DISPARU À 36 ANS LE 11 MAI 1981, SA MORT EST PASSÉE PRESQUE INAPERÇUE...
Bob Marley
ENTRETIEN. Alain Gardinier : « Bob Marley est le plus universel des musiciens »
Décédé il y a quarante ans des suites d’un cancer, le musicien jamaïcain garde une aura resplendissante. Entretien avec le journaliste Alain Gardinier, qui lui consacre un beau livre.
Robert Nesta Marley (1945-1981), l’artiste le plus célèbre d’une Jamaïque qui n’a pas manqué de musiciens exceptionnels, est une icône populaire qui symbolise bien plus que sa seule musique. Entretien avec le journaliste et écrivain Alain Gardinier, qui lui rend hommage dans un livre très documenté.
Pourquoi Bob Marley reste-t-il populaire quarante ans après sa mort ?
Il est le plus universel des musiciens, dans tous les sens du terme. Je ne suis pas certain que les gamins des faubourgs de Lomé ou Bagdad écoutent Michael Jackson, mais ils écoutent Bob Marley. Il suscite toujours une incroyable ferveur quarante ans après sa mort. Cela vient de la simplicité (apparente) et du côté joyeux de sa musique et de sa personnalité. Même si ses textes sont politisés, sa façon de les amener est accessible. Il n’y a pas besoin de codes pour entrer dans la musique de Bob Marley. Mais si on connaît les codes et l’histoire, on apprécie encore plus.
A-t-on trop sanctifié Bob Marley ?
Il a fait des enfants avec toutes les femmes qu’il a rencontrées (il en a reconnu douze de sept femmes différentes), mais ça lui a été pardonné. Il a grandi pauvre, s’est battu avec succès pour imposer un style de musique du tiers-monde. Il a réchappé à une tentative d’assassinat, s’en est sorti indemne. Cela a rajouté à son aura d’invincibilité. Il est mort jeune (36 ans). Tout justifie le mythe populaire.
La fin de Marley a été pitoyable. Pourquoi est-il allé se faire soigner par un charlatan allemand ?
Il avait peur du cancer, et je crois qu’il était très influençable pour tout ce qui ne concernait pas sa musique. Son entourage proche a considéré qu’il pouvait s’offrir cette clinique bavaroise, où le Dr Issels utilisait des médicaments interdits ailleurs, contrebalancés par un strict régime de fruits et de légumes.
Quel est pour vous le disque le plus important de Bob Marley ?
Natty Dread (1974). Après que Peter Tosh et Bunny Wailer ont quitté le groupe, The Wailers devient la formation du seul Bob Marley. C’est son disque le plus complet et le plus percutant, avec des chansons emblématiques comme Lively Up Yourself ou No Woman, No Cry. Mais ses disques live sont incroyables, notamment le premier (Live !), enregistré en 1975 à Londres.
Bob Marley a-t-il été « marketé » pour devenir un artiste qui plaise à tous ?
Chris Blackwell, le patron d’Island, ne lui a rien imposé. Marley adorait la musique américaine. Quand on lui a proposé d’inclure en studio des musiciens formidables, il avait conscience que cela augmentait le potentiel de sa musique. Musique qu’il a entièrement contrôlée un peu plus tard.
Le message de Marley sonne plus inclusif que lié à une communauté. C’est sa force ?
Il ne s’en est pas rendu compte tout de suite. Il a des textes simples, faciles à capter, mais avec beaucoup de contenu, mais pas trop spécifique. Ce sont des messages auxquels on peut s’identifier. Son discours sur l’esclavage ou la colonisation a particulièrement frappé les pays du tiers-monde, mais pas seulement. Marley délivre le plus souvent son message avec positivisme, sans la rancœur de la victime. Il dit qu’on peut sortir de sa condition. Lui-même était métis. Et s’il l’a mal vécu étant gamin, il n’en faisait pas une fixation.
Sa passion du foot a contribué à en faire une figure populaire ?
Sans doute. Le premier truc quand il arrivait quelque part pour un concert, après avoir repéré la salle, était de savoir où était le terrain de foot. J’évoque son match contre cinq Canaris, le 2 juillet 1980, avant son concert à la Beaujoire, à Nantes. Les Nantais ont gagné 4-3, mais pas facilement. Dans son équipe, Bob avait un international jamaïcain, et son cuisinier jouait avant-centre dans une équipe jamaïcaine. Cela ne rigolait pas.
Parmi les détails réjouissants que vous exhumez, il y a son goût pour les BMW…
Avant tout, au départ, parce que BMW, ce sont les initiales de Bob Marley and the Wailers. Un musicien lui a vendu sa première BMW parce qu’il trouvait qu’elle n’avançait pas. Bob l’a gardée des années avant de changer de modèle.
Reste-t-il des trésors discographiques inédits ?
Je ne crois pas. À part quelques live. Marley n’était pas Prince. Je pense que tout ce qui a été enregistré et pouvait être écouté est sorti. Pour l’album d’inédits de 1983, Confrontation, Blackwell avait déjà bien raclé les fonds de tiroirs.
La descendance musicale Marley est pléthorique. Entre ses enfants, neveux, petits-enfants, plusieurs formations revendiquant le nom Wailers…
À part l’un des garçons qui s’est consacré au motocross, tous ont essayé une carrière musicale, avec plus ou moins de bonheur. Celui à écouter en premier est quand même Ziggy, qui a le physique et la voix de son père. Pas le même charisme, mais il a l’âme de Marley, sa gentillesse et son sens du partage.
Qu’avez-vous découvert sur Marley en préparant ce livre ?
Des milliers de choses. J’ai tout vérifié et constaté que pas mal de bouquins comportaient des erreurs, reproduites de livre en livre. Je vais vous citer quelque chose qui me tracassait depuis que j’étais ado. Sur Natty Dread, trois chansons étaient créditées Vincent Ford, alors que Marley était censé avoir tout écrit. J’avais compris que c’était un ami à qui il avait cédé les droits. Je n’ai appris l’histoire que bien plus tard. C’était en fait un homme handicapé (il avait perdu ses deux jambes à cause du diabète) qui tenait une échoppe de soupe dans la rue, dans le quartier de Trenchtown. Pendant des mois voire des années, il avait offert des soupes à Marley et aux autres Wailers quand ils étaient des gamins sans argent. Quand Marley était encore empêtré avec des problèmes de droits (cédés hâtivement à son label précédent), il a crédité l’homme qui l’avait aidé. Qui du coup s’est retrouvé plus tard avec une jolie somme d’argent.
Bob Marley et la légende du reggae, Gründ, 208 pages, 19, 95 €
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