30 000 km, d'un océan à l'autre
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Notre Lettre d'escale N° 113
30 000 km, d'un océan à l'autre
Bonjour,
Vous vous en doutez, le départ de Polynésie a été plus qu'émouvant, il a carrément été trop dur. Les yeux en larme, les colliers de coquillages offerts par nos amis du fenua, et surtout, notre amie Moana qui finit sa nuit de travail et vient nous offrir au petit matin ses voeux de bon voyage. Elle nous couvre littéralement de cadeaux. Dans le même temps, un pasteur part du fenua, il est accompagné de ses ouailles qui chantent des quantiques jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière les douanes. J'en pleure jusqu'à Los Angeles. Pathétique... oui, ben je veux vous voir, le jour où vous quitterez le fenua! Vous aurez la même tête et visiblement les douaniers sont habitués à voir des larmes !
Notre arrivée en France est saluée par la floraison des mimosas, et surtout par notre famille que nous retrouvons avec chaleur et bonheur. Heureusement qu'ils sont là! Nous n'avons plus vu certains d'entre eux depuis plus de dix ans. Nous leur vouons notre séjour, selon les disponibilités de chacun. J'avoue, que nous avons beaucoup de chance notre famille est extra, tolérante, compréhensive et nous nous réchauffons le coeur à leur affection tandis que nous avons le bout du nez gelé. La météo est de la partie, pourtant, si tout le monde nous dit "ce sont des températures au-dessus des moyennes saisonnières", nous trouvons qu'elles sont largement en dessous de nos habitudes corporelles. La famille nous prête de quoi nous vêtir, nous retrouvons dans des cartons entassés chez la soeur de Dom le complément de vêtements. Nous sommes parés pour visiter Nîmes avec la famille. Nous trouvons la ville sous une giboulée, quelle joie de sentir les glaçons dégouliner dans la nuque ! Brrrrrr! Puis le Pont du Gar nous émerveille par ses teintes de début de saison. Quel édifice! Les yeux écarquillés nous nous baladons sur ce qui amena jadis l'eau aux villes romaines. Quelle magnificence! Quelle résistance au temps!
Nous profitons de la venue de mon frère, qui est un ardent voyageur en France pour visiter quelques fleurons du Var, des Alpes Maritimes et du Vaucluse : Eze, Bormes les Mimosas, Gassin, Gordes, Bories, Fontaine de Vaucluse, Menton, Nice.
Pour les deux dernières, Dom n'a pas été séduit par Menton, il lui préfère Nice. Il est vrai que nous y avons des souvenirs de "premiers rendez-vous"... Quant à moi, j'ai bien aimé le vieux Menton, grimper du rivage au cimetière pour une vue imprenable sur la rive italienne. La cité des Anges a beaucoup changé en dix ans. Nous nous cantonnons à la promenade des Anglais, au vieux Nice, au port, à la place Massena, au Cours Saleya. Nice nous fait désormais penser à une ville australienne, comme Brisbane. Les bords de mer aménagés pour le confort des citadins : vélos, marcheurs, joggeurs y évoluent en toute sérénité. La place Massena est devenue ludique, avec ses fontaines qui jaillissent sporadiquement après avoir diffusé de la vapeur. Les badauds en font leur jeu préféré, de quoi prendre une bonne douche et s'assurer la bonne humeur d'un groupe! Les avenues élargies permettent à ces drôles d'engins à deux roues où le "conducteur se tient debout" de zigzaguer à l'envi. (comment s'appellent donc ces jouets pour adultes?) La police se balade à cheval entre le vieux Nice et le port qui accueille un nombre impressionnant de yachts où se faufilent encore des pointus et des voiliers de 10 mètres. Bref, nous nous sommes éclatés à retrouver une ville dynamique et ludique.
Nous tentons Eze par deux fois. Le premier essai échoue par forfait de brouillard. On ne voit pas le bout du capot de la voiture. Il fait glacial. Quelques jours plus tard, le ciel est bleu azur, la Méditerranée sage comme une image, et nous visitons ce village perché sur son nid d'aigle. Il est l'un des joyaux des Alpes Maritimes! Une merveille ! Il suffit de se balader dans ses ruelles escarpées, enchâssées de maisons médiévales en pierre pour être conquis par l'atmosphère des lieux. Le promeneur se laisse envahir de senteurs de mystère. Il tente de percer son Histoire, fouille d'un regard inquisiteur chaque recoin des impasses. Mais il reste là, ébloui de tant de beautés inexpliquées... inexplicables...
Chacun de ces villages mérite le détour. Nous retrouvons avec délice l'envergure de l'Histoire de la région, l'architecture étayée avec la patience des siècles, les restaurations scrupuleuses... L'une des richesses de la France réside dans ce passé conservé, entretenu par des passionnés. Ce sont ces villages, et tant d'autres disséminés partout dans l'Hexagone qui en font sa réputation dans le monde entier.
En la matière les villages qui m'ont le plus impressionné sont sans nul doute Gordes et les Bories. Grodes nous accueille par grand mistral. Il est l'un des villages du Vaucluse qui récolte le plus de visiteurs. En ce mois d'avril, nous pouvons encore déambuler dans les ruelles sans voir trop de monde. Le mistral aidant à en décourager plus d'un! Au vent du village, je me balade avec 2 écharpes, 3 pulls, et 2 coupe-vent. Sous le vent, tel un oignon j'enlève des couches! Tout est beau à Gordes, et pour vous en convaincre, n'hésitez pas à aller sur le blog pour revivre cette visite en détail.
Dans la descente de Gordes, nous trouvons le village des Bories. Pour tout vous avouer, je suis impressionnée par l'ambiance qu'il dégage. Bien qu'admirablement restauré, on ressent une sorte d'abandon. Le mistral qui souffle entre les cabanes de pierre sèche accentue cet effet. Un peu plus et on sursauterait du souffle des fantômes dans la nuque. Le village est constitué de 29 cabanes fabriquées en pierres sèches et sans mortier. Il fut restauré, entre 1960 et 1970 par Pierre Viala. Passionné par l'endroit, il l'achète, et reconstruit le village, à sa mort, il le cède à la commune, il est classé "monument historique" en 1977.
Je suis admirative du travail de cet homme et de son acharnement à laisser un témoignage de la vie d'antan. Aujourd'hui, nommé village des Bories, il porta autrefois le nom de Hameau des Savournins. Tout au long de notre visite, je ne peux m'empêcher une comparaison avec Orango, sur les hauteurs de l'île de Pâques. Les habitats y avaient cette même allure de carapace, bien qu’ici, à Bories, les "cabanes" soient bien plus élaborées. Leur architecture est inédite. Les arabesques et les courbes faites de lauses sont exceptionnelles. Des constructions en quête de protection contre le vent du nord, ce mistral qui souffle tant de jours par an. Les portes ne s'ouvrent d'ailleurs qu'au sud, pour laisser passer le soleil et réchauffer l'intérieur. Imaginez la patience, la dose de travail qu'ont nécessité ces 29 ensembles abritant chacun des familles d'agriculteurs, d'éleveurs...
Dans une autre mesure j'ai aussi été séduite par Bormes, son Grand Hôtel qui toise le littoral, nous n'y avons pas séjourné, mais sa présence affine le charme de ce village polychrome lové dans ces prémices de mont Mauresque. Quelques mimosas quatre saisons nous font l'honneur de briller encore dans le ciel d'azur. La végétation se pare de mille couleurs, et nous nous régalons de voir fleurir les glycines, nous salivons devant un oranger qui croule sous ses fruits. Les arbres de Judée en fleur rivalisent d'éclat avec les solénum. La nature explose de couleurs vives, le soleil rallonge les journées. Nous avions perdu le rythme des saisons, il se ranime dans nos coeurs avec la plus belle d'entre elles, le printemps!
Le village de Gassin quant à lui, est encore endormi au moment où nous y passons. Il attend la saison à venir pour chambouler une sérénité hivernale. Arrêt sur image avec ces fameux volets bleus, les heurtoirs des portes, les corbeilles de fleurs aux fenêtres. Ce calme relatif nous rappelle à l'ordre. Il est au garde-vous, bientôt les troupes de touristes envahiront les ruelles paisibles, il est temps de nous sauver de l'affluence à venir!
Déjà, Saint Raphaël, où nous séjournons s'engorge de voitures, les voiliers sillonnent le rivage, les bouées d'amarrage envahissent Agay. Plus de 150 bouées sont plantées chaque année. Les bateaux qui ne trouvent pas de place au port, se précipitent aux premières installations et barrent la route au regard vers l'horizon. Quelle horreur! Enfin... je ne devrais pas dire cela, c'est l'évolution du monde, et ce n'est pas sa faute, si je ne parviens plus à faire correspondre mes souvenirs de petite fille avec l'image actuelle de cette baie. Le Dramont et son île d'or par contre, ont gardé leur allure. Mais j'avoue que j'étouffe un peu... Je n'y crois pas, j'aimais tant cette région. Elle réunissait tous mes plus beaux souvenirs d'enfance. Aujourd'hui, je n'arrive plus à plonger mon regard dans la grande bleue avec ce même soupir d'aise. Comment expliquer cela? À l'époque où je vivais dans le sud de la France, je ne comprenais pas les Bretons qui n'arrivaient pas à se faire à l'atmosphère de la Méditerranée. Trop chaud, trop froid, pas assez d'iode, ou que sais-je encore? À mon tour de considérer la Méditerranée comme un lac. Je n'y respire pas. J'ai besoin d'océan. Je réalise que je reste passionnément amoureuse du grand horizon, j'ai besoin de lui pour vivre, je suis comme un poisson qu'on a posé au soleil sur un quai, lorsque je ne respire pas les embruns... ... En colère ou de bonne humeur, je l'aime cet océan et jusqu'au dernier jour de mes jours, dussè-je ne vivre "que" sur ses rivages.
Il nous reste à définir quel océan? Nous repartons donc en quête, après l'Atlantique et le Pacifique, dans l'Indien aux îles Mascareignes. Nous commençons notre découverte par Maurice, en juin et juillet nous serons à la Réunion, puis en août retour sur Maurice, pour repartir sur Rodrigues. Après? Après... l'échéance est beaucoup trop longue pour savoir ce que le destin nous réserve...
Nat et Dom