jeudi 23 janvier 2025

C DANS L'AIR 23 JANVIER

Paris/Alger : les "influenceurs"... et la crise



En pleines tensions entre la France et l’Algérie, le ministre de l’Intérieur continue d’occuper le terrain. Monté en première ligne depuis plusieurs semaines sur le dossier, Bruno Retailleau a ainsi annoncé mercredi sur X l’arrestation d’un nouvel influenceur algérien qui "appelait à commettre des actes violents sur le territoire français sur TikTok". Dans la foulée, Beauvau a précisé que cette nouvelle interpellation a eu lieu dans le XIIIe arrondissement de Paris, avant de se faire recadrer par le parquet de Paris. 



"À ce stade, rien n’est retenu contre la personne concernée, qui doit en outre suivre des soins. Elle n’est à cette heure pas en garde à vue", a expliqué le ministère public qui pris soin de rappeler à Bruno Retailleau que "seule l’autorité judiciaire est légitime à communiquer sur une affaire judiciaire en cours, et qu’une personne qui n’est pas jugée est présumée innocente", dénonçant une "fuite prématurée".


Dans son message, Bruno Retailleau avait appelé à "ne rien laisser passer". Une formule qu’il avait déjà employée le 16 janvier dernier, après l’annonce de l’arrestation d’un autre influenceur algérien : Mahdi B. Ce dernier avait été interpellé trois jours plus tôt, après un signalement à la plateforme Pharos. Le ministre disait là aussi que Mahdi B "vantait, en langue arabe, de vouloir commettre des actions violentes sur le sol français". Depuis, l’influenceur a été condamné à huit mois de prison et écroué. Au total, dans un contexte de fortes tensions entre Paris et Alger, notamment autour des dossiers du Sahara occidental et de l’incarcération de l’écrivain Boualem Sansal, au moins sept influenceurs algériens font désormais l’objet de signalements pour des appels à la haine sur TikTok. 


Parmi eux, le parcours de "Doualemn" - Boualem N. de son vrai nom - a été particulièrement médiatisé. Interpellé le 5 janvier à Montpellier, après que le maire de la ville et le préfet de l’Hérault ont signalé à la justice la publication sur TikTok d’une de ses vidéos, dans laquelle il appelait à la violence contre un manifestant algérien anti-régime, cet agent d’entretien de 59 ans, père de deux enfants, avait été expulsé le 9 janvier en Algérie, où il a été refusé. De retour en France le soir même, placé en centre de rétention administrative (CRA), il doit être jugé le 24 février pour "provocation publique à commettre un crime". Bruno Retailleau avait affirmé qu’en le renvoyant vers Paris, l’Algérie avait cherché à "humilier la France". De son côté, l’Algérie avait rejeté les accusations françaises "d’escalade" et "d’humiliation", en invoquant une "campagne de désinformation" contre Alger. 


Depuis le ministre de l’Intérieur a multiplié les déclarations dans les médias. Cette semaine il a accordé un long entretien à L’Express dans lequel il plaide pour dépassionner la relation, tout en défendant aussitôt "puisque la manière douce n'a pas suffi", la remise en cause de l'accord franco-algérien de 68, relatif aux conditions d'entrée en France des ressortissants algériens, qu'il estime "datés et déséquilibrés", la fin des facilités de voyage pour les dignitaires et de l'accord pour les soins en France. Dans le même entretien, Bruno Retailleau est revenu sur la question coloniale, estimant que "nous devons retrouver un regard équilibré sur cette période". "La colonisation, c'est bien sûr des pages sombres qu'il faut dénoncer, et nous l'avons fait. Il y a eu aussi, je le dis, des apports et des liens qui se sont créés" a-t-il affirmé. Jugeant inadmissible la façon "de plus en plus agressive" dont l’Algérie traite notre pays, le ministre de l’Intérieur a révélé "n’avoir aucun interlocuteur institutionnel" en Algérie et n’avoir pas consulté les autorités algériennes avant de placer dans l'avion l'influenceur Doualem.


Une interview qui a soulevé des interrogations et des critiques de la part des "ex" de la diplomatie française. Gérard Araud, ancien ambassadeur de la France aux Etats-Unis et en Israël, a tancé des "postures de matamore" étriquées : "Qu’il se taise ! Je sais qu’il satisfait ainsi une partie de son électorat mais qu’il pense à l’intérêt national. Ce n’est pas ainsi qu’on fait de la politique étrangère". L'ancien Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin a critiqué de son côté la "surenchère" du ministre de l'Intérieur sur l'Algérie et l’a invité à ne pas céder à "la tentation du règlement de comptes" car "ce n'est jamais dans l'escalade qu'on règle les crises". "Il y a un malentendu depuis le départ du ministre de l'Intérieur qui veut régler des questions qui ne se règlent que par la diplomatie" a-t-il tranché.


"Chacun est libre d’exprimer ses opinions ou de formuler des propositions. Mais c’est bien au Quai d’Orsay et sous l’autorité du président de la République que se forge la politique étrangère de la France", a de son côté affirmé lundi sur RMC-BFMTV le ministre des Affaires étrangères. Jean-Noël Barrot s’est également dit prêt à se rendre à Alger, estimant que "ni la France ni l’Algérie n’avaient intérêt à ce que s’installe une tension durable" entre elles. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a également appelé mardi sur France Inter à "refonder la relation" actuellement très tendue entre l’Algérie et la France, en regrettant "les dérives actuelles du gouvernement algérien". Il a par ailleurs exprimé "la compassion, l’empathie et le soutien" de la France envers l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, incarcéré depuis la mi-novembre en Algérie pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Ce jeudi le Parlement européen a adopté une résolution exigeant la libération immédiate de l’auteur franco-algérien âgé de 75 ans. 


Alors qui sont ces influenceurs ? Quelle relation avec l’Algérie ? Pourquoi cette montée des tensions entre Paris et Alger ? Que sait-on de l’arrestation de Boualem Sansal et de ses conditions de détention ?


Nous en parlerons ce soir dans #cdanslair à partir de 17h45 sur France 5. Posez-nous dès maintenant toutes vos questions sur Twitter avec le hashtag #cdanslair ou sur notre site : http://bit.ly/EmissionCdanslair.

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