dimanche 16 février 2020

Perros-Guirec : la vie secrète d'une station balnéaire 

Le tourisme capte 30% du budget de la commune des Côtes-d'Armor. Pendant des mois, la petite ville se prépare à la saison estivale.


Perros-Guirec est l'une des principales stations balnéaires de Bretagne, sa population passe de 7300 à 40.000 habitants en août.
Perros-Guirec est l'une des principales stations balnéaires de Bretagne, sa population passe de 7300 à 40.000 habitants en août.
Il paraît bien loin le temps où les rares touristes bravant les embruns de la Côte de Granit rose se nommaient Joseph Conrad, Ernest Renan ou Maurice Denis. Un siècle plus tard, Perros-Guirec, devenue l'une des principales stations balnéaires bretonnes, est une ville cossue de 7300 habitants l'hiver, pointant à 40.000 âmes en août - dont 20 % d'étrangers, Anglais en tête. Une véritable grande marée, pas toujours simple à gérer.
Car si les écrivains et autres peintres se contentaient de rochers roses et d'inspiration, les hordes modernes exigent confort et distractions, surtout quand la météo prédispose peu à jouer les crêpes sur la plage. «Cela ne se fait pas tout seul, mais on est rodés», glisse Yvon Bonnot, le maire de Perros-Guirec depuis trente-deux ans.

Marmotte et macareux

L'élu centriste, ancien patron d'une entreprise générale de bâtiment, avoue se sentir tellement «responsable» de sa ville qu'il y fait des tournées même le soir, suscitant des «tiens, voilà le shérif!». «Mais grâce à cela, j'ai coincé des voleurs qui vidaient des casiers de homards !», se défend-il, tout en fusillant du regard des promeneurs munis de bâtons de marche à pointe d'acier: un fléau pour les sentiers de Ploumanac'h, le site naturel qui fait la fierté de la commune.
La mairie a eu le temps de peaufiner son organisation. Un peu comme le personnage du film Un jour sans fin, condamné à revivre tous les jours la fête de la Marmotte. «On a mis près de quatorze ans à trouver la bonne formule pour notre Festival de musique de chambre. Au début, on a essayé le chant, mais cela ne marchait pas», reconnaît Erwan Henry, le responsable culturel. En coulisses, chacun connaît par cœur sa partition. Dès la fin août, quand les sons de la fest-noz vont faiblissant, l'office du tourisme est déjà sur le pont afin de lancer la prochaine année touristique. Pour ses équipes, le gros du travail s'opère à l'automne, quand la plupart montent en charge au printemps.
Il y a ce qui se voit, la petite ruche qui s'active dans la cité aux macareux pour repeindre les cabines de plage ou rambardes rongées par le sel. Il y a ce qui ne se voit pas: les négociations avec la trésorerie pour lancer un service de paiement en ligne au centre nautique ou encore l'accord de la protection du littoral pour une démonstration de la Patrouille de France. Le spectacle aérien a beau strier chaque année le ciel de Perros de ses fumigènes tricolores, l'instruction du dossier représente trois mois de palabres. Ouf, la fin de cette intense préparation s'achève mi-juin, lorsque les deux vieux plongeoirs blancs terminent leur hivernage pour être replantés sur la grande plage de Trestraou. Mais c'est là que le service des fêtes entre en scène…

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Ligne de flottaison

Tous ces efforts ne sont pas gratuits. Le tourisme, principale activité économique de Perros-Guirec, capte 30 % des près de 16 millions d'euros inscrits à son budget de fonctionnement. Quelque 3 millions d'euros de dépenses - office du tourisme, animations ou encore embauche de 80 saisonniers - sont couvertes par des recettes, les impôts des 2000 résidences secondaires, à la dotation globale de fonctionnement (DGF), en passant par les lucratives redevances du casino. Il faut aussi financer les ports (1,3 million d'euros) et le centre nautique (500.000 euros).

Côté infrastructures, une population multipliée par six en août oblige à surdimensionner les capacités par rapport aux besoins des onze autres mois de l'année. D'où un investissement de 20 millions d'euros dans un système de gestion de l'eau. L'usine dernier cri, qui traite 2500 m3 d'eau potable par jour l'hiver, affiche une capacité maximale de 8500 m3: forcément un surcoût pour les locaux. «Les résidents savent bien que s'il n'y avait pas le tourisme, ils ne bénéficieraient pas de tous leurs équipements», justifie Yvon Bonnot.

Disponibles 7 jours sur 7

Sur ce point, les boulangeries, magasins de déco ou restaurants, dont 90 % sont ouverts toute l'année, n'ont pas d'état d'âme. «La plupart des commerçants réalisent environ 50 % de leur chiffre d'affaires pendant l'été et les vacances scolaires. Pendant cette période, ils se rendent disponibles 7 jours sur 7», avance Christian Roncin, directeur de l'agence du Crédit agricole de Perros-Guirec. Pour les professionnels, l'embellissement de la ville se traduit en espèces sonnantes et trébuchantes: 30 % de chiffre d'affaires en plus après l'aménagement du quartier du port, se félicitent certains commerçants.
Comme toutes les collectivités territoriales, toutefois, Perros-Guirec est confrontée à une baisse des dotations publiques conjuguée à l'évaporation du crédit. «Comme nous n'avons pas de vrai levier sur les recettes, la seule solution, c'est de moins dépenser», explique Alain Couanau, le directeur général des services de la mairie. Exit, par exemple, les plantes saisonnières dans les massifs. Vive les vivaces qui permettent de diviser par deux le budget fleurs. De leur côté, les affaires culturelles sont priées de rééditer le carton de l'exposition 2011 sur le photographe Doisneau, dont la facture de 90.000 euros a été couverte par la billetterie: bon baiser de Perros la rose.

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