LE TALENTUEUX MR RIPLEY
LE TALENTUEUX MR RIPLEY
L’EXPLICATION
Le talentueux Mr Ripley, c’est la tragédie du génie.
Greenleaf Senior affirme que si l’on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas non plus ses enfants. Ce qui est certain, c’est qu’on ne choisit pas son talent. Celui de Thomas Ripley est de se faire passer pour quelqu’un d’autre. C’est également son drame, car il rêverait secrètement de pouvoir être lui-même (cf Imitation Game). Son talent de caméléon va l’en empêcher.
Herbert Greenleaf est le premier à le prendre pour quelqu’un d’autre. Depuis le début, Tom doit donc avancer masqué. Soit disant diplômé de Princeton. Lorsqu’il rencontre Meredith pour la première fois, c’est presque naturellement qu’il continue cette comédie en se faisant passer pour Dickie.
Au contact du véritable Dickie, il découvre de nouveaux plaisirs : le jazz, la voile, les spaghettis alle vongole… C’est grâce à Dickie qu’il découvre quelque chose de fondamental à propos de lui-même, son homosexualité.
I’ve gotten to like everything about the way you live. It’s one big love affair.
Il est prêt à tout pour Dickie, par amour.
I’m prepared to take the blame.
Dickie n’en a rien à faire. Comme du reste. Il menace Tom de couper les ponts. L’identité de Ripley pourrait alors disparaître. Les deux hommes se disputent violemment.
I’m not pretending to be somebody else and you are!
Boring!
You want to play the sax. You want to play the drums. Which is it Dickie?
Who are you?! Some third class mooch? Who are you to tell me anything?
Qui es-tu? Une question à ne surtout pas poser à Tom. Insupportable. Insulté au plus profond de lui, Ripley tue Dickie. Le rêve d’être enfin soi doit aussi pouvoir perdurer. Tom absorbe Dickie. Peut-être peut-il devenir lui-même ainsi, à travers Dickie ?
Le rêve se transforme évidemment en cauchemar car Tom doit gérer les conséquences du vol de l’identité de Dickie. Tout serait beaucoup plus simple s’il n’y avait que Meredith. Tom pourrait continuer de promener le père Greenleaf à coups de courriers et de fausses signatures. Mais il reste Marge et Freddie…
Dans sa tête, Tom est tout sauf un meurtrier (cf Memento).
I’m haunted by everything I’ve done and can’t undo. Whatever you do, however terrible, however hurtful, it all makes sense, doesn’t it, in your head. You never meet anybody who thinks they are a bad person.
Bientôt à court d’histoires et épuisé de devoir jouer au chat et à la souris avec la police italienne, Tom montre des signes d’épuisement.
I can’t face anything anymore.
Il navigue à vue. Grâce à Peter, il aperçoit l’autre rive. La personne capable de le comprendre et l’accepter pour ce qu’il est. Avec Peter, Tom a envie de tout dire. Tout sera enfin possible.
I always thought it would be better to be a fake somebody than a real nobody.
Malheureusement, le piège du mensonge se referme définitivement sur lui (cf Un homme idéal). Le monde n’est pas plus gros qu’un bateau de croisière. Débarrassé de Freddie et Marge, revoilà Meredith! Il y a toujours quelqu’un pour l’obliger à jouer la comédie. Le talentueux Mr Ripley, devenu Dickie Greenleaf, ne pourra jamais être qui il est. Il ne trouvera jamais la paix. Trop doué (cf Attrape moi si tu peux).
Condamné à rester dans sa cave, prisonnier de ses secrets.
😇
Impossible de ne pas comparer ce film avec la version de Clément. C’est d’autant plus intéressant que les choix opérés sont radicalement différents ; l’ombre du modèle ne plane pas vraiment sur cet opus qui propose sa vision du drame.
Première différence, de taille, l’absence d’ellipse. Ici, tout est dit, tout est restitué, le film gagnant en durée (2h20). La mission confiée à Ripley, sa prise de contact avec Dickie, tout s’enchaine avec logique et malice.
Les 3 premiers quarts d’heure sont grandioses, notamment grâce à l’épaisseur donnée au personnage de Dickie par Jude Law. Solaire, insupportable, d’un charme irritant, il irradie tous ceux qui l’approchent, à commence par Ripley, petit être en devenir. Les scènes d’initiation, au jazz, à la mondanité, occasionnent le dévoilement du talent du clone en devenir, notamment dans cet échange génial où il imite la voix du père à Greenleaf. Le trio d’acteurs Damon/Law/Paltrow est vraiment de grande tenue, et toute la première partie oscille entre fascination et malaise grandissant. Les interventions de Seymour Hoffmann ne font qu’ajouter au talent généralisé.
A la grande différence de Delon, Damon se métamorphose physiquement, s’épanouit progressivement et devient beau. Toute la dimension homosexuelle, lorsqu’elle est implicite, est assez fine et pertinente.
Cela dit, à partir de la scène du meurtre, le film reprend le train plus convenu du thriller. Multipliant les pistes censées excuser Ripley, à savoir l’accident passionnel, le récit laisse échapper sa part de mystère.
Le développement du récit, alambiqué et complexe laisse totalement en plan ce qu’on avait chez Clément. Et c’est tant mieux, parce que le film retombe finalement sur ses pattes : il embarque le spectateur avec le protagoniste qui s’enlise dans ses mensonges. Chaque possibilité de rédemption s’accompagne d’un pas supplémentaire dans les rouages de l’escroquerie, et la fin en suspens nous laisse dans un état cauchemardesque, inextricable, qui est l’une des grandes réussites du film.
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