jeudi 5 septembre 2024

Dix choses à savoir sur Michel Barnier, nouveau Premier ministre

Par Caroline Michel Aguirre

Publié le , mis à jour le 


Portrait  Il rêvait d’être le candidat LR à l’Elysée en 2022. L’ancien ministre, 73 ans, ex-négociateur du Brexit, arrive finalement à Matignon avec une nouvelle mission très compliquée.

1. Plan D

« Je vous remercie de votre appel, mais vous comprendrez bien que je ne vous fasse aucun commentaire », nous répondait-il avant-hier encore alors que son nom commençait à circuler pour le poste maudit de Matignon. Pas du genre à s’emballer, Michel Barnier, 73 ans, n’aura eu qu’à attendre son heure, sans vraiment faire campagne, pour que les scénarios Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, qui ont tenu la corde tout l’été, s’épuisent les uns après les autres

2. Plus petit dénominateur commun

Il est celui qui a soulevé le moins d’opposition. Emmanuel Macron ayant abandonné l’idée de détacher les députés socialistes du Nouveau Front populaire (NFP) et donc enterré la piste Cazeneuve mardi, le chef de l’Etat s’est tourné vers les Républicains (LR). Gérard Larcher, président du Sénat, Bruno Retailleau, chef des sénateurs LR, et Laurent Wauquiez à la tête des députés de la Droite républicaine, lui ayant assuré en début de semaine qu’ils ne censureraient pas un Premier ministre issu de leur famille, la route semblait dégager pour Xavier Bertrand. Sauf que Marine Le Pen n’en voulait pas, au nom d’une inimitié forgée de longue date dans la région des Hauts-de-France. Restait Michel Barnier, dont l’âge exclut, a priori, qu’il rêve à la présidentielle en se rasant le matin.

3. Expérimenté

Les arcanes de la République n’ont aucun secret pour le Savoyard né en 1951 à La Tronche, élu plus jeune conseiller général à 22 ans, avant d’arriver à 27 à l’Assemblée nationale sous l’étiquette gaulliste de l’UDR. Par la suite, ce fils d’un patron de PME a siégé dans quasiment toutes les instances de la République. Député de Savoie jusqu’en 1993, sénateur pendant deux ans (1997-1999), tout en étant président du conseil général de Savoie pendant dix-sept ans (à une époque où les élus cumulaient), il a été ministre sous trois présidents de la République différents. Il a ainsi fait l’expérience de la cohabitation sous François Mitterrand au sein du gouvernement Balladur dans lequel il détenait le maroquin de l’Environnement. Puis, sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, il s’est occupé des Affaires européennes, des Affaires étrangères et d’Agriculture.

4. Négociateur

Mais c’est surtout pour son action à la commission européenne qu’il s’est illustré aux yeux du grand public. C’est en effet lui qui a mené entre 2016 et 2019 les négociations du Brexit au nom des Vingt-Sept. Au Berlaymont, building bruxellois où siège la Commission, cet emploi à haut risque l’avait ancré dans le club des défenseurs historiques de l’Union européenne… et lui avait attiré les foudres de la presse britannique eurosceptique.

5. Derniers feux

La dernière fois qu’il avait fait parler de lui, c’était lors de la campagne pour les primaires de la droite en 2021 où il avait terminé en troisième position, un peu à la surprise générale, derrière Valérie Pécresse et Eric Ciotti, mais devant un certain Xavier Bertrand. Barnier avait séduit en incarnant un certain sérieux et une vraie fidélité à la droite, n’ayant jamais quitté la famille des LR, contrairement à Pécresse et Bertrand.

6. Flegmatique 


« On me reproche parfois d’être trop prudent dans mes prises de parole, déclarait-il alors, mais je préfère faire plutôt que dire, et écouter les gens pour les faire travailler ensemble. Je n’ai pas la science infuse. Même les JO d’Albertville, c’est une idée qu’on m’a soufflée », confessait-il en référence aux Olympiades de l’hiver de 1992. L’humour n’est pas son trait le plus saillant, et en matière de petites phrases, « l’ecclésiastique en civil », comme on l’a surnommé, est un mauvais client pour les journalistes. « Nous l’apprécions justement parce qu’il est sérieux, il ne parle pas à tort et à travers », soulignait son soutien Daniel Fasquelle, maire du Touquet. Et même lorsque en mars 2020, le « Mail on Sunday » a méchamment laissé entendre qu’il pourrait être le patient zéro de la contamination au Covid de Boris Johnson, son cabinet est resté muet.

7. Immigration zéro

Le programme du candidat putatif à l’élection présidentielle de 2022 n’avait rien à envier à l’aile dure de son parti en matière migratoire. N’hésitant pas à rompre avec son étiquette pro-européenne, il avait ainsi appelé à « retrouver une souveraineté juridique pour ne plus être soumis aux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne ou de la Cour européenne des droits de l’homme ». Fort semblable à celles des brexiters, cette tirade avait sidéré les europhiles… mais ravi les plus souverainistes de son camp. « Comme négociateur européen du Brexit, il défendait bec et ongles la primauté de la Cour de justice de l’UE et de la CEDH », avait ironisé l’eurodéputée Nathalie Loiseau.

8. Régulateur

Appelé à la Commission européenne en 2010, un an après la chute de Lehman Brothers, Barnier s’est aussi forgé une solide expérience de régulateur. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, il s’était attelé à sa feuille de route : donner un cadre nouveau à la finance. Au plus fort de la crise, un tiers des textes présentés par la Commission venaient de ses services. « Ça aussi, ça lui a conféré une stature d’homme d’Etat, disait alors l’ex-député Didier Quentin. Reste maintenant à casser son image de techno. »

9. Œcuménique

Très copain avec Laurent Wauquiez, Barnier a maintenu de solides réseaux dans sa famille politique malgré ses multiples déchirements. Soutien de Bruno Le Maire à la primaire de 2016, il avait été rejoint pour sa campagne de 2021 par les actuels députés Olivier Marleix (sarkoziste historique), Patrick Hetzel et Emilie Bonnivard. Il avait aussi enrôlé les ex-fillonnistes Pierre Danon et Arnaud de Montlaur qui s’étaient occupés de son financement et avait choisi la chiraquienne Marie-Claire Carrère-Gée comme directrice de campagne.

10. Passéiste

Chirac le surnommait « le prof de ski » – une référence à son amitié avec Jean-Claude Killy, avec qui il s’était lancé dans l’aventure de la candidature d’Albertville aux JO d’hiver de 1992, ce qui ne le rajeunit pas… Ses adversaires n’auront pas de mal à souligner la propension de Michel Barnier à « parler sans cesse du passé », comme on le reconnaît jusque chez ses amis. « Michel était un peu plus vieux quand il était jeune et un peu plus jeune quand il est devenu vieux », se marrait, voilà quelques années, Jean-Pierre Raffarin, qui fut son copain de promo à « Sup de Co ». Jeudi matin, le député du RN Jean-Philippe Tanguy a méchamment réagi à l’hypothèse Barnier, en estimant « qu’on fait du Jurassic Park en permanence en allant rechercher des fossiles à qui on essaye de redonner vie. M. Barnier est non seulement fossile, mais fossilisé de la vie politique ». Ça commence bien. Bienvenue dans l’enfer de Matignon.

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