Trois ans après « Mourir peut attendre », James Bond est-il mort pour de bon ?
Aucun projet de suite n’est lancé plus de trois ans après la sortie de « Mourir peut attendre », le dernier opus avec Daniel Craig, diffusé ce dimanche soir sur France 2. En cause, des divergences entre Amazon, nouveau patron de la franchise, et les producteurs « historiques » conservant les « droits artistiques ».
James Bond reviendra-t-il un jour sur nos écrans ? Fin 2021, pour la première fois dans l’histoire de la franchise, le célèbre agent secret trouvait la mort dans « Mourir peut attendre » alors que l’acteur Daniel Craig tirait sa révérence. Trois ans plus tard, alors que le film est diffusé ce dimanche soir (21h10) sur France 2, fans et spécialistes de la saga se demandent si le personnage lui-même n’a pas disparu à jamais.
« Où est passé James Bond ? » titrait le Wall Street Journal fin décembre 2024. Le quotidien américain a révélé la crise profonde et inédite que traverse la franchise. Pas le moindre bout de scénario à l’horizon ni de casting à la recherche d’un nouveau 007, la production se retrouve au point mort.
En effet, le personnage inventé par Ian Fleming est devenu l’otage d’un conflit existentiel à Hollywood. Tout commence en 2021 alors qu’Amazon décide d’acquérir la légendaire « Métro-Goldwyn-Mayer », l’entreprise de distribution et productions de films de cinéma fondée en 1924.
Un catalogue époustouflant avec ses 4 000 titres, d’« Autant en emporte le vent » à « Thelma et Louise » et de séries cultes, 17 000 heures de programme au total. L’occasion pour la plate-forme de Jeff Bezos, Prime Video, de se faire une place à Hollywood. Amazon débourse plus de 8 milliards de dollars.
Et dans son escarcelle, le géant du commerce en ligne obtient les droits de distribution de la perle de la MGM, la franchise James Bond. Lancée en 1961, la saga de l’agent secret a déjà produit 25 longs métrages et rapporté 7,6 milliards de dollars au box-office. Amazon se frotte les mains.
Barbara Broccoli, la gardienne de l’avenir de 007
L’optimisme du géant du commerce en ligne va être rapidement douché par une famille de producteurs, Barbara Broccoli, la fille d’Albert Broccoli, le créateur de la franchise, épaulée par son demi-frère Michael G. Wilson, tous deux à la tête d’EON Production. S’ils sont restés impuissants face au rachat de la MGM, ils ont imposé que les futurs films soient distribués d’abord en salle
Surtout, la société de production EON détient les « droits artistiques » de James Bond, de l’écriture du scénario au choix des acteurs et du réalisateur en passant par les produits dérivés. Et Barbara Broccoli, Américano-britannique de 64 ans, entend jouer les gardiennes du temple. Dès sa plus tendre enfance, la fille d’Albert Broccoli a traîné ses guêtres sur les plateaux de cinéma, préparé les cafés, apprenant les ficelles du métier avant de se lancer dans le grand bain.
Une productrice de cinéma qui fonctionne, comme son père, « à l’instinct ». En 2006, elle révolutionne la saga en imposant un jeune comédien inconnu, aux antipodes du profil habituel de 007. Daniel Craig est blond et trapu et pourtant, le succès est immense. Sous la houlette de Barbara Broccoli et Michael G. Wilson, les cinq Bond version Daniel Craig seront les plus rentables de toute la série.
Cette femme respectée dans le monde du cinéma qui protège farouchement son héritage, les cadres d’Amazon vont se la mettre à dos dès leur première rencontre à Los Angeles, au printemps 2022. Ce jour-là, Jennifer Salke, la représentante de la plate-forme, qualifie James Bond de « contenu ».
Un terme communément employé sur les réseaux sociaux et plates-formes de streaming mais honni par les créateurs et les artistes. Entre Amazon et EON, deux visions de l’industrie du cinéma complètement différentes s’affrontent. Celle d’un Hollywood à l’ancienne qui se voit comme la haute couture du film et une entreprise dont le métier, ironisera Barbara Broccoli, consiste « à vendre de tout, du papier toilette ou des aspirateurs ». Mais pas du cinéma.
Ne pas s’éparpiller et se faire désirer : suivre les valeurs de la franchise
Amazon ? « De foutus connards ». Selon le Wall Street Journal, la productrice n’aura pas de mots assez durs. Ainsi, EON opposera son véto aux déclinaisons savamment concoctées par Amazon : une série autour du personnage de Moneypenny ou l’idée d’un James Bond au féminin. Implacable, Broccoli répond par la négative rappelant les valeurs qui ont fait le succès d’une franchise qui a traversé les époques : ne pas s’éparpiller et se faire désirer.
Ne surtout pas suivre l’exemple des studios Disney qui ont fortement dévalué la franchise Star Wars, en multipliant les déclinaisons, épuisant le thème jusqu’à la corde. Et de rappeler à Amazon la base du cahier des charges de la saga. L’espion préféré de sa Majesté est britannique et c’est un homme, il ne peut en être autrement.
Le choix capital du futur interprète de 007 résume le gouffre qui sépare les nouveaux partenaires. D’un côté, Amazon qui ne voit pas l’intérêt de recruter un acteur inconnu et préférerait s’appuyer sur une base de données pour sélectionner la star idéale. De l’autre, EON Production qui a toujours privilégié « instinct et prise de risque », Broccoli elle-même ayant toujours comparé le casting de 007, à la quête d’un « nouveau mari ».
Alors que plus de trois ans se sont écoulés depuis « Mourir peut attendre », la franchise se retrouve dans l’impasse, sans script et sans interprète. Pour tenter de renouer le dialogue, Amazon aurait récemment embauché une personne spécialement dédiée, afin de rétablir la communication avec la productrice.
« Mourir peut attendre » ? La suite de la saga aussi.
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