Affaire Vincendon et Henry
Deux jeunes
étudiants alpinistes, Jean Vincendon, 24 ans, parisien, et François
Henry, 22 ans, de Bruxelles, partent le 22 décembre 1956 pour gravir le mont Blanc
par l'éperon de la Brenva.
Leur expédition tourne au drame. Ils se perdent dans de mauvaises conditions
météorologiques à plus de 4 000 m d'altitude et succombent après 10
jours au froid et à l'épuisement : les tentatives de sauvetage échouent
les unes après les autres alors que leur épopée est suivie à la jumelle depuis
la vallée.
Chronologie des événements
À 8 heures,
départ des deux alpinistes pour leur ascension qui doit durer normalement 2
jours, voire 3. Ils prennent le téléphérique de l'aiguille
du Midi et continuent l'ascension à pied jusqu'au refuge
Torino où ils passent la nuit.
Ils se
dirigent vers la Fourche et passent la nuit dans le refuge du même nom avec
l'intention de tenter la Brenva, le lendemain matin.
Par souci
des conditions météo, ils redescendent vers Chamonix sans
avoir gravi la Brenva et croisent la cordée italienne composée de Walter
Bonatti et Silvano Gheser qui montaient vers la Fourche. La rencontre avec
le célèbre alpiniste italien leur redonne le courage de monter et les quatre
hommes passent la nuit de Noël dans le refuge de la Fourche.
Les deux
cordées font trace commune jusqu'au col Moore puis se séparent. Bonatti et
Gheser vont tenter la voie de la Poire et Vincendon et Henry s'engagent dans la
Brenva. Constatant que les conditions ne sont pas optimales et le retard pris
sur l'horaire, Bonatti décide de rejoindre l'éperon de la Brenva. Là, il pense
trouver Vincendon et Henry au-dessus d'eux mais ils sont bien en dessous. Ils
progressent trop lentement. Les deux cordées poursuivent l'ascension
indépendamment et sont surprises par la nuit et par le mauvais temps avant
d'avoir pu sortir de la voie. Elles passent la nuit dans un bivouac de
fortune.
Les conditions
sont toujours mauvaises et les quatre hommes estiment qu'il est plus prudent
d'arriver au sommet pour rejoindre le refuge
Vallot que de redescendre. Les deux cordées se séparent involontairement
dans la tempête. Les italiens arriveront au refuge Vallot mais pas les deux
étudiants.
Dans la
vallée, au bout de 5 jours sans nouvelles, l'alerte est donnée. Les secours ne
peuvent pas intervenir étant données les conditions météorologiques.
Un
hélicoptère Sikorsky S-55 décolle pour une reconnaissance mais ne
repère pas les jeunes gens.
Les deux
alpinistes sont repérés par un hélicoptère duquel on largue des vivres et des
couvertures.
Un nouveau
plan de sauvetage est mis en place, il nécessite 7 heures de beau temps. On
survole les deux naufragés.
Les
conditions météorologiques ne permettent pas d'aide aérienne. Une caravane
pédestre s'organise.
Une
opération aérienne visant à déposer des secouristes au sommet du Dôme du Goûter est lancée.
Une autre
doit se poser plus près des deux alpinistes, mais le Sikorsky s'écrase dans la
neige : les quatre occupants (deux pilotes et deux alpinistes) sont
indemnes : ils placent Henry et Vincendon à l'abri dans la carcasse de
l'appareil. La cordée Gilbert Chappaz-Jean Minster venue du sommet les rejoint.
Les sauveteurs décident alors de remonter les pilotes au refuge Vallot et de
redescendre ensuite chercher Vincendon et Henry.
La cordée de
Terray redescend par sécurité. À l'observatoire Vallot, les secouristes
s'occupent des pilotes extrêmement fatigués.
Le temps est
mauvais. Les opérations sont arrêtées.
Deux
hélicoptères de type Alouette II se posent à proximité de l'observatoire
Vallot, évacuant les secouristes et pilotes. Le survol de la carcasse du
Sikorsky ne donne aucun signe de vie de Vincendon et Henry. L'opération de
secours est terminée.
Les corps
des naufragés ont été ramenés le 20 mars 1957.
Polémique
L'attentisme
de la compagnie des guides de Chamonix
et de l'armée a été mis en cause[1]. En effet, pendant plusieurs jours,
aucun guide de la vallée de Chamonix n'accepte d'organiser une
expédition terrestre de secours : seul Lionel Terray le fera, avec des
mots durs pour l'inorganisation des secours[2], mais trop tardivement. De son
côté, l'armée, dans le contexte de la guerre d'Algérie, refusera initialement de mettre
à disposition les hélicoptères adaptés. Ce n'est que lorsque les sauveteurs
seront eux-mêmes bloqués en altitude que les moyens nécessaires seront mis en
œuvre. La position du corps de François Henry lors de sa découverte en mars a
laissé envisager qu'il était encore vivant lors du dernier survol par
hélicoptère[3].
Conséquences
L'affaire Vincendon et Henry dans les œuvres de
fiction
- L'Affaire Henry et Vincendon est le titre d'une pièce de
théâtre écrite et mise en scène par Pierre Guillois. Cette pièce n'est
jouée que dans un lieu très froid. Le public est assis au sol et doit
apporter ses propres vêtements chauds. Le nom de la manifestation est Opération
Duvets, Moufles, Bonnets. En 2013, cette pièce est recréée dans une
nouvelle mise en scène sous le titre Terrible bivouac[6].
- Parfum d'éternité est le titre d'une pièce de
théâtre écrite et mise en scène par Xavier Petitjean et jouée par les
comédiens amateurs de La Troupe de l'Agapé dans un but caritatif à la fin
de l'année 2007. Pièce de fiction basée sur les faits réels, cette pièce
est un hommage rendu aux alpinistes Vincendon et Henry[7]. Une compilation vidéo du spectacle est
disponible sur YouTube[8].
Bibliographie
Notes et références
- ↑ Icks
Pey. Vincendon et Henry, toujours vivants cinquante ans après… Agora Vox,
21 décembre 2006. [archive]
- ↑ Un
historique du secours en montagne sur le site du Club alpin français. [archive]
- ↑ Henry et
Vincendon : tragédie au Mont Blanc. Le petit alpiniste illustré, 21
juillet 2009. [archive]
- ↑ Gérard Finaltéri. Le
piège blanc. [archive]
- ↑ Histoire
des secours en montagne sur Bivouak.net. [archive]
- ↑ Frédérique
Guiziou. "Terrible Bivouac". Fait d'hiver glaçant et coup de
théâtre à Brest. Ouest-France, 8 novembre 2013. [archive]
- ↑ http://xavier.petitjean.perso.neuf.fr/Agape/Mes_albums/Pages/Parfum_d%C3%A9ternit%C3%A9.html [archive]
- ↑ http://www.youtube.com/watch?v=GoLVjtOqEko [archive]
Voir aussi
·
par Jean
Boulet, Gérard Henry et Jean-Marie Potelle
Sommaire
J’ai eu, à maintes reprises, l’occasion de raconter ce
drame dans plusieurs revues aéronautiques et j’ai également participé à un
film de Denis Ducroz appelé « Les Naufragés du Mont-Blanc »
passé sur FR3 et FR5 ».
Aujourd’hui, je vous propose, grâce à mes amis Jean Boulet et Gérard Henry, de vous rapporter
des extraits du rapport qui a été fait aux essais en vol le 7 janvier 1957.
Ils m’ont gentiment prêté ce dernier et autorisé à prendre dedans les moments
qui me semblaient intéressants. Nos deux brillants Pilotes d’Essais de Sud
Aviation plus Henri Petit, ingénieur navigant d’essais, ont été sollicité le 2
janvier et ont rejoint Genève par avion.
Pour mémoire, Jean Boulet détenait le record du monde d’altitude sur
hélicoptères avec 8209 m, Henri Petit l’avait, quant à lui, accompagné en
1956 pour un sauvetage au refuge Vallot, le
premier au-dessus de 4000 m donc son aide pouvait être précieuse. Quant à
Gérard Henry, il avait une connaissance très reconnue du vol en montagne sur
hélicoptère. Voilà pour les présentations.
Mais laissons parler Jean Boulet.
« Les Alouette II N°7 et 13 étaient arrivées
de Mont-de-Marsan et s’étaient posées à Chamonix vers 16 heures.
Le 3, nous sommes montés au levé du jour, là où se
trouvaient les appareils. Temps magnifique, sans nuage et sans vent. La
température était de -12°. On finissait d’installer entre les patins
l’entrelaçage des cordes. Les Alouette,
qui n’avaient pas leurs bâches, avaient eu les pales enduites de glycérine la
veille au soir pour éviter le givre. Ce procédé a été efficace, le léger
dépôt de givre est parti sous l’influence de la force centrifuge quand le
rotor s’est mis à tourner. Par contre, quelqu’un a eu l’idée malheureuse
d’enduire les plexis de glycérine et si le givre est bien parti, il est resté
une couche du produit en question qui n’a pu être enlevé ni par des chiffons
ou cotons.
Il a fallu quand même décoller avec la N°13, Petit
étant à bord, la visibilité était déplorable. Par crainte du froid, on
annonçait -35° à Vallot, j’avais gardé les portes. Après treize minutes de
montée, je survolais le Vallot, 4362 m, encore dans l’ombre pour repérer la
direction du vent. Trois passages m’ont montré que celui-ci était nul, mais
il m’a fallu trois présentations pour me poser en raison du brouillage de la
vision à travers le plexiglas. Henry, qui avait eu la meilleure idée d ‘enlever les portes,
s’était posé deux minutes avant avec la N°7 à sa deuxième présentation.
Le commandant Alexis Santini, qui attendait sur la
plate-forme d’atterrissage a été embarqué sur la banquette arrière et
l’appareil a décollé immédiatement. Je me suis posé après et ai attendu
l’arrivée des guides dont l’un était assuré par les autres au moyen d’une corde.
La porte gauche a été enlevé, le siège relevé et Blanc complètement inerte
étendu et recroquevillé dans le fond de la cabine. Quelques minutes plus
tard, je le déposai à l’hôpital de Chamonix.
Deux rotations supplémentaires ont été nécessaires avec les deux machines
pour redescendre les six guides et leur matériel. Il était alors 10 h 30. Il
restait les deux alpinistes enfermés dans le Sikorsky à 3800 m d’altitude sur
le Grand Plateau. Le Grand Plateau forme une vaste cuvette qui est l’amorce
du Glacier du Géant. Dans celle-ci s’accumule sur une énorme
épaisseur toute la neige très poudreuse qui descend des crêtes sous
l’action du vent du sud. C’est cette neige qui a aveuglé le pilote du Sikorsky
lorsqu’il est passé en vol stationnaire pour se poser près des deux garçons.
Afin de ne pas vivre la même expérience, une seule
solution, se tenir en vol stationnaire hors effet de sol, soit 10 à 15 mètres
et faire descendre, faute de treuil, par une échelle de corde un guide. J’ai
redécollé avec la N°13 avec le Commandant Le Gall, Commandant l’École de
Haute Montagne, pour reconnaître cette possibilité. Une échelle de corde de
huit mètres était fixée aux patins. Nous sommes allés tourner autour de l’épave
puis nous mettre en stationnaire à 15 mètres au-dessus déclenchant une
superbe avalanche en aval. Henry, dans la N°7 tournait au-dessus pour
surveiller l’opération.
En raison de l’augmentation brusque de la pente du glacier à
l’emplacement du Sikorsky, toute la partie environnante est entrecoupée
d’immenses crevasses en partie recouvertes de neige fraîche. Le commandant Le
Gall a jugé trop dangereux de faire descendre un seul homme, une cordée était
nécessaire. Cette cordée ne pouvant descendre de l’hélicoptère en vol
stationnaire, elle aurait dû être transportée au col du Dôme et sa descente
vers l’épave était loin d’être sans risque. Henry, fort de sa grande
expérience du vol en montagne en hélicoptère, à son tour, a tenté une
approche et un vol stationnaire bas au-dessus de l’épave soulevant un énorme
nuage de neige poudreuse démontrant ainsi l’impossibilité de l’opération
espérée. Après ces dernières tentatives la décision fut prise par les
autorités et la famille de suspendre les opérations de sauvetage ».
|
Il y a quelques années, avec Jean-Louis
et plusieurs autres copains guides, nous avons participé au tournage du film de
Denis Ducroz: Les Naufragés du Mont Blanc.
Ce film retrace le tragique épisode de l’accident de Vincendon et henry lors de
leur tentative d’ascension hivernale de l’éperon de la Brenva.
Ce documentaire n’est quasiment pas passé à la télé. La production a pourtant
été faite par France 3.
Je vous invite à le regarder, il est en trois parties.
Episode 1
Episode 2
Episode 3
Mais bravo à Denis qui nous avait déjà régalé avec “les inconnus du Mont
Blanc“.
Comme nous le dit Behat dans son commentaire, vous pouvez voir des photos sur
le site de Yves Ballut.
MOYENS HÉLIPORTÉS MIS EN ACTION
• 1 Sikorsky H 19 (S 55) - Pilotes : PETETIN /
DUPRET
• 1 Sikorsky H 34 (S 58) - Pilotes : SANTINI / BLANC
• 2 Alouette II (SE 313 B) - Pilotes : BOULET / HENRY assistant :
Henri PETIT
L’absence totale de vent a facilité les choses supprimant toute turbulence.
Mais elle imposait une technique d’approche bien définie : approche très
basse avec réduction très progressive de la vitesse. D’autre part, elle
demandait le maximum de puissance à la turbine.
La plate-forme était de la neige glacée et les cordes empêchaient l’appareil de
glisser. Les poids au décollage ont atteint, avec les guides et leurs sacs, des
valeurs très supérieures à celles qui sont données dans le manuel de
l’équipage : 1340 kg au lieu de 1150 kg (chiffre limité par l’efficacité
du palonnier). Grâce à l’emploi momentané du régime de 34 500 à 35 000 tr/mn au
décollage, la T4 ne dépassait pas 500°. Avec une température de -18° on était
dans les limites. Pour ne plus être limité par l’efficacité du palonnier, il
faudra modifier le boîtier pour augmenter les incidences limites et lancer un
jeu de pales plus profondes. La régulation était correcte jusqu’à l’altitude du
Vallot pour la N°13, en revanche celle de la N°7 était
encore à l’ancien réglage et le régime turbine devait être réduit par la
manette de débit en autorotation. Henry était au fait de la manœuvre a
effectuer mais cela rendait le pilotage encore plus pointu. Le problème du
givrage est très important et une solution doit être trouvée (papier Nomist)
parallèlement aux radiateurs soufflants. Un bon équipement permet de voler
avec une porte enlevée. Le démarrage des turbines sur leur batterie de bord,
par -12° n’a présenté aucune difficulté, ni sur la N°13 à démarrage manuel, ni
sur la N°7 à démarrage automatique.
REMARQUES SUR L’HÉLICOPTÈRE DE SAUVETAGE
L’Alouette II a confirmé qu’elle est le meilleur
appareil grâce :
• A ses performances en altitude,
• A sa visibilité,
• A sa cabine spacieuse,
• A son régulateur qui facilite le pilotage et empêche toute perte de régime.
Par contre elle devra être équipée d’un treuil pour pouvoir tirer les rescapés
sans avoir à se poser quand le terrain ne le permet pas. Il faudrait avoir un
filet de cordages tout préparé s‘enfilant par l’avant des patins et s’attachant
rapidement par l’arrière.
Pour
le sauvetage dans les Alpes, il faudrait prévoir :
• 2 hélicoptères au Fayet, pour les opérations dans le massif du Mont-Blanc et
de la Vanoise,
• 2 hélicoptères à Grenoble pour les opérations dans le Pelvoux et le Massif de
Bellegarde.
Entre les opérations de sauvetage, les appareils pourraient être utilisés à du
transport de matériel (barrages, refuges, téléphériques, etc…). Par exemple
l’Alouette peut transporter 250 kg de Chamonix au Refuge Vallot en 25 minutes
aller et retour, ce qui fait, à 42 000 francs de l’heure, 70 francs par kg,
chiffre imbattable. Ce rapport date du 7 janvier 1957, des choses ont été
entendues depuis.
• 1921 : Durafour se pose au Dôme du Goûter en
Caudron G3
• 1955 : Jean Moine se pose au sommet du Mont-Blanc avec un Bell 47 G2
• 1956 : Jean Boulet et Henri Petit récupèrent un
blessé au Refuge Vallot 4362 m
• 1957 : Jean Boulet / Gérard Henri récupèrent pilotes et guides au Vallot
• 1960 : Henri Giraud se pose au sommet du Mont-Blanc en avion PIPER de
150 cv
• 1961 : Potelle / François se posent au sommet du Mont-Blanc Alouette II
Gendarmerie
• 1961 : Potelle / François se posent au sommet de l’Aiguille Verte 4121 m
• 1964 : Mise en place de la Base d’Annecy Protection civile
• 1967 : Premier Hélitreuillage au Sommet du Grépon Graviou / Rouet
(Protection civile)
• 1972 : Mise en place de la base de Megève Gendarmerie
• 170 battements par minutes, c’est ce que le cœur de certains pilotes donne
lors d’un treuillage.
• 8620 treuillages, c’est ce que Didier Méraux a effectué lors de
ses sauvetages dans le massif.
• 32 ans, c’est ce que Bravo Lima de la Gendarmerie a vécu à Chamonix.