vendredi 7 février 2025

À MON AVIS

 Les gens qui me lisent depuis un moment savent que je suis très sensible à la surmédicalisation de la violence. Actuellement, je lis beaucoup de gens écrire, au sujet de Trump, « il ne va vraiment pas bien cet homme », « il délire », « c'est un malade mental », « il est fou », « il faut le faire soigner », etc. 


Bien sûr, je comprends ce que les gens veulent dire, je ne suis pas ici pour gronder qui que ce soit. Mais je pense que l'usage de ce vocabulaire est profondément problématique et voici pourquoi. 


Selon moi, Trump va très bien.


 Je pense même qu'il n'a jamais autant joui de sa vie: il a un pouvoir immense, fait peur à tout le monde, est le centre de l'attention planétaire et est en voie d'avoir encore plus de pouvoir car il transforme les États-Unis en état autoritaire. Quand on est malade, on est souffrant et/ou incapable de fonctionner: il n'est ni l'un ni l'autre. Ses projets fascistes et expansionnistes ne sont pas du délire: il en a les moyens et il est parfaitement conscient de la portée de ses décisions. 


Le fascisme n'a rien à voir avec la maladie mentale ou le délire, c'est un enjeu politique et social, dont la violence est délibérée, consciente, et repose sur une absence d'empathie assumée envers la majorité au profit d'un petits groupes de privilégiés qui se considèrent supérieurs aux autres. 


Si on veut psychologiser des enjeux, le plus pertinent est de voir l'impact de la richesse et du pouvoir sur la psyché humaine. Je vous réfère à une étude menée par des psychologues de l’Université de Californie à Irvine. Ils invitaient deux personnes qui ne se connaissent pas à jouer à un jeu de Monopoly truqué, dans lequel un joueur était riche et un autre pauvre. Les joueurs riches recevaient deux fois plus d’argent que leur adversaire au début ; au cours du jeu, ils pouvaient lancer deux dés au lieu d’un et se déplacer sur le plateau deux fois plus vite que leur adversaire ; lorsqu’ils passaient la case « Go », ils collectaient 200 $ contre 100 $ pour leur adversaire. Inévitablement, les plus riches gagnaient. Mais quand on leur demandait à quoi ils attribuaient leur succès, la majorité occultait complètement leurs avantages de départ et les règles différentes pour les deux joueurs. Ils versaient plutôt dans une explication méritocratique, disant qu'ils jouaient mieux, et ne montraient pas d'empathie envers les perdants. 


Bref, le pouvoir amène la majorité des gens à se surestimer et à dévaloriser les autres, à perdre leur compassion. Pensez Gollum. Quand on regarde des types comme Trump et Musk, qui baignent dans la richesse, le pouvoir et les privilèges systémiques depuis le berceau, ce fait joue beaucoup. 


Il faut donc une organisation sociale et politique qui ne concentre pas un grand pouvoir dans les mains de quelques individus (ce qui est exactement le cas du capitalisme sauvage dans lequel on baigne) parce que, sauf exceptions, la psyché humaine n'est pas faite pour composer avec ce pouvoir sans devenir un enfoiré insatiable de plus de pouvoir, quitte à en devenir sanguinaire. 


Je fais aussi cette distinction démédicalisante parce qu'elle a un impact sur notre représentation de la conduite à tenir. Voir Trump comme malade amène les gens à considérer que la solution consiste à le remplacer par une personne moins "démente" ou à le soigner. Or Trump n'est pas soignable. 


Il est toutefois arrêtable.


En raison de l'impact du pouvoir sur la psyché humaine, il y aura toujours, peu importe l'époque, un risque qu'un petits groupes de gens privilégiés s'approprient toutes les richesses et le pouvoir. Ce n'est pas des soins aux individus qui peuvent l'empêcher mais des règles, des limites maintenues collectivement, ce qui constitue l'état de droit. Et si ces règles n'existent plus, la révolte des citoyens. 


Ce n'est donc pas des psychiatres ou des psychologues qui vont arrêter Trump, mais... vous. Vous comme citoyens. Par vos boycotts. Par vos manifestations. Et Dieu sait jusqu'où il faudra se rendre pour l'arrêter: guerre civile aux USA? Alliance des pays contre les USA? Je n'en sais rien et ça dépasse ma compétence. 


Ce que je sais, c'est que Trump va bien, qu'il est lucide, en pleine forme, qu'il s'en va là où il veut aller, que sa violence n'est pas de nature médicale, et que l'enjeu n'est pas de le soigner, mais de l'arrêter.


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Addendum ajouté suite aux nombreux commentaires « Oui, mais il a quand même un trouble de personnalité narcissique/psychopathique... ». Ma réponse: je  l'ignore et je m'en fous parce que c'est très peu pertinent. Je l'ignore parce que je ne l'ai pas évalué et que pour le déterminer, il faudrait que je sache en détails comment il se comporte dans sa vie personnelle. D'autre part, il y a plein de gens narcissiques et psychopathes dans la société et ils sont sur-représentés dans les sphères de prestige car ils le recherchent. Le problème plus important, selon moi, c'est que le pouvoir "narcissise" et "psychopathise" les gens car il les rend moins empathiques et plus prétentieux. Il y a eu un excellent documentaire qui a montré que les corporations se comportent exactement comme des psychopathes. Ce qu'il faut, c'est une structure sociopolitique qui empêche un petit nombre de gens d'avoir trop de pouvoir, car s'ils n'étaient pas déjà narcissiques et psychopathes au départ, leur pouvoir leur a possiblement enlevé leur compassion et leur humilité.

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