Histoire du chat
Dieu ou diable
Comme tous les animaux, le chat a une histoire, assortie de légendes noires ou dorées, nourries de ses relations avec l’homme. Ce petit félin a également une préhistoire, bien plus ancienne que celle de l’homme, et il en garde la mémoire.
Les initiés prêtent volontiers sept vies au Chat, voire neuf. C’est dire la richesse et la complexité du personnage !
Le chat a conquis la Terre il y a 50 millions d’années. Nos lointains ancêtres, les premiers hominidés, ne sont apparus que quarante millions d’années plus tard et Homo sapiens - nous-mêmes - il y a à peine 200 000 ans.
L'homme et le chat, qui ne partagent guère de points communs, vont pourtant se rencontrer vers 7 500 avant J.-C. Commence alors l’« âge du chat » domestique.
Un fait remarquable est que le chat garde la mémoire de cette vie d’aventure. S’il dort au minimum 16 heures sur 24, ce n’est ni par paresse, ni par faiblesse, mais pour être toujours en pleine forme si on l’attaque, se réveillant en une fraction de seconde.
Il recouvre ses excréments de terre ou de litière, non par souci de propreté, mais pour dissimuler sa trace à l’ennemi ancestral. Il hérisse son poil pour paraître plus gros que nature, face aux autres félins ou prédateurs supérieurs en poids. Il rêve en grondant, vibrant de tout son être, en souvenir de chasses et de combats préhistoriques.
L’Âge d’or du chat
La première domestication remonte au IVe millénaire avant J.-C. Elle concerne le chat sauvage d’Afrique (Felis Libyca) cousin de l’Abyssin actuel. C'est un parfait chasseur en tenue de camouflage et grand amateur de petits rongeurs.
Les paysans égyptiens l'emploient pour protéger leurs silos à grain et chasser les vipères à cornes.
Il se révèle si utile qu'il ne tarde pas à être divinisé. Un cas unique dans l’Histoire. La divinité Bastet, représentée sous la forme d'une chatte ou d'une femme à tête de chat, incarne la fécondité, la joie et la beauté.
Animal sacré entre tous, le chat fait l’objet d’un culte particulier à Bubastis, capitale régionale du delta du Nil. À lui la plus joyeuse fête du calendrier égyptien et le plus beau temple ! La ville fait aussi commerce de statuettes et d’amulettes.
Les pharaons édictent des lois protectrices des chats, incarnations de Bastet : un homme qui tue un chat, même par accident, risque la peine capitale !
Les Perses, ensuite, l'ont vénéré, mais bien moins que les Égyptiens. Quant aux Grecs et Romains de l’Antiquité, ils furent nettement moins sensibles à sa grâce féline et l'employèrent surtout à garder les réserves de blé - même si les Romains étaient déjà pourvus en belettes apprivoisées, très bonnes chasseuses de rats.
Après le meilleur, le chat va connaître le pire. À l'évidence, cet animal suscite adoration ou haine, mais jamais indifférence.
Malheur aux chats noirs
Au Moyen Âge comme à la Renaissance, le chat garde une réputation de surnaturel héritée des cultes égyptiens. Mais son mystère et sa beauté sont interprétés comme autant de marques démoniaques.
Les procès d’animaux sont dans les mœurs du temps, mais le cas du chat est particulier. Il n’est pas jugé pour tel ou tel méfait, supposé ou réel. Symbolisant le Diable, il est fatalement criminel… Et haro sur le chat noir ! Compagnon des sorcière ou diable incarné, c'est la principale victime de ce racisme religieux ! Brûlée dans les bûchers, crucifiée aux portes des maisons, noyée par sacs entiers, la race a quasiment disparue.
Noirs ou pas, les chats participent aux feux de la Saint-Jean. Le roi Louis XI va lui-même allumer les fagots où sont jetés les chats, criant et se démenant comme des diables, enfermés dans leurs sacs.
Est-ce l'effet de ces traditions attachées à la sorcellerie ? Le fait est que le célèbre chirurgien et médecin Ambroise Paré a les chats en horreur : « Les chats n’infectent pas seulement par leur cervelle, mais aussi par leur poil, leur haleine, leur regard. » Le roi Henri III en a pour sa part une peur bleue. Il s’évanouit à leur vue et encourage leur massacre.
Les chats demeurent néanmoins appréciés pour leur utilité comme chasseurs de rats, bien sûr, mais aussi comme fourrure et... alimentation de dernier recours en cas de disette.
Pour l’amour du chat
Au XVIe siècle, le petit félin sauvage, successivement dieu, puis diable, accède au statut d’animal de compagnie. L’Europe découvre le Persan, première race à poil long. Sa beauté, associée à sa rareté, attire les familles royales ainsi que l’aristocratie française et italienne.
« Le plus petit des félins est un chef-d'œuvre », écrit Léonard de Vinci qui laisse du chat quelques études et dessins.
Avec la guerre de Trente Ans, les chats et les souris s’introduisent dans le bestiaire historique. Quand Louis XIII et son ministre Richelieu entrent dans le conflit, leurs ennemis s'autorisent l'ironie. Printemps 1640, les Espagnols affichent un message en deux octosyllabes sur une porte de la ville d’Arras :
« Quand les Français prendront Arras
Les souris mangeront les chats. »
Mais les Français regagnent du terrain. Ils prennent Arras le 9 août 1640 et enlèvent une lettre audit message :
« Quand les Français rendront Arras
Les souris mangeront les chats. »
Louis XIII affectionne les chats qui sont rois à sa cour, mais son principal ministre les adore. Certes, le cardinal Richelieu reste dans l’Histoire comme le « sphinx à robe rouge » qui a « foudroyé plutôt que gouverné les humains » (Michelet). Mais pour les chats, c’est un amant sans égal qui déroge à l'hostilité habituelle entre les hommes de pouvoir et cette race réputée insoumise.
À la génération suivante, à la cour de Louis XIV, la bonne société prend goût à ces animaux.
Notre fabuliste national lui-même érige les animaux, dont le chat, en personnages littéraires : « Je me sers des animaux pour instruire les hommes. » (La Fontaine, Fables, Dédicace au Dauphin, 1668). Nulle prétention scientifique chez l’auteur. Une douzaine de ses fables (sur 240) présentent le chat en tête d’affiche.
Dans Le Chat, la belette et le petit lapin, il dénonce la justice de son temps avec un chat à double visage qui porte deux noms empruntés à Rabelais : Raminagrobis et Grippeminaud :
« C'était un chat vivant comme un dévot ermite,
Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas... ».
Enfin, Le Chat botté ou Maître Chat, héros des Contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault (1697), va devenir mondialement célèbre. Une promotion qui anticipe sur la fin de l’histoire...
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