jeudi 6 février 2025

Arrêtons de dire que Trump est un «deal maker», c’est un mafieux – Libération




Avec l’Ukraine ou Gaza, le président américain ne pratique pas les méthodes du monde des affaires, comme il veut le faire croire, mais le chantage, la menace et la violence. L’UE ferait mieux de très vite le comprendre.
Donald Trump lors de sa rencontre avec le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, à la Maison Blanche (Washington), le 4 février. (Elizabeth Frantz/REUTERS)

publié aujourd'hui à 10h16
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Non, nous n’entrons pas dans une nouvelle ère des relations internationales. Il y a simplement un ogre politique, un vorace jamais rassasié, qui fait croire à la terre entière qu’il ne fait que transposer les méthodes du monde des affaires pour régler plus efficacement et promptement les problèmes de la communauté internationale. En réalité, il ne transpose pas les méthodes du monde des affaires mais celles de la mafia. Le président de la superpuissance militaire planétaire profite de sa position dominante pour pratiquer non pas le deal mais le deal sous menace. Ce que propose Donald Trump à Volodymyr Zelensky, pour continuer à soutenir l’effort de guerre et faire face à l’avancée russe, contre la promesse d’un accès privilégié des entreprises de la tech américaine aux réserves de terres rares qui se trouvent dans le sous-sol de son pays, ce n’est pas du deal, c’est de la menace. L’alternative offerte à l’Ukraine est de perdre la guerre. Quelle est la différence entre cette proposition et celle d’un caïd de quartier qui rentre dans un restaurant pour exiger du patron quelques liasses par mois et des repas à l’œil pour ses hommes de main, sous peine d’être attaqué par une bande censément rivale ? Dans la galerie des figures légendaires américaines, Donald Trump a plus à voir avec Al Capone qu’avec Rockefeller. Ses adjoints sont des trafiquants (Musk et ses algorithmes) ou des soumis (Zuckerberg et son revirement).

Pour Gaza, il en va de même. La rencontre entre Benyamin Nétanyahou, Marco Rubio et Donald Trump à Washington mardi 4 février avait moins à voir avec Yalta ou Camp David qu’avec le sommet d’Atlantic City organisé par Lucky Luciano, Johnny Torrio et Frank Costello en mai 1929 pour se partager les territoires de leur trafic d’alcool.

Ne pas faire affaire, le seul deal acceptable

Le projet, hors droit, hors convention, hors morale, hors humanité, visant à exiler de force 1,8 million de personnes («temporairement», dit Rubio aujourd’hui), terrasser leur pays détruit par son allié (son complice), pour y construire la Côte d’Azur du Moyen-Orient, n’est pas le fait d’un «deal maker» ni celui d’un super promoteur immobilier, mais juste d’un mafieux planétaire qui se défie de toutes les règles, de tous les cadastres, de toutes les propriétés, de tous les usages, pour le seul profit de ses propres affaires et de celles de ses obligés ou copains (les deux étant souvent indistincts en mafia).

En Europe, ceux qui se rassurent en prenant Donald Trump pour un deal maker, et pensent qu’il suffit de comprendre sa logique de commerçant et de hausser un peu le ton et que tout rentrera dans l’ordre, se fourrent la mitraillette à barillet dans l’œil. «Après tout, se disent-ils, nous sommes le premier marché du monde (450 millions de consommateurs plutôt riches), il faudra donc bien compter avec nous, Trump se calmera.» Mais, on ne deale pas avec quelqu’un qui vous menace. Le seul risque acceptable dans un deal digne de ce nom, c’est de ne pas faire affaire, et non d’être détruit ou affaibli. Arrêtons donc de dire à tout bout de champs que Donald Trump est un deal maker. C’est un mafieux… Alors que faire quand la mafia a pris en main le commissariat ? La réponse se trouve dans Serpico. S’unir pour forcer le retour du droit.

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