A Marseille, sur le passage de la papamobile : «Il nous a regardées, c’est bon, il nous a bénies !»
Une bonne sœur sirote un café à l’ombre d’un drapeau de l’OM, tendu sur le toit d’un snack mitoyen du Vélodrome. A la sortie du métro voisin, les vendeurs à la criée du journal la Croix, en nombre ce samedi 23 septembre à Marseille, haranguent le passant. Un homme en costume blanc, grosse croix argent autour du cou, chante du Mike Brant à l’une des vendeuses. «Je suis chrétien à fond la caisse !» lui vend-il, un brin lourdingue. Il est 9 h 30, ce n’est pas encore la foule autour du stade. Le pape François, présent depuis la veille à Marseille, n’est pas attendu sur place avant le milieu de l’après-midi, pour une déambulation en papamobile avant sa messe géante au dans l’enceinte olympienne. La préfecture avait pourtant prévenu les fidèles : venez tôt, ça va être la cohue. Pour l’heure, le seigneur compte ses brebis sur les doigts d’une main.
Les policiers ont finalisé le dispositif filtrant de barrières le long du Prado, l’artère qui relie la place au rond-point voisin du stade, pavoisée aux couleurs du Vatican, de la France et de Marseille. Michèle, 75 ans, qui a passé la fouille à l’entrée, est l’une des premières arrivées avec ses copines. Elles ont prévu les chaises pliantes pour patienter. La Marseillaise a-t-elle apprécié le discours de la veille, où François a rappelé le devoir d’assistance aux migrants ? Elle rame : «On ne peut qu’approuver, mais avec ce que l’on voit à Marseille…» Sa copine Angeline intervient : «Marseille est une terre qui accueille, de tout temps, ceux qui sont rejetés ! Cette visite redore le blason de la ville, qui mérite d’être vue avec les yeux de l’amour, pas de la haine !»
Ecrans géants et drapeaux
Midi, le Prado se garnit lentement, il faut encore attendre quelques heures sous le cagnard à peine rafraîchi par le vent qui, la veille déjà, avait fait voler la calotte du Pape. Ce samedi, le même vent a eu raison des ballons que devaient lever les bénévoles en bleu, répartis par les organisateurs tout le long du parcours papamobilesque. «Tant mieux ! se marre Virginie, l’une d’eux. J’ai travaillé au Mexique, là-bas ce sont les prostituées qui portent des ballons !» Pour l’heure, la jeune femme n’a pas grand-chose à gérer. La foule se densifie certes, mais lentement, et surtout d’un côté du Prado. «Question de flux, analyse Virginie. Les métros sortent tous du même côté, c’est par là que viennent les gens du centre-ville, et la police bloque les accès pour l’autre côté. S’il y a tout un côté vide, ça craint quand même…»
Il faut attendre 14 heures pour que ses craintes se dissipent. Les aficionados, majoritairement Marseillais ou du département, arrivent enfin alors que les écrans géants installés le long du parcours s’animent. Vue sur les gradins du stade, où les 57 000 fidèles avec billets s’installent et se chauffent la voix. «Est-ce que le Vélodrome va bien ? Faites un maximum de bruit pour qu’il nous ressente jusqu’au Prado !» leur suggère l’animateur au micro. Cantonnés au Prado, Mark et ses trois potes agitent gentiment les petits drapeaux distribués par les bénévoles. Les quatre vingtenaires sont irlandais et étudiants à l’école de commerce de Marseille. Sauf Connor, venu pour le week-end : «Dans l’ordre, pour voir mes copains, le match de rugby… Et le pape, c’était l’occasion.» Comme eux, Marieme, qui arrive avec ses deux filles, s’est installée à Marseille il y a un an. «Je suis musulmane, explique la Sénégalaise, mais on vient s’imprégner de cette ferveur chrétienne et universelle. C’est un honneur de voir le pape !» «Comment ne pas te loueeeeeeerrr !» répond en écho dans l’écran géant le chanteur de Glorious, qui a enfilé pour l’occasion un maillot de l’OM.
«Il va pas revenir ?»
Enfin, la foule s’agite. Les motos ouvrant le cortège papal pointent leur nez. Les fidèles dégainent leur portable, alors qu’apparaît derrière les véhicules aux vitres fumées la papamobile ouverte aux quatre vents. François, assis devant le cardinal Aveline et un caméraman, salue d’un côté, de l’autre, et puis s’en va. «Il va pas revenir ?» s’inquiète une petite fille alors que son père, imitant la foule, tente de rattraper la voiture en courant. Mais même en roulant au pas, la papamobile est déjà loin. «C’était rapide… De toute façon c’était surtout pour envoyer la vidéo aux grands-parents, souffle Eloïse, 21 ans, en tapotant sur son clavier. Mais je ne regrette pas, ça n’arrive qu’une fois dans une vie.»
Rosa et sa fille Sarah sont aux anges. «Regardez, j’ai encore les frissons !, s’enthousiasme la quinquagénaire venue de Nîmes, grosses croix dorées pendues aux oreilles. Je suis heureuse ! Il nous a regardées, c’est bon, il nous a bénies !» Le pape, lui, arrive déjà sur la pelouse du Vélodrome. Sur le Prado, on repositionne les barrières pour laisser les fidèles suivre la messe à venir sur les écrans géants. Un groupe de jeunes préfère rejoindre une terrasse voisine. L’un d’eux se marre : «Non mais quand même, on a vu la papamobile, steuplé !»
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