sérieuses, comme cette idée de grammaire où nous dirions aux enfants ce qu'elle est et d'où viennent les mots. Simplement.