MOURIR D AMOUR ENCHAINé....
Cadenas, mon amour
Le Pont des Arts refuse de mourir d’amour enchaîné
J’espère qu’on me pardonnera cette privauté, aujourd’hui, je vais
parler d’amour, oui vous avez bien lu : d’amour. Mais pas du tendre
amour qui règne entre père et fille, comme dans Molière et chez les le
Pen, et qui peut devenir explosif quand les filles veulent suivre un
autre chemin que leur père. Je ne veux pas non plus vous parler de
l’amour qui unit les compagnons d’armes, comme à l’UMP : que
voulez-vous, la fraternité est parfois soluble dans les rivalités. Non,
je veux vous parler du vrai amour, celui qui dure toujours –
c’est-à-dire au moins jusqu’à la fin des vacances –, et dont Paris est,
paraît-il, la capitale mondiale. En tout cas, c’est ce qu’on dit dans
les publicités pour parfums.
Bien sûr, cet amour-là, capable de transformer n’importe quel
intellectuel en blonde égarée sévit dans le monde entier, de Pékin à
Roanne, de Stuttgart à Lyon, de Florence à Strasbourg. Mais ces
temps-ci, c’est à Paris qu’il se déchaîne ou plutôt qu’il s’enchaîne. En
effet, pour se prouver la profondeur de leurs sentiments, les amants en
goguette dans la ville Lumière fixent sur le parapet d’un pont un
cadenas dont ils jettent la clé dans la Seine. C’est ainsi qu’après la
Passerelle des arts – nouveau nom, semble-t-il, du Pont des Arts de
Brassens où l’on croise le vent fripon, maraud et toutes autres sortes
de coquineries –, tous les ponts de la capitale disposant de grilles se
sont couverts de ces bouts de ferraille multicolores, vendus à prix d’or
par de petits malins embusqués à proximité. Il paraît qu’on commence à
en trouver au sommet de la tour Eiffel, des cadenas de l’amour.
Ne vous méprenez pas, moi aussi j’ai un cœur et l’amour, je suis
grave pour. N’empêche, le symbole du cadenas est curieusement choisi.
S’agit-il d’informer son ou sa chère et tendre qu’il (oui, oui, ou
« elle ») est désormais prisonnier et que jamais, il ne pourra remettre
la main sur la clé de sa cage ? Il me semble au contraire que le
véritable amour devrait s’accommoder de la liberté de l’être aimé, ce
qui n’est pas simple, je vous l’accorde.
En attendant, la catastrophe annoncée s’est produite : dimanche,
l’une des grilles de la Passerelle des amoureux cadenassés s’est
effondrée sous le poids des cadenas d’amour. Heureusement, si l’amour
n’a pas vaincu la pesanteur, il n’a tué personne. Encore que ça nous
aurait fait des chouettes titres, genre « Mort d’amour à Paris », ça
aurait eu de la gueule, non ?
Las, le drame n’a pas eu lieu. Il a simplement fallu interdire la
passerelle au public et déléguer une équipe de la ville pour récupérer
l’objet du délit. Parce que ne croyez pas qu’on se contente de jeter
tout ça dans le bac « objets métalliques » de la déchetterie. À en
croire une légende urbaine, qui pourrait bien être parfaitement
authentique, la municipalité procèderait régulièrement au retrait des
grillages saturés, lesquels seraient précieusement conservés. Ils
doivent avoir peur d’attirer la malédiction des dieux de l’amour, à la
mairie de Paris, parce qu’on peut rigoler de toutes les religions, sauf
de celle-là. Ou peut-être craignent-ils d’être submergés par les
plaintes et réclamations d’amoureux courroucés expliquant que plus rien
ne va dans leur couple depuis qu’on a jeté leur cadenas. Alors, je ne
suis pas sûre que l’amour dure toujours, mais à l’évidence, il a un
point commun avec le tourisme : il rend idiot !
Le Pont des Arts plombé par les "cadenas d'amour"