samedi 12 juillet 2014

POUR LIRE A LA PLAGE...








piscine alain page


Replonger dans La Piscine

Derrière le film culte, un roman d’Alain Page

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Ils sont beaux, riches et bronzés. Le quatuor infernal de La Piscine murit sa rancœur sur les hauteurs de St-Tropez. Delon et Ronet, au zénith de leur charme vénéneux. Romy et Jane, au sommet de leur érotisme langoureux. Ces quatre-là, Jean-Claude et Marianne, Harry et Pénélope, sont irrésistibles. Nous sommes à la fin des années 60, parenthèse enchantée où les femmes enlèvent le haut, les coupés italiens filent à 200 km/h dans l’arrière-pays et où l’alcool n’est qu’un prétexte à crier son désespoir. Les corps brûlent au soleil de Provence. Les vérités se reflètent dans l’eau trouble. Les baisers s’échangent à l’ombre des cyprès. Et quand la nuit surgit, sur un slow de Paul Anka, les peaux se tendent pour s’entrechoquer dans une danse macabre.
Comme dans un roman de Sagan, ces belles personnes souffrent de la passion, de la jalousie et d’un passé qu’on n’oublie jamais. De toutes ces meurtrissures qu’on accumule et qui finissent par nous achever. En 1969, Jacques Deray avait eu du nez, il avait saisi l’essence du désir : ce parfum de soufre, d’huile solaire et de sexe dans un polar balnéaire. 45 ans après le tournage, La Piscine reste un merveilleux éveil des sens pour les plus jeunes cinéphiles. Le résultat est si convaincant que le spectateur a l’impression d’un voyage en odorama. La chaleur de cette Côte d’Azur mythifiée nous envahit. Notre cinéma ne produit plus rien d’aussi délicat et sauvage. Nous avions atteint-là le paroxysme d’une délicieuse descente aux enfers. La preuve : les images du film servent à vanter une eau de toilette et Alain, vieux Guépard, dépose sa voix d’outre-tombe à chaque fin de spot publicitaire. Quelle femme peut résister aujourd’hui encore à ce timbre puissant chargé de mille vies ? Cette langueur assassine n’a pas échappé à Arnaud Le Guern qui inaugure la nouvelle collection « Un roman, un film culte » chez Archipoche par le roman La Piscine d’Alain Page. Excellente idée de revenir à la source première, des romans oubliés qui ont enfanté de grands succès au box-office. Sont prévus en septembre Nous ne vieillirons pas ensemble, l’unique roman de Maurice Pialat et en octobre, Max et les ferrailleurs, œuvre de Claude Néron adaptée par Claude Sautet. Dans La Piscine, on (re)découvre le texte d’Alain Page revu et corrigé par rapport à celui paru en 1969 aux éditions Raoul Solar sous le nom patronymique de l’auteur, Jean-Emmanuel Conil. C’est sous son vrai nom qu’il avait également signé le scénario.
Alain Page n’est pas un inconnu des écrans, il est l’auteur de Tchao Pantin réalisé par Claude Berri et également le créateur des personnages de la série télévisée Les Cordier, juge et flic. Sa plume légère, imagée, séquencée a séduit plus d’un  réalisateur. La virtuosité de son écriture, son tempo entêtant, sa note poétique, sa profondeur psychologique sont, à l’évidence, le meilleur des terreaux cinématographiques. Dans une préface inédite, l’auteur explique les différences entre l’adaptation et le roman originel. Que les férus d’automobiles racées se rassurent, ils ne perdent pas au change. Ronet a troqué sa Maserati Ghibli pour une Lancia Aurelia Spider de papier tout aussi désirable. Il revient aussi sur la genèse du roman et sur une époque insouciante en apparence mais complexe dans ses rapports humains. Ce qui séduit à la lecture, ce sont les portraits qui claquent, les fulgurances, ces envolées quand il assène à Marianne (Romy Schneider) cette formule assassine : « T’es une cérébrale qui aime baiser. C’est ton drame » ou quand il perçoit chez Pénélope (Jane Birkin) : « l’air blasé des stars fatiguées qu’on les admire ». Jean-Claude (Alain Delon) en prend lui aussi pour son égo : « c’est un bel animal qu’il est flatteur d’avoir chez soi mais le jour où il mord, il faut s’en débarrasser…ou le dresser ». Quant à Harry (Maurice Ronet), cet ami qui ne vous veut pas du bien, il est exécuté par cette saillie : « même lorsqu’il est seul, il doit se créer un public et soigner ses attitudes ». Que vous alliez ou non cet été en vacances dans le Sud, n’oubliez pas La Piscine dans la poche de votre maillot de bain.

La Piscine, Alain Page, Archipoche.