les Grenadines, Grenade
Nous partons vers Mayreau, une autre île des Grenadines
dépendant de St Vincent. C’est tout petit. Il y a deux mouillages. Nous
choisissons celui de Salt Whistle Bay, assez fréquenté, magnifique. L’eau est
transparente, la plage de sable blond se prolonge sur un isthme étroit qui relie
la presqu’île du nord de l’île. De l’autre côté de l’isthme, à travers quelques
cocotiers, on voit la mer qui se fracasse en grosses vagues
sur la façade nord-est. Notre mouillage, bien abrité, est lui au calme. Nous n’avions pas prévu de rester
là mais nous y passerons 5 jours. C’est tellement beau et tranquille. Pas de magasins, pas de maisons, juste un petit
bar sur la plage.
Nous faisons route désormais
vers le Venezuela où nous serons à l'abri des cyclones
Après Mayreau, nous faisons une courte escale à Union, qui n’est qu’à 5 miles nautiques.
Le mouillage y est venteux et agité, au milieu de récifs. Beaucoup de bateaux sont sur un corps-mort. Nous
préférons notre ancre, par 10 mètres de profondeur. On se prend un sérieux grain sitôt sortis de « Grand Coi », long récif
au large de Palm Island. On n’y voit plus rien, on n’a plus aucun repère
visuel alors qu’il y a alentour beaucoup de cailloux et de récifs. Ne nous reste
que le compas pour nous diriger. Heureusement, cela ne dure pas longtemps.
Nous poursuivons la route jusque Cariacou. Nous sommes toujours dans les
Grenadines, mais Cariacou fait partie du territoire de Grenade. Nous changeons
donc de pavillon. Les règles d’entrée sont contraignantes et fastidieuses. Il
faut faire la « clearance » d’entrée à Hillsborough, la capitale, dans les deux
heures de l’arrivée au mouillage. Celui-ci n’est guère attractif, ni confortable et
les bateaux poursuivent généralement jusque Tyrell Bay, au sud-ouest de l’île.
C’est ce que nous faisons aussi. Cette immense
baie est bien abritée et offre un mouillage sûr et confortable, à défaut d’être
joli et agréable.
Nous restons là une semaine. Nous mouillons à côté du work shop
flottant d’un spécialiste des pièces en alu et inox. De plus, il est Français,
ça facilite les explications techniques.
Nous sommes immobilisés un jour de plus par une onde tropicale. peut-être la première tempête tropicale de la saison. Le vent souffle à plus de 35 nœuds, le tonnerre gronde et s’accompagne d’éclairs et de pluies violentes et abondantes. Cela dure une journée entière. Je prends mon ciré et je vais en bus à Hillsborouh faire quelques courses. J'admire au passage la campagne et les constructions en bois colorées.
Nous sommes immobilisés un jour de plus par une onde tropicale. peut-être la première tempête tropicale de la saison. Le vent souffle à plus de 35 nœuds, le tonnerre gronde et s’accompagne d’éclairs et de pluies violentes et abondantes. Cela dure une journée entière. Je prends mon ciré et je vais en bus à Hillsborouh faire quelques courses. J'admire au passage la campagne et les constructions en bois colorées.
Nous naviguons vent arrière
vers Grenade. Nous
allongeons un peu la route pour le plaisir de passer au travers de petites îles
aux noms plaisants : « Diamand’s Rocks », « Les Tantes », « Ile Ronde », « Les
Cailles ». Là on ramasse un grain. On bifurque vers « London’s Bridge » (ce
petit caillou a vraiment la forme d'un pont anglais), puis vers la côte NO de
Grenade. La houle est assez marquée et les creux atteignent 2 mètres mais on
avance bien.Nous arrivons à St Georges’s, capitale de
Grenade, et nous avons bien du mal à trouver un ancrage dans le petit lagon très
fermé et très fréquenté.
Nous restons un peu à
St George’s et nous sillonnons l’île à bord des taxis collectifs, les bus
locaux. Grenade nous plaît beaucoup, les gens y sont avenants, souriants,
accueillants, et la nature est verte et contrastée. L’île a cependant beaucoup souffert du passage
du cyclone « Yvan » en 2004. La marina de St George’s a été détruite ainsi que
de nombreuses maisons et bâtiments. La ville est toute en collines et sur les
hauteurs, les églises et autres édifices élevés sont toujours décapités. Les forêts du centre de l’île portent aussi les
traces de la fureur des vents. Les villages de pêcheurs ont subi de nombreux
dégâts. L’économie de l’île ne se remettra pas facilement de la catastrophe.
Elle repose essentiellement sur l’agriculture. Les exportations principales sont
la noix de muscade, les bananes, le cacao. Grenade est appelée « l’île aux
épices ». Elle était le deuxième exportateur mondial de noix de muscade avant le
passage d’Yvan, qui a détruit 90% des plantations. Il faudra des décennies pour
atteindre l’ancien niveau de production.
Nous montons dans les bus, descendons,
remontons dans un autre, et dans un autre encore. J’adore ces transports locaux.
On grimpe en saluant cordialement à la cantonade. L’ambiance est garantie. Ca
discute, ça rigole, ça chante. La musique va très fort. On paie l’équivalent de
quelques centimes au chauffeur ou au jeune garçon chargé d’ouvrir et de fermer
la portière coulissante. Quand il n’y a plus de place, on en crée en installant
un strapontin à côté de la banquette, chacun se serre, le contact avec votre
grosse voisine (la majorité des femmes sont très volumineuses) se fait plus
direct encore, on colle, on transpire, mais quelle bonne humeur. Et quand on
veut descendre, il suffit de faire toc-toc sur le toit ou sur un bout de
carrosserie.
On visite les villages de pêcheurs, une fabrique de noix de muscade (au chômage technique), une fabrique artisanale de chocolat, une distillerie de rhum tout aussi artisanale. Dégustation du « feu » à 75° ! Comme le degré maximum autorisé pour l’exportation est à 70°, ils font aussi un rhum plus doux, à 69° ! On se promène dans les marchés, dans les campagnes.
On visite les villages de pêcheurs, une fabrique de noix de muscade (au chômage technique), une fabrique artisanale de chocolat, une distillerie de rhum tout aussi artisanale. Dégustation du « feu » à 75° ! Comme le degré maximum autorisé pour l’exportation est à 70°, ils font aussi un rhum plus doux, à 69° ! On se promène dans les marchés, dans les campagnes.
On s’offre un extra ; on va assister à la
ponte des tortues luth. Moment magique, inoubliable. Ces énormes tortues de mer
sont protégées et tout est strictement organisé. La « visite » ne peut se faire
qu’en petits groupes. Nous sommes quatre.L’expédition a lieu la nuit. Les mois de
mai et juin sont idéaux mais il n’y a bien sûr aucune garantie de voir les
tortues. Il faut se rendre à Levera Point, sur une plage à l’extrême NE de
l’île, à 2 heures de route. C’est paraît-il l’un des 3 endroits des Caraïbes où
viennent pondre les tortues luth. On emmène sandwiches et équipements pour
passer la nuit sur la plage. Il fait nuit déjà quand nous arrivons. Cameron,
notre guide, nous attend. Trois jeunes filles sont là aussi, et un jeune garçon,
déjà aux aguets avec tout leur matériel de monitoring. Ils sont tous bénévoles
et passionnés, membres d’une association anglaise de protection des tortues de
mer. Ils viennent chaque nuit pendant la période de ponte et d’éclosion, pour
observer, mesurer, baguer, répertorier, protéger les œufs et aussi éduquer les
populations locales à la sauvegarde des espèces menacées. Les œufs sont ici
particulièrement appréciés. Or les tortues luth font partie des espèces en
danger. Elles existent depuis plus de 165 millions d’années (elles ont survécu
aux dinosaures) mais atteignent aujourd’hui un seuil critique. Les scientifiques
estiment que en 15 ans, le nombre annuel de nids est passé de 120.000 à 25.000.
Et un seul individu sur 2.500 naissances arrive à l’âge adulte, soit environ 20
ans.
Nous nous installons sur la plage et nous écoutons les recommandations et les enseignements de nos guides. Nous avons pour abri une vieille barque de pêche retournée. Nos guides s’affairent d’un bout à l’autre de la très longue plage. Ils sont reliés par téléphone portable. Nous admirons les étoiles en espérant avoir la chance de voir au moins une tortue. Vers 22H30 nous sommes informés qu’une tortue vient de sortir de l’eau, à plusieurs centaines de mètres. Nous ne serons autorisés à approcher que lorsque la tortue aura terminé de creuser son nid et qu’elle sera prête à pondre. Sinon nous risquerions de la déranger et elle retournerait alors tout simplement dans l’eau. L’excitation nous gagne. Ces animaux d’un autre âge fournissent un tel effort pour faire une si longue et difficile migration du Canada ou de Grande Bretagne. Nous avons hâte de les approcher. Enfin, le guide nous propose de nous mettre en route. Il nous a bien briefé et nous respecterons scrupuleusement les consignes. Lorsque nous arrivons, la tortue termine son nid. Nous nous agenouillons juste derrière elle. Elle est énorme ! On dirait une barque retournée. Elle mesure près de 2 mètres de long, sans compter la tête et les puissantes nageoires. Ces tortues peuvent peser de 800 à 900 kilos. Leur carapace est faite d’une sorte de cuir (d’où leur nom anglais « leather back turtles »), intégré à leur dos. Elles ne peuvent donc pas replier tête et pattes sous la carapace comme les tortues terrestres.
Seules les lampes frontales à lumière rouges sont autorisées. Et pas de photos au flash. Notre tortue ne semble pas percevoir note présence. Elle termine de creuser son nid avec ses nageoires postérieures, avec d’amples gestes lents et tranquilles. Ensuite commence la ponte. Environ cent œufs de la taille d’une balle de tennis. Une des guides a glissé doucement le bras sous une nageoire et fait glisser un à un les œufs dans le creux de sa main pour les compter avant de les laisser tomber au fond du nid. Nous nous tenons accroupis ou couchés juste derrière la tortue, à la toucher. Nous avons le souffle coupé. Lorsqu’elle a fini de pondre, elle rebouche son nid, toujours avec ses nageoires postérieures. Il faut s’écarter un peu pour ne pas ramasser un coup de nageoire. Ensuite elle tasse le nid consciencieusement, puis le camoufle en traînant son corps lourd tout autour pour effacer les traces et enfin se remet en route lentement, pesamment, vers la mer où elle disparaît. Le tout sans rien voir, sans rien sentir, rien qu’à l’instinct. Elle sera restée sur terre environ deux heures.
Nous nous installons sur la plage et nous écoutons les recommandations et les enseignements de nos guides. Nous avons pour abri une vieille barque de pêche retournée. Nos guides s’affairent d’un bout à l’autre de la très longue plage. Ils sont reliés par téléphone portable. Nous admirons les étoiles en espérant avoir la chance de voir au moins une tortue. Vers 22H30 nous sommes informés qu’une tortue vient de sortir de l’eau, à plusieurs centaines de mètres. Nous ne serons autorisés à approcher que lorsque la tortue aura terminé de creuser son nid et qu’elle sera prête à pondre. Sinon nous risquerions de la déranger et elle retournerait alors tout simplement dans l’eau. L’excitation nous gagne. Ces animaux d’un autre âge fournissent un tel effort pour faire une si longue et difficile migration du Canada ou de Grande Bretagne. Nous avons hâte de les approcher. Enfin, le guide nous propose de nous mettre en route. Il nous a bien briefé et nous respecterons scrupuleusement les consignes. Lorsque nous arrivons, la tortue termine son nid. Nous nous agenouillons juste derrière elle. Elle est énorme ! On dirait une barque retournée. Elle mesure près de 2 mètres de long, sans compter la tête et les puissantes nageoires. Ces tortues peuvent peser de 800 à 900 kilos. Leur carapace est faite d’une sorte de cuir (d’où leur nom anglais « leather back turtles »), intégré à leur dos. Elles ne peuvent donc pas replier tête et pattes sous la carapace comme les tortues terrestres.
Seules les lampes frontales à lumière rouges sont autorisées. Et pas de photos au flash. Notre tortue ne semble pas percevoir note présence. Elle termine de creuser son nid avec ses nageoires postérieures, avec d’amples gestes lents et tranquilles. Ensuite commence la ponte. Environ cent œufs de la taille d’une balle de tennis. Une des guides a glissé doucement le bras sous une nageoire et fait glisser un à un les œufs dans le creux de sa main pour les compter avant de les laisser tomber au fond du nid. Nous nous tenons accroupis ou couchés juste derrière la tortue, à la toucher. Nous avons le souffle coupé. Lorsqu’elle a fini de pondre, elle rebouche son nid, toujours avec ses nageoires postérieures. Il faut s’écarter un peu pour ne pas ramasser un coup de nageoire. Ensuite elle tasse le nid consciencieusement, puis le camoufle en traînant son corps lourd tout autour pour effacer les traces et enfin se remet en route lentement, pesamment, vers la mer où elle disparaît. Le tout sans rien voir, sans rien sentir, rien qu’à l’instinct. Elle sera restée sur terre environ deux heures.
Sorry, nous n'avons aucune photo de qualité !
Pendant que la première terminait son travail de camouflage, une
seconde tortue est sortie de l’eau. Elle commence son nid sur un terrain
inadéquat, où il y a des cailloux et de la glaise qui l’empêchent de creuser.
Cette même tortue était déjà venue la veille (elle est baguée) et avait dû
repartir bredouille car elle avait choisi un trou d’eau. Elle repart aujourd’hui
encore vers la mer avec sa cargaison intacte. Elle reviendra peut-être avec la
prochaine marée ou le prochain courant favorable.
L’équipe de nos guides prend un relevé précis de la position des nids pour pouvoir suivre d’ici environ 3 mois l’éclosion des œufs. Ils parachèvent aussi le travail de camouflage car si les tortues cachent l’emplacement de leur nid, elles ignorent que les traces de leur corps et de leurs nageoires restent visibles pour l’homme et offrent un jeu de piste facile pour les amateurs d’omelettes fraîches.
Nous repartons vers notre « base » sur la plage où nous somnolons. Vers 1H30 une autre tortue sort de l’eau, tout près de nous cette fois. Nous aurons tout le loisir d’observer son lent et patient travail avec la lumière des étoiles. La nature fut merveilleuse cette nuit-là.
L’équipe de nos guides prend un relevé précis de la position des nids pour pouvoir suivre d’ici environ 3 mois l’éclosion des œufs. Ils parachèvent aussi le travail de camouflage car si les tortues cachent l’emplacement de leur nid, elles ignorent que les traces de leur corps et de leurs nageoires restent visibles pour l’homme et offrent un jeu de piste facile pour les amateurs d’omelettes fraîches.
Nous repartons vers notre « base » sur la plage où nous somnolons. Vers 1H30 une autre tortue sort de l’eau, tout près de nous cette fois. Nous aurons tout le loisir d’observer son lent et patient travail avec la lumière des étoiles. La nature fut merveilleuse cette nuit-là.