Bien avant l’ouverture des expositions du Centre Pompidou, du Palais de Tokyo, du Mucem à Marseille ou de la Bibliothèque nationale de France, les salles des ventes rendent elles aussi hommage aux cinquante ans de Mai 68, en mettant aux enchères des affiches datant de l’époque. « Nous organisons régulièrement des ventes aux enchères d’affiches dans lesquelles figure toujours au moins une dizaine datant de Mai 68 », détaille Maître Cécile Dupuis, d’Artprecium, maison spécialisée dans les ventes d’affiches.
« C’est un marché qui se tient, et qui suscite encore plus d’intérêt en ce moment, avec les commémorations. Depuis un an environ, nous voyons certaines affiches de Mai 68 se vendre jusqu’à 2 000 €, un palier qui n’a pas été atteint depuis bien longtemps », explique Frédéric Lozada, expert en affiches anciennes, à Interencheres, site d’information sur les ventes aux enchères publiques. Le spécialiste précise que les acheteurs peuvent se faire plaisir à partir de 50 € et trouver de vibrants témoignages entre 200 et 400 €.



« Laissons la Peur du Rouge », affiche estimée de 100 à 200 €, mise aux enchères par Artprecium mercredi 28 février, à Paris et sur le Live d’Interencheres. (Illustration : DR)

Arrachées ou conservées par les étudiants
À la fois support d’expression, de création et de diffusion du mouvement contestataire, ces placards étaient édités massivement, notamment par les imprimeries en grève. « Les modèles proposés aujourd’hui aux enchères ont été arrachés des murs pendant les événements, ou alors conservés par leurs auteurs, qui n’étaient autres que les étudiants protestataires », rapporte Interencheres.
L’École des Beaux-Arts, rebaptisée alors « L’Atelier populaire » produisait chaque jour de nouvelles affiches. Ces « ateliers populaires » s’étendirent bientôt à toute la France et certaines affiches portent encore le cachet de ces centres de production.
De célèbres artistes
« Chaque création était soumise à un comité d’action qui validait ou non sa diffusion, explique Frédéric Lozada. Si les affiches n’étaient pas signées, pour respecter le « pacte du pouvoir populaire », nous savons aujourd’hui que de célèbres artistes en ont réalisé. Ainsi Bernard Rancillac, l’un des chefs de file de la Figuration narrative, est l’auteur de celle portant le slogan « Nous sommes tous indésirables » à l’effigie de Daniel Cohn-Bendit, principal leader du mouvement. »
Celui qui était alors surnommé « Dany le Rouge » s’avère être une figure particulièrement recherchée par les collectionneurs d’affiches de Mai 68.



« Nous sommes tous indésirables », affiche estimée de 250 à 500 €, mise aux enchères par Artprecium mercredi 28 février à Paris et sur le Live d’Interencheres. (Illustration : DR)

Des collectionneurs n’ayant pas connu Mai 68
Étonnamment, ce ne sont pas forcément ceux qui ont participé aux événements de Mai 68 qui collectionnent ces affiches. « Les amateurs sont souvent nés juste après cette période, ou alors ils l’ont vécue dans leur prime jeunesse mais n’en ont aucun souvenir »,complète l’expert. Peut-être par regret de ne pas y avoir participé ? De plus en plus d’acheteurs s’intéressent à ce marché, motivés par l’aspect historique de ces souvenirs, mais aussi par leur potentiel graphique et artistique.



« La Lutte Continue », estimée de 200 à 400 €, mise aux enchères par Artprecium mercredi 28 février à Paris et sur le Live d’Interencheres. (Illustration : DR)