samedi 25 janvier 2025

RPPRAC

 

 
Condamné à de la prison avec sursis pour violation de domicile et intimidation, Rodrigue Petitot est sorti de détention vendredi 24 janvier et a déjà appelé à « continuer le combat parce que la vie est encore plus chère ». La mobilisation se poursuit aussi au Parlement et devant le tribunal de commerce.




Cela n’a pris que quelques minutes avant que son image et sa parole ne se répandent à nouveau de façon virale sur les réseaux sociaux et dans la presse. En sortant de prison, avant d’aller effectuer une peine aménagée à son domicile, Rodrigue Petitot, dit le « R », a tenu un discours devant ses partisans galvanisés.

« Ce n’est pas une menace, ce n’est pas une intimidation : je demande à M. Manuel Valls de venir nous rencontrer afin qu’on puisse avoir de vraies réponses ! », exhortait le leader martiniquais du mouvement contre la vie chère, depuis le siège de l’association qu’il préside à Fort-de-France, le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC).

Visiblement pas découragé par le mois et demi de détention qu’il vient d’effectuer à la prison de Ducos, Rodrigue Petitot a appelé à « continuer le combat parce que la vie est encore plus chère ». Pour lui et ses partisans, rassemblés en nombre dans les rues de Fort-de-France et au QG du RPPRAC, ce vendredi 24 janvier était avant tout un jour de « libération ».

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Rodrigue Petitot lors d’un rassemblement contre la vie chère à Fort-de-France, 19 octobre 2024. © Philippe Lopez / AFP

Après deux jours de procès, Rodrigue Petitot a été reconnu coupable de violation de domicile, d’outrages et d’actes d’intimidation, pour s’être introduit dans la résidence préfectorale, le 11 novembre dernier. Le militant était venu demander une rencontre avec le ministre des outre-mer de l’époque, François-Noël Buffet, de passage sur l’île.

Le « R » « risquait vingt ans de prison et la juridiction n’a pas voulu abandonner toutes les préventions mais le plus important est qu’il recouvre la liberté ! », se félicite auprès de Mediapart un de ses avocats, Me Eddy Arneton. Condamné à un an de prison intégralement assorti du sursis dans cette affaire dite « de la résidence préfectorale », Rodrigue Petitot est pourtant loin d’être libre.

Condamné à dix mois de prison dans une autre affaire pour avoir tenu des propos assimilés à de l’intimidation d’élus, il effectuera sa peine à domicile, avec un bracelet électronique. « Nous espérons que cette décision mettra un terme au cycle de judiciarisation qui a été enclenché et sollicité par le ministre de l’intérieur, en violation du principe de séparation des pouvoirs judiciaire et exécutif », poursuit Me Arneton.

La sortie de prison de Rodrigue Petitot constitue-t-elle une victoire pour le mouvement contre la vie chère, lancé en Martinique en septembre dernier ? « Pas encore, répond MMax Bellemare, un des conseils de Rodrigue Petitot. Nous avons été entendus sur plusieurs points et notre client a été relaxé de plusieurs accusations, mais il y aura une victoire lorsqu’on aura modifié le système complètement et que les prix de nombreux produits auront été baissés. La finalité, c’est bien cela, une réduction sensible des prix. »

Signé en octobre dernier après les premières semaines de mobilisation et de blocage de supermarchés, un « protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère » a été paraphé par les opérateurs économiques, les services de l’État, les organisations syndicales et les élus locaux, à Fort-de-France. Le RPPRAC n’y a pas apposé sa signature, dénonçant un nombre trop faible de produits concernés et un impact limité sur les prix dans les rayons des supermarchés.

Au fil des semaines et jusque dans la parole du gouvernement, le débat s’est focalisé sur le rôle joué par le groupe Bernard Hayot (GBH), importateur, distributeur et acteur majeur de l’économie ultramarine, basé en Martinique. « J’en ai déjà parlé et je continue à le faire malgré les réactions et les pressions : certains grands groupes très performants ont un rôle d’étouffement économique dans les outre-mer », dénonçait par exemple le ministre des outre-mer, Manuel Valls, lors de l’examen de la proposition de loi socialiste contre la vie chère.

Un article de cette proposition de loi prévoit d’aggraver les sanctions contre les entreprises qui ne publient pas leurs comptes comme la loi les y oblige, passé un certain seuil.

Mis également en cause par une enquête journalistique de Libération pour ses « profits suspects » et la multiplication des intermédiaires – et donc des marges abusives via ses nombreuses filiales –, le groupe GBH s’est défendu à plusieurs reprises face à des commissions d’enquête parlementaires, devant le Sénat et l’Assemblée nationale. Sommé de publier ses comptes par des lanceurs d'alerte qui ont déposé plainte devant le tribunal de commerce de Fort-de-France, GBH affirme s’être conformé à ses obligations légales.

Prévue jeudi 23 janvier, l’audience consacrée à cette affaire a été reportée au 13 février prochain : le temps pour le tribunal d’analyser les documents qui lui ont effectivement été transmis, mais pas de quoi calmer la vindicte populaire, en particulier en raison de la collision avec le calendrier judiciaire du « R ». Lors de son allocution largement diffusée sur les réseaux sociaux, Rodrigue Petitot faisait référence à ce renvoi d’audience en expliquant que lui n’avait bénéficié d’aucune clémence ni d’aucun report dans l’examen de ce que lui reproche la justice.


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