“Les Sentiers de la gloire”, chef-d’œuvre à charge de Stanley Kubrick
1915. Un château où vivent les généraux ; des tranchées boueuses où croupissent les soldats… Symphonie macabre sur le cynisme des gradés. Un film incompris et interdit à sa sortie en France.
La guerre de 14-18, avec ses 800 kilomètres de tranchées et ses centaines de milliers d’hommes décimés pour quelques centaines de mètres gagnés sur la ligne de front ennemie. Le réquisitoire, ici, vise moins la boucherie que l’ambition aveugle d’officiers cyniques, avides de gloire, qui ordonnent à leurs soldats de tirer dans leur propre camp et les font fusiller s’ils n’obéissent pas. Kubrick s’est appuyé sur plusieurs faits historiques, ce qui expliqua la gêne des autorités et l’interdiction du film en France durant dix-huit ans. Celui-ci n’est pourtant pas antimilitariste. Via le ferme et juste colonel Dax (Kirk Douglas), Kubrick montre au contraire la valeur nécessaire à toute armée digne de ce nom.
Ce qu’il fustige, c’est le bellicisme délirant, l’instrumentalisation de la guerre, la parodie de procès. L’injustice est d’une absurdité criante et Kubrick la filme avec une fureur froide. Son regard est implacable. Soucieux aussi d’éviter tout patriotisme (« le dernier refuge du vaurien », dixit Samuel Johnson). Pour preuve, ce beau finale dans l’estaminet où les soldats français, au repos, libèrent leurs bas instincts avant de s’humaniser à l’écoute d’une douce mélodie chantée – en allemand ! – par une jeune femme (la future épouse de Kubrick).
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