dimanche 15 février 2015

LE CARNAVAL = DIMANCHE GRAS











http://etoile-de-lune.net/edl/carnaval/carnaval.htm


Au beau pays du carnaval

Sommaire de la page
Accédez directement à l'un des chapitres en le sélectionnant dans ce sommaire
http://etoile-de-lune.net/edl/carnaval/fond.jpg

An bel péyi Kannaval

Au beau pays du carnaval

La grande tradition carnavalesque se nourrit essentiellement d’oralité, il est donc difficile de retrouver son origine exacte. Fouiller dans l’histoire du carnaval relève du jeu de piste qui nous entraîne dans les lectures les plus diverses. Ainsi en se perdant dans les méandres de la littérature, on retrouve des bribes d’indices qui aboutissent aux sources du carnaval. Ceci dit la connaissance reste vague et non exhaustive car le carnaval revêt un aspect planétaire. Il n’existe pas un seul et unique carnaval, mais des carnavals à travers le monde. Je vais tenter ici de développer quelques repères historiques et géographiques afin de débroussailler le terrain. Nous débuterons ce voyage historique en Gaule, puis nous partirons à Rome, pour mieux revenir vers la France et refaire une escale en Italie… Nous ferons un petit détour étymologique avant de traverser l’Atlantique. Nous resterons dans les îles afin de voir le carnaval éclore. Nous pénètrerons dans le panthéon du carnaval des Antilles pour découvrir la richesse des personnages qu’il met en scène.

Les origines du carnaval

Kannaval d’an tan lontan : des racines multiples

D’emblée le carnaval pose un dilemme sémantique. Il se référencerait soit au rythme des saisons, soit à l’expression d’une polémique. Voyons dans quelle mesure la fête est le prolongement de l’une ou l’autre souche.

Première option : le carnaval fête le printemps.

Le carnaval apparaît à la jonction de deux cycles. En effet, le carnaval est célébré à la lisière de l’hiver qui n’en finit pas et du printemps que l’on attend avec impatience. Les contrées subissant des hivers rudes ont besoin d’interpeller la saison à venir. L’hiver est synonyme de mort, tandis que la résurrection de la nature arrive avec le printemps. Le peuple désire se débarrasser de l’hiver qui apporte misère et famine. Il guette fébrilement les premiers signes du printemps. Les réjouissances de carnaval redonnent l’espoir au peuple.
Ainsi naissent des jeux figuratifs qui enterrent, brûlent ou immergent le vilain hiver pour laisser la place à la fertilité et à la richesse qu’offre le printemps. Les pays du Nord fêtent le carnaval de cette manière. Par exemple à Binche, en Belgique, les Gilles frappent de leurs sabots le sol pendant les jours de carnaval. Cette marche à pour but d’enterrer l’hiver sous les pavés de la ville, tandis que les clochettes des lourdes coiffes teintent au moindre mouvement et appellent le printemps. La belle saison est aussi symbolisée par la couleur vive des oranges qu’ils lancent dans la foule. La plupart des carnavals brûlent leur effigie à la fin des festivités, ils mettent fin symboliquement aux jours d’hiver…

Restons dans les pays nordiques et remontons le temps

La gaule compte ses saisons…
Le déroulement des festivités du carnaval se retrouve tout au long de notre histoire. Il ne portait pas ce nom, mais les pratiques rituelles utilisaient le déguisement. En Gaule, le cycle mythologique était ponctué par l’apparition des saisons. Chaque épisode de l’année était célébré à date fixe par des cérémonies religieuses. Plus de sept siècles avant Jésus Christ la coutume gauloise suivait un ordre calendaire. Le folklore populaire intimement lié aux croyances en dieux naturels et saisonniers, utilisait des déguisements qui symbolisaient le cours naturel des étapes de l’année raconté dans les légendes séculaires.
Les légendes gauloises mettent en scène une grande déesse mère qui épouse successivement le dieu du ciel, Tanaris, et le dieu de la terre, Esus. L’un représentant la belle saison, l’autre la mort et l’hiver. La légende relate la métamorphose des divers protagonistes, en grues, en taureau, en cerf qu’il faut tuer pour retrouver à la fois la saison porteuse de richesses et l’aspect humain des Dieux.
De la légende au folklore
La légende qui est là pour imager la succession des saisons met en scène des sacrifices et des transformations d’humains en animaux. Chaque année la population s’adonnait à un jeu de mascarades et de danses. Les hommes et les femmes se déguisaient en cerf et en biches ou en taureaux et en génisses. Ils se livraient à des danses plus ou moins lascives pendant des jours entiers. A la fin des libations, un cerf était sacrifié.
Tous les ingrédients du carnaval sont là : déguisement, fêtes, danses et sacrifice à la fin des festivités. Aujourd’hui c’est une marionnette qui est brûlée…

Deuxième option : le carnaval soupape sociale et politique

Rome fête Saturne
Depuis la plus haute Antiquité, le culte de Saturne s’est maintenu à Rome. Vivace, il résista jusqu’à la fin de l’Empire. Malgré la longévité de ce rituel, il n’est pas possible de cerner avec précision les contours du personnage divin auquel il s’adressait. Par contre, les mécanismes de ces festivités sont parvenus jusqu’à nous. Les Saturnales étaient célébrées dans la deuxième quinzaine de décembre. Elles se déroulaient à l’instar d’un carnaval où les hiérarchies sociales et les conventions morales sont bouleversées. Les maîtres se mettaient au service des esclaves. Ces fêtes étaient censées abolir la distance qui existait entre hommes libres et esclaves. Les hommes libres s’abstenaient de porter leur toge. Tous libres et esclaves, portaient sur la tête le bonnet de l’affranchi, symbole de liberté. Dans la maison, les maîtres offraient aux esclaves les repas rituels : viande rôtie et vin, avant de manger eux-mêmes, à moins de partager le repas fraternellement avec leurs serviteurs. Les esclaves ne travaillaient pas. Il leur était permis de boire du vin jusqu’à l’ivresse et de s’abandonner aux jeux de hasard. Ils jouaient en général des noix. Tout cela leur était habituellement interdit. La débauche s’exprimait en toute liberté. La foule se répandait dans les rues et scandait des cris rituels. Pendant cette période festive, les hostilités devaient cesser, la justice était en vacances, les prisonniers amnistiés, les écoles fermées. Les esclaves qui avaient droit à une certaine liberté de parole scandaient volontiers des propos pénibles à entendre pour la bourgeoisie de l’époque. Ainsi, durant ces jours de liesse, les riches s’éclipsaient volontiers à la campagne afin de s’épargner tumulte et humiliation. Il est vraisemblable aussi que la fin des festivités se terminait par la mort du roi… Un esclave ou un prisonnier était élu en tant que Roi de la fête. Pendant cette période il pouvait tout demander tout exiger… A la fin, il était sacrifié…
Et les orgies ?
Au mois de février, les Romains célébraient un mois entier d’orgies. Ils s’abandonnaient à la luxure et à la débauche. Loin d’être une pratique choquante, elle revêtait à l’époque une notion purificatoire. En effet, les Romains croyaient que l’orgie était comparable à l’eau de source qui coule sans cesse et qui, pour cette raison reste pure, à l’encontre des eaux stagnantes qui pourrissent. Le mois de février était ainsi consacré aux « purifications ».
Rome célébrait l’inversion sociale en décembre avec les Saturnales tandis que les orgies par leur symbolique étaient sensées favoriser l’ensemencement de la terre et la venue du printemps.

Mélange de genres et montée du christianisme

Les Romains qui conquirent la Gaule laissèrent les vaincus à leurs rites ancestraux tandis que les nouveaux venus célébraient les leurs. Peu à peu, le folklore gaulois se mêla aux cultes romains. La confluence des genres a laissé quelques traces dans son sillage. Si ces deux cultures avaient ouvert la voie aux festivités, la montée du christianisme et la création d’un nouvel ordre religieux allait changer beaucoup de choses, sans pour autant, tout faire disparaître. Les autorités ecclésiastiques ne pouvaient en effet censurer toutes les fêtes que célébrait le peuple fraîchement converti. A l’époque elles ne portaient pas le nom de carnaval, quel que soit leur nom, les festivités étaient vécues comme un acte collectif. Un rendez-vous attendu qui ponctuait la vie locale. C’était, comme ce l’est toujours, une attente inconsciente de la population. Les interdire n’aurait pas provoqué leur disparition, mais le rejet de ces évangélisateurs qui auraient eu une idée aussi saugrenue. L’autorité de la nouvelle religion aurait été proscrite. Les maîtres du culte chrétien étaient conscients des besoins de divertissement de la population. Ils avaient compris que ces fêtes agissaient comme une réelle soupape sociale. La fête est la parade contre les émeutes populaires attisées par le mécontentement ou la frustration générée par un pouvoir trop rigide. L’acceptation des contraintes du quotidien passait entre autre par la thérapie du théâtre de rue, par le regroupement de foule sous un même thème. Se divertir veut dire se détourner de ses soucis en s’amusant. Quel meilleur exutoire que celui de changer de peau ? Etre, pour quelques heures ou quelques jours, dans la peau d’un autre, est un excellent antidote aux problèmes !

Réguler le désordre ambiant…

Certaines pratiques, comme les orgies, étaient, on ne peut plus contraires, à la morale chrétienne. Il fallait donc mettre de l’ordre dans les pratiques ancestrales sans pour autant les interdire. L’Eglise s’employa dès lors à modifier les mœurs dans un sens plus chrétien. Ainsi, les périodes de libations se muèrent en processions où le chant et la pénitence offrent une distraction certes moins ludique mais plus en phase avec la religion. Cependant, il fallait autoriser au peuple de vrais dérivatifs et aménager des époques de divertissement dans le calendrier liturgique. Si les saturnales influencent les mécanismes du carnaval à venir c’est le calendrier des orgies qui sera respecté. Toutefois le sacrifice humain n’est plus toléré. L’Eglise opère donc de savants mélanges pour faire oublier certaines pratiques tout en gardant une notion de fête…L’héritage gaulois subit lui aussi quelques adaptations aux nouvelles normes religieuses. La symbolique de l’appel du printemps n’était pas condamnée. Mais l’Eglise refuse d’entériner l’usage des masques animaliers. Ils deviennent sacrilèges car ils rappellent trop le culte voué aux Dieux gaulois. L’Eglise explique que « l’enveloppe charnelle qui a été offerte par le Créateur ne saurait être remise en question. Il serait criminel de refuser ce que dieu a donné. » Il a offert sur un plateau doré l’aspect humain qu’on se le garde ! Adieu donc génisses, biches, et autres oiseaux ! Faites donc marcher vos méninges pour trouver d’autres thèmes de travestissement…

Amnésique mais imaginatif…

Rome n’a pas été faite en un jour. Le carnaval mettra longtemps à se nommer comme tel et à trouver sa place dans les sociétés qu’il anime périodiquement. Tradition populaire par excellence, il trouve peu à peu ses marques. Il s’inspire de ses ancêtres. Il hume l’air du temps. Il s’enrichit du quotidien et ramasse des miettes par-ci par-là. Il se nourrit de souches ancestrales et contemporaines tout en devenant amnésique. Car il aurait pu porter en lui des traditions qui remontent plus loin encore que la Gaule. Il pourrait faire référence au mythe d’Osiris en Egypte, aux cortèges de bacchanal ou aux mascarades mythologiques des Anthestérias d’Athènes, au Sacea de Babylone, mais aussi à la Chine, à Israël, à l’Asie…

Le moyen-âge

Au moyen-âge plus personne ne parle de Saturnales. Tout le monde a oublié Esus. Qui est Osiris ? A cette période la fête populaire est en quête d’identité dans un monde qui a été bousculé par de nouvelles valeurs humaines. Elle subit des bouleversements, des mises en coupe, mais jamais elle n’abdique. Au moyen-âge, elle renaît de ses cendres sous l’aspect de la fête des fous. La fête des innocents est également un défoulement attendu par la population. La fête trouve un second souffle dans l’art de la caricature.
A cette époque, la figure humaine est associée à un ordre universel. Beauté et laideur sont hiérarchiquement représentatives des vertus et des vices. Ces deux pôles évoquent le Ciel et l’enfer. L’Eglise use d’allégories pour enseigner la genèse. A son tour le peuple emploie le même procédé pour parodier le pouvoir en place. Il invente un jeu basé sur les artifices qui conjureront le mauvais sort et qui combattront la peur de l’Enfer. Il se cache derrière des masques pour exprimer tout ce qu’il refoule quotidiennement. Tout en se moquant des méthodes de l’Eglise, le peuple concocte le contrepoison de l’angoisse existentielle. Peu à peu une nouvelle formule de la fête voit le jour. Elle est tolérée par les autorités religieuses et politiques. De plus les pratiques païennes jouent leur rôle d’exutoire.
A l’aube de l’aire carnavalesque apparaissent le Roi et son Bouffon. Le Roi devient mendiant ou ours, le fou devient sage, la femme devient homme et réciproquement, le vieillard se coiffe d’un bonnet de jeune enfant, la prostituée devient religieuse… La roue du temps tourne, les cultes changent, mais la pratique de la fête costumée demeure.

La suite…

Dans la rue le peuple s’amuse, invente de nouveaux personnages, s’inspire de ces Grands qui le gouvernent. Il brocarde sous le couvert du masque le pouvoir politique et religieux. A leur tour, les Grands initient leurs fêtes. Dans les hautes sphères les bals costumés voient parader les nobles et les riches. L’aristocratie organise des nuits fabuleuses où la fantaisie et le luxe se disputent le premier rôle. Les siècles avancent et les grandes familles italiennes s’imposent comme chef de file. Les Médicis sont bientôt suivis par les Gonzague, les d’Estes et les Rois de France… Les cours d’Europe s’adonnent au travestissement dans des fêtes sans précédent où la beauté, la danse et la musique sont sacralisées. L’excentricité n’a pas de limite et les dépenses qu’elle entraîne sont extraordinaires. Dès le seizième siècle la commedia dell’arte qui met en scène des carrosses, des chevaux, des ânes, des gondoles, des fontaines, des gerbes de feu, des statues articulées inspire les fêtes qui se veulent dans le ton. Les personnages du répertoire italien s’expatrient partout en Europe. Longue vie est promise aux capitans, pantalons, brighellas, arlequins, pierrots et autres colombines. Les banquets prennent des proportions qui dépassent l’intérieur des salles de réception. Ils se magnifient et s’agrémentent de défilés de chars et de carrosses. Les participants masqués sont à la fois spectateurs et acteurs. Les jeux, les farces, les danses, la musique et les feux d’artifices deviennent les ingrédients de fêtes somptueuses…
Tout est prêt, tout est là… qu’attend-il donc pour éclore ?
Posons la question tout net….
Quand le premier carnaval officiel a-t-il eu lieu ?

Petit détour étymologique

Difficile de connaître la date exacte du premier carnaval. Seule certitude, le mot apparaît pour la première fois en 1268 dans le « Livre des Mestiers » de Boileau. Monsieur Fousch le signale également en 1549 dans l’Histoire des Plantes. Le terme est dérivé du mot carnelevare qui signifie « ôter (levare) la viande (carne) » Ce mot fait donc référence, dans son étymologie, à la période grasse juste avant le carême. Mais les écrits ne mentionnent pas le premier carnaval où grands et petits, riches et pauvres se jettent dans le même bain de foule.

Arriverons-nous à décoder l’Histoire ?

Comme toutes les traditions populaires le carnaval est le résultat d’une lente évolution ! Il a mélangé les genres, les inspirations et les envies du moment. On pourrait dire que le premier carnaval était fêté par les Gaulois ou les Romains. Mais à l’époque il ne portait pas ce nom. Il y avait un rendez-vous populaire, mais ce n’était pas le carnaval. Par la suite l’évolution permanente des traditions populaires a engendré les fêtes des fous, mais cela ne portait pas, non plus, le nom de carnaval. La commedia dell’arte qui inspira les plus grandes fêtes apparut dès le seizième siècle. Elle portait d’autres noms comme commedia all’improviso (à l’impromptu), commedia a soggetto (à canevas) ou commedia popolare (populaire), qui font référence à l’improvisation et au caractère populaire de cette manifestation. L’interface entre le carnaval et la commedia dell’arte est évidente. Autre point commun, l’évolution de cette dernière se révèle longue et obscure tout comme le carnaval. Mais la commedia dell’arte n’est pas le carnaval. Elle est populaire certes, mais il lui manque son caractère désinvolte et son effet de contrepoison au quotidien pernicieux… Impossible donc de donner une date au premier rendez-vous de toute la communauté qui se perpétue maintenant chaque année grâce à la volonté collective.

Les colons emportent l’esprit de la fête dans leurs bagages

Lors de la découverte des îles, et de l’installation des premiers gouverneurs dans les îles le carnaval existait-il déjà en France ? Ou les colons se souvenaient-ils des fêtes prestigieuses données en Métropole ? Nous avons une première réponse qui nous vient de Martinique.
Le mariage de Du Parquet gouverneur et sénéchal de Martinique dès 1635, fut l’occasion d’une première démonstration de joutes de costumes sur les flans de la montagne Pelée. En effet, les amis parisiens de Marie Bonnard, l’heureuse élue, décidèrent de l’honorer en défilant, sous les fenêtres du château de la Montagne, vêtus de costumes somptueux. Les compatriotes du marié, tous Normands, ne désiraient pas en rester là. Ils organisèrent à leur tour des mascarades en l’honneur de leur chef de file. Cette concurrence badine engendra des fêtes fastueuses. Plus tard, les colons construisirent, eux aussi, de belles demeures. Les planteurs se divertirent comme ils le faisaient naguère en Métropole. Dans toutes les îles des Caraïbes, le carnaval est apparu parce qu’il était dans les malles des colons. Tous les planteurs de toutes les îles organisaient d’élégants bals masqués auxquels les esclaves ne participaient, en tant qu’acteurs, que pour divertir ou servir leurs maîtres.
C’est ainsi que la première phase de contagion atteint les affranchis ou esclaves libres. Ils se réunissent à leur tour et réinventent la fête de fous. Ils n’ont pas les moyens de se vêtir tel les colons. Ils font appel à leur imagination et utilisent des riens pour s’inventer des costumes. Vieux vêtements, pyjamas et fibres naturelles sont bienvenus. Ils introduisent dans la fête des éléments ancestraux : expression du rythme, usage d’instruments à percussion, l’art de la danse, un parlé spécifique, des masques. A ces ingrédients festifs, se mêle leur tempérament gouailleur et satyrique.

Les premiers pas du carnaval…Pas sans mal

Le carnaval apparaît dans les îles françaises dans le courant du dix-huitième siècle. En 1765 il est interdit. Les affranchis défilaient costumés dans la rue dans la période d’avant carême. Mais ils en profitaient selon l’arrêté d’interdiction pour s’armer et défiler sous le couvert de l’anonymat avec « des coutelas, des bâtons ferrés et des couteaux flamands. » Toute personne de quelque qualité et condition que ce soit ne pourra, sous peine d’un emprisonnement de 24 heures, circuler masqué dans les rues de la ville. Ces interdictions sont renouvelées quasiment jusqu’en 1850. L’abolition de l’esclavage a eu lieu en 1848. Tous les hommes sont libres, cependant ils ne sont pas égaux. La fortune ne sourit pas à tous, et il faudra encore une longue évolution avant que le carnaval ressemble à celui que l’on voit aujourd’hui.
Plus les descendants d’esclaves s’approprient cet événement annuel, plus les planteurs s’en exilent. Après l’abolition de l’esclavage, les affranchis extériorisent leurs sentiments face à l’oppression économique, sociale et politique dont ils ont été et sont encore, à cette époque, les victimes. Ils s’affublent de masques et leurs travestissements parodient leurs anciens maîtres. Ils introduisent ainsi dans la fête leur tempérament satirique, malheureusement les sarcasmes s’allient parfois à la violence. Avant la catastrophe de la Montagne Pelée, Saint-Pierre était le siège du carnaval de la Martinique. Son carnaval dépassait les bornes en toutes choses. En 1885, un avis édité par le maire de Saint-Pierre traduit l’ampleur que prend le carnaval. Les autorités sont notamment obligées de réglementer les divertissements du Carnaval. Ils ont dû limiter la sortie des masques à certains jours : le "dimanche, les jours gras et le mercredi des cendres" et à certaines heures. Le port du masque est interdit avant midi et après huit heures du soir.
A ce sujet un spectateur écrit, en 1900, dans le journal l'Opinion : "Mais il faut le voir mes amis ! Il faut le voir à Saint-Pierre où le Carnaval est plus animé que partout ailleurs, où c'est un délire qui empoigne les cerveaux les mieux équilibrés, à Saint-Pierre où l'avalanche est telle qu'elle devient sublime et émouvante. Je suis resté, ajoute-t-il, des fois cinq minutes sans le souffle, ahuri, une fois notamment près du Théâtre, dans cette rue Victor Hugo si mouvementée qui se précipite depuis la maison Croquet jusqu'au marché du Fort, devant deux mille masques, un flot humain inconcevablement bariolé et vivace, une inondation d'hommes et de femmes et d'enfants, électrisés par un orchestre infernal"...
Citons aussi le vice-recteur Garaud, qui nous décrit le Carnaval de Saint-Pierre : "J'ai précise-t-il, été témoin du carnaval ensoleillé de l'Italie dans diverses villes ; je l'ai admiré à Nice, j'ai assisté au carnaval sans façon des petites communes de France. J'ai vu le carnaval de Paris... Rien de tout cela ne ressemble au carnaval de Saint-Pierre. Ici, la ville entière est descendue dans la rue, la ville entière a pris le masque; elle chante, elle danse, elle agite ses grelots. Jamais les saturnales à Rome, jamais en Grèce les bacchanales n'ont offert un pareil spectacle; jamais la fête des fous, au moyen-âge, n'a étalé cette débauche de joie. L'imagination ne peut rêver: de semblables folies humaines un délire aussi envahissant, une pareille marée de gaieté écumante et montante"

Un carnaval bipolaire

Plus les années s’éloignent du temps de l’esclave, plus le désordre s’amplifie. Plus personne ne parvient à canaliser la machine infernale conduite par le bwa-bwa. Les blancs se retranchent, à l’approche des fêtes du carnaval, dans leur demeure. Les békés mais aussi les mulâtres puissants trouvent leur plaisir dans les réceptions mondaines à huis-clos, où les femmes se parent de leurs plus beaux atours et les hommes se costument. Pendant ce temps, le peuple organise peu à peu son carnaval. Et les planteurs se travestiraient volontiers en autruche…

Qu’est-ce qui effrayait tant les bourgeois ?
Bwa-Bwa digne héritier des Griots….

L’esprit frondeur des affranchis est directement importé d’Afrique de l’Ouest. Les Griots étaient des personnages appartenant à la caste des poètes et des musiciens. Ils étaient chargés de transmettre la tradition orale. Ils étaient redoutés, car ils étaient capables de couvrir d’éloge ou d’accabler d’insultes ceux qu’ils interpellaient. Héritier directe de cette pratique, le carnaval des Antilles est le siège de la liberté d’expression. Il est semblable au désordre ordonné d’une ruche. Telle une vague ingérable, elle s’organise spontanément pour recréer ses propres lois. La foule souveraine absolue, protégée par l’anonymat des masques, s’autorise tous les débordements. Pendant plusieurs jours, les participants défilent sous l’égide du bwa-bwa qui représente chaque année une personne particulièrement peu appréciée par la population. Politicien véreux, commerçant avide, contremaître brutal, toute personne malhonnête aux yeux du peuple est susceptible de se voir brocardée. Ainsi la haute société des îles s’exilait pendant cette période de liesse. Cet ostracisme délibéré des planteurs trahit donc la peur de la satire figurée par le bwa-bwa et chantée dans les biguines. Ces chansons populaires pouvaient en fait acculer les victimes des paroles acerbes à l’exile ou même au suicide. L’aristocratie insulaire entendait donc ne pas participer aux joutes oratoires du carnaval plébéien.
Pour mieux se démarquer encore de l’embryon de carnaval populaire, le carnaval des « riches » finissait le mardi gras, tandis que celui du peuple jouait les prolongations jusqu’au mercredi des cendres. Les békés interdisaient à leurs enfants de sortir ce jour là. Ils auraient été considérés comme des dévoyés. En effet, le mercredi est jour des guiablesses. Ces filles, belles, semblaient ne participer au carnaval que pour détourner les hommes du droit chemin !.

Que reste-t-il de la gouaille d’antan ?

Aujourd’hui, le carnaval est moins violent qu’il ne l’était du temps de la splendeur de Saint-Pierre. Le grand écart économique entre Blancs et Noirs, s’il ne s’est pas refermé totalement, s’est considérablement resserré en comparaison de ces années d’esclavage et d’après l’abolition. Si certains carnavals des Antilles sont devenus de réels récitals, où l’on parque les spectateurs derrière des barrières ou pire derrière des vitres, d’autres sont restés des actes collectifs.
Dans la plupart des îles françaises des Antilles, le carnaval est resté cet art simple et vrai qui s’exprime au grand jour, dans la rue. Grands et petits, tout le monde attend l’événement carnavalesque. C’est un rituel inéluctable. Aux Antilles le carnaval est plus attendu que Noël. Chaque année la magie opère, tout recommence avec le même enthousiasme. Tout le monde se retrouve dans le même engouement, chacun choisi d’être acteur ou spectateur. De toute manière il n’y a aucune barrière entre les deux. L’improvisation est la loi constitutionnelle du carnaval d’outre-mer. Chacun à sa guise peut se mêler au carnaval. Chacun peut s’exprimer au travers de son costume voire d’une simple pancarte.
Le sentiment général exprimé par le bwa-bwa est panaché par une joyeuse cacophonie de considérations personnelles. Parfois, les revendications expriment des aspects douloureux de la société : des angoisses de contagion, de virus, de maladie, de pauvreté, de violence. En somme, la peur du lendemain défraye la chronique carnavalesque, mais jamais de manière dramatique, toujours sur un ton caustique.
Le plus souvent c’est la politique qui est brocardée, le social est interpellé, le judiciaire est vilipendé, les « people » sont caricaturés. La voix du peuple dénonce, critique, exagère tous les faits marquants de l’année. Les intrigues que l’on croyait enfouies sous le sceau du secret, rejaillissent sous les paillettes dorées. Si les visages sont masqués, la critique ne souffre aucun déguisement. Les opinions de tout bord martèlent l’asphalte des rues de la ville. Tout se fait en rythme et fracas. Certains propos sont brandis sur des banderoles, ils peuvent choquer par la crudité de leur représentation. La panoplie des costumes s’agite et danse sur des airs bon-enfant, mais personne ne s’y trompe, les paroles qui brodent la musique sont cruelles. Tout s’organise de manière très aléatoire, pour créer un ensemble espiègle et perturbateur.

Sa’w pas sav gran pasé’w (un homme averti en vaut deux)

Tout le monde est bienvenu. Tout le monde participe. Sauf peut-être quelques notoriétés, qui préfèrent encore éviter ce bain public. En effet, on imagine mal, le Ministre de l’Intérieur, traditionnelle tête de turc des carnavaliers, flâner au milieu de la foule en liesse. En général, les responsables politiques, préfèrent participer à l’élection des reines, organiser des concours de chants traditionnels pendant les tours de chauffe du carnaval. Puis, soudainement, à l’approche des jours gras, messieurs les politiques s’éclipsent à leurs affaires courantes. La ville est laissée à la libre imagination des gens du carnaval. Il est certain qu’il faudrait à nos dirigeants, une bonne dose d’humour et de flegme pour prendre part à la fête sans s’irriter.
I sanfouté lo boufonnay la i karisivwè a…* (Il se fiche de toutes les moqueries qu’il reçoit)

Attention, le carnaval n’est pas un acte démocratique !

Si le corps travestit devient un médiateur social, un revendicateur de tout poil, le déguisement a l’unique prétention de jouer un rôle d’inversion. Cette dernière permet d’évacuer les tentions socioculturelles inévitables dans toute société. Le carnaval n’a jamais été le cœur de réels mouvements sociaux. Jamais aucun carnaval n’a métamorphosé la vie sociale et politique. C’est une simple fête, dont les fondements sont enracinés dans le terreau de l’exutoire et du détournement de faits socioculturels et politiques.
Le carnaval est une parade en marge du quotidien. Le carnaval mime la vie et la théâtralise. Il vampirise le quotidien et il s’évade dans les rythmes endiablés. C’est une fête généreuse, débordante de vitalité où l’amalgame est commis d’office. La confusion politique et populaire établit un nouvel ordre burlesque. Chacun se trompe de genre et de sexe. Chacun endosse le costume de l’autre qu’il s’amuse à brocarder. Le carnaval des Antilles colle à la peau des îles, au tempérament des insulaires. C’est une pagaille immense ordonnée au gré de l’imagination, de l’humour et de l’exubérance de chacun.
Le carnaval donne le meilleur de lui-même, lorsque intuitivement, les attentes inconscientes de la communauté sont satisfaites. Cette concrétisation passera inévitablement par ce que le bwa-bwa et les chansons du carnaval refléteront. Sous l’égide de ces deux maîtres, le carnaval peut alors exulter et déverser sur le bitume de la ville tout ce qu’il a sur le cœur. Le but est atteint… Ce but même, toléré par les instances ecclésiastiques, plusieurs siècles auparavant : un exutoire, qui permettra à chacun de revenir, une fois le carnaval fini, vivre une année au sein d’une société balisée par les normes politiques et religieuses. Le carnaval a rempli sa mission, il faut donc en finir et lorsque Vaval ou le bwa-bwa sera brûlé, chacun retournera au sein de la collectivité qui reprendra son cours normal.

Les trois moyens d’expression du carnaval

La chanson : un ouragan musical
Le bwa-bwa ou Vaval : l’effigie de la grogne
Les costumes : imagination et improvisation

La Chanson du temps de Saint-Pierre
Chanté an tan lontan

La chanson créole puise ses racines dans le parlé créole qui véhiculait la gouaille et la satire dont étaient capables les esclaves d’autrefois. Dès l’apparition du carnaval aux Antilles, la chanson y a joué un rôle prépondérant. Fernand Yang-Ting, avocat, publiciste, romancier de Saint-Pierre avant 1902, écrivait : "La chanson créole, sans quoi, il n'y aurait pas de carnaval martiniquais, c'est un colibri au plumage scintillant, chatoyant, volant de fleur en fleur dans le ruissellement d'or de notre gai soleil. C'est l'éclat du rire "fusant entre les dents nacrées et les lèvres brunes de nos insouciantes et folâtres filles du peuple". C'est l'ironie, la moquerie, la rancune et parfois la mélancolie qui s’exhale de leur cœur, en mazurkas cadencées, en biguines suggestives, en galops effrénés"
Selon Salavina, dans son ouvrage "Trente ans de Saint-Pierre", la chanson créole est faite comme le langage, de menaces fugitives et multiples, d'allusions piquantes et libertines. Elle est gaie, perfide, sarcastique et mordante, voire même canaille en ses sous-entendus. A chaque événement marquant, elle jaillit, fraîche, pimpante, alerte d'entre les pavés des rues, souvent composée par Monsieur ou Madame "tout le monde".
Toutefois, du temps des splendeurs de Saint-Pierre, les femmes étaient le plus souvent les auteurs des chansons du carnaval. Celles-ci étaient souvent beaucoup plus satiriques et audacieuses que les chansons qu’on entend de nos jours. Tout en finesse, elles jonglaient avec la perfidie et l’insolence. Moqueuses, elles tournent en dérision un fait, un thème (jalousie, médisance, violence, injustice, infidélité, …) Elles brocardent un personnage peu aimé. Malheur à lui, car ces chansons survivent longtemps après que Vaval ait été brûlé. De sortes que le personnage victime des allégations burlesques se verra ridiculiser jusqu’au bout de l’éternité !
Malheureusement, déjà, en 1922, une certaine influence américaine et sud-américaine s'exerce sur la chanson populaire martiniquaise. Peu à peu, les rythmes traditionnels : valse, mazurka, biguine et rengaine des vidés disparaissent du carnaval. Les jazz et autres rythmes de salsas, rumba supplantent la chanson créole. Les Martiniquais fiers de leur patrimoine se battront pour la réanimer. Certaines associations créèrent des concours de chanson traditionnelle. Mais la modernité suit son cours, implacablement ! Dans les années 80, le zouk recueille tous les suffrages de la jeunesse, au grand dam des anciens qui estiment que le rythme du carnaval se trouve aseptisé par ce nouveau mouvement musical. En ce début de 21ième siècle le zouk fait figure d’ancêtre, il sera peut-être toléré dans les concours de chants comme réminiscence d’une musique devenue traditionnelle. ( ?) Ceci est une boutade bien entendu. Mais ce qui fut nouveau un jour, devient tradition et se fait détrôner par les nouveaux. La roue tourne pour tous…

Un ouragan musical

Chanté jòdijou : Ambians an la ri-a ! (chanson d’aujourd’hui, ambiance dans la rue)

Les concours de chansons traditionnelles sont encore à l’ordre du jour. A cette occasion, de nouvelles voix sont repérées et promues à une notoriété qui restera locale ou qui dépassera les contours de l’île. Le patrimoine de la chanson créole est réanimé. Malgré l’écho diffusé par les médias locaux, ils sont souvent supplantés par les chansons qui seront les « tubes » des carnavals modernes. Le rythme est de plus en plus rapide, et nous assistons à des générations entières de chanteurs et de musiciens kleenex. Adulés une année, ils seront complètement oubliés au lendemain du carnaval. Peu importe chaque année ça recommence. Dès le lendemain des fêtes de fin d’année, la chanson de carnaval fleurit sur les ondes radios. Le public, à l’écoute, élit spontanément sa ou ses chansons préférées. Elles seront de simples divertissements ou revêtiront un caractère satirique et perpétueront ainsi l’art de la parodie. Elle abordera un thème qui répond aux attentes inconscientes du public. Un rythme ki mété defié an la ri-a (qui met le feu à la rue) trouve son auditoire carnavalesque. Le mariage des deux constitue un réel ouragan sonore relégué par les médias.
La chanson est le détonateur qui va « ambiancé » Vaval. Elle devient le porte-parole de monsieur tout le monde. Elle va le convier à la fête, avec sa bonhomie apparente, son rythme léger et entraînant. Mais, personne ne s’y trompe et chacun rit franchement à ses sous-entendus.

Mi bel tambou gwo ka !

Le carnaval ne se limite pas à transmettre l’écho d’une seule chanson, d’un seul son. Les vidés sont les orchestres à pied du carnaval. Ils sillonnent toute la ville en dansant au rythme de leur musique. C’est un cortège de percussions endiablées. Le son est peut-être uniforme de vidé en vidé cependant, les instruments traditionnels refont surface. Les percussions sont les maîtres de cérémonie : tambours, ti-bwa, tam-tam, timbales, calebasses… Tous les instruments rappellent l’influence africaine introduite dans le carnaval des Antilles. Les souffleurs de conque sont de plus en plus présents ainsi que les trompettes. Les percussionnistes martèlent leurs instruments à se déboîter les bras. Ils tapent et frappent de plus belle. Ils envahissent l’espace sonore et entraînent dans leur sillage une troupe de danseurs en costume. Les rythmes sont si suivis, si puissants, qu’ils font sauter les organes à l’intérieur du corps.
Tout’ ti bwa déwò
La qualité des instruments varie d’un orchestre à l’autre. Les groupes organisés, issus de comités carnavalesques sont munis d’instruments esthétiques, presque professionnels. Mais le défilé compte aussi des vidés spontanés. Les musiciens jouent sur des instruments improvisés. Ces orchestres paraissent hétéroclites. Ils utilisent des vieux trombones, des ti-bwa et frappent sur des boîtes de conserves vides. Ils reconditionnent les batteries de cuisines, des bonbonnes en plastiques, des bidons. Ils vont chercher dans la nature les éléments indispensables au rythme du vidé : calebasses, bambou, bois, peau… Pour autant, chaque orchestre joue avec brio.
Parfois, vidé nostalgique fait revivre les vieilles biguines, mazurkas, polkas et valses créoles.. C’est un petit orchestre, composé de guitares, de trompettes, d’une batterie. Ils sont installés dans la remorque d’un camion, et jouent leur répertoire le temps du parcours du carnaval. Tout un pan de la tradition refait surface. Chapeau bas ! C’est trop beau !

Sé woulé yo ka woulé ! Bagay-la ké kraché difé
Ca roule sans cesse ! L’ambiance sera chaude…

Le carnaval oscille entre tradition et modernisme. Les vidés ou orchestres à pied sont nombreux, mais il leur faut de la ténacité pour ne pas être littéralement absorbés par les supers sonos qui déversent un cocktail redoutable de décibels. Moins gracieuses, que les vidés, ce sont des murs d’enceintes empilées à l’arrière d’un camion. Ces sonos sont souvent sponsorisées par des entreprises. Les banderoles qui couvrent le camion n’évoquent plus du tout l’esprit frondeur du carnaval, mais le sponsoring d’une kermesse ordinaire. Les sonos des camions déversent un flot de chansons modernes qui attirent les jeunes. Derrière ces camions, une cohorte de gamins aux visages dissimulés par des bandanas suit sous une chape de décibels. Ils dansent, sautent, crient pendant 5 jours. Tout ceci est admirablement résumé dans cette phrase percutante de Rochais et Bruneteaux :« Les arabesques et les déhanchements des polkas-marches, mazurkas, biguines ont abandonné la rue aux contorsions pelviennes sur fond de doum, doum, doum. » Après tout, chacun trouve dans le carnaval son moyen préféré pour s’éclater…

Bwa-bwa, le Roi de la dérision - Que signifie le Bwa-Bwa ?

Dans son dictionnaire, Raphaël Confiant cite M-Th. Lung-Fou qui a écrit un admirable livre sur le carnaval. Raphaël Confiant nous parle d’abord en ces termes : « le bwabwa est un pantin (de carnaval), pantin représentant l’adversaire au soir d’une victoire électorale « A Saint-Pierre, tous les ans, le dernier jour du carnaval, avait lieu une cérémonie bizarre, appelée l’enterrement du Bois-bois. Le Bois-bois était un mannequin qui caricaturait l’incident le plus impopulaire de la ville ou dans la politique. Après avoir été promené avec solennité à travers toutes les rues de Saint-Pierre, le Bois-bois était enterré ou noyé et jeté à la mer ».

Bwa-bwa ou Vaval ?

Le bwa-bwa était le nom utilisé dans les carnavals du dix-neuvième siècle. Après la catastrophe, et lorsque Fort-de-France prit le relais, le mot Vaval apparut. Aujourd’hui en Guadeloupe et en Martinique on utilise indifféremment les deux mots.

La tradition du bwa-bwa

An tan lontan, le bwa-bwa était un mannequin fait de chiffons, de cartons, de papier et bourré de paille. Il était porté au bout d’une perche. Au siècle dernier, chaque quartier confectionnait son bwa-bwa. En général, c’était une femme qui l’imaginait. Le jour de sa sortie, le bwa-bwa était une surprise totale y compris pour la victime qui découvrait à ses dépens son effigie. Souvent le pantin était très ressemblant. Pour ne pas s’y tromper, les attributs habituels de la victime l’accompagnaient : sacs, chapeau, vêtements… Si la personne visée avait assez d’humour, elle restait dans l’assemblée, et prenait part au carnaval en se moquant d’elle-même. Si par contre, la blessure causée par les sarcasmes était trop vive, elle s’enfuyait sous les quolibets.
Aujourd’hui, le bwa-bwa est pensé et conçu dans le plus grand secret par les comités locaux du carnaval. C’est un mannequin gigantesque qui se promène dans la ville sur une remorque de camion.

Ses origines ?

Son origine remonte tantôt aux rites africains ancestraux, tantôt il est le digne héritier des pratiques carnavalesques européennes. Son nom est africain, certes. Mais ce qu’il représente et sa conception est inter-communautaire. Tous les carnavals de la chrétientés ont un Roi des fous, qui est sacrifié avant le carême. Aujourd’hui encore, bwa-bwa est la figure mythique du carnaval. Roi éphémère et fantoche, son effigie burlesque se moque de tous et de tout. Il est le symbole de la joute sociale où le peuple s’exprime sans pudeur.

Le mercredi des cendres est le Jou ki tout bwabwa brilé.

Même si tous les carnavaliers idolâtrent bwa-bwa dès sa première sortie, chacun sait qu’il est condamné dès ses premiers pas. Par sa disparition, il déculpabilise les participants de s’être adonné sans vergogne à la danse, aux chants, aux refrains irrévérencieux et aux abus. L’incinération de Vaval agit comme une purification de toutes les âmes. Ce moment est chargé d’émotion. Il est impressionnant ! Les diablesses pleurent et crient pour tenter d’empêcher l’inéluctable. La foule sanglote bruyamment. La cohésion est bouleversante. Au moment où Vaval part en fumée, les cris s’arrêtent et un silence immense fait frissonner tous les participants. C’est une chape de plomb qui s’abat sur l’assistance, une tristesse sincère imprègne l’ambiance.
Solèy pòkò fini kouché, Vaval pa kité nou… (le soleil n’est pas couché, Vaval ne nous quitte pas)

Joute de costumes et bagarres de confettis…
Pa ni pli bel bagay, manmay-la !(rien de plus beau)

Avant de faire défiler tous les personnages du carnaval, je veux ici évoquer un ingrédient incontournable de carnaval : le confetti. Point de carnaval sans confetti… Mais d’où vient-il ?
Les confettis étaient de petites dragées rondes de sucre candi que l'on jetait au début du XIXème siècle, pendant le Carnaval. Mais à l'époque, toutes sortes de projectiles pouvaient faire l'affaire : œufs pourris ou remplis de suie et de sable, farine, plâtre, pois chiches. Parfois le bon goût refait surface, et ce sont les fleurs qui sont lancées à la tête des spectateurs… Cependant, mieux valait être bien équipé pour tenter une incursion sur le corso ; certains n'hésitaient pas à se doter de masques grillagés à la façon des escrimeurs, afin de se protéger le visage.
D'autant plus que, peu à peu, les confettis de plâtre tendaient à remplacer ceux en sucre candi, plus onéreux. Dès la fin du XIXème siècle, un ingénieur italien, Ettore Fendel, eut alors l'idée de remplacer ces projectiles trop dangereux par d'autres en papier multicolore. Les lanceurs de confettis seraient une survivance de costumes et de croyances très anciennes, faisant référence aux poignées de noix ou de friandises que l'on jetait sur la foule, lors des "fiançailles printanières" du Carnaval, au Moyen-Age, tout comme on lance encore aujourd'hui des poignées de riz (symbole de fertilité) ou de dragées, sur les jeunes mariés.

z’abitans pèyi Vaval

Certains personnages datent des carnavals de Saint-Pierre : déguisements de bébés pour les femmes, de pages pour les hommes, Pierrots, diables, nègres "gros-sirops", médecins d'hôpital. On le voit, le Carnaval si réputé de Saint-Pierre usait de costumes fort simples. Avant, on les achetait certes, mais le plus souvent, on les confectionnait en toile, en carton. Les hommes se peignaient le visage de roucou. Ils portaient des nattes de crin, des barbes, des moustaches qui les rendaient méconnaissables. Il fallait qu'ils puissent faire peur aux petits, mais aussi aux moins jeunes. Pour les travestis, pas de costumes luxueux mais des vieux habits trop grands ou trop petits, déchirés, rapiécés. Il est de tradition que l'homme se déguise en femme, en ne négligeant aucun détail.
Chaque année, le panthéon des personnages du carnaval accueille de nouveaux venus. Les déguisements sont le résultat d’un brassage culturel. Les personnages des carnavals des Antilles sont inspirés de l’Afrique, de l’Europe, des métiers, de blessures historiques, de faits sociaux. Certains personnages portent en eux un fond tragique et évoquent des événements traumatisants, comme l’esclavage, l’éruption de la montagne Pelée. L’identité du carnaval antillais s’affirme dans un glossaire pittoresque et complexe. Chaque personnage porte un nom qui l’immortalise dans la tradition carnavalesque, même si pour un temps il est délaissé. Chaque nom porte en lui l’image exacte du personnage : tet’ zozo, raché pwel, karolin zyè kloki, mass lan mô, brossé soulié, moko zombi, weliwelo matelo, medecin lopital, marianne lapo fig, manawa, nèg gwosiwo, margrit an renyon…
Du samedi au mercredi, la fête laisse libre court à l’imagination. La coutume carnavalesque impose quelques figures traditionnelles. Les personnages anciens et modernes se mêlent à la fête : le bwa-bwa (déjà évoqué précédemment), les Reines, Mini-Reines, Reines-Mères leurs dauphines, les mariés burlesques, les diables rouges, les guiablesses et de nombreux caractères réunis sous la bannière des travestis makoumès.
Vini anlè balcon-an wè nidé pasé ! (Aller au balcon voir le vidé passer)
Au carnaval, le spectacle est partout : au centre de la rue où défilent les vidés « officiels » et « officieux » ; sur les trottoirs où les spectateurs se prennent au jeu. Entre les défilés, les travestis makoumès s’imposent, marginaux, comme trait d’union entre un programme établit et l’improvisation débridée. Chaque groupe organise son carnaval dans le carnaval. Tout ce petit monde ne respecte qu’une seule règle, celle du code des couleurs du carnaval : samedi, jour de sortie des reines tout le monde est libre ; dimanche, jour de sortie de Vaval toutes les couleurs sont de sortie, lundi pour les mariages burlesques chacun fait ce qu’il lui plaît ; mardi tous en rouge pour accompagner les diables, mercredi, tous en noir et blanc pour honorer les guiablesses et suivre l’enterrement du Bwa-bwa.

Kannaval, mas déwò ! Au carnaval les masques sont de sortie

Le dimanche est sans doute l’un des plus beaux jours du carnaval. Les vidés défilent au pas cadencé, chaque visage est grimé, chaque acteur de la troupe porte un costume qui contribue à l’harmonie du groupe. C’est magique et féerique. Le spectacle est envoûtant, il vous rend boulimique de l’image. Chaque visage, chaque parure, chaque groupe, chaque char est digne d’une photographie. C’est une déferlante de tableaux colorés tout en rythme. Les rues de la ville sont inondées de parades volubiles de fleurs d’hibiscus, de pousses de cannes à sucre, de feuilles de bananiers, de colibris, de sirènes, de lutins, de fous…. Les influences africaines et européennes se croisent parfois sous le même costume, ainsi ce masque vénitien sur un costume de touloulou guyanaise. Dimanche gras, jour multicolore fait briller les paillettes dorées et argentées qui souligneront les bleus, les verts anis, les oranges, les jaunes, les mauves… Un arc-en-ciel humain auréole la ville. Les rues n’existent plus, ce sont des rivières qui voient se répandre un flot de joie, d’élégance et de splendeurs.

Les figures emblématiques du carnaval des Antilles.

Election des reines et le carnaval des écoles.
Tout’ lé bèlté an la ri-a èk tout’ ti manmay déwò

Le samedi gras, est premier jour de sortie des reines. Pendant les semaines comprises entre l’épiphanie et les jours gras, les communes ont organisé des concours de reines façon music-hall. L'élection des reines est une manifestation qui apparaît à la renaissance du Carnaval martiniquais au lendemain de la seconde guerre. Il fallait sauver de l'oubli les costumes dont se paraient les femmes créoles dans l'ancien temps. Ces costumes ne sont plus guère portés que dans les mariages et cérémonies exceptionnelles. Pour les élections de reines du carnaval, les tenues locales anciennes sont exigées. Les candidates défilent devant un jury sur une scène. Elles se présentent dans trois costumes différents : costume traditionnelle, tenue de soirée, travesties. Le jury a la tâche délicate d’élire celle qui représentera le mieux le carnaval de l’année. Les reines sont des jeunes filles qui ont une vingtaine d’année. Il est dommage que les jeunes femmes des îles françaises se détournent de plus en plus de cette tradition. En effet, en 2006, il n’y avait guère un choix immense pour le jury. Espérons que les mini-reines, ces fillettes de 10 ans, plus assidues que leurs aînées soient encore au rendez-vous d’ici dix ans ( ?) Enfin, les reines-mères sont les gardiennes de la tradition créole. Toutes les reines sont accompagnées de dauphines. Les reines-mères présentent une cour de travestis. Tout ce petit monde défile à pied pour les plus jeunes ou sur un char richement orné.

Lékol kannaval tout’ti diab’ déwò

Le samedi est premier jour de sortie des Reines, elles sont accompagnées par les enfants qui ont préparé leur défilé avec les maîtres d’école. Chaque école définit un thème autour duquel, la créativité des enfants est mise à contribution. Tous les enfants sont de sortie, avec leurs costumes, pour la joie de tous et la fierté des parents. C’est un régal de voir respecter les coutumes.
Dès le dimanche, les reines auront pour lourde tâche de faire partie du cortège du bwa-bwa. La Reine du carnaval est l’antithèse du bwa-bwa. Elle représente le charme, la beauté, l’élégance, la jeunesse et la pureté. Tandis que nous savons que le bwa-bwa est tout le contraire… Nous assistons à l’adaptation de la Belle et la Bête. Au dernier jour du carnaval, le mercredi des cendres. Les reines se travestissent en guiablesses.

Les costumes traditionnels
Gran’Rob d’an tan lontan

Aujourd’hui certains défilés de personnes d’un certain âge s’immiscent au carnaval. De grands airs nobles, des tenues traditionnelles rompent le rythme décousu des vidés. C’est une pose sans musique, sans gesticulations obscènes, sans défoulement en grande transpiration, dans le carnaval tapageur. Des couples assortis défilent. Madame protégée d’une ombrelle tient le bras de Monsieur. Tous très dignes dans leurs postures, tous très calmes, ils apportent une ambiance sereine d’an tan lontan. Ils sont là pour nous rappeler qu’avant, les grands-mères sortaient dans les rues se parant de leurs plus beaux costumes. Grand'robes, jupes, madras et foulards étaient leurs attributs. Ils en étaient fiers. Aujourd’hui certaines associations sont là pour nous rappeler comment s'habillaient les anciens. Porter la grand'robe ou la jupe, la tête calendée (kalanndé : se parer d’un joli chapeau très coloré) ou le foulard, oui, mais il y a certaines règles qu'il convient de respecter. Elles le sont dans ces défilés qui ressemblent à un album de photos anciennes. Merci de les rendre vivantes pour le plaisir de tous.

Les diables rouges
Djab-la dèyè’y. (R. Nazaire, Ti kako.Le diable est à sa poursuite.)

Ils se mêlent au défilé du dimanche gras. Mais ils restent discrets ce jour là. Car le jour des diables rouge est le mardi gras. Ce jour là, ils imposent leur couleur à tous les défilés ainsi qu’aux spectateurs, c’est l’invasion du rouge ! « Kon un nich de foumi wouj » !
Ces personnages diaboliques, mangeurs d’enfants, tueurs d’hommes, occupent une place prépondérante dans la tradition du carnaval des Antilles. Les pistes qui mènent aux origines de ce personnage sont multiples et chaotiques. Le diable rouge est un être carnavalesque complexe.
Le vrai costume traditionnel du « Djab wouj » était délicat à porter. La tête énorme et lourde était composée d’une mâchoire de requin, d’un visage fait de peaux de cabris ou de moutons, d’une chevelure composée d’une crinière de cheval et agrémentée de multiples cornes de bovidés au bout desquelles des grelots étaient suspendues. Ce masque hideux qui ne laissait pas voir le visage du porteur était extrêmement lourd, et sous les climats tropicaux, le travesti étouffait sous son déguisement. Aujourd’hui, les masques ressemblent aux anciens, mais les matières plastiques allègent considérablement « l’édifice » figuratif. Outre ce masque, le travesti est vêtu d’une salopette rouge truffée de petits miroirs. Dans sa partie postérieure, une longue queue est greffée. Le travesti la tien dans la main tandis que de l’autre il brandit une fourche. Autrefois, celle-ci était en fer forgé, aujourd’hui des matériaux plus légers sont utilisés. Ils sont accompagnés de diablotins. Ceux-ci ne portent que la salopette, la fourche, et leur visage est grimé. Tout’ ti djab’ déwò…

Mais d’où vient ce personnage ?
Abi ! Abi ! Mi djab-la déwò

Certains diront que le diable rouge vient tout droit de la mythologie africaine. Les Noirs déportés dans les îles ont besoin de renouer avec les esprits de leurs ancêtres. Ils se disent que les esprits profitent du carnaval pour prendre apparence humaine et venir profiter de la fête avec leurs descendants. Le carnaval est l’occasion de retrouvailles avec une famille mythologique ancestrale. Le diable rouge est issu de cérémonies initiatiques sénégalaises, par ses cornes et ses miroirs. Mais il est également originaire de Casamance par la physionomie de son masque. Par sa présence au carnaval, le diable rouge rend les rites africains pérennes.
Mais non, diront les autres, le diable rouge est un personnage typiquement chrétien ! Selon eux, le diable rouge serait carrément sponsorisé par l’Eglise elle-même ! Pour elle, l’usage des masques venus d’Afrique était un sacrilège. Afin, d’en proscrire l’utilisation, elle intégrait l’image du masque à celui du diable tant redouté par les Africains déportés. Dès les débuts de leur conversion, les esclaves apprennent que le diable est leur ennemi. L’Eglise fait d’une pierre deux coups. D’une part, elle inculque la peur du diable, ce qui permet de réfréner les pratiques tendancieuses de ses ouailles. D’autre part, elle décourage les Africains de revenir aux rites ancestraux. Le diable rouge déambule dans les rues de la ville et profère des menaces contre les parents qui n’ont pas baptisé leurs enfants. Ils apeurent les enfants qui seraient tentés de ne pas respecter les règles…
Dernière interprétation. Le diable rouge est issu de l’esprit malicieux des affranchis. Ils osent sous le couvert de l’anonymat, protégé par le masque, parodier l’Eglise, démystifier l’enseignement catholique et se moquer de la peur du Malin.

Mas lanmo, péyi moun san chapo
Le royaume des morts

J’ai trouvé ce personnage sous diverses orthographes, sans doute celle-ci se travestit-elle au gré de l’imagination comme tout déguisement digne du carnaval…. Ainsi, le masque lan mô, mass lanmo ou mass lan mo voire mass lamow est un déguisement représentant la mort. Ce masque figurait dans tous les carnavals parisiens au dix-huitième et dix-neuvième siècle. Largement repris dans le carnaval de Saint-Pierre, il peut paraître, après coup, prémonitoire… Le rire du mas lanmo se perpétue dans un écho éternel. C’est souvent un squelette drapé de blanc ou de noir. Il porte un masque funéraire. Il déambule, fantomatique dans le vidé. Il semble ne pas marcher, mais se mouvoir comme sur un nuage qui évoluerait entre terre et ciel. Tout le monde en a peur, car sans prévenir, il peut vous envelopper. Il peut aussi vous piquer d’une épingle habilement dissimulée. Représente-t-il vraiment la mort ou plus vaguement le mal ? lé Basile ka pasé…

Les échasses – Moko Zombis

Dès le début du vingtième siècle, le carnaval antillais s’enrichit d’influences diverses et notamment brésiliennes avec l’introduction des échasses dans le défilé. Les échasses sont en fait la réminiscence de rites africains.

Marianne lapo fig

Ce personnage est l’emblème de l’originalité faite de n’importe quoi. Il s’oppose aux grands étalages de costumes onéreux. C’est le résultat du mariage de la créativité et l’ingéniosité à utiliser les fibres naturelles. Lapo fig signifie peau de banane. Nombreux carnavaliers créent ainsi des costumes somptueux à peu de frais. Souvent cet art semble avoir des influences africaines. Costumes en feuilles se cannes, en feuillent de bananier ou de cocotiers, tenues réalisées en bakoua ou en papier journal. La marianne lapo fig ne manque pas d’imagination.


Nèg gwo siwo en liberté
Nwè kon an fon kannari (noir comme le fond d’un pot)

Les neg gwosiwo sont des éléments subversifs du carnaval. Ils chahutent et effrayent les passants. Vêtus de simples pagnes, ils sont complètement enduits de sirop de batterie mélangé à de la suie. Cette mélasse nauséabonde les rend particulièrement repoussant. Pourtant, ils s’ingénient à vouloir séduire ces dames, tentant de communiquer leur goût pour leur saleté volontaire. Ils sourient largement, laissant voir leurs dents rougies par le roucou (fruit oléagineux). Actuellement, quelques femmes se parent de la sorte également. Autant dire qu’elles peuvent déambuler quasiment nues dans les rues de la ville, elles n’auront à subir l’assaut d’aucun prétendant ! Leur tranquillité est assurée.
Le nèg gwo siwo malgré son apparence répugnante participe à redonner une dignité aux esclaves dissidents. Leur couleur fait en effet référence aux nègres marrons (nèg’ marrons). Le roucou symbolise la force du marronnage. Ces esclaves échappaient à la vigilance de leurs maîtres et tentaient de retrouver une certaine liberté en gagnant dans la forêt. Le carnaval reste un lieu mythique de commémoration des actions d’éclats des combattants pour la liberté.

Coupeur de canne le Kongo ou Congo

« Le Congo est la reproduction exacte du costume que les Nègres portent sur les plantations. Pour femmes, il se compose d’une chemise grise en calicot, d’une jupe en percaline ordinaire et de deux mouchoirs (mouchoirs fatas), l’un pour le cou, l’autre pour la tête au-dessus de laquelle on arbore un monstrueux chapeau de paille. La femme va nu-pieds ou porte les rudes sandales de fabrication indigène: elle tient une houe à la main. Pour l’homme, le costume se compose d’une chemise grise d’étoffe grossière, de pantalons de canevas bleu, d’un large mouchoir fata et d’un chapeau bakoua, immense coiffure faite en fibre de palmier de la Martinique. Il est pieds nus et il porte un coutelas. » (M-Th. Lung-Fou, Carnaval A.)

Hommes d’argiles

Ces personnages sont apparus dans le défilés de l’an 2000 à Fort-de-France. Modernes, car nouvellement créés, ils traînent dans leur sillage toute la tradition africaine. Personnage pacifique à la différence du neg gwo siwo, il ne s’exprime que dans des poses esthétiques qu’il garde suffisamment longtemps pour être les travestis les plus photogéniques du défilé. Les réminiscences de l’Afrique rejaillissent dans le port du pagne et dans le recours à la terre pour se parer. En effet, les peuples africains enduisent leur corps de terre pour se protéger du soleil. Ici, cette protection est une parure de carnaval. Ces groupes ponctuent le carnaval et ne sont pas accompagnés de musique. C’est un instant de paix et de repos dans la cacophonie ambiante.

Le joueur de conque

Il n’est pas à franchement parler un travesti, mais plutôt un musicien qui fait partie du vidé. Il fait partie des soufflants par opposition aux percussions. La conque de lambi était utilisée autrefois pour communiquer les décès dans le quartier ou une catastrophe naturelle. Les pêcheurs l’utilisent encore pour annoncer leur arrivée. Aujourd’hui de plus en plus d’orchestres à pied ont leur section de conques de lambis.
La conque est un instrument qui fait partie du patrimoine martiniquais. Elle est utilisée depuis plus de 6000 ans par les premiers occupants, les amérindiens. On peut dire que le 21ième siècle aura réveillé la conscience de l’existence du patrimoine des îles. En Martinique de nombreuses traditions ressurgissent. L’Histoire et la culture de l’île sont ranimée et enseignée à tous par le biais de l’amusement.

Caroline karolin ou Karolin zyé kloki
Boulé an sann (ivre mort)

Ce déguisement est une composition originale qui met en dérision la relation homme/femme. Il représente l’homme et la femme en même temps. Par une habile conception le travesti donne l’impression d’être deux : la femme laide et vieille portant son mari sur son dos, lui aussi très laid et visiblement complètement ivre. En réalité une seule personne « habite » les deux personnages. Ce personnage est un peu comme un coup de crayon simple et efficace d’une bande dessinée. Par son agencement, il raconte que Caroline, la pauvre femme est obligée de partir à la recherche de son soûlard invétéré de mari et de le ramener à la maison.

Les touloulous : Séductrices ou jalouses ?
Mi taw, mi ta mwen…

La touloulou fait partie du folklore Guyannais. C’est une femme déguisée de la tête aux pieds. Aucune partie de son être n’est dévoilée, même pas ses mains. Il faut qu’elle soit totalement méconnaissable. Le personnage se prépare d’ailleurs dans le plus grand secret. Le jour de sa sortie, la touloulou se débrouille pour ne pas être vue par ses proches. Elle part seule à la fête. Certaines boîtes de nuit organisent des soirées très prisées. Le bal des touloulous est le rendez-vous des belles. La touloulou sous la protection d’un anonymat à toute épreuve peut s'enivrer de plaisir. Elle s'oublie dans la danse, elle oublie ses ennuis, ses soucis. Ce jour là, elle n’est plus mère de famille, épouse ou amante, elle est touloulou ! Elle vit, dans la rue, elle explose, elle peut jouer de ses reins (mi taw, mi ta mwen), de sa voix vivre son "vidé". Ce personnage permet des rencontres agréables. Mais il peut être redoutable pour les époux. En effet, quel meilleur moyen de tester la fidélité de son homme qu’en l’observant sous le couvert d’un déguisement ? Stratégie de rencontre ou mise à l’épreuve de l’être aimé, la touloulou a plus d’un atout sous ses jupons ! Gare à ce que le carnaval ne se termine en pugilat matrimonial…

Les mariés burlesques : Viv’ lan mayé…

Le lundi gras, les vidés qui ont défilé la veille dans la ville principale de l’île profitent de cette journée consacrée aux mariés burlesques pour rentrer dans leur commune et défiler chez eux. Quelques vidés restent néanmoins dans la « capitale » afin d’ordonner un peu le désordre coutumier au thème du jour. Aujourd’hui, la ville est le royaume d’éléments dissipés qui se libèrent par le rire. Chaque défilé est laissé à l’initiative des habitants. Ils improvisent des mélis-mélos de défilés décousus. Le carnaval du lundi gras obéit aux règles les plus élémentaires du chaos ordonnancé par la fantaisie.
Le principe des mariages burlesques est celui des couples mal assortis. Thème imposé du jour qui laisse une latitude particulièrement vaste. L’imagination s’affranchit des carcans du quotidien. Ce jour revêt une ambiance bon-enfant. En effet, la plupart des défilés sont improvisés par des familles, qui se réunissent dans la rue après avoir cogité une mise en scène burlesque de leur mariage. Tous se préparent, chacun y va de sa petite invention personnelle… Et voici parents, tontons, tantines, grands-parents, enfants, petits-enfants qui défilent dans la rue, s’amusant du regard des badauds. Qui est spectateur ce jour là ? Certains groupes s’organisent comme de réelles petites troupes de théâtres.

Cortèges désopilants
Vini couri vidé ya

La mariée aura sans nul doute fêté Pâques avant le Carême. Elle défile en robe longue et blanche, voilant son visage maquillé avec extravagance, la couronne d’oranger symbole de sa pureté orne sa chevelure. Pourtant, elle ne peut dissimuler un ventre si proéminent qu’il trahit à coup sûr un accouchement imminent. Elle est grande, démesurée par rapport à son mari qui lui frêle et gringalet se fait sans cesse houspiller par sa jument de future femme. Le cortège des mariés est aussi disparate que les époux. Chacun y va de son inspiration pour parodier la tantine, le chef d’état civil, le prêtre, les enfants illégitimes de tous et de chacun… Le maire est souvent représenté avec un chapeau haut-de-forme monstrueux. Il parle seul car personne ne l’écoute. Son chapeau fait référence aux métropolitains qui débarquaient au début du vingtième siècle des bateaux à vapeur. Ils étaient coiffés de ces chapeaux qui inspirèrent immédiatement l’esprit moqueur du carnaval. C’est un spectacle original, où la recherche du costume aberrant et cocasse sont de mise. L’inversion est reine ! Les enfants sont habillés en vieillards et l’on verra un adulte vêtu en couches culotte se faire promener dans un landau.
Les mariés burlesques et leur suite font partie de ce que l’on appelle les travestis makoumès. En effet, tous les participants se trompent de sexe. L’homme est en mariée ou en dame d’honneur, tandis que la femme sera le marié ou le père de la mariée voire le tonton…

Les makoumès

Certains jours, les rues sont travesties en galerie de makoumès qui paradent. Ce sont des petits groupes informels et marginaux. Ils ne font pas partie du programme carnavalesque. Pourtant ils sont là et viennent se surajouter aux carnavaliers officiels. Par leur présence, le carnaval prend un rythme à double détente. La cadence des vidés est interrompue par l’apparition des makoumès. Ils provoquent un temps d’arrêt dans le carnaval. Une pose où le regard, comblé par le déhanchement et la vivacité des vidés, s’arrête sur ces apparitions étonnantes que sont les makoumès.
De tout temps on a vu les hommes se déguiser en femmes pendant le carnaval. Le terme makoumè en créole signifie homosexuel. Les travestis makoumès ne sont pas nécessairement des homosexuels et le carnaval n’est pas devenu une immense Gay Pride ! Le personnage est le symbole d’une relation homme/femme déviée. Ce terme regroupe plusieurs catégories de personnages. Le plus souvent ce sont des hommes qui se déguisent en femmes. La plupart d’entre eux n’ont aucun message, leur démarche est bon-enfant. Ce sont des tontons qui se sont dit un jour « aller, on se déguise en filles ! ». Ils empruntent les affaires de madame, les assortissent à contre sens du bon goût. Ils mettent une perruque afro aux couleurs excentriques, ils s’habillent d’un bodie rehaussés de prothèses bricolées de balles de tennis. La clope au bec, ils sortent dans la rue, l’air goguenard. Sous leurs jupes des baskets pour le confort de la marche. Leur visage est vulgairement maquillé, ils se fichent de tout et sont dans la rue pour s’amuser. Des orchestres entiers décident de s’habiller en filles, ils défilent au pas cadencé, portant d’énormes caisses et tambours frappant de manière virile leurs instruments. C’est ça l’acte carnavalesque.
Une autre catégorie de makoumès regroupe les manawas, les malpwops, les mas bésé rob… Les premiers sont plutôt artistiques, les suivants sont plutôt obscènes. Les makoumès sont contestés et paradoxalement, d’année en année leur nombre augmente. Les makoumès se singularisent du reste du défilé. Bien que grimés, ils demeurent toujours reconnaissables.

Les manawas

Ces makoumès se prennent pour les reines de la rue. Habillés de dessous féminins sophistiqués. Leur maquillage est appuyé et recherché : faux-cils, vernis à ongles, lèvres soulignées boucles d’oreilles, colliers, bagues, sacs à main. Ils déambulent lentement perchés sur des escarpins à très hauts talons. Souvent, ils s’abritent sous une ombrelle et prennent des poses sensuelles. Ils attirent le regard. Ils se débrouillent toujours pour faire le vide autour d’eux. Très solitaires, ils entendent être seul sur la photo. Loin d’être gênant ce déguisement est plutôt de qualité voire artistique. L’homme met son corps en valeur dans des dessous ou dans des habits féminins. Le torse est serré dans un corset en dentelle. Une chemise fine et transparente souligne leur silhouette harmonieuse. Il y a une certaine fierté dans son port de tête. Il adaptera son déguisement chaque jour au code des couleurs. Le mercredi des cendres les Manawas font de très belles guiabless.

Malpwops
Kokofiolos djol malélivé

Dans la catégorie obscène des makoumès on trouve les malpwops. Au départ les malpwops ne prenaient part qu’aux défilés du lundi gras. Leur présence était justifiée par les mariages burlesques. Depuis quelques années ces personnages apparaissent tout au long du carnaval et se conforment même au code des couleurs. Souvent habillés de dessous féminins agrémentés de pastiches évocateurs, ils simulent parfois l’acte sexuel. Ils se retrouvent fesses à l’air dans un string ou en mini-jupe cachant tout juste le bas ou le haut ( ?) Ils laissent presque toujours apparaître les poils et des muscles saillant. Certains se veulent revendicatifs. Ils portent sur eux une pancarte ou des photos suggestives. Ils se font porte-parole de courts jeux de mots, d’insanités, de blagues ou de pastiches de revendications sociales et politiques. Ils ont un humour audacieux. L’injure et la prise à parti est leur véhicule préféré. Ils théâtralisent un monde impudique et bariolé. Ils se nomment eux-même « Miss lippo-suçon » ; « Reine du cunnilingus » et j’en passe.

Mas bésé rob (masque baissé robe)

Les malpwops sont souvent associés aux mas bésé rob. Au début du siècle ces masques malpropres étaient portés uniquement le dimanche gras, par des hommes habillés en chemises. Aujourd’hui sous la bannières des malpwops on trouve ces gros bébé hors d’âge. Ils portent une énorme couche culotte et brandissent sous le nez des spectateurs un pot de chambre remplit de … mélasse et de confiture de couleur glauque, qu’ils dégustent à longueur de défilé. Ils miment aussi la défécation au milieu de la rue. Dans le mélange de genre de mauvais goût, on voit aussi le gros bébé tenant tout au long du parcours sa poupée… gonflable ( !) Il porte autour du coup une pancarte qui rien moins qu’une insulte à la vie privée de telle ou tel personnage public…

Bwadjaks
Annou ba’y chabon ! Plein gaz !

Parallèlement à l’émancipation des makoumès, les bwadjaks s’immiscent dans le défilé. L’orthographe créole toujours aussi imaginative nous donne un panaché qui va de bwadjak à bradjak et Bwajak. Terme qui veut dire tacot. Le bwadjak est le prolongement des revendications burlesques de makoumé. Peints à l’emporte pièce ou de manière artistique, elles traînent des banderoles suggestives et parfois choquantes. Les bwadjaks sont de vieilles guimbardes retapées pour l’occasion. Elles traversent le carnaval dans un concert assourdissant de klaxons. Les makoumès logent par dizaine sur le toit, dans l’indifférence totale du devenir de ces pauvres amortisseurs. Elles fument, elles toussent, elles ne se meuvent que dans un fracas assourdissant de pot d’échappement percé. Les chauffeurs interrompent régulièrement sa marche, pour abreuver le radiateur éventré. Peu importe leur état, leur dernier souffle de fumée sera pour l’enterrement de Vaval ! A ce moment seulement, elles pourront s’éteindre.

La jenès an la ri-a

Depuis une vingtaine d’année, les jeunes antillais mettent pendant la période du carnaval des vêtements ou des accoutrements qui sortent de l’ordinaire pour eux, mais qui vu de l’extérieur ne paraissent pas être de vrais accoutrements. Ainsi, ils se parent de jambières, de jupettes, de nœuds dans les cheveux, mais aussi plus récemment de bandanas. Ils se distinguent ainsi des vêtements qu’ils mettent tous les jours, mais sans participer au faste des maquillages ou des costumes. La plupart du temps, ils respectent le code des couleurs.

Guiabless – Diablement belles pour un Vaval d’enfer !

Les diablesses appartiennent au folklore antillo-guyannais. Elles sont les personnages incontournables du mercredi des cendres. Les journaux, la littérature met abondamment en scène ce personnage qui a gagné ses titres de noblesses dans le carnaval. Il se trouve sous diverses orthographes : Djables, guiabless, diabless, ladjables, c’est une diablesse ! Attention ! Ne la confondez pas avec les vilaines sorcières des carnavals européens… Ici, pas de nez crochu, pas de verrues sur la joue ! Les guiabless sont l’apologie de la beauté et de la grâce… Laissons les écrivains nous la décrire : c’est une « femme fatale portant robe longue qui dissimule un pied de bouc, cette apparition de rêve surgit la nuit à un endroit désert et propose au passant ses services amoureux, telle Circé ensorcelant Ulysse. Celui qui succombe au charme ne manque pas d’être précipité du haut d’une falaise. Quelques rescapés narrent son rire démoniaque, le « voum-tac » caractéristique de son pas, sa voix nasillarde, quand pris de doute, ils ont allumé une cigarette, dont la belle créature redoute la fumée. » (H. Migerel, Migrat. Z.)
La diablesse porte en elle toute une tradition de légendes antillaises. C’est l’auxiliaire de rêve du démon. Cette femme enchanteresse détourne les âmes au profit du diable. Pourtant, dans le carnaval, la diablesse se détourne du diable, pour honorer le Bwa-bwa. Vaval, le roi fantoche, l’effigie de carton, devient son maître absolu, celui qui détrône le diable. En ce dernier jour de carnaval, elle est la reine démultipliée de la fête. C’est une explosion de musique, la danse est endiablée… Aujourd’hui tous célèbrent la mort de Vaval dans un dernier cri d’amour pour le KANNAVAL. Les makoumès, les reines, les spectateurs et tous les vidés se parent de noir et blanc. Tout le monde se met au diapason. Tous les travestis glorifient cette créature au charme ensorcelant. Les manawas mettent leurs plus beaux atours. Aujourd’hui leur séduction touche l’apothéose. Elles sont autant de vengeresses solitaires qui défilent et resplendissent plus encore que les autres jours.

Mi djabless an la ri-a

Les Reines diaboliquement belles exultent dans leur tenue traditionnelle. Celle-ci « doit comporter, pour la femme, un jupon blanc, sous une jupe noire, avec une chemisette blanche, ornée de rubans noirs, chapeau pointu fait d’une serviette de table empesée dont la pointe se lève vers le ciel, une chaussure noire et l’autre blanche. Les enfants se barbouillent le visage de farine blanche. » (Michel Boursat, Vaval, le carnaval des Antilles et ses spécificités) Dans cette énumération, il ne faut pas oublier la feuille de corossol. Toutes les diablesses tiennent à la main une feuille de corossol, qui est sensée éloigner le malin ou calmer le diable ?

Simié ri passé pléré (Préférer rire que pleurer)

La mission des diablesses est de pleurer Vaval qui va mourir au coucher du soleil. Cependant tout au long du cortège mortuaire, elles oublient leur vocation et elles participent joyeusement à la fête. Plus le jour avance, plus la musique monte d’un ton. Mais déjà, le soleil amorce sa descente. Le cortège des grandes prêtresses accompagne Vaval vers son destin funeste. Vaval est détrôné de son char, un bûcher se prépare… Un éloge funèbre fait taire toutes les musiques. Les diablesses crient, pleurent, sanglotent à vous déchirer le cœur. Certaines récitent la triste car brève vie de Vaval. Comment arrêter l’inéluctable, si ce n’est en pleurant, en tentant d’amadouer ce sort qui frappe si soudainement Vaval ? Aujourd’hui se révèle au grand jour leur relation « étroite » avec leur Roi… Toutes étaient épouses, maîtresses ou amante de cette fripouille de Vaval … Elles tentent de le retenir de ce côté de la vie… « Vaval pa kité nou » Rien n’y fait, la flamme naît sous les pieds de Vaval. « vwéyé dlo ! vwéyé dlo ! » (Envoyez de l’eau !) La fin est là, les diablesses se taisent, le char des belles endeuillées s’éteint…

Vaval mô, Kananval fini…
An lot soley Vaval !
Mési anpil…

Vaval mort, le carnaval est fini ! A la prochaine et merci beaucoup !








Le  carnaval de Fort de France

Cliquez ici pour visualiser le diaporama.