Document : l’homélie de la messe du bicentenaire de la mort de Napoléon
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L'église Saint-Louis des Invalides.
« La profondeur et l’envergure des paroles de Napoléon sur le Christ et sur l’Église dépassent de cent coudées l’entendement habituel », a déclaré l’évêque aux armées, Mgr Antoine de Romanet, lors de la messe célébrée à Saint-Louis des Invalides à l’intention du bicentenaire de la mort de l’Empereur et des soldats morts pour la France ce mercredi 5 mai.
Nous sommes le 5 mai 2021. Il est frappant que nous marquions aujourd’hui une date plus importante pour Napoléon Bonaparte que celle de sa naissance, le 15 août 1769 à Ajaccio. Nous marquons ce 5 mai le bicentenaire de sa naissance au ciel. Et ce sont les textes de la liturgie de ce 5 mai pour l’Église universelle qui nous accompagnent ce matin.
Ce bicentenaire nous donne de tourner les yeux de notre cœur vers la grande, la seule, l’unique question qui vaille sur cette terre : la question du salut et de la vie éternelle. Cette question est au centre de la première lecture des Actes des Apôtres que nous venons d’entendre : en substance « Mes frères, que devons-nous faire pour être sauvés » ?
Baptisé, Napoléon Bonaparte a été greffé sur le Christ, la vraie vigne.
L’Empereur Napoléon 1er a plus que marqué son siècle, il a plus que marqué son pays, il a marqué la grande histoire d’un destin foudroyant. Suivre son parcours, c’est recueillir les fruits et la sagesse d’une âme qui a tout connu avec incandescence, des rêves et des réalités de la vie, des ombres et des lumières de la nature humaine, de la gloire et du pouvoir des peuples, des sommets et des précipices d’une aventure hors du commun. Quels que puissent être les sentiments qu’il inspire, on ne peut que reconnaître qu’il fut à bien des égards un génie. Humainement, sa gloire n’a d’équivalent que celle d’Alexandre le Grand.
Ce que la France doit à Napoléon est central. Ce dont l’Europe porte la trace est décisif. Ce que l’histoire retient de son épopée est fascinant. Et tout ceci nous conduit à une apogée, celle de la préparation de sa « Pâques », ce passage de ce monde à l’éternité.
Baptisé, Napoléon Bonaparte a été greffé sur le Christ, la vraie vigne. Sa première communion fut à ses propres dires l’un des actes les plus sérieux de toute sa vie, cette Eucharistie qui nourrit l’âme, cette sève qui donne vie au sarment. « Tout sarment qui est en moi mais qui ne porte pas de fruit, mon père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant pour qu’il en porte davantage ». La question dans chacune de nos existences n’est pas « d’avoir été baptisé », la question est celle de notre relation vivante avec le Christ : nous qui sommes greffés sur le Christ, est-ce que la sève de l’Esprit du Christ passe du tronc au sarment que je suis ? Est-ce que je porte des feuilles, des fleurs et des fruits ?
Pour ce bicentenaire, je me suis plongé dans les propos de l’Empereur, et j’en ai été bouleversé. La profondeur et l’envergure des paroles de Napoléon sur le Christ et sur l’Église dépassent de cent coudées l’entendement habituel. Être associé par Napoléon 1er lui-même à son heure de vérité, celle du grand passage, c’est pour chacun d’entre nous ce matin recevoir la grâce d’une réflexion sur les fondamentaux de nos vies.
Baptisé, Napoléon Bonaparte a été greffé sur le Christ, la vraie vigne. Sa première communion fut à ses propres dires l’un des actes les plus sérieux de toute sa vie, cette Eucharistie qui nourrit l’âme, cette sève qui donne vie au sarment. « Tout sarment qui est en moi mais qui ne porte pas de fruit, mon père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant pour qu’il en porte davantage ». La question dans chacune de nos existences n’est pas « d’avoir été baptisé », la question est celle de notre relation vivante avec le Christ : nous qui sommes greffés sur le Christ, est-ce que la sève de l’Esprit du Christ passe du tronc au sarment que je suis ? Est-ce que je porte des feuilles, des fleurs et des fruits ?
Pour ce bicentenaire, je me suis plongé dans les propos de l’Empereur, et j’en ai été bouleversé. La profondeur et l’envergure des paroles de Napoléon sur le Christ et sur l’Église dépassent de cent coudées l’entendement habituel. Être associé par Napoléon 1er lui-même à son heure de vérité, celle du grand passage, c’est pour chacun d’entre nous ce matin recevoir la grâce d’une réflexion sur les fondamentaux de nos vies.
Le 15 Octobre 1815, Napoléon vaincu à Waterloo, débarque à Sainte-Hélène avec quelques officiers restés fidèles. Avec eux, durant 5 ans, il partage ses convictions les plus intimes sur la foi, qui seront ensuite fidèlement transcrites. De ces conversations se dégage l’image d’un catholique convaincu qui a mûri sa propre foi. Napoléon élabore une preuve effective de l’existence de Dieu, qui se base sur sa propre expérience, il réfléchit avec une âme passionnée sur la personne et la vie de Jésus-Christ, sur la Croix, sur l’Eucharistie, sur la relation entre la foi chrétienne et la religion islamique, sur la relation entre la foi catholique et le protestantisme.
La Sainte Bible accompagne Napoléon à Sainte-Hélène, où il lut l’Ancien comme le Nouveau Testament, à commencer par les Évangiles et les Actes des Apôtres.
Au général Bertrand, Napoléon déclare : « Mes victoires vous font croire en moi, et bien ! l’univers me fait croire en Dieu. J’y crois à cause de ce que je vois, à cause de ce que je sens. (…) Oui, il existe une cause divine, une raison souveraine, un être infini, cette cause est la cause des causes, cette raison est la raison créatrice de l’intelligence. (…) Je regarde la nature, je l’admire et je me dis : Il y a un Dieu… Il existe un être infini auprès duquel moi, Napoléon, avec tout mon génie, je suis un vrai rien, un pur néant ».
« La religion catholique possède des avantages qui me la feront toujours préférer à toute autre. Elle est une, elle n’a jamais varié et elle ne peut changer. Ce n’est pas la religion de tel homme, mais la vérité des conciles et des papes, qui remonte sans interruption jusqu’à Jésus-Christ, son auteur. Elle possède tous les caractères d’une chose naturelle et d’une chose divine ; elle plane au-dessus des passions et des vices ; elle est un soleil qui éclaire notre âme avec mystère et majesté. Sa vertu est une vertu cachée, qui est au-dedans de l’homme comme la sève au-dedans des arbres. »
Les plus grands esprits, depuis l’apparition du christianisme, ont eu la foi, et une foi vive, une foi pratique aux mystères et aux dogmes de l’Évangile.
Et Napoléon de confesser la divinité du Christ de manière bouleversante : « Les esprits superficiels voient de la ressemblance entre le Christ et les fondateurs d’empire, les conquérants et les dieux des autres religions. Cette ressemblance n’existe pas. Il y a entre le christianisme et quelque religion que ce soit, la distance de l’infini ». « Les plus grands esprits, depuis l’apparition du christianisme, ont eu la foi, et une foi vive, une foi pratique aux mystères et aux dogmes de l’Évangile, non seulement Bossuet et Fénelon, dont c’était l’état de le prêcher, mais Descartes et Newton, Leibnitz et Pascal, Corneille et Racine, Charlemagne et Louis XIV ».
« Les sciences et la philosophie ne servent de rien pour le salut, et Jésus ne vient dans le monde que pour révéler les secrets du Ciel et les lois de l’esprit. Aussi n’a t-il affaire qu’à l’âme, il ne s’entretient qu’avec elle, et c’est à elle seule qu’il apporte son Évangile. L’âme lui suffit comme il suffit à l’âme. Avec lui, l’âme a reconquis sa souveraineté. (…) »
Et Napoléon de poursuivre sa réflexion : « L’empire de César a duré pendant combien d’années ? Combien de temps Alexandre a t-il été porté par l’enthousiasme de ses soldats ? (…) Les peuples passent, les trônes croulent, et l’Église demeure ! Quelle est donc la force qui fait tenir debout cette Église assaillie par l’océan furieux de la colère et du mépris du siècle ? Quel est le bras, qui depuis dix-huit cents ans, l’a préservée de tant d’orages qui ont menacé de l’engloutir ? (…) Qu’il parle ou qu’il agisse, Jésus est lumineux, immuable, impassible. Le sublime, dit-on, est un trait de la Divinité : quel nom donner à celui qui réunit en soi tous les traits du sublime ? Et le plus grand miracle du Christ, sans contredit, c’est le règne de la charité. Tous ceux qui croient sincèrement en lui, ressentent cet amour admirable, surnaturel, supérieur ».
Dans les derniers jours, la voix de l’Empereur prit un accent particulier d’ironique mélancolie et de profonde tristesse : « Oui, notre existence a brillé de tout l’éclat du diadème et de la souveraineté; et la vôtre, Bertrand, réfléchissait cet éclat comme le dôme des Invalides, doré par nous, réfléchit les rayons du soleil… Mais les revers sont venus, l’or peu à peu s’est effacé… La pluie du malheur et des outrages, dont on m’abreuve chaque jour, en emporte les dernières parcelles. Nous ne sommes plus que du plomb, général Bertrand, et bientôt je serai de la terre. Telle est la destinée des grands hommes ! Celle de César et d’Alexandre, et l’on nous oublie ! et le nom d’un conquérant comme celui d’un empereur, n’est plus qu’un thème de collège ! Nos exploits tombent sous la férule d’un pédant qui nous loue ou nous insulte ! »
Et Napoléon s’interroge : « Quelle différence entre la destinée prochaine de Napoléon et celle de Jésus-Christ ! Quel abîme entre ma profonde misère et le règne éternel du fils de Dieu ! Avant même que je sois mort, mon œuvre est détruite ; tandis que le Christ, mort depuis dix-huit siècles, est aussi vivant qu’au moment de son ministère. Loin d’avoir rien à redouter de la mort, il a compté sur la sienne. C’est le seul qui ait été plus vivant après sa mort que de son vivant. Le temps n’a pas seulement respecté l’œuvre du Christ, il l’a grandie : en quelque endroit du monde que vous alliez, vous trouverez Jésus prêché, aimé, adoré ».
Et Napoléon de conclure : « Sur quoi avons-nous fait reposer notre pouvoir ? Sur la force. Tandis que Jésus-Christ a fondé son empire sur l’AMOUR, et des milliers d’hommes donneraient joyeusement à cette heure leur vie pour Lui ! Voici un conquérant qui incorpore à lui-même, non pas une nation, mais l’humanité. Quel miracle !… Plus j’y pense, plus je suis absolument persuadé de la divinité de Jésus-Christ. »
A l’article de la mort, il reçoit l’Extrême Onction accompagnée du sacrement de la Réconciliation.
L’empereur, malade, ne quitte plus son lit depuis le 17 mars. Il entend quotidiennement la messe, et demande l’exposition du Saint-Sacrement. Le samedi saint, 21 avril 1821, Napoléon demande à son aumônier de dresser une chapelle ardente après son décès. Il réclame des messes quotidiennes après sa mort, jusqu’à ce qu’il soit en terre. Il demande enfin que l’on pose un crucifix sur son cœur dès qu’il sera passé de vie à trépas. A l’article de la mort, il reçoit l’Extrême Onction accompagnée du sacrement de la Réconciliation. Le 5 mai, à 5 heures 49, il rend l’âme, et s’ouvre à une nouvelle et éternelle naissance.
Napoléon avait pour anniversaire de naissance sur cette terre le 15 août, fête de l’Assomption de la Vierge Marie. Cette fête célèbre le fait qu’« au terme de sa vie terrestre, l’Immaculée Mère de Dieu a été élevée en son corps et en son âme à la gloire du ciel ». En ceci Marie est pour toute l’humanité un gage d’espérance, une promesse de résurrection. C’est ainsi que la plus belle œuvre que nous puissions faire aujourd’hui pour Napoléon 1er et pour tous les soldats morts pour la France, est de prier pour eux, par l’intercession de la Vierge Marie.
« Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort ».
Les deux instants décisifs de nos existences : « Maintenant, et à l’heure de notre mort » … Pour qu’en nos vies, sur cette terre, puis au-delà, rien, jamais, ne nous sépare de l’amour de Dieu.
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit, Amen.
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Napoléon s’est-il réconcilié avec Dieu avant de mourir ?
Domaine public
La Mort de Napoléon à Sainte-Hélène, tableau de Charles de Steuben (vers 1828).
Lors de son exil sur l’île de Sainte-Hélène, Napoléon Ier a longuement réfléchi à sa foi et au christianisme. Dans son testament, rédigé quelques jours avant sa mort, l’Empereur l’assure en ces mots : "Je meurs dans la religion apostolique et romaine, dans le sein de laquelle je suis né il y a plus de cinquante ans".
Au cours des six années d’exil sur l’île de Sainte-Hélène, de 1815 à 1821, Napoléon Ier a relu sa propre existence, et, dans de longues conversations avec les officiers qui lui sont restés fidèles, l’Empereur s’est ouvert sur sa foi et ses convictions les plus intimes. « De ces conversations se dégage l’image d’un catholique convaincu qui a mûri sa propre foi », a rappelé Mgr Antoine de Romanet, évêque aux armées, dans son homélie pour la messe célébrée à l’occasion du 200e anniversaire de la mort de Napoléon. « Il élabore une preuve effective de l’existence de Dieu, qui se base sur sa propre expérience, il réfléchit avec une âme passionnée sur la personne et la vie de Jésus-Christ, sur la Croix, sur l’Eucharistie, sur la relation entre la foi chrétienne et la religion islamique, sur la relation entre la foi catholique et le protestantisme ».
Au général Bertrand, l’Empereur assure ainsi : « Mes victoires vous font croire en moi, et bien ! l’univers me fait croire en Dieu. J’y crois à cause de ce que je vois, à cause de ce que je sens. […] Oui, il existe une cause divine, une raison souveraine, un être infini, cette cause est la cause des causes, cette raison est la raison créatrice de l’intelligence. […] Je regarde la nature, je l’admire et je me dis : Il y a un Dieu… Il existe un être infini auprès duquel moi, Napoléon, avec tout mon génie, je suis un vrai rien, un pur néant ».
Il y a entre le christianisme et quelque religion que ce soit, la distance de l’infini.
Plus encore, Napoléon emploie des mots particulièrement forts pour décrire le christianisme. « Les esprits superficiels voient de la ressemblance entre le Christ et les fondateurs d’empire, les conquérants et les dieux des autres religions. Cette ressemblance n’existe pas. Il y a entre le christianisme et quelque religion que ce soit, la distance de l’infini ».
Fidèle à lui-même, stratège, l’Empereur s’est également interrogé sur les grands empires fondés par César et Alexandre. « L’empire de César a duré pendant combien d’années ? Combien de temps Alexandre a t-il été porté par l’enthousiasme de ses soldats ? […] Les peuples passent, les trônes croulent, et l’Église demeure ! Quelle est donc la force qui fait tenir debout cette Église assaillie par l’océan furieux de la colère et du mépris du siècle ? Quel est le bras, qui depuis dix-huit cents ans, l’a préservée de tant d’orages qui ont menacé de l’engloutir ? […] Qu’il parle ou qu’il agisse, Jésus est lumineux, immuable, impassible. Le sublime, dit-on, est un trait de la Divinité : quel nom donner à celui qui réunit en soi tous les traits du sublime ? Et le plus grand miracle du Christ, sans contredit, c’est le règne de la charité. Tous ceux qui croient sincèrement en lui, ressentent cet amour admirable, surnaturel, supérieur ».
Sentant ses forces décliner dès le mois de mars 1821, Napoléon entend la messe quotidiennement et demande l’exposition du Saint-Sacrement. Le samedi saint, 21 avril 1821, il demande à son aumônier à Sainte-Hélène, l’abbé Vignali, de dresser une chapelle ardente après son décès et réclame des messes quotidiennes après sa mort, jusqu’à ce qu’il soit en terre.
Sur son lit de mort Napoléon reçoit l’extrême onction et, pour la première fois de sa vie, le sacrement de réconciliation. « Fermez la porte et ne le dites à personne », déclara-t-il solennellement à son aumônier. Le 5 mai, à 5 heures 49, Napoléon Ier rend finalement son dernier souffle. « Je meurs dans la religion apostolique et romaine, dans le sein de laquelle je suis né il y a plus de cinquante ans », écrira-t-il au préalable au début de son testament.
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